N° 601

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 mai 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le patrimoine culturel immatériel ,

Par Mmes Catherine DUMAS et Marie-Pierre MONIER,

Sénatrices

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mmes Laure Darcos, Catherine Dumas, M. Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Michel Savin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Abdallah Hassani, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Claude Kern, Michel Laugier, Mme Claudine Lepage, MM. Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean  Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, François Patriat, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .

AVANT-PROPOS

Si la France a saisi depuis plus de deux cents ans l'importance de conserver certains éléments de son patrimoine monumental pour les transmettre aux générations futures, la prise de conscience de la nécessité de prendre des mesures pour assurer la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) est intervenue beaucoup plus tardivement.

Nonobstant des actions antérieures, telle la création du Musée national des arts et des traditions populaires en 1937 ou la mise en place d'une mission du patrimoine ethnologique au sein du ministère de la culture au début des années 1980, c'est la Convention de l'Unesco du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui a véritablement stimulé les politiques du PCI en France . Elle a conduit à réorienter l'action publique en matière de PCI, dont la finalité était jusque-là principalement scientifique et pédagogique, en direction de la sauvegarde. En 2016, dans le cadre de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, le législateur a d'ailleurs intégré les éléments du PCI dans la définition de la notion de patrimoine donnée à l'article L. 1 du code du patrimoine.

Cette prise en compte tardive du PCI est d'autant plus étonnante que ses éléments sont pourtant des marqueurs de l'identité de notre pays ou de ses différents territoires au même titre que les biens mobiliers et immobiliers . Mais, à la différence de ces biens, qui forment le patrimoine matériel, le PCI n'est pas constitué d'éléments tangibles. Ce sont des pratiques, des connaissances, des savoir-faire, des expressions ou des représentations qui sont liés aux personnes et à leurs traditions vivantes . Ils sont donc extrêmement fragiles et susceptibles de disparaître si rien n'est fait pour maintenir la communauté de praticiens ou assurer leur transmission. La crise sanitaire pourrait d'ailleurs les avoir particulièrement affectés, dans la mesure où ils reposent, par essence, sur les interactions humaines.

Ces constats ont conduit la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à juger opportun de dresser un bilan de la protection du PCI en France et de formuler des recommandations qui permettraient d'améliorer et de favoriser sa sauvegarde. La vitalité du PCI constitue en effet un enjeu important pour contribuer à la cohésion et au développement des territoires , mais aussi préserver la diversité culturelle et faciliter l'exercice des droits culturels . C'est pourquoi le PCI devrait être appelé à jouer un rôle croissant sur nos territoires.

I. LES MODALITÉS DE LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL

A. QU'EST-CE QUE LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL ?

1. La définition

La convention de l'Unesco de 2003 définit le PCI comme « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - » qu'une communauté humaine reconnaît comme faisant partie de son patrimoine culturel parce qu'elles lui procurent un sentiment d'identité et de continuité . Si cette définition est parfois critiquée pour son caractère flou, elle a volontairement été conçue de manière large pour s'adapter aux spécificités locales et ainsi mieux permettre de préserver la diversité culturelle à travers le monde.

Ce qui différencie le PCI du patrimoine matériel, c'est qu'il s'agit d' un patrimoine vivant , ce qui signifie qu'il reste pertinent après avoir été transmis de génération en génération. Il s'agit également d'un patrimoine dynamique , dans la mesure où il évolue sous l'effet de son adaptation permanente à l'époque et à l'environnement dans lequel il est pratiqué.

S'il comprend des traditions héritées du passé à la condition qu'elles soient toujours en vie, il peut aussi inclure des pratiques rurales et urbaines contemporaines, propres à divers groupes culturels. Plusieurs éléments inscrits sur l'inventaire national du PCI correspondent à des pratiques importées par des communautés étrangères vivant en France (le défilé du Dieu Ganesh, la fête du printemps ou nouvel an chinois, le Norouz ou nouvel an persan, le Yennayer ou nouvel an berbère, la Slava ou fête orthodoxe serbe du saint patron...).

2. Les différentes catégories

La convention répartit les éléments de PCI en cinq grandes catégories :

- les traditions et expressions orales , y compris les langues : contes, légendes, mythes, poèmes épiques, représentations théâtrales, chants comme le Cantu in paghjella ;

- les pratiques sociales, rituels et événements festifs , qui renvoient à des activités coutumières qui structurent la vie des communautés, qu'elles soient pratiquées en public - à l'image des fêtes (fêtes des bouviers et des laboureurs de la Drôme), carnavals (carnaval de Granville) ou processions (ostensions septennales limousines) - ou dans le cercle privé, comme le repas gastronomique des Français ;

- les savoirs et pratiques relevant des arts du spectacle , notamment la musique, la danse et le théâtre traditionnels ;

- les savoir-faire artisanaux , à l'image de la tapisserie d'Aubusson, du savoir-faire de la dentelle au point d'Alençon, de l'art de la construction en pierre sèche, mais aussi du compagnonnage qui constitue un mode de transmission des savoirs et savoir-faire ;

- ainsi que les connaissances et les pratiques en lien avec la nature et l'univers , qui peuvent comprendre des savoirs écologiques traditionnels, des savoirs autochtones, des savoirs relatifs à la flore et la faune locales, des médecines traditionnelles, des rituels, croyances, rites initiatiques, cosmologies, chamanisme, rites de possession, organisation sociale, festivités, langues ou arts visuels. L'équitation de tradition française, qui constitue un art de monter à cheval se fondant sur une relation harmonieuse entre l'homme et l'animal, ou les parfums liés au pays de Grasse, qui nécessitent des connaissances sur la culture des plantes à parfum et leur transformation, entrent dans cette catégorie.

La plupart des éléments de PCI relèvent de plusieurs catégories , comme l'illustre l'exemple du fest noz , qui est un rassemblement festif basé sur la pratique collective des danses traditionnelles de Bretagne, soutenues par des chants ou des musiques instrumentales.

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