C. RAPPEL DES PROPOSITIONS POUR LE STOCKAGE DU CARBONE DANS LES SOLS
Parce qu'il est nécessaire d'avoir une approche transversale des questions environnementales , en considérant simultanément les questions d' énergie , d'émission de gaz à effet de serre (GES) et de stockage du carbone , les propositions issues de la note scientifique n° 3 de l'Office 213 ( * ) , « Stocker plus de carbone dans les sols : un enjeu pour le climat et pour l'alimentation », réalisée par votre rapporteur Roland Courteau, sont ici rappelées , car stocker plus de carbone dans les sols présente l'intérêt de compenser les émissions anthropiques de CO 2 mais aussi de renforcer la sécurité alimentaire , le niveau de carbone des sols ayant des effets majeurs sur la fertilité de ceux-ci et donc sur la productivité agricole .
1. Poursuivre et amplifier, au niveau international, l'initiative « 4 pour 1 000 »
Cet appel à la poursuite et à l'amplification , au niveau international, de l'initiative « 4 pour 1 000 », concerne son volet « recherche », comme son volet « projets » : les sciences des sols, par nature interdisciplinaires, devront permettre d' éclairer les mesures à mettre en oeuvre et les pratiques favorables au stockage de carbone dans les sols agricoles et forestiers (agroforesterie, implantation de cultures intermédiaires ou intercalaires, agriculture de conservation pour réduire le travail du sol...).
2. Construire une PAC incitative au stockage de carbone dans les sols
La PAC doit inciter au stockage de carbone dans les sols et donc pouvoir rémunérer les services environnementaux fournis par les agriculteurs , diffuser les bonnes pratiques, éviter de laisser le sol à nu et donc allonger la durée de couverture des sols, y compris avec la culture de légumineuses, soutenir les prairies et supprimer la règle classant en prairie temporaire les seules prairies de durée de vie de moins de cinq ans, qui présente l'effet pervers d'inciter à retourner les prairies. Au regard du stockage possible au sein des surfaces agricoles de l'UE 214 ( * ) , de l'ordre de 115 millions de tonnes de carbone par an et selon un prix de 30 euros la tonne de carbone, la valeur en jeu s'élève à 3,5 milliards d'euros (soit 6 % des 56 milliards d'euros de budget annuel de la PAC). En raison des difficultés à évaluer rigoureusement les variations annuelles de stockage dans chaque exploitation, cette nouvelle PAC devrait moins reposer sur un contrôle des résultats que sur une contractualisation autour d'objectifs et de moyens, au sein par exemple de « zones homogènes » délimitées par les États membres sur leur territoire.
3. Se doter d'une stratégie nationale sur les sols et mettre en oeuvre l'initiative « 4 pour 1 000 » selon une approche territoriale, en veillant à la cohérence des actions conduites
La France doit se doter d'une stratégie nationale sur les sols et mettre en oeuvre l'initiative « 4 pour 1 000 » selon une approche territoriale, en veillant à la cohérence des actions conduites, en particulier par le ministère de la transition écologique et par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, la stratégie nationale bas carbone (SNBC), la stratégie pour la bioéconomie et la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse(SNMB) ne devant en aucun cas se contredire. Le pilotage de ces politiques doit s'appuyer sur les expertises réunies au sein du Réseau « RNEST » 215 ( * ) (Réseau national d'expertise scientifique et technique sur les sols), l'INRAE et l'ancien programme « GESSOL » (« GEStion du patrimoine SOL ») ainsi que sur les inventaires du centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), qui comptabilise les sources et les puits de GES, ainsi que du système d'information sur les sols et du réseau de mesure de la qualité des sols (RMQS) du « GisSol » (groupement d'intérêt scientifique sur les sols). La mesure des stocks de carbone à un moment donné est satisfaisante mais la compréhension fine de leurs évolutions dans le temps reste un enjeu pour la recherche scientifique. Plus généralement, les sols sont un compartiment de la zone superficielle de notre planète, appelée « zone critique » par les géologues, dont le fonctionnement global demeure mal compris mais qui régule la formation des sols, la composition de l'atmosphère, la qualité des eaux et la durabilité des écosystèmes.
* 213 Cf. les liens vers cette note scientifique sur les sites du Sénat et de l'Assemblée nationale : https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/OPECST_2018_0012_note_stockage_carbone_sols.pdf
Une version anglaise de cette note scientifique est aussi disponible au lien suivant : https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages_anglais/OPECST_2018_0032_storing_more_carbon_in_soils_briefing.pdf
* 214 Rapport CAPRESE-SOIL (CArbon PREservation and SEquestration in agricultural soils) du JRC (Joint Research Centre) de la Commission européenne, 2013 ;
cf . http://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC88295/caprese_final%20report-v2.pdf
* 215 Lancé le 7 décembre 2016 par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Il ambitionne de fédérer les acteurs français de l'innovation, au sens large, qui travaillent sur et avec tous types de sols (forestiers, agricoles, urbains, jachères industrielles, etc.). Le réseau favorise les interactions entre des acteurs diversifiés, qui travaillent tant à la production de connaissances et d'outils mobilisables qu'à la valorisation et au transfert de ces productions auprès des utilisateurs concernés (agriculteurs, décideurs politiques, acteurs de l'aménagement du territoire, etc.). La principale mission du réseau est de faciliter le partage de connaissances liées au sol entre secteurs et de développer la transdisciplinarité des initiatives scientifiques et techniques autour de la gestion des sols afin d'apporter des réponses face aux enjeux actuels. Il est aussi une interface avec les réseaux internationaux existant et cherche à développer la visibilité internationale de l'expertise et des initiatives françaises autour de la gestion des sols.