C. LES PROPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES DU GROUPE DE TRAVAIL EN VUE DU PLAN DE SOUTIEN AU RÉSEAU
Le réseau de l'enseignement français à l'étranger constitue un atout exceptionnel pour le rayonnement de la langue, de la culture et de la diplomatie d'influence française .
Face à l'ampleur de la crise qu'il traverse, le groupe de travail estime qu'il y a urgence à agir, en apportant une réponse d'ensemble, coordonnée, ambitieuse et dotée de moyens adaptés.
C'est pourquoi, en vue du plan de sauvegarde annoncé par le Gouvernement, et au-delà des remarques qu'il a formulées sur les deux mesures annoncées le 30 avril dernier, le groupe de travail souhaite mettre en avant plusieurs recommandations complémentaires .
1. Réguler le niveau des frais de scolarité
Si le mouvement de contestation des frais de scolarité de ces dernières semaines est d'abord lié à une conjoncture exceptionnelle, il révèle aussi un problème structurel, celui du niveau de ces frais .
Le constat est bien connu : les montants moyens des frais de scolarité dans le réseau français, s'ils demeurent deux à trois fois inférieurs à ceux des autres systèmes scolaires internationaux, ont sensiblement augmenté au cours des dernières années . Entre 2012 et 2019 , ils sont ainsi passés de 4 290 euros à 5 658 euros en moyenne, soit une hausse de 31,9 % . En détaillant par statut d'établissement, pour l'année 2019-2020, les frais de scolarité par élève se sont élevés à 12 ( * ) :
• 4 584 euros en moyenne dans les établissements en gestion directe ;
• 6 042 euros en moyenne dans les établissements conventionnés ;
• 5 852 euros en moyenne dans les établissements partenaires.
Cette augmentation masque toutefois de grandes disparités selon les zones géographiques, le statut des établissements, et même selon la nationalité des élèves . Si la scolarité est gratuité dans certains établissements, pour des raisons essentiellement historiques (en Allemagne, par exemple), les frais peuvent atteindre plusieurs milliers voire plusieurs dizaines de milliers d'euros dans d'autres. L'écart est ainsi flagrant entre le lycée français de Tananarive, où la scolarité est inférieure à 10 000 euros et le lycée français de New York, où la scolarité se chiffre à plus de 30 000 euros. De plus, les modalités de détermination des frais de scolarité varient selon le statut de l'établissement : pour les EGD, les frais de scolarité sont déterminés par le directeur de l'AEFE, sur proposition de l'établissement ; pour les établissements conventionnés et partenaires, les frais de scolarité sont librement fixés. Enfin, les frais de scolarité peuvent être modulés en fonction de la nationalité des élèves. Ainsi, hors de l'Union européenne, les élèves de nationalité française sont parfois bénéficiaires de tarifs plus favorables que les élèves de nationalité étrangère.
La hausse des frais de scolarité doit aussi être mise en regard de la baisse de la part des crédits publics , composés de la subvention pour charges de service public et de l'aide à la scolarité (bourses), dans les recettes de l'AEFE. Aujourd'hui, les frais de scolarité assurent entre 60 % et 70 % du financement de l'AEFE, contre 52 % en 2012.
L'alourdissement de la charge que représente le paiement des frais de scolarité pour les familles, dont le caractère inégalitaire vient aggraver leur mécontentement, ne peut perdurer.
L'AEFE n'est certes pas en mesure d'imposer une égalité générale et absolue des frais de scolarité dans les établissements : elle n'agit en effet directement que sur les seuls établissements en gestion directe et, pour ceux-ci, doit tenir compte de situations locales souvent très diverses ou de contraintes extérieures (pédagogie, accueil des élèves).
Mais le groupe de travail estime que, conformément à l'article L. 452-2 du code de l'éducation qui prévoit que l'Agence veille « à la stabilisation des frais de scolarité », il est aujourd'hui indispensable de contenir leur inflation en gelant, à son niveau actuel, la participation des familles au financement du réseau .
2. Décider d'un moratoire sur le plan de développement du réseau
Lors de la présentation du « Plan Langue française et Plurilinguisme », le 20 mars 2018, le Président de la République avait annoncé l'objectif du doublement des effectifs scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger d'ici 2030 . Ces effectifs devraient ainsi passer de 350 000 à 700 000 en douze ans.
Pour atteindre cet objectif, un « Plan de développement de l'enseignement français à l'étranger » a été lancé le 3 octobre 2019 par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse. Ce plan repose principalement sur l'augmentation du nombre d'établissements homologués, au moyen d'un assouplissement des critères d'homologation.
Alors que la question de la survie de certains établissements se pose, la commission interministérielle d'homologation continue à siéger et à délivrer l'homologation à de nouvelles structures, ce que le groupe de travail juge totalement aberrant dans le contexte actuel.
Maintenir le projet d'expansion du réseau est, selon lui, déraisonnable et contradictoire. L'heure est en effet à une totale mobilisation pour le sauver et le pérenniser coûte que coûte face à une crise dont les conséquences risquent de s'inscrire dans la durée. Le groupe de travail appelle donc à un moratoire sur le plan de développement du réseau.
Sa demande s'appuie en outre sur une grande réticence à l'égard de l'assouplissement des critères d'homologation . Le groupe de travail considère, au contraire, qu'il convient de les rendre plus stricts afin de préserver la qualité de l'enseignement dispensé et la viabilité des structures composant le réseau.
3. Renouveler la confiance dans l'AEFE, tout en l'encourageant à une gestion transparente et rigoureuse
En cette période très troublée pour le réseau, le groupe de travail estime important de réaffirmer la fonction de colonne vertébrale assuré par l'AEFE . L'Agence a su réagir rapidement et pragmatiquement à l'urgence de la situation en mettant en place une continuité pédagogique et en accompagnant les personnels des établissements dans la gestion de la crise. Plusieurs syndicats d'enseignants auditionnés ont d'ailleurs loué un « dialogue social fluide » avec l'opérateur et un véritable effort de concertation.
Alors que l'année 2020 marque le 30 ème anniversaire de l'AEFE, dont la célébration a été reportée en raison du contexte actuel, le plan de sauvegarde du réseau est l'occasion de réaffirmer la confiance et le soutien qui lui sont accordés . L'Agence joue en effet un rôle fondamental au service des Français de l'étranger comme pour l'influence de la France dans le monde.
En retour, elle doit s'attacher à une gestion transparente et rigoureuse de ses missions , comme l'y ont incité la Cour des comptes dans une publication de 2017 13 ( * ) et la commission des finances du Sénat dans un rapport d'information de 2018 14 ( * ) .
4. Prévoir une procédure de suivi et d'évaluation du plan
Le groupe de travail demande qu'à l'occasion du lancement du plan de sauvegarde, soit mise en place une procédure de suivi et d'évaluation des mesures qu'il contient. Il lui semble important que l'ensemble des parties prenantes à ce plan puissent régulièrement être tenues au courant de son avancée et proposer, si nécessaire, des ajustements.
* 12 Données transmises par l'AEFE.
* 13 Cour des comptes, référé sur l'AEFE, juillet 2017.
* 14 Rapport d'information n° 689 (2017-2018) de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, fait au nom de la commission des finances, juillet 2018.