IV. LE SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ (SMA), UN DISPOSITIF TRÈS EFFICACE À PRÉSERVER

Dédié à l'insertion socio-professionnelle des jeunes Guyanais âgés de 18 à 25 ans, le SMA de Guyane a été créé en 1961. Il s'adresse à des jeunes en difficulté, en décrochage, ainsi qu'à de très jeunes mères célibataires. Il obtient un taux d'insertion dans l'emploi remarquable, supérieur à 75 %.

Encore davantage qu'en métropole, les jeunes souffrent en Guyane d'une réelle difficulté d'insertion dans l'emploi. Un jeune sur trois est au chômage, 43 % ne sont ni en emploi ni en formation. Le SMA propose 21 formations d'une durée de 6 à 12 mois, réparties sur les sites de Cayenne et de Saint-Jean du Maroni. La mission a visité la compagnie de Cayenne, qui regroupe les formations relatives aux métiers du secteur tertiaire et aux permis de conduire. Le SMA de Guyane a un programme spécifique pour les Amérindiens des communes de l'intérieur, frappés par un fort taux de suicide. Le régiment accueille une promotion d'Amérindiens par an (15 jeunes). Ces volontaires suivent un parcours de formation professionnelle multi-techniques de 10 mois. Le SMA accueille 710 bénéficiaires chaque année, 570 en formation (volontaires stagiaires) auxquels s'ajoutent 140 cadres intermédiaires qui sont des volontaires techniciens, souvent d'anciens stagiaires du SMA, tous servant sous statut militaire. Cette plate-forme a de multiples partenaires économiques et associatifs : Medef, entreprises, collectivités locales, etc.

Le budget se décompose en 6,5 M€ de fonctionnement (financé par les fonds européens), 1,9 M€ d'investissement et 16 M€ de masse salariale financés par le ministère des outre-mer. Les résultats du SMA sont remarquables. La commission sera vigilante, si le SNU est généralisé, à ce que le SMA ou d'autres services nationaux comme le SNV (service national volontaire) ne soient pas déstabilisés .

V. L'OPÉRATION POLPÈCHE : LA PRÉSERVATION INDISPENSABLE DE LA SOUVERAINETÉ FRANÇAISE

L'opération POLPECHE est menée par les forces armées, essentiellement la Marine, en association avec les affaires maritimes, les douanes et la gendarmerie, pour lutter contre le pillage des ressources halieutiques en Guyane .

À l'échelle mondiale, près de 20 % des poissons sont pêchés illégalement, ce qui représente pour l'économie mondiale des pertes entre 26 et 50 milliards de dollars. La menace sur les ressources halieutiques de Guyane vient des pêcheurs brésiliens et surinamiens. Au Brésil il y a en effet 30 pêcheurs par kilomètre de côte, au Suriname, 60 et en Guyane, un seul ! Le commerce des vessies natatoires, en particulier, est une catastrophe pour la biodiversité. Considérées comme aphrodisiaques, elles se négocient à Hong Kong à 1 000 € le kilo, contre 2-3 € le kilo de prix de vente du poisson en Guyane. Il faut 30 kg de poisson pour extraire 1 kg de vessie natatoire, les poissons morts étant rejetés à l'eau après prélèvement.

Aux acteurs « traditionnels » de la pêche illicite sont venus s'ajouter les Vénézuéliens. En 2020, 45 navires vénézuéliens bénéficient d'une licence attribuée par l'UE, mais cette pêche légale vénézuélienne se double d'une pêche illégale (jusqu'à 10 pêcheurs vénézuéliens par jour dans la ZEE française). En outre, dans un avenir proche, la Guyane pourrait être confrontée à une pêche illégale chinoise, comme le laisse penser la présence de pêcheurs chinois dans les eaux du Suriname ou à quelques milles nautiques au-delà de la ZEE. La stratégie chinoise est globale et bien connue : déploiements de flottilles dans tous les océans, accompagnés d'investissements portuaires permettant le traitement et la distribution du produit de la pêche.

La mer étant dangereuse et vaseuse en Guyane, il n'y a pas chez les habitants de Guyane de culture de la pêche ; les quelques bateaux de pêche guyanais sont possédés par des armateurs, avec des équipages surinamais ou brésiliens, mal payés, ce qui n'est pas incitatif ; il n'y a donc pas de filière « pêche ». Protéger les ressources françaises constitue un enjeu économique mais aussi de souveraineté : suivant l'adage bien connu : « ce qui n'est pas surveillé est pillé, ce qui est pillé finit toujours par être contesté. » La Marine défend donc un pré carré qui est sous-exploité par ses propres nationaux, et sur exploité par ses voisins. Selon le préfet du Morbihan, ancien préfet de Guyane, des filières pêches pourraient être structurées, à condition qu'il y ait une réelle volonté des responsables guyanais.

L'action des forces armées est centrée sur l'observation des activités de pêches, l'interrogation des navires, la vérification des journaux de bord, des engins de pêche et le contrôle des maillages, l'appréhension des navires, matériels et produits de la pêche. Il y a deux types d'action : la surveillance quotidienne et des opérations coups de poing, souvent par des fusiliers marins . Ceux-ci doivent faire face à des actes violents, en particulier de la part des pêcheurs brésiliens : dispositifs anti-abordage (dont des tridents), jets de matériel en tout genre (plombs, planches de bois, bouteille de gaz, etc.) sur les équipes de visite, voire utilisation de sabres. Ainsi, seules les opérations de police des pêches renforcées par des unités aptes à l'assaut-mer (opération MOKARRAN avec des commandos marine ou des fusiliers marins, opération MAKO avec des gendarmes maritimes) permettent l'intervention sur ces pêcheurs non coopératifs. Le nombre d'opérations renforcées vise ainsi à maintenir une pression permanente et dissuasive.

Dans une stratégie globale interministérielle, les opérations de POLPECHE aboutissent à un traitement judicaire, avec de lourdes peines prononcées (prison ferme dans certains cas). Il faut toutefois veiller à ce que ces opérations n'engendrent pas des prises de risques démesurées au regard des enjeux. Une nouvelle procédure, dite de « dissociation » est testée, qui vise à ne ramener à terre pour les judiciariser que les pêcheurs les plus violents. Le traitement est plus léger mais les peines peuvent être lourdes et dissuasives.

En 2019, ce sont au total, sur l'ensemble de la ZEE française, 20 000 heures de mer (soit plus de 839 journées de 24 h) et 578 heures de vol qui ont été consacrées par la Marine nationale à la police des pêches . 254 contrôles de pêche ont été réalisés outre-mer, dont 150 ont débouché sur une sanction, soit un taux d'infraction de 59 %. En Guyane plus spécifiquement, le bilan de POLPECHE s'élève à 169 contrôles, 24 déroutements et 62 traitements administratifs, 27 raccompagnements à la frontière. 255 km de filets ont été saisis, qui sont remontés par une embarcation originale, dite « remonte filets ». 1 tonne de vessies natatoires et 80 tonnes de poissons ont été saisis. En novembre 2020, les FAG ont mené une importante opération, qui a permis de saisir plus de 37 tonnes de poissons et 209 kg de vessies natatoires.

Comme les marins sur place l'ont fait valoir, cette action sans cesse recommencée s'apparente à un « acte de foi ». Mais elle est essentielle pour défendre la souveraineté française.

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