B. RETOURS D'EXPÉRIENCE CROISÉS SUR LES IMMERSIONS DE SÉNATEURS EN ENTREPRISE

1. Première série de témoignages

Table ronde animée par Mme Tam TRAN HUY

Ont participé à la table ronde :

Mme Valérie COTTEREAU, présidente d'Artefacto, et M. François BONHOMME, sénateur du Tarn-et-Garonne ;

M. Antoine BASCHIERA, directeur général d'EARLY METRICS, start-up spécialisée dans la notation de start-up et implantée à Paris, et Mme Anne-Catherine LOISIER, sénatrice de Côte-d'Or (immersion les 23, 24 et 25 avril 2018) ;

Mme Annick BILLON, sénatrice de Vendée ayant effectué une immersion chez ARMOR, ETI spécialisée dans la chimie des encres et les technologies d'impression (immersion les 6 et 7 septembre 2018) ;

Mme Patricia MORHET-RICHAUD, sénatrice des Hautes-Alpes, ayant effectué une immersion les 15 et 16 mars 2018 à la Savonnerie de Haute Provence (SHP), PME spécialisée dans la sous-traitance de savon solide.

Mme Tam TRAN HUY

Quels sont les fruits des échanges entre les sénateurs et les entreprises ? C'est ce que nous allons voir avec deux séquences de la table ronde de ce matin, organisée autour des retours d'expériences croisés sur les immersions des sénateurs en entreprise.

Projection de la vidéo réalisée par la direction de la communication du Sénat sur l'immersion chez Artefacto, PME spécialisée en réalité virtuelle et augmentée, de François BONHOMME, sénateur du Tarn-et-Garonne, suivie d'une intervention de Valérie COTTEREAU, présidente d'Artefacto.

M. François Bonhomme, vous aviez la volonté de vous rendre dans une autre région que la vôtre et d'effectuer une immersion dans un secteur innovant.

M. François BONHOMME, sénateur du Tarn-et-Garonne

Je souhaitais en effet effectuer une immersion dans une entreprise de nouvelles technologies en dehors de mon territoire électoral. Les 48 heures que j'ai passées chez Artefacto m'ont permis de découvrir un secteur qui m'était nouveau. Je salue Valérie Cottereau pour son accueil ; elle m'a permis de découvrir les métiers et enjeux de l'entreprise. Cette expérience a été intéressante en tant que législateur. L'immersion permet non seulement de se faire une idée plus précise des entreprises françaises dans leur diversité mais aussi de décloisonner les questions qui se posent pour l'entreprise comme pour le législateur. J'ai pu, ainsi, confronter mes a priori aux réalités de l'entreprise. Ce travail de décloisonnement, comme l'a dit le président Larcher, permet d'éviter au Sénat de fonctionner en silo. Toutes les passerelles entre les entreprises de taille moyenne et le domaine public favorisent l'évolution positive de la matière législative et réglementaire.

Mme Tam TRAN HUY

Valérie Cottereau, qu'est-ce qui vous a motivée à accueillir un sénateur pendant deux jours ? Vous m'aviez confié avoir été étonnée que votre entreprise soit sollicitée.

Mme Valérie COTTEREAU, présidente d'Artefacto

La CCI m'a en effet demandé si j'étais volontaire pour accueillir un sénateur. J'ai répondu positivement, car cela me semblait être une forme de devoir. Je ne m'attendais pas à ce que notre entreprise soit choisie. J'imaginais plutôt que sur le territoire breton, une entreprise agroalimentaire aurait été contactée. J'ai donc décidé d'organiser un programme d'accueil de ce « stagiaire » particulier à qui j'ai souhaité présenter l'entreprise au sein de son écosystème. Il m'a semblé ainsi nécessaire de sortir de l'entreprise, celle-ci étant connectée à de nombreuses entités, grâce à la collaboration desquelles elle peut fonctionner.

Mme Tam TRAN HUY

François Bonhomme, vous avez été très sensible à la dimension d'écosystème. Il est important que les entrepreneurs ne soient pas seuls. Que leur apportent les partages d'expérience ?

M. François BONHOMME

L'agglomération rennaise est bien fournie en instituts de recherche et d'innovation. La technopole constitue un environnement favorable à la création de passerelles, ce qui est intéressant sur le plan opérationnel et très rassurant pour la dynamique de l'entreprise. Celle-ci doit se projeter dans un monde incertain ; il est donc important qu'elle dispose de relais et de points de repère afin de créer un environnement favorable.

Mme Tam TRAN HUY

Valérie Cottereau, il serait en effet intéressant de développer ailleurs cette particularité de votre territoire.

Mme Valérie COTTEREAU

J'ai le sentiment que cette dynamique fonctionne très bien sur notre territoire. Le tissu de chefs d'entreprise et d'Instituts de recherche appliquée (IRT) permet d'avancer collectivement. Les projets de développement croisé entre les entreprises se mettent facilement en place.

Un confrère chef d'entreprise m'a sollicitée pour l'héberger dans nos locaux. Il souhaitait prendre du recul et réfléchir à l'avenir de l'entreprise. Je lui ai prêté un bureau à proximité du mien et il est venu s'installer deux mois. Du positif en est ressorti.

La recherche est dans une fuite en avant permanente. Je suis architecte de formation et, maintenant, dans le monde des nouvelles technologies. Nous avons commencé par la 3D et nous concevons aujourd'hui des applications. J'ai coutume de dire que l'entreprise se reconstruit sur elle-même tous les jours.

Mme Tam TRAN HUY

Ce secteur est extrêmement évolutif.

Mme Valérie COTTEREAU

Tout à fait. Tout va très vite. Des points d'ancrage sont nécessaires afin d'échanger sur les perspectives d'avenir.

Mme Tam TRAN HUY

Cette expérience a-t-elle modifié le regard que vous portiez sur le législateur et les Parlementaires ?

Mme Valérie COTTEREAU

Mon regard n'était pas abouti mais la démarche de François Bonhomme, qui ne me connaissait pas, m'est apparue courageuse. Les témoignages des collaborateurs de l'entreprise se révèlent très positifs. Les salariés se réjouissent de voir les hommes politiques venir en entreprise, car ces deux mondes se connaissent mal.

Mme Tam TRAN HUY

François Bonhomme, que retenez-vous, en tant que législateur, de cette expérience ?

M. François BONHOMME

Je suis arrivé dans l'entreprise avec un a priori favorable. Découvrir de nouvelles entreprises donne confiance en notre pays dont les ressources permettent de se projeter dans l'avenir. La grisaille ambiante n'est favorable ni au pays, ni aux affaires. Revenir à la réalité la plus prosaïque, celle des entreprises, fait du bien. Celles-ci sont le socle de la richesse de la France et des acteurs essentiels du pays.

Mme Tam TRAN HUY

Je vous remercie pour ces deux témoignages. À cette tribune se trouvent également Antoine Baschiera, directeur général d'Early Metrics, et Anne-Catherine Loisier, sénatrice de Côte-d'Or. Antoine Baschiera, pourriez-vous nous expliquer l'activité d'Early Metrics, une start-up qui note des start-up ?

M. Antoine BASCHIERA, directeur général d'EARLY METRICS

Je suis le fondateur d'Early Metrics. Nous notons les start-up et les PME innovantes pour le compte d'investisseurs, de grands groupes et d'ETI françaises. En effet, d'une part, nous nous sommes rendu compte que si le nombre de start-up augmentait, de plus en plus de décideurs s'intéressaient au monde des start-up et des PME innovantes pour servir leur stratégie d'innovation. D'autre part, nous constations que les modèles d'analyse financière traditionnelle s'appliquaient très mal à ces sociétés. Par conséquent, il convenait de travailler pour concevoir une manière de noter différente. J'ai fondé cette entreprise pendant mes études, voici un peu plus de quatre ans.

Mme Tam TRAN HUY

Anne-Catherine Loisier, qu'avez-vous retenu de ce secteur que nous connaissons peu ?

Mme Anne-Catherine LOISIER, sénatrice de Côte-d'Or

Je suis rapporteur budgétaire des questions relatives au numérique. J'avais d'abord la volonté de poursuivre une sorte de formation continue. J'ai déjà réalisé plusieurs immersions en entreprise. Elles sont très stimulantes pour nous, sénateurs, car elles nous permettent d'être au coeur du sujet, de recréer un climat de confiance avec le monde de l'entreprise, de créer une accessibilité, un dialogue, et de mieux connaître les sujets sur lesquels nous sommes amenés à nous positionner. Je souhaitais, pour ma part, mieux appréhender le monde des start-up et de la notation des start-up.

Mme Tam TRAN HUY

Antoine Baschiera, qu'avez-vous fait découvrir à Anne-Catherine Loisier ?

M. Antoine BASCHIERA

Une entreprise qui grandit vite dispose de peu de temps pour proposer un programme d'immersion. Je remercie Anne-Catherine Loisier pour le travail de terrain auquel elle a participé. Nous lui avons fait découvrir nos métiers. Elle a participé à des entretiens de notation de start-up et de recrutement. Nous avons également parlé de la croissance du chiffre d'affaires, le seul enjeu pour une société de notre taille. Cette immersion était très concrète et détonait par rapport à ma perception initiale des activités d'un sénateur.

Mme Tam TRAN HUY

Anne-Catherine Loisier, à quel sujet avez-vous été particulièrement sensibilisée à travers ce travail ?

Mme Anne-Catherine LOISIER

Je voulais mieux comprendre l'écosystème des start-up, leur langage, leur « timing », et mieux saisir leurs enjeux. Dans un monde économique rapide, le législateur doit être réactif afin que les dispositions soient adaptées. Je remercie Antoine Baschiera et son équipe dont les journées sont très chargées. J'avais parfois l'impression de les gêner dans leur quotidien mais ils m'ont, de fait, associée à leurs tâches. Participer à un entretien de notation permet de comprendre les paramètres d'efficacité ainsi que les paramètres stratégiques de l'évolution d'une start-up. La valeur humaine et la polyvalence des équipes sont essentielles. Une immersion fait prendre conscience des valeurs économiques importantes de l'entreprise. Il faut que nous, législateurs, puissions les incarner lors de l'examen des projets et propositions de loi, afin de créer une courroie de transmission et un réseau. Il en résulte pour les sénateurs une nécessaire mise à niveau permanente avec le monde économique.

Mme Tam TRAN HUY

Antoine Baschiera, quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?

M. Antoine BASCHIERA

Comme vous l'avez compris, les codes institutionnels sont assez nouveaux pour moi. L'apprentissage était donc double. J'ai 27 ans, j'ai créé une entreprise à 22 ans ; j'étais ingénieur de formation et n'avais jamais travaillé auparavant ; je ne connaissais donc pas ce monde.

Nous sommes l'une des plus petites entreprises dans lesquelles les immersions ont été effectuées. Anne-Catherine Loisier connaissait mieux les start-up que je ne connaissais le Sénat et, plus globalement, le monde institutionnel. J'ai donc beaucoup appris. Les évolutions de carrières et les facteurs clés de succès diffèrent de ce que nous connaissons en entreprise. Nous travaillons à 90 % avec des entreprises du CAC 40 mais nous n'avons que très peu de clients dans le public. Nous avons donc sollicité des informations auprès d'Anne-Catherine Loisier afin de pouvoir nous développer dans le secteur public. Nous avons beaucoup parlé affaires. J'ai énormément appris sur la carrière politique. Nous en avons tiré des mises en relation très concrètes, avec la CCI ainsi qu'avec d'autres acteurs. Une spécificité de ma génération est sans doute de ne rien attendre des sénateurs, par méconnaissance de leur travail. Le fait de mettre des mots sur nos attentes m'a conforté dans mon apprentissage de la sphère politique. Cette expérience a été objectivement utile pour ma perception du secteur public.

Mme Tam TRAN HUY

Anne-Catherine Loisier, quelles suites imaginez-vous à cette immersion ? Songez-vous à aller voir d'autres pays disposant d'un environnement très favorable aux start-up ?

Mme Anne-Catherine LOISIER

Oui. Dans le cas précis d'Early Metrics, le lien est continu. Si l'entreprise est confrontée à des opportunités ou à des difficultés, j'espère qu'Antoine Baschiera nous en fera part afin que nous puissions nous emparer de ces sujets. Il faut recréer un climat de confiance entre les chefs d'entreprise, le milieu économique et le monde politique.

Je voulais par ailleurs saluer le travail la CCI. Le casting des entreprises a été particulièrement bien réalisé et la bonne mise en adéquation qui en résulte a permis des immersions efficaces.

Mme Tam TRAN HUY

Quelles connaissances en avez-vous retirées pour irriguer votre propre territoire ?

Mme Anne-Catherine LOISIER

Comme le président Larcher l'a dit tout à l'heure, le sénateur est d'abord un acteur de territoire, en veille et en contact permanent avec celui-ci. Ces immersions nous permettent de relayer un message de confiance auprès des acteurs ruraux, parfois isolés, qui s'interrogent sur leur avenir économique. Mieux connaître l'écosystème du numérique favorise le dialogue et permet d'apporter des conseils aux acteurs de mon territoire sur un sujet qui me tient à coeur. Le numérique et le commerce en ligne ne sont pas uniquement l'affaire des grands GAFA. Ils constituent aussi de véritables outils de développement pour nos petits commerces ruraux sédentaires.

Mme Tam TRAN HUY

Je vous remercie, Anne-Catherine Loisier et Antoine Baschiera.

Est également présente à cette tribune, Annick Billon qui a effectué l'une des premières immersions, consécutives à la signature de la convention avec la CCI en septembre 2017, chez Armor, une ETI spécialisée dans la chimie des encres et des technologies d'impression. Au début, effectuer un stage en entreprise ne vous intéressait pas nécessairement... ?

Mme Annick BILLON, sénatrice de Vendée

Je viens du monde de l'entreprise. J'ai été directrice commerciale chez Kodak pendant 10 ans. Quand je voyais les comptes rendus dans la presse de sénateurs ou de députés qui partaient en stage, je pensais à ma fille qui terminait son stage de découverte de troisième. Mon regard, Monsieur le président, était assez perplexe.

Nous nous sommes retrouvés au mois de juin ou de juillet dans le Bordelais, alors que vous veniez de signer, deux jours avant, la convention. Lorsque vous m'en avez parlé, je vous ai proposé de m'inscrire par politesse. Ainsi, j'ai été presque la première à le faire.

Seuls les idiots ne changent pas d'avis. J'ai totalement revu ma vision de l'immersion. Il ne faut pas parler de stage. Nous ne sommes pas en stage. Nous ne produisons pas de rapport. Nous allons à la rencontre des entreprises en fonction de sujets, de secteurs et de problématiques particuliers.

Je suis très heureuse de vous avoir rencontré, Monsieur le président, car sinon je ne me serais pas inscrite. Je craignais que cette immersion fasse doublon avec mes visites récurrentes d'entreprises en Vendée. Or, elle s'est révélée très utile et je suis ravie de l'avoir faite. Mes réserves ont totalement disparu et j'encourage tous mes collègues à partager cette expérience.

Mme Tam TRAN HUY

Annick Billon, votre immersion s'est passée en deux temps.

Mme Annick BILLON

Je ne souhaitais pas trop m'éloigner de la Vendée. J'ai proposé Paris ou les Pays de la Loire et j'ai finalement réalisé mon immersion à Nantes. Elle comprenait une demi-journée au siège social de Nantes puis une journée et demie sur le site industriel. Au siège social, j'ai pu rencontrer tous les services ainsi que tout l'encadrement ; j'ai participé à des entretiens poussés et constaté que diverses problématiques étaient soulevées. L'après-midi a commencé par une visite du site industriel et s'est poursuivie par des entretiens d'une à deux heures avec l'ensemble des services (recherche, innovation, formation, RH, etc.).

Mme Tam TRAN HUY

Cette entreprise a décidé de gérer elle-même ses formations, car elle ne trouvait pas les profils qu'elle recherchait.

Mme Annick BILLON

Nous connaissons cette situation en Vendée, sur les métiers de service à la personne. Dans le cas présent, l'ETI a créé son université, l'Université Armor. Tous les ans, elle emmène des salariés vers le bac professionnel. Elle a développé en interne un écosystème afin de permettre une montée en compétences de tous les salariés. Je considère que la démarche de cette entreprise et de son président, Hubert de Boisredon, est exceptionnelle. Je précise que cette entreprise est confrontée à des risques.

Mme Tam TRAN HUY

Elle s'occupe en effet de chimie des encres et des technologies d'impression.

Mme Annick BILLON

L'entreprise développe des partenariats avec son écosystème, notamment avec les pompiers. 60 salariés sont des sapeurs-pompiers volontaires. 6 sapeurs-pompiers sont présents en permanence dans l'entreprise. Ils connaissent les mesures à prendre et peuvent agir immédiatement. Cette ETI fonctionne avec ses compétences, avec ses salariés, grâce à des connexions avec les élus et les associations. Elle adopte une démarche très intéressante sur des sujets techniques liés à l'innovation ; par ailleurs, elle accorde une grande importance aux salariés et à la mixité. De plus, elle entreprend des démarches très innovantes dans tous les secteurs (pompiers, formation, légalité, sécurité, etc.). C'était une vraie découverte pour moi, qui permet d'alimenter mon travail au sein de la Délégation aux entreprises et au sein du Sénat.

Mme Tam TRAN HUY

La robotisation a permis le maintien de l'emploi dans cette entreprise.

Mme Annick BILLON

J'ai découvert, à cette occasion, que les robots n'entraînaient pas nécessairement des suppressions d'emplois. Les robots améliorent les conditions de travail. Ils réduisent les troubles musculo-squelettiques (TMS) et font monter en compétence les salariés. C'est la raison de la création de l'Université Armor. Nous allons travailler cette après-midi sur le bien-être au travail. Le sujet des robots s'inscrit dans cette thématique.

Mme Tam TRAN HUY

À cette tribune se trouve Patricia Morhet-Richaud, sénatrice des Hautes-Alpes. Vous avez effectué une immersion à la Savonnerie de Haute-Provence.

Mme Patricia MORHET-RICHAUD, sénatrice des Hautes-Alpes

La signature de cette convention entre Gérard Larcher, Élisabeth Lamure et le président de la CCI France, était une bonne idée. Je ne conçois pas mon métier de sénatrice sans une proximité avec tous les acteurs de mon territoire. Cette opportunité de réaliser un stage dans une entreprise située hors de mon territoire m'a semblé naturelle.

Mme Tam TRAN HUY

Vous qualifiez cette Savonnerie de « pépite » de la région. Pourriez-vous nous présenter cette entreprise ?

Mme Patricia MORHET-RICHAUD

L'entreprise existe depuis 16 ans. Elle s'est constituée à l'initiative de son gérant, Daniel Margot, actuel président de la Chambre de Commerce et d'Industrie des Alpes de Haute-Provence. Cette entreprise du marché de la savonnerie est solide. Il existe un attrait actuel pour un retour à l'authenticité et, par conséquent, pour le savon solide, perçu comme étant plus naturel que le savon liquide. Cette savonnerie fabriquait, en 2013, 8 millions de savons. En 2018, elle en a produit 30 millions, destinés à la France et à l'export.

Mme Tam TRAN HUY

Qu'est-ce qui vous a attirée particulièrement dans le secteur des cosmétiques ?

Mme Patricia MORHET-RICHAUD

Après avoir travaillé 30 ans dans une coopérative agricole, il m'a semblé intéressant de découvrir cette autre filière très importante qu'est la cosmétique.

Mme Tam TRAN HUY

Quels enseignements avez-vous tirés de cette immersion en tant que législateur ?

Mme Patricia MORHET-RICHAUD

J'ai souhaité rencontrer, au cours de l'immersion, tous les acteurs des secteurs d'activité concernés - de la création à la formulation des savons jusqu'à la réalisation, la logistique et l'administratif. Il était important pour moi de collecter des informations afin de savoir ce qui ne fonctionnait pas et ce qui pouvait m'intéresser au niveau législatif. Nous recueillons souvent, auprès des entreprises, le message selon lequel la législation est trop tatillonne en France, avec des transpositions législatives soulevant des difficultés.

Mme Tam TRAN HUY

Celles-ci feront l'objet d'une table ronde tout à l'heure. Vous y avez été particulièrement sensibilisée dans le cadre de votre immersion.

Mme Patricia MORHET-RICHAUD

En effet. Se pose ensuite le problème des recrutements. Il n'existe pas d'école de formation dans la savonnerie, la formation est donc effectuée en interne. Les surcharges administratives représentent un obstacle, notamment au niveau des ressources humaines, avec des formulaires de plus en plus nombreux qui pénalisent les entreprises. Les contraintes freinent l'innovation. Au moment de cette immersion, la perspective du prélèvement à la source était notamment très pénalisante pour cette petite entreprise.

Mme Tam TRAN HUY

Je vous remercie pour ce témoignage.

Nous observons des points communs entre ces différents témoignages, à la fois sur la nécessité de simplification, la difficulté à recruter des profils adaptés et la nécessité de rendre l'administration plus lisible. Je vous invite à conclure cette première table ronde.

M. François BONHOMME

La simplification est le premier sujet. Le monde se complexifie et il convient de ne pas ajouter d'autres problèmes à ceux existant. Le second sujet est le recrutement de profils adaptés et la difficulté à les garder.

Mme Valérie COTTEREAU

Je voudrais prendre un peu de recul en précisant que je ne me sens pas femme chef d'entreprise mais chef d'entreprise tout court. À propos des thématiques qui seront abordées cette après-midi, je pense qu'il ne faut pas parler de bonheur au travail mais de plaisir ; le bonheur, que quelqu'un a évoqué plus tôt, est pour moi global.

Mme Tam TRAN HUY

Nous parlerons plutôt de bien être cette après-midi.

Mme Anne-Catherine LOISIER

Je voudrais m'attacher à la méthode, celle qui marche, c'est la proximité tout autant que la réactivité entre l'entreprise et les élus ; c'est cela qui permettra à la France de gagner.

M. Antoine BASCHIERA

Il est coutume de dire que la curiosité est un vilain défaut. Je crois au contraire que la curiosité est une grande qualité. Je vous invite à poursuivre et à renforcer le programme d'immersion. Les bénéfices pour les sénateurs et pour les entreprises sont partagés. Ils contribuent à permettre aux secteurs public et privé d'aider la France à avancer dans la bonne direction.

Mme Annick BILLON

Je souhaite que les ETI ne soient jamais oubliées dans nos projets de loi, alors qu'elles le sont bien souvent. De belles expérimentations concernant la formation se passent dans les entreprises. Ce qui fonctionne en Vendée ou en Loire-Atlantique n'est peut-être pas approprié au Nord de la France ou en Haute-Savoie. Il faut peut-être éviter d'aller trop loin dans les normes, dans la loi, pour laisser place à l'expérimentation et aux bonnes pratiques. J'ai effectué une soixantaine de visites en Vendée au cours des trois premières années de mon mandat. Je suis admirative de l'énergie de ces femmes et de ces hommes chefs d'entreprise, de leur volonté et de leur joie au travail.

Il y a quelque temps, l' Usine extraordinaire a été présentée au Grand Palais. La ministre du Travail s'y est exprimée devant 250 enfants, collégiens et lycéens. Elle a demandé à ceux dont les parents travaillaient dans l'industrie de lever la main : seuls 4 enfants ont levé la main. Leurs parents se trouvaient donc globalement dans l'incapacité de les orienter vers ces métiers. Nous avons, comme pour l'apprentissage, beaucoup de travail.

Mme Patricia MORHET-RICHAUD

Aujourd'hui, le droit à la différenciation, ainsi que la proximité entre les élus et les territoires, me semblent essentiels.

2. Seconde série de témoignages

Ont participé à cette table ronde :

M. Pascal CARRANO, directeur général de Léo Lagrange, PME du secteur du tourisme dans les Bouches-du-Rhône, et Mme Vivette LOPEZ, sénateur du Gard (immersion les 4, 5 et 6 septembre 2017) ;

M. Pierre FAUCOUP, président directeur général de CILAS (Compagnie industrielle des lasers), ETI du secteur de haute technologie militaire (filiale d'ARIANE GROUP et d'AREVA) implantée dans les Bouches-du-Rhône, et M. Ronan LE GLEUT, sénateur représentant les Français établis hors de France (immersion les 19 et 20 juin 2018) ;

M. Louis-Jean de NICOLA•, sénateur de la Sarthe, ayant effectué une immersion au Westin Paris Vendôme (les 14 et 15 mars 2018), hôtel appartenant au groupe Marriott International ;

Mme Patricia SCHILLINGER, sénateur du Haut-Rhin, ayant effectué une immersion (les 11 et 12 septembre 2017) dans la société PALC, PME de l'agroalimentaire appartenant au groupe COLIN.

Mme Tam TRAN HUY

Madame la sénatrice, Vivette Lopez, vous avez réalisé l'une des premières immersions consécutives à la signature de la convention avec la CCI. Vous avez séjourné au centre de vacances Léo Lagrange. Pourriez-vous nous raconter ce qui vous a séduit dans cette immersion ?

Mme Vivette LOPEZ, sénateur du Gard

Je suis une aventurière et je suis curieuse. Je remercie Antoine Baschiera d'avoir dit tout à l'heure que la curiosité n'était pas un vilain défaut. Ce n'est pas parce que nous sommes des élus que nous sommes omniscients. Je m'intéresse à tout. J'avais déjà effectué une immersion en tant que maire dans le Gard, répondant favorablement à la proposition du président de la Chambre des métiers du Gard, Henry Brin. Cette expérience, que j'ai trouvée agréable et drôle, s'est déroulée chez une coiffeuse près de chez moi. J'ai lavé les cheveux d'un journaliste. Ainsi, quand au Sénat, la Délégation aux entreprises a proposé cette immersion pour trois jours, j'ai estimé qu'il était intéressant d'en réaliser une sur une durée plus longue. Étant à la commission de la Culture, de la Communication et de l'Éducation, il me semblait que Vacances Léo Lagrange étaient en adéquation avec mon travail de législateur.

Mme Tam TRAN HUY

Pascal Carrano, pourriez-vous nous présenter en quelques mots Vacances Léo Lagrange, un opérateur historique du tourisme social et familial ?

M. Pascal CARRANO, directeur général de Léo Lagrange

Bonjour à tous, je tenais tout d'abord à remercier Madame la sénatrice de son implication dans son immersion, ainsi que ses collaborateurs, le Sénat, CCI France qui nous a contactés et la Délégation aux entreprises qui nous a accompagnés sur cette journée.

Vacances Léo Lagrange est un opérateur historique de tourisme social et durable. Le tourisme social vise à favoriser la mixité sociale mais n'est pas spécifiquement dédié à un public précaire. Nous essayons au contraire de créer des lieux de rencontres et d'échanges. Nous existons depuis plus de quarante ans. Le secteur de l'économie sociale et solidaire est complémentaire à l'économie marchande, et non pas opposée. Nous avons tout intérêt à travailler ensemble pour le développement économique et social de notre pays. Nous disposons de 10 établissements et d'environ 200 salariés. Nous travaillons sur quatre piliers majeurs : le développement économique des territoires (nous nous adressons prioritairement aux acteurs et aux producteurs locaux, circuits courts), la découverte culturelle du patrimoine de nos régions, la sensibilisation à la protection de l'environnement, et enfin, le social car, lorsque nous implantons un village vacances sur un territoire, nous favorisons l'emploi local.

Mme Tam TRAN HUY

À quelles difficultés votre entreprise a-t-elle dû faire face au cours de ces dernières années ? Comment a-t-elle organisé son développement dans ce secteur très concurrentiel ?

M. Pascal CARRANO

Le secteur est en effet très concurrentiel. Je dirige un groupe associatif. Le statut de la maison mère est une association de loi 1901 qui peut parfois manquer un peu de crédibilité auprès de certains opérateurs privés ou institutionnels. Nous essayons, avec beaucoup de conviction, de montrer que nous faisons preuve de professionnalisme. J'ai récupéré la direction générale de ce groupe voici deux ans. J'ai hérité d'une structure qui portait le poids de l'Histoire et nous essayons d'injecter des méthodes nouvelles. Nous développons notamment une stratégie digitale pour faire face à des concurrents de plus en plus forts et pour réaffirmer les valeurs que nous portons sur un tourisme de découverte, notamment l'accès à la culture, dédié au développement des régions.

Mme Tam TRAN HUY

Vivette Lopez, comment s'est passée votre immersion ?

Mme Vivette LOPEZ

J'ai été accueillie par des personnes très chaleureuses. L'ambiance était bonne et tout le monde participait aux prises de décision. Quand je suis arrivée, un portail internet destiné à offrir une meilleure lisibilité était en cours de création. J'ai visité plusieurs sites (Marseille, île du Frioul, Château de Buoux). Le tourisme proposé est essentiellement lié à la découverte et à la protection de l'environnement, à la culture, à la mixité intergénérationnelle. J'ai découvert le mode de fonctionnement de ce tourisme que l'on appelle solidaire et social mais qui est ouvert à tous. L'année dernière, j'ai emmené mes petits enfants au Village vacances Léo Lagrange à Ramatuelle.

Mme Tam TRAN HUY

Quels enseignements avez-vous tirés de cette expérience, en tant que législateur, quant aux freins du développement des Vacances Léo Lagrange ?

Mme Vivette LOPEZ

Pour pouvoir défendre les entreprises, il faut bien les connaître. Je suis une personne de terrain. Je me rends souvent dans le département du Gard à la rencontre d'entreprises. Je travaille avec la Chambre des métiers, avec la Chambre de commerce et d'industrie. Je voudrais, d'ailleurs, saluer les cinq entreprises gardoises qui sont venues aujourd'hui : Juste Chic : l'entreprise fabrique en France des sous-vêtements masculins de très grande qualité à Nîmes ; Morgan's Bicycle & Design : ce mécanicien, qui a fait de sa passion son métier, customise votre vélo de jeunesse ; L'Atelier de Nîmes : L'entreprise produit de la toile destinée aux jeans ; SCE Events : l'entreprise, adepte du principe de précaution, est spécialisée dans la construction et dans la vente de structures événementielles éphémères, à Saint-Gilles dans le Gard ; Pack Solutions .

Je crois qu'il faut être très proche des acteurs du territoire et inciter la jeunesse à pousser la porte de la CCI. Beaucoup de jeunes sont oisifs parce qu'ils ne connaissent pas le monde de l'entreprise. Nous devons défendre, au Sénat, toutes nos industries.

Mme Tam TRAN HUY

Pascal Carrano, que vous a apporté cette expérience consistant à recevoir une sénatrice dans votre structure ?

M. Pascal CARRANO

Cette expérience est avant tout un échange humain qui sort du cadre protocolaire. Loin des événements institutionnels habituels, elle se décline sous forme d'une immersion. Par conséquent, le sénateur accepte de se mettre dans les conditions d'un salarié d'une entreprise, ce que la sénatrice Yvette Lopez a parfaitement respecté. En tout état de cause, à la direction générale, à Marseille, ou dans les établissements, les équipes ont rencontré un représentant du Parlement et ont échangé, notamment sur le bicamérisme qui a toute sa place aujourd'hui.

Mme Tam TRAN HUY

Pierre Faucoup, vous êtes président directeur général de Cilas et vous avez accueilli au mois de juin 2018 le sénateur Ronan Le Gleut, sénateur des Français de l'Étranger. Pourriez-vous nous présenter l'activité de l'entreprise Cilas, notamment celle de l'entité d'Aubagne où a eu lieu l'immersion ?

Pierre FAUCOUP, président directeur général de CILAS

Cilas est une entreprise de plus de 250 salariés qui dispose de trois sites industriels en France. L'entreprise réalise des équipements et met en oeuvre des lasers pour des usages de défense, dans le domaine spatial ou dans le domaine de la recherche. Le site d'Aubagne, qui comporte un peu plus de 25 salariés, est spécialisé dans les traitements des équipements optiques, des miroirs, sur lesquels de très fines couches métalliques ou chimiques sont posées, conférant à ces miroirs des spécificités particulières qui leur permettent notamment de résister durablement à l'atmosphère spatiale ou au passage d'un faisceau laser. Ce métier et ses compétences sont donc très spécifiques. Monsieur le sénateur Le Gleut a dû revêtir chausses, coiffe, masque, gants et combinaison pour découvrir les différents moyens de production que nous mettons en oeuvre. Il a pu être au plus proche de l'activité de l'entreprise et découvrir la spécificité de la façon dont nous la mettons en oeuvre, avec les contraintes particulières de nos différents salariés. Il a donc été totalement été immergé dans l'environnement.

Mme Tam TRAN HUY

Ronan Le Gleut, cette entreprise vous intéressait à plusieurs titres. D'abord, vous êtes ingénieur de formation. Ensuite, vous vous intéressez particulièrement au domaine de la défense.

M. Ronan LE GLEUT, sénateur représentant les Français établis hors de France

En tant que membre de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, il était particulièrement intéressant d'être immergé au coeur d'une entreprise qui représente, pour moi, une fierté nationale. Lorsqu'une entreprise est capable d'envoyer des composants sur la planète Mars ou de participer au développement du Laser Mégajoule à Bordeaux, c'est qu'elle dispose d'un savoir-faire unique au monde.

Une visite des lieux d'innovation tels que Shenzhen, en Chine, montre que la France est capable du meilleur. Cette entreprise, Cilas, est capable du meilleur. Nous ne mettons pas suffisamment en avant ce savoir-faire français. La France peut être fière de ce qu'elle réalise. C'est ce qui ressort de ces immersions.

L'objet de cette immersion était d'en tirer des leçons pour améliorer nos travaux, notamment dans le cadre du projet de loi dit PACTE. J'ai retenu un certain nombre de blocages ou de freins qui empêchent parfois la France d'être le leader qu'elle devrait être. Des difficultés de recrutement se posent en effet, parmi lesquelles la mise en adéquation des formations diplômantes avec les besoins des entreprises. En Europe, certains exemples peuvent nous inspirer, tels que la formation professionnelle en Suisse, l'apprentissage en Allemagne, etc. Cette tradition très ancienne d'un système dual entre l'entreprise et l'école constitue pour nous un véritable enjeu.

La question de l'aide à l'export apparaît également. En tant que sénateur des Français à l'étranger, j'ai à coeur de relayer cette information. Au cours de déplacements à l'étranger, j'ai pu observer que Business France et une chambre de commerce française à l'étranger pouvaient organiser tous les deux la même semaine un colloque sur le même sujet dans une même capitale. Cette difficulté du travail en commun de nos acteurs de l'export constitue pour nous l'un des grands défis. Dans ce contexte, je salue ce qui est actuellement mis en oeuvre avec la Team France Export, c'est-à-dire l'objectif de n'avoir qu'un seul interlocuteur.

La question essentielle des effets de seuil remonte également. L'entreprise disposait, au moment de la visite, de 251 salariés. La future loi PACTE permettra davantage de flexibilité sur les effets de seuil. Il faut le saluer également.

Enfin, je remercie sincèrement Pierre Faucoup pour son accueil exceptionnel.

Mme Tam TRAN HUY

Pierre Faucoup, vous avez largement eu l'occasion d'échanger, au moment de l'immersion, de cette future loi PACTE avec Ronan Le Gleut.

M. Pierre FAUCOUP

Nous avons effectivement échangé sur ce sujet ainsi que sur les différentes réglementations européennes concernant le contrôle des exportations, qui peuvent poser un certain nombre de difficultés aux entreprises françaises pour aborder les marchés à l'export. L'exportation représente actuellement 40 % de notre activité. Il s'agit évidemment d'un enjeu majeur.

Mme Tam TRAN HUY

Pierre Faucoup, pourriez-vous nous dire quelques mots sur la structure de votre entreprise, filiale d'Ariane Group ?

M. Pierre FAUCOUP

Notre entreprise dispose de son autonomie juridique mais elle est une filiale d'Ariane Group, le leader européen des lanceurs civils et militaires qui nous apporte son soutien. Notre deuxième actionnaire est Areva. La RGPD a été plus facile à mettre en oeuvre pour nous, car le groupe a mis des outils à notre disposition afin d'appréhender le sujet.

Mme Tam TRAN HUY

Quels problèmes avez-vous pu exposer au sénateur Ronan Le Gleut ?

M. Pierre FAUCOUP

Un problème important de recrutement se pose à nous en termes d'adéquation des formations à nos besoins. Nos métiers sont techniques, scientifiques, très pointus. Nous avons beaucoup de difficultés à trouver des opérateurs, des techniciens formés pour appréhender nos métiers. Certaines entreprises mettent en place leurs formations en interne. Nous n'avons pas encore franchi ce cap même si, lorsque de nouveaux salariés rejoignent l'entreprise, les formations sont réalisées au poste de travail. Nous ne disposons pas, en revanche, de centre de formation. Ce manque constitue une grande préoccupation, tant pour le site d'Aubagne que pour le siège de l'entreprise à Orléans.

Mme Tam TRAN HUY

Vous évoquiez la question des lourdeurs administratives lorsque vous répondez aux appels d'offres européens. S'agit-il d'une difficulté à laquelle vous devez faire face ?

M. Pierre FAUCOUP

Oui, nous avons participé à notre premier appel d'offres européen l'année dernière sur une thématique de défense. Nous avons eu la chance d'être sélectionnés et nous avons découvert toute la lourdeur de la préparation ainsi que de la mise en oeuvre du projet. S'il convient de s'assurer que l'argent public est bien utilisé, les conséquences administratives sont extrêmement lourdes et complexes pour une entreprise de notre taille. Une simplification est nécessaire pour les sociétés qui participent aux appels d'offres européens.

Mme Tam TRAN HUY

Ronan Le Gleut, que l'immersion vous a-t-elle apporté à titre personnel et dans votre travail de législateur ?

M. Ronan LE GLEUT

J'ai évoqué l'impact de nos discussions sur la future loi PACTE. Cette semaine, j'ai eu l'occasion, à deux reprises, de parler de ce stage chez Cilas. J'étais hier à Taverny, dans le Val-d'Oise, avec Sébastien Meurant et Michel Raison, au Centre opérationnel des forces armées stratégiques. Nous avons parlé de la dissuasion nucléaire et nous avons évoqué le Laser Mégajoule de Bordeaux dont Cilas fournit une partie des composants, afin de permettre la simulation de la dissuasion nucléaire française.

J'ai rencontré hier le général de corps d'armée aérienne, Bruno Mégret. En début de semaine j'auditionnais Antoine Bouvier, le dirigeant de MBDA, sur le rapport sur la défense européenne que je rédige avec Hélène Conway-Mouret. Antoine Bouvier a lui-même évoqué Cilas, dans l'architecture de travail en commun des grands groupes industriels de défense européens avec les PME et les ETI, notamment en vue de l'accès au futur fonds européen de défense sera doté de 13 milliards d'euros dans le prochain budget européen 2021-2027, ce qui permet d'envisager une base industrielle de défense européenne.

Mme Tam TRAN HUY

Est également présent à cette tribune, Louis-Jean de Nicolaÿ, sénateur de la Sarthe. Vous avez réalisé votre immersion au Westin Paris Vendôme qui appartient au groupe Marriott International.

M. Louis-Jean de NICOLA•, sénateur de la Sarthe

Je remercie la Délégation aux entreprises, car il n'a pas été facile de trouver un grand hôtel parisien. Je m'intéresse, comme tous les Parlementaires, à l'attractivité de notre pays. Les grands hôtels accueillent énormément d'étrangers et témoignent de l'attractivité de notre capitale et de notre pays. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité passer quelques jours dans un grand hôtel parisien. L'expérience a été extrêmement intéressante. En tant qu'élu de province, je souhaitais découvrir la qualité de prestation d'un grand hôtel parisien pour essayer de le décliner dans le département de la Sarthe.

Mme Tam TRAN HUY

Vous vous êtes intéressé à la façon dont cet hôtel capte la clientèle internationale. Qu'avez-vous appris ?

M. Louis-Jean de NICOLA•

Je me suis intéressé à la façon dont l'hôtel réussit à fidéliser une clientèle internationale. Des points sont octroyés aux clients à chaque fois que ceux-ci réservent une chambre dans un hôtel Marriott. Après avoir obtenu un certain nombre de points, les clients peuvent bénéficier soit d'une chambre de meilleur standing, soit d'une chambre gratuite. Les réseaux sociaux jouent également un rôle important. Certaines chambres du Westin donnent sur la rue de Rivoli et offrent une vue sur le Louvre, sur le Jardin des Tuileries et sur la Tour Eiffel. Les clients publiant sur Instagram ou sur Facebook une photo prise depuis le Westin bénéficient d'avantages.

Mme Tam TRAN HUY

À quelles difficultés cet établissement fait-il face ? Nous pensons au contexte difficile pour Paris (attentats, crise sociale).

M. Louis-Jean de NICOLA•

Les dirigeants de l'hôtel m'ont parlé de trois problèmes. Le premier réside dans la liaison très lente entre les aéroports et Paris, qui suscite des plaintes chez les clients. Le deuxième concerne la sécurité dans la capitale. Le troisième est la propreté. La saleté de l'autoroute A1, entre l'aéroport de Roissy et Paris, frappe les clients étrangers.

Ces problèmes rendent complexe la promotion de la ville et, à travers elle, de l'hôtel. Enfin, comme pour les autres entreprises, il n'est pas facile de trouver le personnel adéquat au bon moment afin de faire face à un afflux de clientèle. Les périodes les plus intéressantes sont celles des conventions ou des fashion weeks . Des groupes entiers arrivent à Paris. Les quelque 400 chambres sont alors presque totalement réservées. Grâce aux entreprises, les grands hôtels peuvent maintenir un niveau de prix élevé. Les attentats ont eu pour conséquences une réduction du nombre de conventions internationales dans Paris, ce qui a conduit à la perte d'importants clients.

Mme Tam TRAN HUY

Que retenez-vous de cette expérience, à la fois comme législateur et pour votre territoire ?

M. Louis-Jean de NICOLA•

Je souhaitais découvrir, par cette immersion, comment la promotion de l'hôtel évoluait. Il apparaît que sans fidélisation de la clientèle, il est très difficile de maintenir un taux d'occupation élevé. La priorité est donc de garder sa clientèle.

Mme Tam TRAN HUY

Patricia Schillinger, sénatrice du Haut-Rhin, est présente à cette tribune. Vous avez effectué une immersion dans la société PALC, une entreprise de l'agroalimentaire appartenant au Groupe Colin, qui travaille dans les épices.

Mme Patricia SCHILLINGER, sénateur du Haut-Rhin

L'entreprise produit des solutions culinaires qui se trouvent dans de nombreux plats. La société est située dans le Bas-Rhin. Cette entreprise familiale et indépendante existe depuis 50 ans. Elle a su grandir et se moderniser ; elle emploie actuellement 300 employés. La société a même pu racheter une entreprise en Allemagne ainsi qu'une autre dans le Haut-Rhin. Elle produit des arômes et des colorants, des matières premières végétales, des mix et des ingrédients technologiques. Vous les trouvez dans les soupes, dans les produits diététiques, dans les céréales, dans les fromages. L'entreprise exporte et importe. Elle rencontre certaines difficultés face aux normes françaises, européennes et internationales. C'est une entreprise riche par la diversité de ses métiers. La société produit 15 000 tonnes d'ingrédients chaque année et réalise un chiffre d'affaires annuel de 82 millions d'euros.

Mme Tam TRAN HUY

Vous avez été frappée par les difficultés de recrutement de l'entreprise.

Mme Patricia SCHILLINGER

En effet, l'entreprise ne parvient pas à recruter dans certaines spécialités, surtout celles liées au travail à la chaîne. Il est vrai que ces métiers sont pénibles. Elle fonctionne ainsi avec 45 intérimaires. Elle a même réalisé des job datings dans l'entreprise, mais personne ne s'est présenté. Le chef d'entreprise était très déçu. Le recrutement est extrêmement difficile.

Mme Tam TRAN HUY

Comment avez-vous été accueillie au sein de cette entreprise ?

Mme Patricia SCHILLINGER

Les salariés de l'entreprise se sont d'abord demandé ce qu'une Parlementaire venait faire là. Ils ont finalement apprécié cette immersion, car ils ont pu valoriser leur travail. Ils m'ont fait découvrir leurs produits mais aussi le fonctionnement de l'entreprise, les difficultés rencontrées, tant sur le plan technique que commercial. Au cours de ces trois journées, j'ai pu me faire une vision exhaustive de la société.

Mme Tam TRAN HUY

Je vous demanderai, à chacun, un mot de conclusion rapide.

M. Pascal CARRANO

Nous avons essayé de participer à la sensibilisation du législateur à la réalité du terrain entrepreneurial. Nous avons aussi voulu montrer que l'émancipation par le travail existait, mais également que la productivité et le savoir-faire français sont au rendez-vous.

Mme Vivette LOPEZ

Je me suis rendu compte de l'importance des labels. Je vous le dis, à toutes et à tous, n'attendez pas de faire un burn-out ; allez prendre une semaine de vacances sur un site remarquable, aux Vacances Léo Lagrange !

M. Pierre FAUCOUP

Cette expérience a été très belle. J'ai été très heureux de pouvoir faire découvrir nos métiers et compétences. Nous sommes prêts à recommencer.

M. Ronan LE GLEUT

Le président Pompidou disait : « N'emmerdez pas les Français ». Permettez-moi de le paraphraser et de dire : « N'emmerdez pas les entrepreneurs. N'emmerdez pas les entreprises ». Il faut vous laisser faire. C'est vous qui créez l'emploi en France. La France a besoin de vous et nous sommes avec vous.

M. Louis-Jean de NICOLA•

Je voudrais remercier la Délégation aux entreprises de cette initiative. Il est extrêmement important pour nous d'aller sur le terrain. Je remercie les entreprises de leur accueil.

Mme Patricia SCHILLINGER

Cette expérience a en effet été très belle. N'oubliez pas que dans vos plats se trouvent des produits Colin.

Les sociétés françaises ont un savoir-faire, une tradition. Je les félicite. Il ne faut pas hésiter à consommer les produits français et se rendre dans les entreprises pour découvrir tous ces métiers.

Mme Tam TRAN HUY

Merci à tous.

Je vais maintenant donner la parole au président de CCI France, Pierre Goguet, pour la conclusion.

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