C. MALGRÉ LES EFFORTS DÉJÀ ENGAGÉS, IL EST URGENT DE RÉDUIRE L'IMPACT ENVIRONNEMENTAL DU TRANSPORT DE MARCHANDISES POUR TENIR NOS OBJECTIFS DE DÉCARBONATION
1. Le transport routier de marchandises (TRM) génère de réelles externalités négatives environnementales
Les transports (voyageurs et marchandises) sont, en France, à l'origine de 31 % des émissions de gaz à effet de serre : les 33 millions de voitures particulières y contribuent pour moitié, les 530 000 poids lourds de transports de marchandises d'environ 20 % et les 6,2 millions de camionnettes de 21 % 16 ( * ) , comme le décrit le schéma ci-dessous transmis par France Nature Environnement (FNE).
Le Haut Conseil pour le climat souligne la situation problématique des transports au regard de l'impact environnemental : « le secteur des transports est le seul secteur en France dont les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté depuis les années 1990 » 17 ( * ) . La Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) précise que le transport de marchandises fait figure d'exception : alors que l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) a baissé de 5 % depuis 2015 et que celles du transport ont baissé de 2 %, les émissions liées au transport de marchandises ont augmenté de 6 %.
Un progrès mérite d'être relevé cependant : l' intensité des émissions de gaz à effet de serre des transports routiers a diminué , comme l'indique le graphique ci-dessous, sous l'effet de l' amélioration de la performance des véhicules et du renouvellement du parc .
Source : Ministère de la transition écologique.
Au-delà des émissions de gaz à effet de serre, le transport routier de marchandises génère d'autres formes d' externalités négatives :
- émissions de polluants atmosphériques. D'après FNE 18 ( * ) , le transport routier est responsable de 56 % des émissions de dioxyde d'azote en France. Les valeurs limites de concentration de certains polluants atmosphériques sont dépassées de manière chronique dans de nombreux territoires, conduisant à des condamnations de la France 19 ( * ) . Ces polluants, qui peuvent avoir des impacts considérables sur la santé, sont également responsables de la pollution de certains sols ;
- nuisances sonores ;
- congestion routière ;
- dégradations de la voirie préoccupantes. On estime que le passage d'un poids lourd de 13 tonnes sur la chaussée équivaut au passage de 10 000 véhicules légers 20 ( * ) . Cette situation peut être particulièrement coûteuse pour les collectivités compétentes en la matière ;
- artificialisation de certains sols 21 ( * )
- insécurité routière et accidents de la route . D'après l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), les accidents impliquant un poids lourd sont particulièrement graves, mortels dans 13 % des cas, contre 5 % pour les accidents sans poids lourd 22 ( * ) .
La valorisation de ces externalités est particulièrement complexe. Comme le relève le professeur M. Michel Savy, « la manière de définir et a fortiori de mesurer les externalités du transport routier donne lieu à des recherches et à des débats sans fin entre experts (avec de forts enjeux économiques et politiques sous-jacents) : il n'y a pas de réponse consensuelle à la question ».
Le tableau ci-dessous détaille les coûts externes , prélèvements et subventions du transport de fret selon les modes, en centimes d'euro à la tonne par kilomètre en euro 2015.
Source : Commissariat général au
développement durable, décembre 2020,
Mobilités -- Coûts externes et tarification du
déplacement
.
Comme le relève le Commissariat général au développement durable (CGDD), « les coûts marginaux externes (ainsi que les prélèvements) sont sensiblement plus élevés pour le mode routier que pour les modes alternatifs, ferroviaire et fluvial . Dans les trois cas, les coûts marginaux externes sont supérieurs aux prélèvements. »
Le tableau ci-dessous distingue les coûts externes et les prélèvements marginaux pour les poids lourds, selon qu'ils empruntent le réseau concédé ou le réseau non concédé.
Source : Commissariat général au
développement durable,
décembre 2020,
Mobilités -- Coûts
externes et tarification du déplacement
.
Les coûts marginaux externes sont inférieurs aux prélèvements sur le réseau d'autoroutes concédées, alors qu'ils sont supérieurs sur le réseau sans péage. D'après le CGDD, ce constat sur le réseau concédé « est lié au principe des péages autoroutiers qui ont été conçus pour couvrir non seulement les coûts marginaux d'usage, mais aussi les coûts fixes d'infrastructure, notamment ceux relatifs à leur construction, qui ne sont pas comptabilisés dans cette analyse marginale. »
2. Les efforts déjà engagés doivent être amplifiés pour atteindre nos objectifs de décarbonation
Les acteurs de la chaîne logistique sont d'ores et déjà mobilisés pour réduire l'empreinte environnementale du transport de marchandises . Il faut d'abord préciser, comme le rappelle justement France Logistique dans sa contribution écrite, que l'économie des ressources est au coeur des métiers du transport de marchandises et de la logistique . La valeur ajoutée de ces métiers repose en effet sur « leurs capacités à optimiser les mouvements et donc réduire leurs impacts en m 2 et en km. » 23 ( * )
D'une part, s'agissant des émissions de polluants atmosphériques , l'entrée en vigueur de normes « Euro » 24 ( * ) de plus en plus strictes conduit les transporteurs à s'équiper de véhicules moins polluants à l'occasion du renouvellement de leur parc.
D'après la FNTR, deux points illustrent la volonté des transporteurs de réduire leur impact environnemental :
- la consommation de carburant a diminué de 9 % en 10 ans ;
- les transporteurs routiers sont de plus en plus nombreux à s'orienter vers des motorisations alternatives (gaz naturel véhicules [GNV] et biocarburants) 25 ( * ) .
D'autre part, en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, le programme d'Engagements Volontaires pour l'Environnement (EVE) permet aux transporteurs de marchandises (dispositif « Objectif CO 2 »), chargeurs (dispositif « Fret 21 ») et aux commissionnaires de transport (dispositif « EVCOM ») de s'engager pour agir durablement sur leur impact environnemental et valoriser leur performance énergétique. Après une auto-évaluation et un diagnostic, l'entreprise établit un plan d'action personnalisé avec l'aide d'un chargé de mission régional et signe une charte d'engagements pour 3 ans 26 ( * ) . Cette démarche va dans le bon sens : d'après le bilan du programme EVE 2018-2020, ce dispositif a permis de sensibiliser près de 4 000 entreprises, parmi lesquelles 946 se sont engagées 27 ( * ) . Le gain global est estimé à une réduction de 829 000 tonnes de CO 2 chaque année.
Ces efforts doivent néanmoins être poursuivis et amplifiés pour atteindre l'objectif de décarbonation complète du secteur des transports terrestres d'ici à 2050 fixé à l'article 73 de la loi d'orientation des mobilités (LOM).
* 16 Y compris les VUL utilisés pour compte propre qui n'assurent pas exclusivement du transport de marchandises (artisans, professionnels du bâtiment, etc.). Malheureusement, les émissions de GES par les VUL dédiés au transport de marchandises n'ont pas fait l'objet d'une quantification particulière.
* 17 Haut Conseil pour le climat, juillet 2020, Rapport annuel 2020 : Redresser le cap, relancer la transition .
* 18 Réponses au questionnaire de la mission d'information.
* 19 Par exemple, Conseil d'État 10 juillet 2020, association les amis de la terre et autres et Cour de justice de l'Union européenne, Commission européenne contre France, 24 octobre 2019, C-636/18.
* 20 Source : CEREMA.
* 21 Parmi les 3 % de la surface métropolitaine consacrée aux infrastructures de transport, 79 % des surfaces sont dédiées aux routes et autoroutes d'après FNE. Ces infrastructures ont notamment pour effet de perturber le cycle de l'eau.
* 22 Bilan 2019 de la sécurité routière .
* 23 Réponse de France Logistique au questionnaire de la mission d'information.
* 24 La Norme Euro a été introduite en 1988 par l'Union européenne pour les véhicules lourds (norme Euro 0 à VI), dans l'objectif de limiter les émissions de polluants (NOx, CO, HC et particules fines) liées aux transports routiers. Elle fixe des normes de plus en plus contraignantes pour les constructeurs, qui sont dans l'obligation de mettre sur le marché des véhicules moins polluants. Tous les véhicules neufs doivent désormais être conformes à la norme Euro VI, en application du règlement n° 595/2009 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009.
* 25 Néanmoins, ce choix reste pour l'heure marginal : le GNV, qui est la motorisation alternative la plus fréquemment utilisée, représente seulement 0,6 % du parc d'après la DGITM.
* 26 Réponses de l'Ademe au questionnaire de la mission d'information.
* 27 Les engagements de réduction d'émissions de gaz à effet de serre sont de 8,22 % en moyenne.