UN CONSTAT PARTAGÉ : LA LOI COPÉ-ZIMMERMANN A PROUVÉ SON EFFICACITÉ MAIS ATTEINT AUJOURD'HUI SES LIMITES
I. LA LOI A FAIT PROGRESSER LA PARITÉ DANS LA GOUVERNANCE DES PLUS GRANDES ENTREPRISES
A. LA PARITÉ A FORTEMENT PROGRESSÉ DANS LES CONSEILS D'ADMINISTRATION ET DE SURVEILLANCE DES PLUS GRANDES ENTREPRISES FRANÇAISES
Au cours de la table ronde 4 ( * ) organisée par la délégation le 21 janvier 2021 pour le dixième anniversaire de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, dite loi Copé-Zimmermann, les avis étaient unanimes pour dire que cette loi, qui fixe des quotas par sexe dans les conseils d'administration et de surveillance des grandes entreprises françaises, affiche de très bons résultats.
Cette loi a en effet constitué un tournant dans la féminisation des instances de gouvernance économique des grandes entreprises françaises .
Comme l'a souligné Marie-Jo Zimmermann devant la délégation le 21 janvier 2021, les conseils d'administration visés par la loi, sont le « coeur battant de l'entreprise » : « C'est au sein des conseils d'administration (...) que se dessinent et se décident les grandes lignes de conduite d'une entreprise. Il est donc essentiel que des femmes siègent au sein de ces instances qui sont des “ clubs d'hommes” ».
Marie-Jo Zimmermann a, en outre, constaté que, dix ans après le vote de cette loi, « les résultats, sur le plan statistique, des entreprises visées (CAC 40, SBF 120, sociétés de plus de 500 salariés, etc.) sont très bons, excepté pour une ou deux entreprises qui rencontrent des difficultés ».
Entrent dans le champ d'application initial de la loi les sociétés cotées ainsi que les sociétés non cotées qui emploient, pendant trois exercices consécutifs, 500 salariés permanents et qui présentent un montant net de chiffre d'affaires ou un total de bilan d'au moins 50 millions d'euros. Lors du vote de la loi en 2011, l'INSEE estimait à 2 000 le nombre de sociétés concernées.
La loi prévoit que les conseils des entreprises visées doivent être composés d'au moins 40 % d'administrateurs de chaque sexe. Cet objectif avait été fixé pour l'horizon 2017, avec un palier à 20 % en 2014. La loi précise en outre que si le conseil est composé de huit membres au plus, l'écart entre le nombre d'administrateurs de chaque sexe ne peut être supérieur à deux.
Ces objectifs de parité sont assortis d'un double dispositif de sanctions. D'une part, les nominations irrégulières au conseil d'administration ou de surveillance sont entachées de nullité. D'autre part, le versement des jetons de présence aux membres des conseils d'administration ou de surveillance à la composition irrégulière est temporairement suspendu.
L'application de la loi a contribué à faire voler en éclat l'inertie en matière de parité économique qui prévalait dans les instances dirigeantes des grandes entreprises françaises avant 2011 : le plafond de verre des conseils d'administration de ces structures a été brisé.
En effet, la diversité de genre s'est aujourd'hui imposée au sein des conseils d'administration des entreprises du SBF 120 , composé des 40 valeurs du CAC 40 et de 80 valeurs parmi les 200 premières capitalisations boursières françaises : en 2021, la part des femmes dans les conseils d'administration de ces entreprises s'élève ainsi à plus de 46 %.
Le quota de 40 % fixé par la loi et qui devait être atteint en 2017 a donc été largement dépassé pour atteindre une quasi-parité. Il s'agit d'un bond en avant majeur puisque ce taux n'était que de 8,5 % en 2007, de 14,8 % en 2011, au moment de l'adoption de la loi, et de 38 % en 2016, cinq ans après le vote de la loi.
Proportion de femmes dans les conseils
d'administration
et de surveillance des sociétés du SBF
120
Source : Ethics & Boards, mars 2021
Proportion de femmes dans les conseils
d'administration
et de surveillance des sociétés du CAC
40
Source : Ethics & Boards, mars 2021
La France se situe d'ailleurs au premier rang européen et mondial en termes de féminisation des conseils d'administration, loin devant l'Italie, la Suède, la Finlande ou l'Allemagne par exemple. Elle fait figure de modèle à l'échelle internationale.
Ainsi que le rappelait Chiara Corazza, directrice générale du Women's Forum for the economy and society , lors de la table ronde précitée du 21 janvier 2021, « aujourd'hui, [plus de 45 %] de femmes siègent dans les conseils d'administration en France, contre 36 % en Italie et 35 % en Allemagne. (...) Concernant les pays du G20, l'Australie affiche 31 %, l'Afrique du Sud 28 %. La Norvège, dont on vante pourtant la suprématie dans ce domaine, est à 40 % et la Suède à 37 %. La France fait donc mieux que tous les autres pays de l'OCDE ».
Proportion de femmes dans les conseils
d'administration
des grandes sociétés cotées en 2020 -
comparaisons internationales
Source : OCDE, chiffres 2020 5 ( * )
Source : Ethics & Boards , mars 2021
C'est un fait : les progrès les plus importants en termes de mixité dans les conseils d'administration des grandes entreprises cotées ont eu lieu dans les pays qui ont imposé des quotas . La France reste l'un des rares États à avoir adopté une telle législation contraignante, avec la Norvège qui a pris ce tournant dès 2003, l'Italie en 2011 et la Californie en 2018. A contrario , les pays réfractaires aux quotas, tels que le Japon ou la Chine, affichent des taux significativement bas de féminisation des instances dirigeantes de leurs entreprises, respectivement de 11 % et 13 % en 2020.
On constate également que les progrès sont d'autant plus significatifs que les contraintes imposées sont assorties de sanctions. Comme indiqué précédemment, la loi française a ainsi prévu le gel des « jetons de présence » ainsi que l'invalidation de toute nouvelle nomination si l'objectif n'était pas atteint. En Norvège, les sociétés n'atteignant pas les objectifs fixés peuvent être menacées de dissolution.
Enfin, lors de la table ronde de la délégation du 21 janvier 2021, Marie-Jo Zimmermann a également souligné l'importance du suivi statistique de l'application de la loi en saluant notamment le travail d' Ethics & Boards ainsi que celui de l' Association des femmes experts-comptables (AFEC) : « étant une inconditionnelle du rapport de situation comparée et des statistiques , je tiens aussi à remercier Floriane de Saint-Pierre, qui m'a beaucoup aidée. Présidente d' Ethics & Boards , elle m'a, en effet, transmis chaque vendredi, de 2011 à 2017, des statistiques très précises sur l'évolution de la place des femmes dans les conseils d'administrations des grandes entreprises ».
Elle a ajouté : « en 2013, Floriane de Saint-Pierre a également créé, avec Caroline de la Marnière, “ l'indicateur Zimmermann ” dont on présentait régulièrement le palmarès à l'Assemblée nationale. Lorsque les femmes n'étaient pas assez représentées dans certaines entreprises, j'organisais des conférences de presse avec des journalistes économiques (...), pour donner mauvaise conscience aux dirigeants de ces entreprises et surtout les stimuler ! C'est aussi grâce à ces actions que la loi a été suivie ».
* 4 Voir le compte rendu en annexe du présent rapport.