C. VISER LA SOUVERAINETÉ SANITAIRE DE L'UNION EUROPÉENNE
1. Renforcer la réserve RescEU
Pour éviter que ne se reproduisent à l'avenir les difficultés initiales rencontrées dans l'Union pour répondre aux besoins urgents d'États membres confrontés à des pénuries d'équipements médicaux, la Commission européenne a proposé de renforcer sensiblement les moyens budgétaires du mécanisme de protection civile et de sa réserve stratégique d'équipements RescEU . Le nouveau programme RescEU renforcé serait ainsi doté de 3,1 milliards d'euros sur la période 2021-2027, soit un abondement de 2 milliards par rapport à la proposition initiale.
Le programme doit doter l'Union de capacités et d'une infrastructure logistique pouvant répondre à différents types de situations d'urgence. Il inclurait des mécanismes permettant, respectivement, d'acquérir, de louer et de stocker du matériel médical, de faire venir des produits et du personnel de l'extérieur de l'Union, et de transporter rapidement des produits et du personnel de plusieurs régions de l'Union vers d'autres où les produits et le personnel sont nécessaires.
2. Adopter une stratégie européenne pour sécuriser l'approvisionnement de médicaments et de dispositifs médicaux
a) L'approvisionnement en médicaments
L'approvisionnement et la gestion des stocks de médicaments pour éviter la pénurie étaient au coeur de l'action de l'Union durant la crise. Toutefois, bien avant celle-ci, la Commission avait commencé à réfléchir à une stratégie pharmaceutique prévue pour être présentée au quatrième trimestre de cette année. En effet, la pandémie n'a fait que mettre en lumière les faiblesses systémiques d'approvisionnement de certains médicaments en Europe, en particulier la dépendance vis-à-vis de la Chine et de l'Inde ainsi que certaines pratiques nationales de surstockage.
En l'état, la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 33 ( * ) instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain impose à l'industrie pharmaceutique d'assurer un approvisionnement continu en médicaments commercialisés dans les États membres. La notification des pénuries et leur gestion sont toutefois traitées principalement au niveau national. Durant la crise, il a été demandé à l'Agence européenne des médicaments de réaliser l'inventaire des besoins des États membres et d'évaluer en parallèle les capacités de production sur le territoire de l'Union.
Pour renforcer la sécurité des approvisionnements, la Commission européenne écarte toute remise en cause des règles de concurrence et précise qu'elle n'a pas le pouvoir de réguler la distribution de médicaments sur le territoire de l'Union, d'autant plus que ceux qui ont manqué durant la crise bénéficient d'autorisations de mise sur le marché nationales car ils ont été développés avant que n'existe la procédure centralisée d'autorisation de mise sur le marché.
En outre, pour Stella Kyriakides, commissaire européen à la santé, il est illusoire de penser que l'on pourra relocaliser la production de tous les médicaments.
Le Parlement européen entend nourrir les réflexions sur le sujet : un rapport d'initiative 34 ( * ) sur la pénurie de médicaments a été remis par la députée française Nathalie Colin-Oesterlé, le 29 avril dernier. Celle-ci préconise la création d'un ou plusieurs établissements pharmaceutiques européens à but non lucratif. Elle recommande également de faire de la sécurité de l'approvisionnement un critère prioritaire dans les procédures d'appels d'offres des marchés publics.
La solution préconisée par la Commission européenne pour sécuriser l'approvisionnement serait de recourir à des accords sectoriels avec l'industrie pour garantir une capacité de production ou une réorganisation de celle-ci. Des options d'achat pourraient être également envisagées.
Pour la Fédération des entreprises du médicament (Leem), il est tout d'abord primordial d'identifier de manière claire les médicaments et substances indispensables soit tout au plus 300 molécules sur lesquelles axer en priorité les efforts. Il est en effet peu réaliste de prétendre à une autonomie sur l'ensemble de la pharmacopée.
En outre, si 60% des médicaments matures, dont le brevet est expiré, sont produits en Europe, seuls 80% des principes actifs associés le sont. C'est le cas du paracétamol par exemple. La relocalisation de la production des principes actifs est donc également nécessaire.
Pour le Leem, il s'agit d'améliorer l'attractivité et la compétitivité de l'Union par des mesures fiscales notamment, mais aussi en garantissant la soutenabilité économique pour les produits les plus matures dont les prix diminuent à mesure que les conditions de remboursement sont moins favorables.
b) L'approvisionnement en dispositifs médicaux
Pour le SNITEM, il est impossible de relocaliser la production de toutes les pièces nécessaires pour la réalisation de certains dispositifs médicaux. De plus, compte tenu des prix pratiqués au sein de l'Union européenne pour certains dispositifs, une relocalisation pourrait ne pas être rentable.
Une des solutions serait la multiplication des sources d'approvisionnement. Mais celle-ci engendre un coût supplémentaire en raison du moindre volume acheté à chaque fournisseur. En outre, le règlement (UE) 2017/745 qui doit entrer en vigueur en 2021 rend plus complexe l'homologation d'un nouveau fournisseur. Il faudrait donc que la réglementation des marchés publics en tienne compte.
En outre, il est important de garantir la libre circulation des marchandises en cas de crise au sein de l'Union pour éviter tout blocage de la production au motif qu'il manquerait une pièce.
Enfin, il apparaît nécessaire d'associer les industriels dans les cellules de crise régionales pour évaluer au mieux les besoins et réorganiser la production. En effet, il est difficile de prévoir quelle sera la prochaine crise sanitaire et donc d'anticiper les besoins en matériel, d'où l'importance d'impliquer au plus tôt les industriels.
* 33 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32001L0083&from=EN
* 34 https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/ENVI-PR-650394_FR.pdf