B. AVEC DES NUANCES CEPENDANT
Si la France jouit d'une influence considérable dans le système onusien, deux bémols doivent cependant être apportés.
Le premier est sa difficulté à faire entendre sa voix dans les questions de désarmement .
Cela concerne en premier lieu le désarment nucléaire , alors même que la France soutient pleinement le troisième pilier du Traité de non-prolifération (TNP ), consacré à cette thématique, et qu'elle fait largement sa part du chemin en la matière. Cette difficulté tient évidemment à son statut de puissance nucléaire. La préservation du TNP, dont un réexamen est prévu -comme tous les cinq ans - en mai 2020, est un enjeu important pour la France comme pour les autres Etats dotés, car il consacre leur statut, à l'inverse du Traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN) . Or, ce réexamen s'inscrit dans un contexte difficile (progression du TIAN qui compte désormais 79 signataires et 33 ratifications, blocage des négociations à la conférence du désarmement...).
De la même manière, le positionnement de notre pays en faveur de la maîtrise des armements conventionnels est compliqué du fait qu'il est un Etat exportateur d'armes. Comme on le sait, la France est de plus en plus mise en cause par les ONG qui l'accusent d'avoir enfreint le Traité sur le commerce des armes du fait de ses exportations vers les pays arabes engagés au Yémen ou vers d'autres Etats comme l'Egypte.
L'autre bémol est la faiblesse de nos contributions volontaires, qui contraste avec le rôle influent que la France entend jouer. Ces contributions volontaires, qui financent les agences onusiennes et leurs programmes, sont importantes puisqu'elles représentent 4/5 du budget global du système onusien. Or, pendant des années, la France a réduit ses contributions volontaires , donnant la priorité au financement de fonds hors ONU comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Notre pays se situe aujourd'hui entre le 15 e et le 20 e rang pour les contributions volontaires, loin derrière les autres contributeurs européens. Si l'on a commencé à corriger cette tendance et à réévaluer notre effort, il reste encore du chemin à parcourir pour nous mettre au niveau.
C. LA MOBILISATION EN FAVEUR DU SAHEL : UNE PRIORITÉ POUR LA FRANCE
Une préoccupation forte de la France à l'ONU est de mobiliser ses partenaires sur la situation au Sahel.
Avec bientôt 5 100 hommes déployés dans l'opération Barkhane, la France est en première ligne dans cette zone où la sécurité se dégrade et où le terrorisme progresse. Le tragique accident d'hélicoptères qui a coûté la vie à 13 de nos soldats, survenu pendant la visite de la délégation sénatoriale à New-York, rappelle le poids porté par la France dans cette région du monde, aux avant-postes de la lutte anti-terroriste.
Elle intervient en complément de la MINUSMA, qui compte quelques 15 000 hommes et dont le mandat, renouvelé pour la dernière fois le 28 juin 2019, est axé sur l'appui au processus de paix au Mali.
La France a joué un rôle déterminant dans la création en 2017 de la force conjointe G5 Sahel , dont la vocation est de permettre aux pays du Sahel d'assurer leur propre sécurité. Elle a obtenu le soutien de l'ONU (notamment le soutien logistique de la MINUSMA), malgré les réticences américaines 3 ( * ) , et la participation de nombreux partenaires au financement de cette initiative.
Malgré ces différentes actions et les succès opérationnels de l'opération Barkhane, la situation ne cesse de se dégrader , les attaques terroristes contre les troupes internationales et africaines se multipliant et s'étendant désormais au-delà du Mali, en particulier au Burkina Faso et au Niger. La MINUSMA, comme l'opération Barkhane, se voient reprocher de ne pas protéger suffisamment les populations civiles alors que ce n'est pas leur mandat. Malgré les renforts dont elle bénéficie, la force G5 Sahel tarde à monter en puissance au plan opérationnel. Le renouvellement du mandat de la MINUSMA en juin 2020 constituera un enjeu compte tenu des pressions américaines pour réduire le montant des dépenses et réorienter le mandat vers la protection des populations, au risque de fragiliser le processus politique.
En outre, la France s'inquiète d'une possible remise en cause à brève échéance du soutien américain (transport stratégique et tactique, ravitaillement aérien, moyens de renseignement dits « ISR 4 ( * ) ») à ses opérations militaires dans la zone, dans le cadre d'une réorientation des priorités vers la zone indo-pacifique, au risque de favoriser un renforcement de l'influence russe et chinoise au Sahel.
Dans ce contexte difficile, la France cherche, y compris au sein de l'ONU, à remobiliser ses partenaires autour du Sahel . C'est l'un des objectifs du Sommet qui s'est tenu à Pau le 13 janvier dernier.
Un des enjeux pour l'avenir du Sahel est le développement d'une approche intégrée pour le développement , la stratégie ne pouvant être seulement sécuritaire. Combattre le terrorisme et freiner les migrations supposent en effet des investissements importants dans le développement économique et les services de base, même si les effets positifs ne se produiront qu'à long terme. C'est le sens de l' Alliance Sahel, stratégie des Nations Unies pour le Sahel . Comme l'ont souligné plusieurs interlocuteurs rencontrés au cours du déplacement, un axe de progrès est, à cet égard, le renforcement de la coordination des structures régionales sur le terrain (bureaux régionaux des agences et programmes, représentants du Secrétaire général), afin de remédier à une gestion des fonds en silos, au niveau de chaque pays.
* 3 Qui ont notamment empêché que la force conjointe G5 Sahel soit placée sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies.
* 4 Intelligence, surveillance et reconnaissance, grâce aux drones Reaper.