CONCLUSION

L'alerte sur les produits à base de sésame doit servir de leçon : aujourd'hui, les défaillances des contrôles officiels sur les denrées alimentaires importées sont trop importantes.

Compte tenu des manquements constatés sur les graines de sésame, rien ne garantit que des problèmes similaires ne sont pas rencontrés sur d'autres denrées végétales.

Si les autorités ne parviennent même pas à lutter efficacement contre l'usage des substances interdites au niveau européen, il est par conséquent matériellement quasi impossible d'assurer le respect des interdictions strictement françaises. Cela interroge sur leur portée.

Avec les moyens actuels, il apparaît encore plus illusoire de contrôler que les denrées animales importées de pays tiers respectent les normes de production exigées au niveau européen. Comment en effet contrôler efficacement la non-utilisation d'OGM, d'hormones de croissance ou de farines animales tout au long de la vie de l'animal élevé à l'étranger ?

Aux termes de l'article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime, l'autorité administrative « prend toutes mesures de nature à faire respecter l'interdiction ». Nous constatons avec cette affaire sur les graines de sésame que cette obligation, l'État ne la remplit pas.

La commission appelle, par conséquent, à sortir de la naïveté et à une plus grande vigilance européenne et française sur les denrées alimentaires importées.

Au-delà du cas d'espèce, qui concerne des graines qui ne sont pas produites dans l'Union européenne, les défaillances constatées amènent deux réflexions prospectives.

D'une part, la multiplication des interdictions des substances actives au niveau français, dans un délai très bref, souvent sans étudier l'existence de mesures alternatives réalistes, s'apparente, dans ces conditions, le plus souvent à une double peine : pour les producteurs qui ne peuvent plus utiliser du jour au lendemain certains produits et courent, dans la compétition internationale, avec un boulet aux pieds ; pour les consommateurs, qui pensent être à l'abri de la consommation de ces substances, sans savoir qu'ils en consomment dans les denrées importées qui se substituent aux denrées produites sur le continent européen.

Au regard de ce bilan très mitigé, y compris pour l'environnement compte tenu des importations induites, il semblerait plus sage de préférer, à ce sprint médiatique de l'interdiction imposée à court terme, une course de demi-fond privilégiant un accompagnement global des producteurs agricoles en faveur d'évolutions rapides et réalistes, appuyées sur des expertises agronomiques, scientifiques et techniques. Les agriculteurs européens sont eux-mêmes les principaux promoteurs de ces évolutions rapides, compte tenu du coût important des intrants dans leur bilan d'exploitation. Il convient de ne pas l'oublier. En parallèle, des négociations internationales offensives sur les secteurs agricoles et des contrôles renforcés aux importations doivent permettre d'atteindre un juste équilibre.

D'autre part, multiplier, surtout en France 33 ( * ) , des décisions d'affichage politique sans en assurer, en même temps, la pleine applicabilité par des contrôles renforcés sur les denrées importées, qui plus est en multipliant la signature d'accords de libre-échange renforçant le poids de la concurrence déloyale pour les agriculteurs européens, n'est pas acceptable. Aujourd'hui, les autorités ne sont pas au rendez-vous du défi des importations alimentaires. Si les événements poursuivent inexorablement leur cours, c'est l'avenir de l'agriculture française et européenne qui est en jeu. Compte tenu des enjeux sanitaires, économiques et de souveraineté que cette question pose, il est urgent de se ressaisir.


* 33 La France est la championne des surtranspositions, alors que la seule échelle acceptable pour que ces mesures soient effectives, si les contrôles aux importations sont renforcés, est bien entendu l'échelle européenne.

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