COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE N° 2
I. LE DÉPLOIEMENT DES RÉSEAUX MOBILES : QUELLE COUVERTURE, QUEL CALENDRIER ?
Participent à cette table ronde :
- M. Sébastien Soriano, président de l'Agence de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ;
- M. Arthur Dreyfuss, président de la Fédération française des télécoms ;
- M. Zacharia Alahyane, directeur de France Mobile ;
- M. Michel Sauvade, Maire de Marsac-en-Livradois, représentant de l'Association des maires de France (AMF) et des présidents d'intercommunalité ;
- M. Mathieu Weill, chef de service Économie numérique à la Direction générale des entreprises.
Cette table ronde est introduite par M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement et présidée par M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sénateur de l'Eure.
M. Hervé Maurey , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sénateur de l'Eure . - Avant d'ouvrir cette table ronde, je voudrais remercier Patrick Chaize, qui a remarquablement présidé la première table ronde. Je remercie également l'ensemble des personnes qui y ont participé et salue les intervenants de la seconde. Monsieur le ministre, nous sommes ravis de vous accueillir pour la poursuite de nos travaux.
M. Julien Denormandie , ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement . - Monsieur le président Maurey, Monsieur le président Chaize, Mesdames et Messieurs les sénateurs, Mesdames et Messieurs les opérateurs, Chers amis. Je vous remercie, président Maurey, d'avoir organisé ce colloque. Je connais votre engagement et l'engagement des sénateurs sur le sujet. Nous travaillons avec beaucoup de détermination au déploiement du numérique et de la téléphonie mobile. Ces deux sujets sont intimement liés. Ils le sont premièrement d'un point de vue technologique. Une solution de 4G fixe permet par exemple d'avoir accès au « bon » et au très haut débit. Deuxièmement, nous constatons le « ras le bol » exprimé par nombre de nos concitoyens qui n'ont pas accès aux réseaux tant Internet que mobile. Je le dis avec beaucoup d'humilité, mais aussi énormément de volonté. Cela fait maintenant deux ans et demi que nous nous battons collectivement pour changer la donne. Tout n'est pas parfait, mais je crois pouvoir dire qu'un point d'inflexion a été franchi.
Nous étions réunis il y a quelques jours pour le colloque TRIP (Territoires et Réseaux d'Initiative Publique) de l'Avicca, au cours duquel j'ai mis en avant les derniers chiffres à ma disposition. J'avais également participé au TRIP de l'Avicca à la fin de l'année 2017. À l'époque, nous envisagions à peine d'émettre l'hypothèse que nous parviendrions à raccorder 4 millions de foyers d'ici fin 2019. Il s'avère qu'en 2019, nous dépassons l'objectif de 4 millions de prises raccordables. C'est un exploit collectif, que nous devons aux donneurs d'ordres - les collectivités locales - à la volonté des opérateurs - malgré les difficultés en termes de ressources humaines et de fournitures - et à celle du Gouvernement, grâce à l'accélération du rythme de déploiement qu'a permis la simplification portée par la loi ELAN. Le Gouvernement s'y est attaché depuis le début de ce quinquennat au travers du Plan France très haut débit (PFTHD) et du Fonds pour la société numérique (FSN) signé par le Premier ministre, dont un nouveau versement de 230 millions d'euros a été effectué en octobre. Enfin, la réouverture du « guichet » permettra notamment de financer les phases 3 et 4 des réseaux d'initiative publique existants. Nous devons néanmoins donner de la visibilité aux collectivités locales. Nous disposons d'ores et déjà d'un montant de 140 millions d'euros. Il en faudra probablement deux fois plus et nous savons que le FSN permettra de le faire.
Le deuxième sujet est la question du déploiement du mobile. À l'époque, j'avais dit qu'il était nécessaire que chacun se fasse mal : je pense qu'il faut que chacun puisse sortir de sa zone de confort et accepte de changer ses habitudes. C'est ce que nous avons fait en signant le New Deal Mobile en janvier 2018. J'étais alors secrétaire d'État à la cohésion des territoires. Tout le monde me disait que ce New Deal serait impossible. Je me félicite que nous soyons parvenus à le concrétiser. Cet accord, sous le sceau de l'Arcep, représente un changement de paradigme à la fois pour l'État, qui a renoncé au produit des enchères, et pour les opérateurs, qui ont accepté de prendre des engagements contraignants, car la bonne volonté ne suffit pas. La confiance n'exclut pas le contrôle, mais le contrôle permet aussi la confiance. Aujourd'hui, un certain nombre de mesures ont été mises en oeuvre au titre du New Deal Mobile . Nous sommes optimistes concernant ce New Deal , mais également vigilants. Avec la même détermination, nous avons créé plusieurs comités de suivi. Près d'une centaine de réunions se sont tenues dans les territoires et une soixantaine d'équipes projet ont été mises en place.
Il nous paraissait également important de faire preuve de transparence vis-à-vis des Français. Cette exigence est très chère au président Maurey. L'Arcep publie de manière transparente les engagements de l'ensemble des opérateurs. Nous avons encore quelques défis à relever, notamment pour donner de la visibilité pluriannuelle et non plus seulement annuelle et infra-annuelle. Cependant, je rappelle que les données commerciales des opérateurs ne peuvent pas être mises sur la place publique.
Enfin, ce travail a été mené avec les collectivités. Je tiens vraiment à saluer l'AMF à ce titre. Nous organiserons une nouvelle table ronde à ce sujet lors du Congrès de l'AMF. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais notre état d'esprit sur la question du mobile a été en tout point constructif.
Il y a trois semaines, nous avions atteint le passage de la 2G/3G à la 4G pour 5 117 villages ou points fixes, dans le cadre du programme de généralisation de la 4G initié en janvier 2018. Le passage à ces nouvelles technologies n'aurait pu avoir lieu sans le New Deal . D'ici la fin de l'année 2020, 10 000 points fixes passeront ainsi à la 4G. Ce changement est ainsi immédiatement perceptible sur le terrain.
Un deuxième élément important est la couverture des zones blanches. Des arrêtés ministériels ont été signés en vue de la couverture de 1 200 zones blanches. Près de 450 pylônes raccordés au réseau seront ainsi livrés avant l'été. Le reste sera livré de manière échelonnée. Cette année, et les années suivantes, je prendrai des arrêtés complétant cette liste, à raison de 600 à 800 sites par an. Les 1 200 zones blanches précitées seront couvertes d'ici les 6 à 24 prochains mois : c'est deux fois plus que le nombre de zones blanches officiellement recensées le jour de ma prise de fonctions. Officiellement, en mai 2017, notre pays ne comptait en effet que 600 zones blanches ; c'est un véritable scandale, car c'était faux. Avec les opérateurs et l'Arcep, nous avons donc revu la définition même d'une zone blanche : il s'agit dorénavant d'une zone ne bénéficiant pas d'une couverture de qualité par au moins un opérateur. Auparavant, la qualité réelle de couverture n'était pas prise en compte ; il suffisait qu'un opérateur soit présent pour que le territoire ne soit pas défini comme une zone blanche. Nous avons donné aux départements le plus de visibilité possible sur les dotations des pylônes dans le cadre du New Deal . Un travail est en en cours pour l'améliorer encore. À ces zones blanches s'ajoutent des zones 4G fixe. J'ai signé un premier arrêté pour la couverture en 4G fixe de 400 zones dans les 24 prochains mois. La couverture des principaux axes routiers a par ailleurs été initiée.
Il faut bien garder à l'esprit que le donneur d'ordre demeure la collectivité locale. Cette approche diffère en cela des plans précédents de résorption des zones blanches. Jusqu'à présent, il appartenait aux opérateurs de décider de la localisation des pylônes. Ceux-ci n'étaient pas à la charge des opérateurs mais des collectivités. De plus, les opérateurs n'étaient pas tenus de livrer des pylônes raccordés. Dorénavant, je signe des arrêtés et ce sont les collectivités et les équipes projet qui définissent les sites. Les opérateurs ont quant à eux l'obligation de raccorder ces pylônes au réseau sous deux ans, voire un an si la collectivité met à disposition de l'opérateur un emplacement viabilisé. Ces pylônes sont à la charge des opérateurs et non plus de la collectivité.
Nous maintiendrons la pression pour améliorer tout ce qui est en notre pouvoir. Par exemple, nous avons enfin modifié l'arrêté « Enedis » afin d'assouplir les règles d'utilisation des appuis aériens du réseau électrique pour le déploiement de la fibre optique. Je suis ouvert à toutes les propositions, mon objectif étant que nous allions le plus vite possible.
Toutes ces décisions doivent être prises dans la plus grande transparence vis-à-vis de nos concitoyens, car in fine , le seul juge de paix sera la perception de nos concitoyens, plus encore que l'Arcep. Tant que la perception des Français n'aura pas profondément évolué, il nous faudra procéder encore plus rapidement. Comme le Grand Débat l'a montré, le fait que l'on parle aujourd'hui davantage de l'usage que de l'infrastructure démontre que les infrastructures sont en cours de déploiement. Pour autant, la fracture territoriale en matière de numérique n'est pas encore résorbée. Vous pouvez compter sur moi pour mener à bien notre démarche, avec vous.
M. Hervé Maurey . - Merci beaucoup Monsieur le ministre.
J'ai le sentiment qu'en matière de téléphonie mobile, la situation est encore plus complexe qu'en matière d'Internet fixe, sans doute parce que les choses ont été mal engagées à l'origine. Il est vrai que les attributions en 2G et 3G ont été faites uniquement en fonction de critères de rentabilité et donc au détriment de l'aménagement du territoire. Pendant des années, les gouvernements ont communiqué des taux de couverture totalement irréalistes. Le ministre rappelait tout à l'heure le chiffre illusoire - pour ne pas dire mensonger - de 600 zones blanches, alors que nous savons pertinemment que leur nombre est bien supérieur. Une série de promesses a été faite par les gouvernements successifs depuis le début des années 2000. Il y a eu la loi Macron, qui avait fixé un certain nombre d'objectifs à échéance du 31 décembre 2016 qui ne sont toujours pas atteints. Le Président de la République, en juin 2017, avait déclaré que le problème serait réglé d'ici trois ans. Je me souviens qu'à la fin de l'année 2017, plusieurs ministres avaient confirmé qu'à horizon 2020, la problématique serait réglée. Au fur et à mesure, ces annonces non suivies d'effets ont provoqué une déception, voire une colère qui a pu se traduire jusque dans les urnes. Le président du Sénat a rappelé la superposition qu'il pouvait exister entre certains votes et la carte de couverture numérique du territoire. Je crois qu'il s'agit d'une réalité, d'autant que sur certains territoires, la couverture se dégrade, dès lors qu'à signal équivalent, les usages se sont multipliés.
Le New Deal Mobile a l'immense avantage d'avoir, pour la première fois, considéré que l'aménagement du territoire était une priorité par rapport aux objectifs de rentabilité. Cette approche est méritoire, à une époque où l'État recherche des recettes supplémentaires. Néanmoins, de nombreuses questions se posent, notamment concernant la mise en oeuvre de ce New Deal , ainsi que le calendrier de déploiement. Il faut éviter de nouvelles désillusions. Je suis très attaché à l'élaboration d'une programmation pluriannuelle pour que nous puissions enfin donner de la visibilité à nos concitoyens. Par exemple, les services de l'État ont évalué à 57 le nombre de pylônes nécessaires pour couvrir le territoire de l'Eure, à raison de 8 pylônes par an.
A. ÉTAT DES LIEUX DE LA COUVERTURE MOBILE DU TERRITOIRE
M. Hervé Maurey . - Quel est l'état réel de la couverture mobile du territoire ? Pourquoi cette différence entre les taux de couverture affichés et la réalité ? Pourquoi ne fait-on pas enfin un véritable diagnostic de la couverture mobile ?
M. Mathieu Weill, Chef de service à la Direction générale des entreprises . - Changer de référentiel à l'occasion du New Deal Mobile était effectivement indispensable au regard des attentes des Français. Nous avons également consolidé l'architecture institutionnelle, en considérant qu'il appartenait au régulateur national de jouer le rôle de juge de paix.
En matière de téléphonie mobile, les attentes sont croissantes et varient en fonction des utilisateurs, des types de services, des conditions météo... La part de subjectif y est donc plus forte que dans le cas de l'Internet fixe. Nous nous appuyons sur les remontées du terrain pour compléter les informations fournies par les opérateurs et les mesures faites par des prestataires tiers. Il faut donc reconnaître la complexité de ce chantier. L'enjeu de transparence vis-à-vis de nos concitoyens n'est pas complètement atteint, mais la dynamique me semble positive. L'écart entre le ressenti des citoyens et les données de couverture se réduit en effet.
M. Hervé Maurey . - Monsieur Dreyfuss, pourquoi les opérateurs nous livrent-ils des informations qui ne correspondent pas à la perception de la situation ?
M. Arthur Dreyfuss, président de la Fédération française des télécoms . - Le New Deal Mobile a été l'occasion de réunir toutes les parties prenantes. Ce plan est intégralement financé par les opérateurs, soit un investissement de 3 milliards d'euros. Les quatre opérateurs sont soucieux d'améliorer la perception dans les territoires. Si la situation n'était pas insatisfaisante, nous n'aurions pas eu besoin de conclure ce New Deal .
Au 30 juin 2019, tous opérateurs confondus, nous recensions plus de 80 000 sites, dont plus de 67 000 étaient équipés en 4G. Je rappelle qu'un des volets du New Deal est la généralisation de la 4G sur l'ensemble des sites existants. Comme l'illustrent les derniers chiffres de l'Arcep, c'est en zone rurale que l'amélioration du débit est la plus perceptible. Il a en effet été multiplié par deux par rapport à 2018. Cependant, dans de trop nombreux territoires, la situation n'est pas encore satisfaisante.
Les derniers chiffres de l'Observatoire du New Deal datent de fin juin 2019. Nous pourrions envisager de publier des chiffres mensuels pour que nos concitoyens puissent mieux percevoir l'amélioration.
Des observatoires sont évidemment nécessaires. Si les opérateurs étaient seuls à fournir des chiffres, nous serions suspectés de fournir des chiffres à notre avantage. En réalité, les données qui font foi sont celles du régulateur.
Lorsque nous intervenons sur le terrain, nous constatons que la situation progresse, mais la perception n'est pas encore complètement satisfaisante. La situation n'a jamais autant progressé, nous le constatons chaque semaine. Les opérateurs ne sont pas seuls à l'affirmer, puisqu'ils parlent sous le contrôle du Gouvernement et du régulateur.
M. Hervé Maurey . - Je vais donc donner la parole au régulateur.
M. Sébastien Soriano, président de l'Agence de régulation des communications électroniques et des postes . - Les cartes sont mauvaises ; nous le savons. Nous les avons lancées en septembre 2017 ; avant, il n'y avait rien. Je voudrais donc que l'on relativise la situation : nous sommes dans une dynamique de progression. Nous avons communiqué ces cartes précisément pour nous améliorer. Elles sont effectivement très perfectibles. Aujourd'hui, elles sont fiables à 95 % sur une moyenne nationale. Nous allons d'ailleurs les améliorer dans deux directions. Nous allons notamment réduire la maille et apprécier la couverture à l'échelle de la région voire du département. Ces éléments seront soumis à une consultation. Vos exigences nous permettent de nous améliorer.
Vos remarques constituent également une bonne nouvelle : elles montrent que vous vous servez des cartes. Ce n'est plus Paris qui décide où les réseaux doivent être déployés, ce sont les territoires. Si les territoires critiquent les cartes, c'est qu'elles ne leur sont pas assez utiles pour déterminer les lieux de déploiement. Les acteurs de terrain et les élus locaux sont donc en train de s'approprier ces outils.
Nos cartes sont certes mauvaises. Cependant, ce sont les meilleures du monde. Ceci ne nous empêche pas de nous améliorer, en coopération avec les territoires, pour tendre vers une meilleure représentation de l'expérience de terrain.
M. Hervé Maurey . - J'insiste sur la nécessité de produire des cartes plus fiables le plus rapidement possible de manière à prioriser nos actions et faciliter l'installation des pylônes. Sans cartes fiables, les équipes projet ne peuvent pas déterminer quelles sont les zones les moins bien couvertes.
M. Zacharia Alahyane, directeur de France Mobile . - L'Agence du Numérique pilote deux dispositifs, dont celui de couverture ciblée. Dans celui-ci, ce sont les équipes projet qui prennent les décisions. Il nous faut leur fournir des données objectives, via les cartes de l'Arcep, mais pas seulement. Nous encourageons ainsi les équipes projet à réaliser des mesures par elles-mêmes.
Il faut que les territoires aient la meilleure connaissance possible de leur environnement. Le New Deal n'est pas un exercice à un tour : les 5 000 sites ne sont pas déterminés d'emblée. Comme l'a rappelé le ministre, ce sont 600 à 800 sites par an qui sont répartis entre les territoires. Les équipes projet ont donc le temps de monter en compétence, notamment en réalisant le plus tôt possible des mesures, ce que beaucoup de collectivités ont déjà commencé à faire.
M. Hervé Maurey . - J'attire l'attention du ministre sur le fait que mes collègues sénateurs ne sont pas systématiquement associés aux équipes projet de leur département. Certains se sont même vu refuser le droit d'y participer et d'en recevoir le compte rendu. Ceci ne me semble pas conforme à la volonté du Gouvernement et justifierait un rappel à l'ordre aux préfets.
M. Julien Denormandie . - Je partage votre avis, d'autant que la transparence est un enjeu essentiel.
La perception des Français commence à évoluer, mais elle n'est pas encore satisfaisante, en dépit de la dynamique actuelle. Parmi les foyers raccordables, 34 % ont été raccordés à la fibre optique à ce jour. Un certain nombre de Français voient la fibre s'installer en bas de chez eux, sans pour autant être raccordés. Il faut donc accélérer le raccordement des foyers raccordables afin de faire évoluer la perception des Français.
Par ailleurs, force est de reconnaître que nous n'avons pas réussi à fournir un calendrier clair aux Français. Je rappelle à ce titre que les mesures au titre du New Deal ne sont que l'une des dimensions de l'investissement des opérateurs, qui s'élève à 10 milliards d'euros par an. Le New Deal ne constitue qu'un effort supplémentaire d'investissements. J'ai donc demandé aux opérateurs de nous donner une visibilité à échéance de trois ans sur leurs plans de déploiement. À juste titre, ils ont considéré que la communication d'un plan de déploiement à trois ans pouvait poser des problèmes en matière de droit de la concurrence. Nous devons donc trouver le juste équilibre. Nous devrions pouvoir afficher dans les mairies l'échéance à laquelle les communes pourront être raccordées à la fibre ou couvertes par la 4G. Il faut que nous apportions aux Français une visibilité pluriannuelle, là où nous avons aujourd'hui une visibilité à six mois ou un an.
M. Sébastien Soriano . - Zacharia Alahyane invite les équipes projet des territoires à réaliser des mesures par elles-mêmes. Je ne suis pas certain de partager une obligation en ce sens. La loi votée par l'Assemblée nationale et le Sénat a confié à l'Arcep le soin de produire ces cartes, ce qui constitue un travail difficile et coûteux, financé par les opérateurs. Je suis donc dubitatif quant à l'idée de rendre systématiques des campagnes de mesures qui seraient réalisées à leurs frais par les collectivités territoriales. Nous pouvons certes inviter les collectivités qui le souhaitent à réaliser leurs propres mesures.
Je tiens par ailleurs à rappeler qu'il appartient désormais aux élus locaux de décider de la localisation des pylônes - avec ou sans carte - y compris si les zones concernées sont déjà couvertes par certains opérateurs ou mal couvertes. Dans le régime précédent, si l'opérateur montrait à une collectivité qu'un territoire était couvert, la collectivité ne pouvait pas demander l'installation d'un pylône. Je ne voudrais donc pas que la carte soit exigée comme preuve vis-à-vis des opérateurs. Ce temps-là est révolu. In fine, le ressenti de nos concitoyens doit être le seul juge.
M. Hervé Maurey . - Monsieur Sauvade, que pensent les collectivités locales des modalités de mesure ?
M. Michel Sauvade, maire de Marsac-en-Livradois, représentant de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité . - Comme l'a montré la précédente table ronde, il y a la réalité et la perception. Par ailleurs, le besoin crée l'envie : plus la couverture s'étend, plus le besoin devient pressant pour ceux qui n'en bénéficient pas.
Lorsque je prends la route entre Clermont et Vichy, je n'ai pas besoin d'une carte pour savoir que je ne peux pas téléphoner le long de cette route. C'est une réalité objective. Dans les dispositifs antérieurs, les réponses des opérateurs étaient extrêmement décevantes. La couverture d'une petite zone suffisait aux opérateurs à opposer une réponse négative aux demandes des collectivités territoriales. Je considère que le dispositif actuel donne plus de pouvoir décisionnaire aux communes. Cependant, lorsque nous discutons des projets avec les opérateurs, ceux-ci défendent leurs positions et essaient parfois d'expliquer que la volonté des communes ne correspond pas à la réalité de leurs besoins. Les élus doivent donc rappeler que la décision appartient in fine aux collectivités territoriales.
Je crois qu'il est nécessaire de renforcer la plateforme France Mobile pour permettre aux maires de faire remonter leurs observations. Ce dispositif est trop souvent ignoré, au point que les maires qui se sentent isolés sous la pression accrue de leurs concitoyens s'adressent directement aux opérateurs, ou sollicitent directement les parlementaires pour qu'ils interviennent auprès du ministre. Des recommandations doivent également pouvoir être formulées aux préfets et présidents des conseils départementaux.
Par ailleurs, il ne faut pas tout attendre des cartes de couverture de l'Arcep. Elles sont d'ailleurs complétées par les productions participatives ( crowdsourcing ), qui s'appuient sur des critères différents. En tout état de cause, j'ai le sentiment qu'il est impossible de produire une carte de la couverture réelle, car la situation est éminemment mouvante.
Parmi les cartes de l'Arcep, j'apprécie particulièrement celle du tableau de bord du New Deal . Elle montre l'évolution du passage en 4G des pylônes existants. J'ai bien noté que la plupart des nouveaux pylônes avaient été installés dans les zones rurales, mais le tableau de bord de l'Arcep nous révèle que le Massif Central a été presque complètement ignoré par les opérateurs. Dans le Puy-de-Dôme, un opérateur a procédé au passage à la 4G sur cinq sites. Les trois autres opérateurs n'ont basculé aucun site vers la 4G. En revanche, le littoral méditerranéen était totalement couvert par la 4G au 1 er juillet 2019.
Pour conclure, il faut que les équipes projet se servent de tous les outils à leur disposition (cartes de l'Arcep, remontées sur la plateforme France Mobile, productions participatives...) afin d'obtenir une synthèse de l'existant. Les collectivités territoriales ne peuvent pas tout attendre des acteurs extérieurs.
M. Hervé Maurey . - Vous avez bien fait de rappeler que le rôle des opérateurs dans les équipes projet n'est ni de décider, ni d'opposer un veto. Leur rôle est seulement de participer à la discussion et de faire part, éventuellement, de leurs remarques et suggestions.