CLÔTURE
Mme Jacqueline Gourault , ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Monsieur le président, cher Hervé Maurey, merci pour votre invitation. Je voudrais saluer également le président de l'Arcep, ainsi que tous les partenaires que j'ai l'habitude de rencontrer dans le comité de pilotage : Arthur Dreyfuss, président de la Fédération française des télécoms ; Zacharia Alahyane, directeur de France Mobile. Je salue aussi Mathieu Weill ; Patrick Chaize, président de l'Avicca, qui joue un rôle très important dans le développement de la fibre et du haut débit ; Etienne Dugas, président d'InfraNum ; Michel Sauvade, représentant de l'AMF. Je salue enfin l'ensemble des sénateurs et les autres participants.
Je sais tout l'intérêt que le Sénat et que le président Maurey portent à l'aménagement numérique du territoire. Au-delà de la question du très haut débit et de l'impatience bien légitime de tous ceux qui veulent pouvoir bénéficier des nouveaux moyens de communication, je suis convaincue que le numérique représente pour nos territoires un potentiel majeur de transformation.
Permettez-moi de revenir brièvement sur le sujet des infrastructures. L'État est pleinement engagé dans la construction des infrastructures fixe et mobile à très haut débit. Cela représente pour l'État un investissement de 3,3 milliards d'euros pour le fixe, auquel s'ajoutent les 3 milliards d'euros, produit estimé des enchères auquel nous avons renoncé au profit du New Deal Mobile , qui a été négocié par Julien Denormandie. L'investissement public de l'État est donc massif et complète celui des collectivités - qui participent pleinement au développement des infrastructures sur les territoires, en lien avec les opérateurs. Dans certains territoires, ce sont les régions qui ont pris le leadership. Parfois, ce sont les départements ou encore les intercommunalités. Grâce aux actions collectives engagées depuis deux ans, notre pays est en bonne voie pour disposer de réseaux d'infrastructures numériques qui correspondent aux enjeux du XXI e siècle. Au rythme actuel, l'accélération du déploiement de la fibre optique et des installations de téléphonie mobile va même bientôt placer la France en tête des grands pays européens pour la qualité de ses réseaux. Il s'agit pour nous d'un vrai motif de satisfaction.
J'ajoute que la réouverture du « guichet » très haut débit est une nouvelle avancée majeure pour permettre à l'État de soutenir des projets de réseaux d'initiative publique portés par les collectivités territoriales. Cela concerne les 25 départements qui n'avaient pas encore finalisé leur plan de financement pour la généralisation de la fibre optique. Nous avons pu dégager une enveloppe de 140 millions d'euros pour 2020 qui n'est certes pas suffisante, mais que nous entendons renouveler chaque année pour équiper ces 25 départements.
Par ailleurs, le Président de la République est très attentif à la concrétisation des engagements pris devant les Français. Le déploiement des infrastructures fixe et mobile fait ainsi partie des actions prioritaires. Ils font l'objet d'un suivi renforcé au plus haut niveau de l'État. Cela nous incite collectivement à être particulièrement vigilants au respect des calendriers ainsi qu'aux réponses qui seront apportées aux éventuelles difficultés.
Au-delà des infrastructures, les enjeux du numérique sont déterminants pour le développement de l'attractivité de nos territoires. Le numérique abolit les distances et donne accès à de nouveaux outils pour permettre aux acteurs locaux de développer leur créativité et leur esprit d'innovation. À la clé, de nouveaux modèles de développement seront mis en oeuvre, que ce soit pour construire le monde rural de demain ou, par exemple, pour repenser l'accès aux soins dans les déserts médicaux.
Nous avons lié la question du numérique à la plupart des politiques publiques territoriales que nous conduisons au sein du Ministère de la Cohésion des territoires. Je pense à France Service (qui sera déployé sur l'ensemble du territoire), à « l'Agenda rural », au programme d'appui « Nouveaux lieux, nouveaux liens » consacré aux tiers lieux ou encore au programme « Territoires d'industries », car les territoires industriels ne peuvent pas se passer de ces équipements numériques. C'est d'ailleurs tout le sens à donner à l'intégration - souhaitée par le législateur - de l'Agence du Numérique au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. Je remercie le sénateur de la Sarthe d'avoir rappelé que l'ANCT va permettre de maintenir et renforcer la dynamique que nous avons engagée sur les sujets numériques et irriguer un certain nombre de nos politiques phares d'aménagement du territoire. France Mobile et France très haut débit seront intégrés à l'ANCT. Les interlocuteurs ne changeront pas.
Un autre sujet essentiel est celui de l'accompagnement de tous ceux qui se déclarent mal à l'aise avec Internet. L'« illectronisme » est également un sujet prioritaire pour le Gouvernement. Nous devons prendre garde à ce que la fracture liée aux infrastructures, qui est en train de se résorber, ne soit pas remplacée par la fracture des usages. Si le numérique est un facteur de simplification et de créativité pour certains, il est encore trop souvent un facteur d'exclusion pour d'autres. 13 millions de Français sont aujourd'hui éloignés du numérique. 50 % des non-internautes résident dans des communes de moins de 20 000 habitants. Seulement 60 % des Français qui habitent dans des communes rurales et 65 % des habitants des villes moyennes se disent compétents pour utiliser un ordinateur, contre 76 % dans l'agglomération parisienne. En moyenne, un tiers des Français s'estime peu ou pas compétent pour utiliser un ordinateur. Ils sont 40 % parmi les personnes percevant des bas revenus et 74 % parmi ceux qui n'ont aucun diplôme. Beaucoup de jeunes ont des smartphones , mais se trouvent démunis lorsqu'il s'agit de remplir un formulaire sur un ordinateur.
Le Gouvernement veut ainsi agir sur plusieurs axes. Il s'agit tout d'abord de repenser le service public à l'heure du numérique, de mieux accompagner les usagers pour que la dématérialisation aboutisse vraiment à une simplification. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de transposer en ligne des démarches qui sont déjà trop compliquées lorsqu'on utilise une procédure papier. La direction du numérique de l'État (DINUM) s'emploie à améliorer la qualité des services publics numériques. De la même manière, nous devons remettre de l'humain dans la relation entre l'usager et l'administration. C'est tout l'enjeu de France Service. Nous devons également soutenir les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de démarches d'inclusion numérique. C'est ce que nous faisons notamment au travers du dispositif « Territoires d'Action pour un numérique inclusif » qui vise à soutenir l'élaboration de stratégies locales, par la mobilisation d'une ingénierie d'État. Par exemple, nous cofinançons le déploiement du pass numérique pour les collectivités. Ce coupon donne droit à toute personne qui en éprouve le besoin d'être accompagnée dans les usages du numérique dans des lieux de proximité référencés.
Par ailleurs, nous soutenons le déploiement des tiers lieux. Nous avons lancé avant l'été le programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens », qui prévoit que l'État soutienne en amorçage 300 « fabriques de territoire ». Ces têtes de réseau concentreront de multiples services et usages liés au numérique ( fab labs , espaces de coworking , campus connectés, etc.). J'ai moi-même été très impressionnée par l'innovation dont ont fait preuve certains territoires, notamment la Creuse.
Le rôle de l'État est clair : il s'agit d'équiper les territoires pour qu'ils utilisent toute la puissance du numérique au service de leur développement, sans imposer de standard. Il faut répondre à la spécificité des territoires avec des moyens offrant la possibilité à chacun d'entre eux de s'en saisir pour porter leurs projets.
Nous avons évidemment l'ambition de déployer le plus grand nombre d'infrastructures possible. Nous y consacrons beaucoup d'énergie avec vous tous. Pour être au rendez-vous de nos ambitions, il faut que nous soyons aux côtés des usagers. Cela nous conduit à repenser un certain nombre de politiques et à accélérer la dématérialisation des formalités administratives. Cela nous incite enfin à déployer partout des solutions de formation et d'accompagnement pour que les Français vivent pleinement cette révolution numérique. Cet aménagement du territoire est une vraie chance pour le pays tout entier.