B. UNE STRATÉGIE D'ATTAQUE DES FEUX SPÉCIFIQUE AYANT FAIT SES PREUVES
L'efficacité de la doctrine d'intervention des moyens aériens a été unanimement rappelée par les différentes personnes entendues. Celle-ci s'appuie sur l'attaque prioritaire des feux naissants et son volet opérationnel, le « guet aérien armé » (GAAr).
1. L'intervention prioritaire sur les feux naissants et le « guet aérien armé », une stratégie à la frontière de la prévention et de la lutte
La doctrine de lutte contre les feux de forêts actuellement en vigueur a été conçue dans les années 1990, à la suite de la mission Vulcain menée par le colonel Antoine Battesti. Celle-ci a notamment forgé la stratégie d'attaque prioritaire des feux naissants, visant à traiter les départs de feu dans les 10 minutes suivant leur détection. En fonction du contexte opérationnel national, le COGIC peut reprendre le contrôle de tout ou partie de ce dispositif pour le déployer au profit d'une autre zone concernée par ce risque .
Corollaire de cette stratégie, le guet aérien armé (GAAr) est une spécificité française associant simultanément la prévention à l'intervention . Le GAAr consiste en une action rapide, dans l'attente des moyens terrestres, avec le survol des zones vulnérables par des avions chargés de produits retardant ou d'eau. Il s'agit de la mission principale des Tracker, et bientôt des Dash 8. Les Canadair y prennent également part en zone littorale.
Outre la base de Nîmes-Garons, les avions peuvent également décoller de Bordeaux, Carcassonne, Ajaccio et Solenzara où ils sont prépositionnés. Ce dispositif permet donc de supprimer les délais de décollage des avions et conforte donc la stratégie d'attaque rapide des feux naissants, mais implique de maintenir des moyens aériens en vol en permanence pendant les périodes de risque. Dès lors, le GAAr représente une part importante - parfois plus de la moitié - de l'activité de la flotte de la Sécurité civile.
Activités réalisées au titre du guet aérien armé
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 (estimations au 16 septembre) |
|
Surface touchée en France métropolitaine (en ha) |
11 083 |
16 093 |
26 294 |
5 124 |
17 000 |
Dont surface touchée dans les départements méditerranéens (en ha) |
3 112 |
12 139 |
19 691 |
3 065 |
7 900 |
Nombre de feux traités par avion bombardier d'eau |
297 |
303 |
467 |
94 |
188 |
Nombre de largages d'eau ou de produit retardant |
5 468 |
6 067 |
11 595 |
3 224 |
3 214 |
Dont sur feux, missions du GAAr ou d'investigation et de coordination |
4 593 |
5 183 |
10 684 |
1 981 |
2 515 |
Heures de vol |
7 111 |
7 935 |
9 160 |
5 553 |
4 449 |
Dont sur feux |
3 016 |
3 763 |
5 155 |
1 151 |
1 572 |
Source : commission des finances, d'après les données de la DGSCGC
2. Des avancées notables dans la réduction des départs de feux et des surfaces brûlées
Comme observé supra, la surface de forêts brûlées a fortement diminué au cours des dernières décennies. Lors des dix dernières années, 11 378 hectares ont été touchés en moyenne annuelle par le feu, à plus de 60 % dans les départements méditerranéens. Avant que ne soit appliquée la stratégie d'attaque des feux naissants à la fin des années 80, 46 000 hectares étaient en moyenne annuellement touchés par le feu en France dont 36 000 hectares dans les départements méditerranéens . La DGSCGC estime par ailleurs que le GAAr aurait un effet déterminant pour éteindre près de 40 % des feux sur lesquels sont engagés les moyens aériens de la sécurité civile.
Les indicateurs de performance utilisés pour le programme 161 permettent également de mesurer l'incidence des actions de la sécurité civile sur la réduction des surfaces de forêts brûlées .
Concernant l'attaque des feux naissants, un premier sous-indicateur permet de suivre l e pourcentage des incendies ne dépassant pas 5 hectares sur la totalité des incendies recensés dans les départements méditerranéens suivis par la base Prométhée.
Pourcentage des incendies ne dépassant pas 5 hectares
(en %)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 (prévision) |
95 |
94 |
96 |
94 |
93,5 |
92,9 |
88,26 |
95,8 |
96 |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
S'il permet de rendre compte d'une tendance à l'efficacité des actions de lutte, ce sous-indicateur ne tient cependant pas compte des variables météorologiques, qui sont des facteurs avérés de réduction (ou d'augmentation) des départs de feux et de la surface brulée.
Un second sous-indicateur, prend donc en compte cet aléa climatique , sous la forme d'un rapport entre le nombre d'hectares brûlés et le nombre de secteurs classés en risque très sévère. Ces secteurs sont établis par la cellule de prévisionnistes spécialisés de Météo-France de l'état-major interministériel de zone (EMIZ). Quotidiennement, cette cellule qualifie le danger d'incendie pour 120 secteurs dans les départements méditerranéens, en prenant en compte la pluviométrie, l'hygrométrie, le vent, la température, l'ensoleillement et classe le niveau de danger sur une échelle à 6 niveaux.
Évolution du sous-indicateur « nombre
d'hectares brûlés en fonction de
l'intensité de
l'aléa climatique pendant la campagne "saison
feux" »
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Mis en place pour la première fois dans le projet annuel de performance pour 2016, cet indicateur est encore très récent et ne peut donc être exploité qu'avec prudence . Le résultat enregistré en 2018 tend néanmoins vers une évolution positive, puisqu'il est bien inférieur à celui de 2017 et à la prévision. Il faut cependant rappeler que la prévision a été calculée sur une moyenne des 11 dernières années et n'était donc pas suffisamment représentative. Il faudra donc attendre encore quelques années pour vérifier si une tendance se dessine.
En outre, la DGSCGC a manifesté son souhait de compléter sa grille d'indicateurs pour mettre en exergue l'apport « positif » des résultats obtenus par la lutte contre les feux de forêts , en recensant par exemple le nombre d'hectares de forêts ou le nombre de constructions sauvés des flammes.
Ce projet mérite d'être poursuivi et pourrait utilement aboutir à la présentation de nouveaux indicateurs de performance publiés dans les projets et rapports annuel de performance du programme 161 « Sécurité civile.
Recommandation n°12 : afin d'améliorer le suivi de la performance et de valoriser les « gains » obtenus par le dispositif de lutte contre les feux de forêts, poursuivre l'élaboration d'un nouvel indicateur de performance recensant les nombre d'hectares préservés ou de constructions sauvées. |