B. UNE ARCHITECTURE SEGMENTÉE, UN FREIN À LA TRANSFORMATION DU SYSTÈME DE SANTÉ ?

1. La structuration de l'Ondam en sous-objectifs : une obscure clarté
a) Un choix justifié par des procédures d'allocation des ressources et de régulation différentes entre offreurs de soins

Le « profilage » de l'Ondam et son vote en sous-objectifs, depuis 2005, a repris une présentation historique : comme le rappelle une note du HCAAM 55 ( * ) , les sous-objectifs correspondaient dans leurs grandes lignes à « des agrégats qui préexistaient avant même la création de l'Ondam et qui étaient présentés dès la création de l'Ondam dans les documents législatifs préparatoires. »

Pour la directrice de la sécurité sociale et les représentants de la caisse nationale d'assurance maladie entendus par vos rapporteurs, la structuration des principaux sous-objectifs de l'Ondam, selon les offreurs de soins (ville, hôpital, médico-social), présente l'avantage de correspondre à des procédures d'allocation des ressources différentes pour chaque secteur et à des modes de régulation également distincts , avec d'un côté des enveloppes limitatives dont une partie peut être mise en réserve et de l'autre des dépenses dites de guichet nécessitant la mobilisation d'autres mesures de régulation (actions sur les tarifs et/ou volumes, etc.).

Les représentants de la Cour des comptes ont également relevé que la principale vertu du système de sous-objectifs sectoriels est la clarté , chacun étant doté de canaux individualisés de financement et de modalités de suivi des dépenses qui lui sont propres.

Vos rapporteurs reconnaissent la logique et la cohérence de cette organisation. Ils constatent néanmoins que la segmentation de l'Ondam reproduit de fait le pilotage éclaté et essentiellement dual de notre système de santé , schématiquement entre des soins de ville gérés par l'assurance maladie, par le biais de conventions fixant les tarifs et autres rémunérations des professionnels de santé, et des établissements de santé relevant de la direction générale de l'offre de soins du ministère de la santé et, en région, des agences régionales de santé, avec une fixation des tarifs par voie d'arrêté ministériel.

b) Des porosités entre sous-objectifs : un découpage qui manque de lisibilité

Si elle présente à de nombreux égards le mérite de la clarté, l'architecture de l'Ondam n'est pas parfaite pour autant : la lisibilité fait parfois défaut en termes d'identification des champs de responsabilité ou de pilotage global de certaines dépenses.

Ainsi, le découpage en sous-objectifs ne correspond pas toujours au fait générateur de la dépense, ce qui ne facilite pas la compréhension du système et la responsabilisation des acteurs .

Les honoraires des médecins exerçant en cliniques privées sont dans le champ de la médecine de ville bien que leur activité se déroule souvent dans le cadre d'un séjour en établissement ; d'un autre côté, des médecins de ville orientent des patients vers des consultations externes, générant de fait de la dépense hospitalière.

Un autre exemple est celui des prescriptions hospitalières exécutées en ville (PHEV) , qui correspondent aux prescriptions établies par des hospitaliers, en sortie d'hospitalisation, lors d'un passage aux urgences ou au cours d'une consultation externe, et donnant lieu à la délivrance de médicaments en officine de ville ou à la réalisation des actes prescrits en ville et non à l'hôpital : ces dépenses ( 11,7 milliards d'euros en 2016 56 ( * ) ) relèvent de l'Ondam « soins de ville ». Elles représentent près du quart (24 %) de l'ensemble des prescriptions de médicaments, d'actes d'auxiliaires médicaux, de biologie, de dispositifs médicaux et de transports de malades exécutées en ville ainsi que d'indemnités journalières, contre 17 % en 2004. Parmi celles-ci, les prescriptions de médicaments ont augmenté de 8 % en moyenne par an au cours des douze dernières années 57 ( * ) .

Ces PHEV ont crû plus rapidement que celles prescrites en ville : de plus de 34 % entre 2010 et 2016 contre 24,6 % .

Ces dépenses n'échappent pas pour autant à toute régulation : s'agissant des prescriptions de médicaments, celle-ci s'inscrit dans les contrats d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (Caqes) entre l'ARS, l'organisme local d'assurance maladie et l'établissement de santé. Ces actions sont sans doute à développer en articulation avec celles conduites par l'assurance maladie en direction des professionnels de ville.

Faire relever ces dépenses de l'Ondam hospitalier ne serait pas une solution à privilégier : cela permettrait de responsabiliser le prescripteur mais pourrait aussi conduire, comme l'a relevé la direction de la sécurité sociale, à repousser cette prescription sur les médecins de ville et donc la charge de la régulation sur d'autres acteurs. Plus généralement, le transfert de certaines dépenses d'un objectif à l'autre ne va pas sans soulever des difficultés : lors de l'examen du PLFSS pour 2018, la commission avait appelé à la vigilance au sujet du transfert de l'Ondam soins de ville vers l'Ondam hospitalier des dépenses de transports sanitaires inter-établissements, intervenu le 1 er octobre 2018, en raison d'une évaluation contestée des dépenses à transférer et d'une préparation insuffisante.

Un autre élément de porosité vient du fait que certaines décisions impactant un secteur de l'offre de soins ont des conséquences sur un autre secteur : les actes médicaux des professionnels de santé libéraux ont le même tarif en ville qu'en établissement ; les évolutions des honoraires conventionnels ont donc un impact sur le budget des établissements de santé par le biais des consultations externes, alors que les fédérations hospitalières ne sont pas associées à ces négociations.

Ces exemples illustrent, comme l'ont d'ailleurs relevé plusieurs personnes auditionnées, la nécessité d'articuler les modes de régulation entre les différents sous-ensembles de l'Ondam ou de développer une régulation plus transversale, afin notamment de tenir compte des effets possibles de débordement d'un secteur à l'autre.

Dans cette perspective, le fait d'associer les fédérations hospitalières aux négociations conventionnelles, suivant leur demande récurrente, serait selon vos rapporteurs une avancée.

Proposition n° 12 : Associer les fédérations hospitalières aux négociations conventionnelles

La répartition en sous-objectifs se traduit par un manque de lisibilité, enfin, des dépenses de médicaments éclatées entre plusieurs enveloppes de l'Ondam : en l'occurrence celle des soins de ville pour les médicaments délivrés en officine de ville ou ceux en rétrocession, et celle des établissements de santé pour ce qui est de la liste en sus 58 ( * ) ou des autorisations temporaires d'utilisation. Cela ne correspond pas, d'ailleurs, à des logiques de régulation différentes.

Lors de leur audition, les représentants du Leem ont regretté le manque de lisibilité qui en résulte sur les dépenses de médicament et leur contribution à la tenue de l'Ondam, préconisant la création d'une enveloppe regroupant l'ensemble des dépenses de produits de santé en distinguant celles de médicaments et celles de dispositifs médicaux.

L'annexe 7 au PLFSS retrace, en reprenant des éléments publiés chaque année par la Drees dans « Les comptes de la santé », les dépenses de médicaments de la CSBM (consommation de soins et de biens médicaux), qui représentent 16,1 % de la CSBM et 32,7 milliards d'euros en 2018 (contre 33,4 milliards d'euros en 2010). Cependant, celles-ci ne correspondent pas aux mêmes agrégats que l'Ondam et en donnent en outre une vision seulement rétrospective.

Sans pour autant créer un sous-objectif ad hoc qui pourrait créer de nouvelles rigidités, vos rapporteurs estiment nécessaire, compte tenu de l'importance stratégique de ce poste, de disposer d'une vision isolée et consolidée de la dépense de produits de santé, permettant de retracer sa dynamique (dans ses deux principales composantes que sont les médicaments et les dispositifs médicaux) et sa contribution à la maîtrise de l'Ondam, incluant les remises et autres mécanismes de modulation des prix.

Proposition n° 13 : Retracer de manière consolidée les dépenses de produits de santé dans l'Ondam

2. Une segmentation qui fait débat, en accentuant le cloisonnement au sein du système de soins
a) Une logique à rebours de la notion de parcours de santé

Quelles que soient ses justifications, le découpage en sous-objectifs crée une forme d'imperméabilité entre les différents champs de l'Ondam.

Cette architecture entretient voire accentue le clivage entre les secteurs et le cloisonnement entre les acteurs de l'offre de soins , à rebours de la transformation souhaitée de notre système de santé pour répondre plus efficacement aux besoins liés à l'accompagnement du vieillissement de la population et à la prévalence des maladies chroniques.

L'un des axes principaux de la loi « santé » adoptée à l'été 2019 59 ( * ) , à travers la promotion des projets territoriaux de santé ou la rénovation du modèle des hôpitaux de proximité, est en effet de décloisonner les acteurs pour bâtir des « parcours de santé » associant les trois principaux secteurs de l'offre de soins (ville, hôpital, médico-social).

Ainsi que l'a souligné Jean-Marc Aubert lors de son audition par vos rapporteurs, cette structuration a tendance à figer le regard et à stabiliser les « parts de marché » des acteurs , indépendamment des évolutions des modes de prise en charge ou des avancées technologiques.

Le HCAAM dresse le même constat dans son rapport de 2018 sur la stratégie de transformation du système de santé 60 ( * ) : « L'observation du passé récent tend à indiquer que les mécanismes de négociation des objectifs d'évolution des dépenses et des économies à réaliser se fait par type d'acteur institutionnel, avec comme conséquence l'octroi de taux d'évolution très peu différenciés pour chacun et peu de fongibilité réelle (...). L'une des conséquences de cette procédure segmentée de régulation est de donner une vision cloisonnée des gains d'optimisation possibles alors qu'une dépense consentie dans un segment du système peut conduire à des économies dans un autre segment » .

On peut toutefois relever que si les taux d'évolution des sous-objectifs votés ont été le plus souvent à parité pendant plusieurs années 61 ( * ) , ils ont amorcé une légère différenciation à compter de 2014, avec un écart cependant plus marqué en exécution qu'en LFSS initiale.

Comparaison des taux moyens d'évolution annuelle de l'Ondam voté et exécuté

en %

2010-2013

2014-2018

Ondam voté

Ondam exécuté

Ondam voté

Ondam exécuté

Soins de ville

2,58

2,13

2,16

2,46

Établissements de santé

2,70

2,28

2,00

1,78

Ondam total

2,80

2,45

2,14

2,14

Source : Commission des affaires sociales, à partir de données DSS

D'après les informations communiquées à vos rapporteurs par la DGOS et suivant une étude conduite par l'ATIH, les effets du « virage ambulatoire » ne seraient pas la cause de la décélération du volume d'activité hospitalière, le moindre recours à la chirurgie ambulatoire étant compensé par une accélération de l'évolution de la médecine ambulatoire.

Il n'en demeure pas moins que des études structurelles sur les évolutions d'activité à long terme seraient nécessaires pour développer une vision prospective, et non seulement historique, de l'activité hospitalière comme de celle en ville.

L'évolution du poids des différents sous-objectifs dans l'Ondam voté

2010

2015

2019

Montant voté

Part en %

Evol. en %

Montant voté

Part en %

Evol. en %

Montant voté

Part en %

Evol. en %

Soins de ville

75,2 Md€

46,3

2,8

83,0 Md€

45,5

2,2

91,5 Md€

45,7

2,5

Établissements de santé

71,2 Md€

43,8

2,8

76,8 Md€

42,1

2,0

82,7 Md€

41,3

2,4

Médico-social

14,9 Md€

9,2

5,8

17,9 Md€

9,8

1,9

20,7 Md€

10,3

2,2

FIR

-

-

-

3,1 Md€

1,7

1,0

3,5 Md€

1,7

4,8

Autres prises en charge

1,0 Md€

0,6

5,0

1,6 Md€

0,9

4,6

1,9 Md€

0,9

6,3

Ondam total

162,4 Md€

100

3,0

182,3 Md€

100

2,1

200,3 Md€

100

2,5

Source : Commission des affaires sociales, à partir de données DSS

b) Dépasser les clivages en diversifiant les regards sur la dépense de santé

Le « profilage » de l'Ondam en sous-objectifs par la loi organique de 2004 a constitué une avancée du point de vue du Parlement, en termes d'information et de suivi mais également en lui ouvrant des marges de manoeuvre pour arbitrer entre deux ou plusieurs sous-enveloppes.

Pour les raisons évoquées et dans un objectif de décloisonnement, l'architecture de l'Ondam en sous-objectifs prête aujourd'hui à débat .

La task force sur la réforme du financement du système de santé pilotée par Jean-Marc Aubert a ainsi proposé, dans son rapport remis à la ministre en charge de la santé en début d'année 2019 62 ( * ) , « une fusion et/ou une redéfinition du périmètre de la plupart des sous-objectifs de l'Ondam » , sans en préciser toutefois - dans l'hypothèse de leur redéfinition - les contours éventuels. Lors de son audition, le directeur de la Drees a en effet estimé que le découpage actuel, en dépit de ses mérites pour le gestionnaire et le régulateur, n'était pas au service des patients en limitant les possibilités de redéploiement entre les postes trop ou insuffisamment pourvus. Il perd en outre de son sens dans le modèle de tarification combinée envisagée par la task force , dont certaines modalités peuvent concerner plusieurs secteurs.

S'ils souscrivent à cette analyse, vos rapporteurs estiment cependant que le principe d'un découpage de l'Ondam par sous-objectif acté en 2004 reste essentiel pour en améliorer le suivi par le Parlement et donner le plus de portée à son vote.

En outre, un regroupement entre les deux principaux sous-objectifs de l'Ondam - à savoir ceux relatifs aux soins de ville et aux établissements de santé - paraît à ce stade prématuré.

Parmi les différentes options de découpage possibles - approche populationnelle par région ou par pathologie, approches statut de producteurs de soins ou groupe de prestations, par professionnel prescripteur, etc. -, il est peu probable que l'une ou l'autre échappe à tout biais à plus ou moins long terme.

Il serait, selon vos rapporteurs, plus intéressant de croiser ces différentes approches afin de pouvoir disposer d'une approche diversifiée de la dépense de santé , ce qui permettra dans le même temps de piloter la diversification des modes de financement.

Cela reposerait sur un enrichissement du PLFSS, en annexe, par différents « découpages » de l'Ondam servant d'appui au suivi dans le temps de l'évolution de la dépense et à son pilotage. Vos rapporteurs l'évoquent en particulier pour les dépenses de produits de santé ( cf. plus haut) ou encore pour le suivi des dépenses par région ( cf. ci-après).

D'autres sujets stratégiques, comme la prise en charge de la santé mentale ou des personnes âgées en perte d'autonomie pourraient être également concernés.

Proposition n° 14 : Enrichir l'analyse de l'Ondam en sous-objectifs par une approche multifocale, avec le suivi, le cas échéant indicatif, de quelques agrégats transversaux de dépenses

Ces données sont déjà pour certaines disponibles : les travaux conduits par la caisse nationale d'assurance maladie dans son rapport « charges et produits », reproduits dans l'annexe 7 du PLFSS sur l'Ondam, apportent ainsi un éclairage sur les dépenses par groupes de pathologies, au titre des soins de ville ou des soins hospitaliers, et leur dynamique d'évolution. Cette « cartographie » médicalisée des dépenses identifie aujourd'hui 15 catégories, selon la ventilation retracée ci-après. Mais à l'heure actuelle, ces données reposent seulement sur une analyse rétrospective, déconnectée des aspects liés à la régulation , et ne servent donc pas de support à un pilotage transversal entre secteurs.

Répartition en 2017 des dépenses d'assurance maladie par pathologie

Source : rapport sur l'évolution des charges et produits de l'assurance maladie pour 2020, Cnam, juillet 2019 (la cartographie retrace 140 milliards d'euros remboursés en 2017 par le régime général soit 164 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes).

3. Vers un Ordam ?
a) Le fonds d'intervention régional, levier financier des ARS, une première réponse au besoin de transversalité

La création du fonds d'intervention régional (FIR) le 1 er mars 2012 63 ( * ) a répondu à l'intention affichée de transversalité lors de la mise en place des agences régionale de santé (ARS) par la loi « HPST » de 2009 64 ( * ) .

Elle a permis de regrouper au sein d'une même enveloppe globale des crédits auparavant dispersés, en donnant aux ARS, par une plus grande souplesse de gestion, des marges de manoeuvre dans l'allocation des crédits. Les crédits du FIR constituent depuis 2014 un sous-objectif de l'Ondam.

Le périmètre d'intervention du FIR

Depuis 2015, les missions du FIR ont été élargies et sont articulées autour de cinq axes définis à l'article L. 1435-8 du code de la santé publique.

Aux termes de cet article, ce fonds finance, sur décision des agences régionales de santé, des actions, des expérimentations et, le cas échéant, des structures concourant :

1° A la promotion de la santé et à la prévention des maladies, des traumatismes, du handicap et de la perte d'autonomie (15,1 % des dépenses du FIR en 2017 d'après le rapport d'activité du FIR)

2° A l'organisation et à la promotion de parcours de santé coordonnés ainsi qu'à la qualité et à la sécurité de l'offre sanitaire et médico-sociale (26,4 % des dépenses) ;

3° A la permanence des soins et à la répartition des professionnels et des structures de santé sur le territoire (26 % des dépenses) ;

4° A l'efficience des structures sanitaires et médico-sociales et à l'amélioration des conditions de travail de leurs personnels (32,4 % des dépenses) ;

5° Au développement de la démocratie sanitaire (0,1 % des dépenses).

Si l'avancée est notable, sa portée réelle reste à nuancer.

D'une part, les crédits du FIR, quand ils ne sont pas déjà « fléchés » sur des actions identifiées, ne sont que partiellement fongibles. Un principe de fongibilité asymétrique s'applique 65 ( * ) : sont identifiés, au sein des ressources du FIR, les crédits de prévention et d'éducation à la santé d'une part, et les crédits destinés aux personnes handicapées ou en perte d'autonomie d'autre part, lesquels ne peuvent être affectés au financement d'activités de soins.

D'autre part, quoiqu'en évolution régulière, les dotations du FIR 66 ( * ) ne représentent qu' une part marginale de l'Ondam . Pour 2019, le sous-objectif FIR progresse de 4,8 % par rapport à 2018, en s'établissant à 3,5 milliards d'euros 67 ( * ) soit 1,75 % de l'Ondam voté . Il représentait, en exécution, 3,05 milliards d'euros en 2014 soit 1,7 % de l'Ondam total.

Afin de renforcer progressivement l'adéquation des dotations régionales aux besoins de santé, un mécanisme de péréquation a été instauré en 2015, sur une partie des crédits du FIR (environ 60 %). Trois critères sont pris en compte pour pondérer la répartition des dotations en fonction de la population, sans que cela puisse conduire à une baisse supérieure à 1 % de la dotation : la mortalité brute ; un indice synthétique de précarité ; le taux d'affection longue durée standardisé 68 ( * ) .

Crédits délégués aux ARS au titre du Fonds d'intervention régional (FIR) en 2016 et 2017

Source : rapport d'activité 2017 du FIR, octobre 2018

b) Les débats autour d'une régionalisation de l'Ondam : un enjeu de rééquilibrage territorial de l'offre de soins

Des réflexions sur un découpage régional de l'Ondam traversent le débat public.

Ravivée lors des débats parlementaires sur la loi « HPST » de 2009 à l'occasion de la création des ARS, cette question a été évoquée à deux reprises par la Cour des comptes, dans le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de 2015 69 ( * ) puis dans son rapport public thématique de 2017 sur l'avenir de l'assurance maladie 70 ( * ) : ce dernier rapport promeut ainsi l'idée d' objectifs pluriannuels régionaux des dépenses d'assurance maladie , couvrant, au-delà du FIR, l'ensemble des dépenses dans le champ de l'Ondam.

Cette préconisation s'inscrit dans un schéma de plus grande déconcentration de la politique de santé devant « permettre aux ARS de mener une politique de recomposition de l'offre de soins » , la Cour envisageant dans un premier temps que ces objectifs régionaux ne soient qu'indicatifs. L 'objectif serait double : favoriser une plus grande fluidité entre secteurs et contribuer à résorber les inégalités territoriales d'accès aux soins en opérant un véritable rééquilibrage entre régions en fonctions de caractéristiques socio-sanitaires.

Cependant, comme vos rapporteurs l'ont entendu au cours de leurs auditions, l'évolution vers des « Ordam » se heurterait à de nombreuses difficultés qui ne sont pas que techniques .

Dans son rapport annuel de 2011, préconisant alors la création du FIR, le HCAAM notait que « la création d'Ordam se heurterait à d'importantes difficultés de définition et de mise en oeuvre, mais les questions qui sont posées, notamment de transversalité et d'initiative locale pour une optimisation pertinente de la dépense, sont réelles et méritent des réponses ».

Il notait alors que cette évolution reposerait sur des méthodologies de construction encore plus délicates qu'elles ne le sont déjà et poserait de nombreuses questions : selon quels critères différencier les objectifs par région ? quel serait le champ de l'Ordam : les soins des assurés habitant la région ou les soins dispensés dans la région ? etc.

Le principal risque , pointé par certaines personnes auditionnées, serait paradoxalement un renforcement des inégalités territoriales : le pilotage d'Ordam devrait en effet reposer sur des mécanismes régionaux de régulation de la dépense , aujourd'hui inexistants et difficilement adaptables à certains types de dépenses comme celles de médicaments ; cela reviendrait à renoncer à une gestion uniforme du système d'assurance maladie au niveau national, par exemple avec des tarifs ou rémunérations qui pourraient ne pas être les mêmes d'une région à l'autre.

Comme le notait d'ailleurs le HCAAM en 2011, vos rapporteurs ont conscience que cette évolution n'aurait guère de sens dans l'organisation actuelle, très centralisée, de notre système de santé et induirait en l'état une complexité inutile. Elle impliquerait également de revoir la dualité de gouvernance en région entre l'ARS et l'assurance maladie.

Pour autant, vos rapporteurs partagent l'idée sous-jacente d'une plus grande latitude confiée à l'échelon régional ou territorial pour mieux adapter les politiques à la réalité des territoires et aux besoins locaux.

Cela devrait s'inscrire, plus généralement, dans une réflexion sur la gouvernance de notre système de santé . En ce sens, le Sénat a adopté, lors de l'examen du projet de loi sur l'organisation et la transformation du système de santé, un amendement « d'appel » - qui n'a pas été retenu, ensuite, par la commission mixte paritaire - visant à renforcer la place des élus au sein du conseil de surveillance des ARS et à en confier la présidence au président de région.

Pour vos rapporteurs, cette évolution serait, à terme, souhaitable.

Cependant, dans un premier temps , et selon la préconisation du HCAAM dans son rapport de 2018 précité sur la transformation du système de santé, une « augmentation significative des marges de manoeuvre régionales » à travers une augmentation du FIR, paraît pertinente .

Cette augmentation devrait aller en priorité aux actions transversales de coordination des soins et s'accompagner d'un renforcement du mécanisme de péréquation inter-régionale, sur la base d'indicateurs transparents, dans un objectif de réduction des inégalités territoriales d'accès aux soins.

Proposition n° 15 : Introduire le principe d'Ordam indicatifs comme outils de suivi dans le temps et d'aide à la décision

Proposition n° 16 : Augmenter les dotations du FIR pour étendre les marges de manoeuvre des ARS dans la conduite de politiques transverses entre les secteurs de l'offre de soins. Confier la présidence du conseil de surveillance des ARS au président de région


* 55 « Structure de l'Ondam et modalités de régulation », document du secrétariat général du HCAAM annexé au rapport « Innovation et système de santé », 25 février 2016.

* 56 Source : Cnam, Point de repère n° 49, février 2018. Ce montant de dépenses correspond aux PHEV remboursées par le régime général d'assurance maladie.

* 57 Ibid.

* 58 Il s'agit des spécialités pharmaceutiques onéreuses qui sont facturables à l'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation (GHS).

* 59 Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

* 60 Cf. « Troisième partie : la régulation au service du projet de transformation », HCAAM, 2018.

* 61 L'année 2012 marque une exception du fait notamment du plan « Hôpital 2012 ».

* 62 « Réformes des modes de financement et de régulation. Vers un modèle de paiement combiné », rapport remis le 29 janvier 2019.

* 63 Article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

* 64 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 65 Article L. 1435-9 du code de la santé publique.

* 66 Les ressources du FIR intègrent, outre la contribution de l'assurance maladie, une contribution de la CNSA ainsi que des crédits issus de divers fonds (Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire - Fnpeis, fonds tabac...).

* 67 Les ressources du FIR sont également alimentées, plus à la marge, par une dotation de la CNSA (à hauteur de 127 millions d'euros en 2017 d'après le rapport d'activité 2017 du FIR).

* 68 Source : rapport d'activité 2017 du FIR, octobre 2018.

* 69 Rapport sur les lois de financement de la sécurité sociale, chapitre VI « La stratégie et le pilotage central de l'organisation du système de soins : une refonte nécessaire », Cour des comptes, septembre 2015.

* 70 « L'avenir de l'assurance maladie. Assurer l'efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs. », Cour des comptes, novembre 2017.

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