B. UN BILAN ENCORE DIFFICILE À ÉTABLIR DE L'ACTION DU « FAPDS » COMPTE TENU DE LA LONGUEUR DES PROCÉDURES D'INDEMNISATION

1. Des dossiers pour l'essentiel en attente, s'inscrivant dans des procédures souvent complexes

• D'après les données de la CCR, les recettes du FAPDS, issues des contributions forfaitaires annuelles des professionnels de santé libéraux collectées par les assureurs, sont en moyenne de 7,9 millions d'euros par an. Sa trésorerie s'établit à 69,6 millions d'euros en 2020. Les frais de gestion représentent en moyenne 2 % des contributions annuelles reçues par le fonds.

Au 31 décembre 2020, 61 dossiers sont en cours et 14 dossiers sont clos (dans lesquels le principe de l'intervention du fonds a été rejeté au contentieux).

35 % des dossiers en cours concernent l'obstétrique, 18 % la chirurgie orthopédique, 7 % l'anesthésie réanimation et 7 % la médecine générale ; d'autres spécialités de chirurgies sont moins représentées ; un seul dossier concerne des soins infirmiers.

Le montant des provisions relatives aux indemnisations des sinistres s'établit à 36 millions d'euros (soit un ratio provisions pour indemnisation / recettes cumulées de 51 % en 2020) :

- 59 % des provisions pour indemnisation sont au titre de l'épuisement du plafond de garantie, soit pour des sinistres supérieurs à 8 millions d'euros ; 11 dossiers en cours sont concernés ;

- 41 % de ces provisions sont au titre de l'expiration du délai de garantie.

La plupart de ces sinistres n'ont pas été indemnisés : les procédures judiciaires sont toujours en cours, tant sur le principe de la prise en charge de tout ou partie de l'indemnisation par le FAPDS que sur la fixation du montant des préjudices pour les victimes, faisant encore l'objet de demandes d'expertises. Pour les dossiers lourds, les données disponibles sont incomplètes, l'état des victimes n'étant pas toujours consolidé et les préjudices corporels impliquent des expertises successives et itératives.

Dans tous les cas, les dossiers potentiellement concernés par l'intervention du FAPDS sont souvent complexes et un délai très long (parfois plus de dix ou vingt ans) peut s'écouler entre la date de dépôt de la réclamation et le moment de l'estimation du montant total du sinistre ; l'indemnisation prend souvent la forme d'une rente et le FAPDS intervient seulement une fois que la garantie du professionnel auprès de son assureur est épuisée.

À fin 2020, seuls 40 195 euros d'indemnisations ont été effectivement versés par le FAPDS, au titre d'une seule affaire (dans un cas d'expiration de garantie subséquente) pour laquelle il a été condamné en première instance 9 ( * ) et dont il a décidé de faire appel.

• Une zone de friction entre assureurs et FAPDS sur le champ d'intervention de ce dernier concerne, comme dans ce dernier cas, l'application de la garantie subséquente à 5 ou 10 ans en cas de changement d'exercice (dans certains cas comme le passage d'une activité libérale à une activité salariée ou en cas d'arrêt de la seule activité d'obstétrique pour un gynécologue). Cela n'a toutefois pas de conséquence pour le praticien (ni pour la victime) puisqu'il s'agit juste de savoir qui - de l'assureur ou du FAPDS - doit prendre en charge l'indemnisation.

• Concernant la gestion du fonds, la CCR conteste sa légitimité comme gestionnaire d'un fonds public concernant un risque ne présentant pas de synergies avec son activité principale (la réassurance de catastrophes naturelles) et qui la place en situation de conflit potentiel avec les assureurs en étant plus proche de l'assurance directe que de la réassurance. Elle a signé en janvier 2017 une convention avec l'Oniam prévoyant la délégation à cet office de la gestion administrative des dossiers, qui n'a toutefois jamais été appliquée. Pour la direction actuelle de l'Oniam, cette convention, fondée sur une étude d'impact menée dans des « conditions dégradées », est devenue rapidement caduque car inadaptée, en décalage avec les moyens et les priorités d'actions de l'Office.

2. Des avancées dans la couverture des professionnels de santé en dépit de zones d'ombre : une évaluation délicate des rares situations individuelles échappant à l'intervention du FAPDS en raison de réclamations antérieures à sa date d'entrée en vigueur

La réforme conduite en 2012 avec la création du FAPDS et le relèvement des plafonds de garantie des contrats d'assurance à 8 millions d'euros par sinistre a contribué à améliorer la couverture des professionnels de santé les plus exposés aux risques médicaux.

Pour autant, cette réforme a-t-elle permis de mettre fin à toute situation résiduelle de « trou de garantie » pour des praticiens ayant régulièrement souscrit une assurance RC médicale ?

• Des représentants de praticiens ont attiré l'attention de la commission et du rapporteur sur la rémanence de cas individuels - évalués à une dizaine - dans lesquels la responsabilité des praticiens pourrait être engagée sur leurs deniers propres ou à l'encontre de leurs proches dans le cadre de successions, pouvant conduire à des situations de ruine personnelle.

Le principal cas de figure concernerait les situations dans lesquelles la réclamation a été portée par la victime avant le 1 er janvier 2012 ou en 2012 avant la date de conclusion, de renouvellement ou de modification du contrat d'assurance, soit avant l'entrée en vigueur du FAPDS prévue par la loi de finances de 2012.

Un autre cas de figure pourrait concerner un praticien ayant cessé toute activité avant 2012, dont le dernier contrat est établi sur la base des plafonds antérieurs (3 millions d'euros), et faisant l'objet d'une réclamation portée pendant la durée d'application de la garantie subséquente de dix ans susceptible d'entraîner une indemnisation supérieure à ce plafond. Il semble toutefois que ce cas de figure soit à ce stade seulement théorique.

• Les investigations conduites par le rapporteur n'ont pas permis d'affiner l'évaluation de ces cas individuels ni les montants d'indemnisation potentiellement impliqués, les procédures judiciaires étant a priori toujours en cours.

La CCR a confirmé que l'intervention du FAPDS avait été rejetée dans une dizaine de dossiers concernant des réclamations antérieures à 2012. Dans un seul cas, pour un contrat souscrit avant 2012 et une réclamation portée avant 2012, le sinistre était de nature à dépasser le plafond de garantie (alors de 3 millions d'euros) : le juge d'appel a confirmé que les conditions d'intervention du fonds n'étaient pas remplies 10 ( * ) . Il s'agirait de la seule situation de « trou de garantie » identifiée par la CCR dans le cadre judiciaire, d'après les informations communiquées. Deux demandes ont été par ailleurs rejetées dans un cadre amiable pour des réclamations antérieures à 2012 (sans que soit précisé le montant des sinistres impliqués).

L'Oniam a indiqué de son côté n'avoir aucune connaissance de telles situations. L'Office n'a d'ailleurs donné aucune indication sur la nature, le volume ou le bilan des actions récursoires qu'il peut engager quand il se substitue à l'assureur ou au praticien en l'absence de proposition d'indemnisation dans un délai de 4 mois, en cas de défaut ou d'expiration de l'assurance.

La FFA a également indiqué ne pas avoir connaissance de ces situations.

Les seules données disponibles en lien avec ce sujet concernent des dossiers plus anciens, tous antérieurs à la création du FAPDS et pour certains antérieurs à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi Kouchner (qui s'appliquent, comme celles relatives au FAPDS, aux activités réalisées à compter du 5 septembre 2001). Ainsi le dernier rapport de l'observatoire des risques médicaux retraçait en 2015 les accidents impliquant plus de 2 millions d'euros d'indemnisation : parmi les dix à douze dossiers impliquant un acte fautif d'un professionnel de santé libéral, trois dépassaient les 3 millions d'euros d'indemnisation, le sinistre le plus lourd (7,6 millions d'euros) impliquant un obstétricien pour un acte réalisé en 1993, une réclamation portée en 2001 et un règlement du sinistre intervenu en 2013. D'après ce rapport, toutes causes (acte fautif ou non) et tout acteur (professionnel ou établissement de santé) confondus, seuls 6 dossiers par an, de 2012 à 2014, impliquaient un montant global indemnisé supérieur à 2 millions d'euros.


* 9 Jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer du 20 octobre 2020.

* 10 Arrêt de la Cour d'appel de Paris du 14 février 2019.

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