J. AUDITION DE M. LUDOVIC WEBER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE SAINT-GOBAIN PONT-À-MOUSSON (29 MAI 2019)

M. Franck Menonville , président . - Nous recevons maintenant M. Ludovic Weber, directeur général de Saint-Gobain Pont-à-Mousson, fleuron de la métallurgie lorraine.

Votre entreprise compte en effet sept sites sidérurgiques lorrains, dont des hauts fourneaux employant plus de 300 personnes. Elle dispose également de nombreuses implantations en Europe et dans le monde. Cette audition sera l'occasion de se pencher sur le positionnement de votre groupe et de connaître votre analyse de l'environnement économique et concurrentiel de la sidérurgie. Vous pourrez aussi évoquer l'actualité, à savoir un éventuel partenariat avec un groupe chinois, qui inquiète de nombreux élus nationaux, en particulier en Lorraine, tant votre entreprise fait partir de son patrimoine collectif.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Monsieur directeur général, nous vous remercions de nous apporter votre éclairage.

Quel regard portez-vous sur la stratégie de filière mise en oeuvre par le Conseil national de l'industrie et le Comité stratégique de filière mines et métallurgie ? Participez-vous à ses travaux, et les « projets structurants » vous concernent-ils ? Comment jugez-vous le dialogue entre l'État et les industriels, et comment l'améliorer, le cas échéant, pour mieux définir une politique industrielle française et européenne ?

La filière sidérurgique nous apparaît comme étant au coeur de la transition énergétique. Cette transition peut être vécue comme une contrainte : dans le cadre du système d'échange de quotas d'émission européen, des quotas gratuits sont alloués aux entreprises de la filière afin d'éviter le phénomène de « fuite de carbone » et le seront encore jusqu'en 2030, mais leur volume diminuera. Sans diminution des émissions, les entreprises du secteur devront donc acheter des quotas supplémentaires sur le marché. L'industrie sidérurgique pourrait, dans les années à venir, subir un surcoût non négligeable pour ses émissions de gaz à effet de serre, et affronter un effet de ciseau : la diminution des quotas gratuits, d'une part, et l'augmentation du prix de la tonne de carbone européen, d'autre part. Quelle proportion de vos émissions de gaz à effet de serre est actuellement couverte par des quotas gratuits ? Le rythme d'évolution des quotas est-il calé sur l'évolution de votre production ? La taxe carbone aux frontières vous semble-t-elle être l'outil qui permettrait de protéger la compétitivité de l'industrie européenne tout en augmentant le prix du carbone en Europe ?

Le coût de l'énergie revêt une importance centrale pour les entreprises du secteur, qui sont très souvent des électro-intensives. Est-ce votre cas ? Si oui, quelle appréciation portez-vous sur les dispositifs de soutien aux électro-intensifs, comme l'abattement de tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe), l'interruptibilité ou encore la « compensation carbone », qui compense les coûts des quotas de CO 2 répercutés sur le prix de l'électricité ? Estimez-vous disposer d'une visibilité suffisante sur vos coûts d'approvisionnement en électricité ?

M. Ludovic Weber, directeur général de Saint-Gobain Pont-à-Mousson. - Je suis très honoré d'être auditionné par votre mission d'information. Étant messin, je suis attaché au développement de l'industrie lorraine. Pont-à-Mousson, entreprise créée en 1856, a fait le choix stratégique de se concentrer sur un produit, le tuyau en fonte, et un marché, l'eau potable. Les besoins étaient immenses à l'époque, et ils le sont toujours. Ce choix dicte encore la stratégie de l'entreprise aujourd'hui. Nous nous sommes développés à l'international, avons fait de nombreuses acquisitions et ouvert le marché de la fonte pour l'eau potable partout dans le monde dès le début du XXe siècle. Nous avons beaucoup innové : poids des tuyaux, revêtements intérieurs et extérieurs, joints, questions sanitaires et environnementales. En 1970, Pont-à-Mousson fusionne avec Saint-Gobain. Les deux entreprises étaient alors de même taille ; à ce jour toutefois, Pont-à-Mousson ne représente qu'une faible part de l'ensemble, mais Saint-Gobain y reste néanmoins très attachée. À ce sujet, elle veut demeurer un actionnaire important, ce qu'il faut souligner au regard du projet que vous avez évoqué de recherche d'un nouveau partenaire.

Pont-à-Mousson est donc un acteur de référence qui emploie 5 500 personnes dans le monde, dont 2 000 en France, essentiellement en Lorraine, avec une présence en Europe, au Brésil et en Chine et des ventes partout dans le monde, sauf aux États-Unis - en raison du Buy american act -, au Japon, pour des raisons de normes, et en Inde, pour des raisons de coût. Pont-à-Mousson compte aussi un centre de recherche et développement qui emploie 150 personnes. Dernièrement, les marchés européens se sont contractés de moitié à la suite de la crise de 2008 et de celle des dettes souveraines de 2012-2013. Pourtant, les besoins de construction de nouveaux réseaux et de renouvellement existent, mais les moyens publics se sont raréfiés.

Deuxième fait majeur : l'explosion des marchés asiatiques. À ce jour, près d'un tuyau sur deux vendu dans le monde l'est en Chine et un sur quatre l'est en Inde. L'Europe représente quant à elle 5 % du marché mondial. Nos concurrents chinois et indiens ont d'immenses capacités financières et d'innovation, ce qui change la donne pour nous, à l'export et sur le marché européen, sur lequel les Indiens sont très présents. Ces évolutions sont telles que nous sommes dans une situation financière assez difficile. Nous connaissons des pertes depuis trois ans : un haut fourneau représente un coût fixe qui demeure quel que soit le volume de vente. Malgré tout, nous pensons revenir à l'équilibre rapidement grâce à des plans d'investissement pour moderniser nos usines notamment à Pont-à-Mousson, à la fermeture d'une usine en Allemagne, avec, en contrepartie, le recrutement de 80 personnes à Pont-à-Mousson. Le but est d'être, en Europe, compétitif par rapport aux Chinois et aux Indiens.

M. Franck Menonville , président. - Quels sont les leviers de cette compétitivité ?

M. Ludovic Weber. - Nos principaux postes de dépense sont le minerai de fer, le coke, la main-d'oeuvre, et, en ce qui concerne l'énergie, le gaz naturel puis l'électricité - nous sommes une industrie électro-intensive, même si nos installations consomment moins qu'un four à induction utilisée pour fondre de la ferraille ; un haut fourneau ne consomme pas d'électricité, il consomme du coke. Nous percevons entre 200 000 et 300 000 euros chaque année au titre de la compensation carbone et bénéficions d'une exonération de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). En revanche, nous ne bénéficions pas d'abattement de TURPE, car l'on considère que nous ne sommes pas suffisamment soumis à la concurrence internationale, ce qui peut surprendre. Un changement sur ce point pourrait intervenir en 2021.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Votre facture carbone est-elle importante une fois vos quotas gratuits déduits ?

M. Ludovic Weber. - Actuellement, nous sommes intégralement couverts par les quotas.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Êtes-vous inquiets pour la suite ?

M. Ludovic Weber. - Nous espérons trouver une solution raisonnable. Nous sommes favorables à la mise en place d'un dispositif de taxation du carbone, lequel nous serait intrinsèquement favorable face à nos concurrents, face au plastique, la fonte étant de ce point de vue très intéressante. Le haut fourneau est la « pire » technologie en termes d'émissions carbone ; la solution serait un cubilot ou un four électrique, mais l'un et l'autre ne sont pour le moment pas compétitifs : le haut fourneau consomme du minerai de fer, le cubilot consomme du coke et de la ferraille et le four électrique ne consomme que des ferrailles. Si l'on taxait le carbone, ces technologies deviendraient rentables. Si rien n'est fait dans dix ou quinze ans, il n'y aura plus de haut fourneau à Pont-à-Mousson. Ou alors il faudrait une innovation majeure.

M. Franck Menonville , président . - Avec de la ferraille, pouvez-vous produire de la fonte pour construire les tuyaux ?

M. Ludovic Weber. - Oui, des tuyaux de même qualité.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Vous pourriez donc passer à une production plus électro-intensive sous réserve qu'il y ait des compensations à la frontière. Que représente votre facture carbone en dehors des quotas gratuits ?

M. Ludovic Weber. - Puisque nous ne payons pas le carbone, il m'est difficile de vous répondre. J'ai en tête un montant de l'ordre de 500 000 tonnes de CO 2 par an. Nous sommes donc favorables à une taxation du carbone aux frontières pour rééquilibrer les importations de Chine et d'Inde. Sans cela, nous arrêterons le dernier haut fourneau de Lorraine pour le remplacer par une technologie plus vertueuse, mais nous conserverions le site. De même, si l'on veut continuer à exporter hors d'Europe depuis Pont-à-Mousson, il faudra un mécanisme de rééquilibrage par rapport à cette concurrence indienne et chinoise. Si nous exportons vers le Moyen-Orient en payant pour notre carbone, au contraire des Indiens et des Chinois, la création d'un mécanisme aux frontières européennes ne résoudrait rien. Au contraire, notre compétitivité en serait pénalisée.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - La taxe carbone aux frontières et son rééquilibrage pour la partie des exportations est-elle plus importante pour vous que des mesures antidumping ?

M. Ludovic Weber. - L'antidumping, c'est du court terme ; le carbone, c'est du long terme.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Comment articuler les temporalités ?

M. Ludovic Weber. - Une autre solution existe, développée par ArcelorMittal à Florange : l'enfouissement du carbone émis par le haut fourneau. Cette technologie est encore très chère et je doute que nous y soyons prêts avant dix ans. La solution la plus probable pour nous, c'est de remplacer le haut fourneau par un cubilot ou un four électrique.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Que coûterait la réalisation d'un four électrique ?

M. Ludovic Weber. - Au moins 30 à 40 millions d'euros. Un haut fourneau doit être remplacé tous les dix à quinze ans. Sur les trois que nous possédons, un ne fonctionne plus et les deux autres fonctionnent alternativement. Parmi ces deux derniers, l'un devra être refait dans environ deux ans et l'autre dans environ sept ans. Cela représente un investissement de 10 millions d'euros pour une période de quinze ans. Il faut donc que nous soyons convaincus que cet investissement est rentable.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - La question se pose donc de son remplacement par un four électrique ?

M. Ludovic Weber. - À l'horizon de deux ans, c'est peu probable. En revanche la question se pose pour le fourneau qui doit être remplacé dans sept ans.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Le coût de l'électricité aura-t-il un impact sur votre décision ?

M. Ludovic Weber. - Le coût de l'électricité est un élément essentiel pour un four électrique. Le principe d'un cubilot consiste à fondre de la ferraille avec du coke pour produire de la fonte ; avec un four électrique, ce processus s'obtient par des moyens électriques, ce qui en fait un équipement bien plus vertueux en termes de carbone. Nous ne maîtrisons pas tous les paramètres économiques, ce qui en fait un sujet de long terme. Je doute que nous soyons prêts dans deux ans pour décider de remplacer notre deuxième four par un four électrique.

S'agissant des mesures antidumping, il s'agit d'un sujet très important, et de très court terme. Sur le marché européen, aucun groupe chinois ne nous concurrence ; en revanche, de grands groupes indiens sont présents, Electrosteel et Jindal en particulier. Ils pratiquent le dumping ; nous les avons attaqués, et nous avons gagné : ils ont dû s'acquitter de droits antidumping. Nous les avons aussi attaqués pour des aides d'État car le gouvernement indien taxe les exportations de minerai de fer, ce qui revient à décorréler le prix du minerai indien des cours mondiaux. Cela ne nous dérange pas tant que les entreprises indiennes vendent en Inde ; mais, dès lors qu'elles viennent en Europe, cette pratique du gouvernement indien s'apparente à une subvention d'État. Sur ce sujet également, nous avons eu gain de cause devant la Commission européenne, malgré le caractère dérisoire des droits institués. Malheureusement, les Indiens étant très procéduriers, ils viennent d'obtenir gain de cause en appel. La Cour de justice de l'Union européenne, sans remettre en cause l'existence du dumping et de la subvention, a cassé la décision d'instituer des droits antidumping visant l'un de ces acteurs, Jindal, pour des motifs de détails très techniques concernant les modalités de calcul. Nous voudrions faire appel. Celui-ci étant suspensif, les droits seraient maintenus jusqu'à réinstruction du dossier ; a contrario , la suspension des droits crée un appel d'air. Nous ne parvenons pas, hélas, à convaincre la Commission. Elle indique qu'elle va réinstruire le dossier, mais, à court terme, l'absence de droits constitue, pour nous, un préjudice, sachant, évidemment, que le dumping est illégal, et que, si la Commission ne fait pas appel avant la fin du mois de juin, le dossier sera clos.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Je voudrais évoquer les inquiétudes relatives à l'acquisition éventuelle par un groupe chinois d'une partie de l'activité de Pont-à-Mousson. Trois questions : à quelle logique cette volonté de partenariat répond-elle, sachant que des investissements ont été réalisés à hauteur de près de 300 millions d'euros sur quatre ans dans les sites lorrains ? Par ailleurs, quelles seraient les modalités et les conditions d'une telle cession, en particulier en termes de maintien de l'emploi et des technologies sur le territoire français ? Y aurait-il prise de contrôle de l'entreprise ? Enfin, sur ce dossier, comment dialoguez-vous avec les différentes autorités publiques, à savoir l'État et la région ?

M. Ludovic Weber. - Cette prise de participation du groupe chinois XinXing dans Pont-à-Mousson est une rumeur qui n'est pas fondée. La seule information exacte est que Saint-Gobain a commencé, mi-février, à discuter avec une dizaine d'acteurs, dont XinXing, pour réfléchir à un partenariat. Cette piste chinoise est donc l'une parmi d'autres ; les discussions sont très lentes et très loin d'être parvenues à leur terme. Nous comprenons que ces bruits inquiètent, mais, malheureusement, nous ne pouvons rien y faire. C'est au nom de la pérennité de l'entreprise, de l'emploi et des sites que nous menons ces discussions. Tout partenariat, quel qu'il soit, devra respecter ces conditions, ce qui est cohérent avec les investissements que nous avons réalisés. Nous n'investissons pas 130 millions d'euros pour que le site ferme dans deux ans !

Mme Valérie Létard , rapporteure . - En termes de nombre d'emplois et de nature de l'activité maintenue sur le site, que pouvez-vous nous dire pour nous rassurer ?

M. Ludovic Weber. - Le maintien de l'activité actuelle et du nombre d'emplois fait partie des objectifs prioritaires de cette recherche de partenariat. En l'occurrence, Pont-à-Mousson recrute ; nous ne modifierons pas cette tendance. Pourquoi ce partenariat ? Actuellement, l'Europe représente 5 % du marché - c'est là que nous sommes forts -, la Chine 50 %, l'Inde 25 %. Nous avons une usine en Chine, mais elle est toute petite. Autrement dit, nous nous privons d'un énorme marché alors que notre marque est connue et reconnue partout dans le monde.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - N'avez-vous pas vendu votre usine en Chine ? Ou est-ce encore une rumeur ?

M. Ludovic Weber. - Nous avons dû la fermer pour des raisons environnementales, avant de vendre le terrain. Nous avons subi de plein fouet la nouvelle politique environnementale chinoise à Xuzhou, petite ville sidérurgique méconnue : 12 millions d'habitants, trente hauts fourneaux, dont le nôtre. Un jour de pic de pollution aux particules fines, la ville a pris, sans consultation et sans préavis, une réglementation avec application immédiate. Les standards édictés étaient tellement exigeants- il s'agissait, en gros, de ne plus produire de poussière du tout - qu'ils étaient impossibles à respecter d'un point de vue technologique. Le lendemain de la publication de la nouvelle réglementation, les vingt-neuf autres hauts fourneaux de la ville ont été arrêtés. Quant à nous, nous avons reçu pénalité sur pénalité, jusqu'à l'arrivée des médias, sur le thème : « Saint-Gobain se croit au-dessus des lois ». Nous avons fini par cesser toute activité sur le site. Je précise que cette réglementation n'était pas dirigée contre Saint-Gobain. Dans cette ville chinoise, 200 000 emplois ont été d'un coup supprimés au nom des intérêts supérieurs de l'environnement. Actuellement, sur les trente hauts fourneaux, cinq seulement ont rouvert. Voilà pour les avanies auxquelles a été confrontée l'une de nos deux usines chinoises - il nous en reste une.

Nous sommes donc affaiblis du côté de notre base compétitive à bas coût, qui nous permettait, en combinaison avec notre base française, d'être efficaces à l'export sur les marchés moyen-orientaux ou africains. Privés de cette base, nous voulons désormais agir en partenariat avec un autre acteur, en Chine, en Inde ou ailleurs.

Mme Valérie Létard , rapporteure. - Devons-nous comprendre que vous fondez vos ambitions de développement à l'export sur la recherche de partenariats de ce type ?

M. Ludovic Weber. - Tout à fait. Mais nous ne savons pas, à ce stade, si nous allons trouver un partenaire.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Si je comprends bien, il s'agirait d'investissements partagés avec un groupe, chinois ou un autre, afin d'installer des unités de production sur d'autres continents et de conquérir des marchés sur place ?

M. Ludovic Weber. - Sur place, et à l'export. Il s'agit de retrouver un outil compétitif.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - La législation chinoise autorise-t-elle ce genre de partenariats croisés ? Permet-elle à un groupe chinois et à un acteur européen, par exemple, de se partager des unités de production ?

M. Ludovic Weber. - Notre marché, celui de la canalisation en fonte, est en Chine totalement ouvert, contrairement à ceux de l'automobile ou de l'aéronautique.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - La loi permet à un groupe chinois d'investir en France ; la réciproque est-elle vraie ?

M. Ludovic Weber. - Oui. Nous possédons d'ailleurs, en Chine, une usine appartenant à 100 % au groupe Saint-Gobain. La Chine se protège sur les secteurs qu'elle juge stratégiques ; notre secteur n'en fait pas partie. On peut donc acheter à 100 % une usine chinoise. Nous pourrions même, si nous étions compétitifs, exporter depuis Pont-à-Mousson vers la Chine. Il n'existe pas, en Chine, de mécanisme analogue au Buy American Act . Sur nos marchés, la Chine est plus ouverte que les États-Unis.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Pouvez-vous nous parler des comités stratégiques de filière ? Que pensez-vous de la qualité du dialogue entre l'État et les industriels ?

M. Ludovic Weber. - Nous participons au comité stratégique de filière Eau, nouvellement créé, et pas au comité Mines et métallurgie car nous ne nous considérons pas comme vendant de l'acier ou de la fonte : nous vendons une solution de canalisation pour les réseaux d'eau. Autrement dit, nous sommes un acteur de l'eau plus qu'un acteur sidérurgique, et nous parlons davantage avec Suez ou Veolia qu'avec ArcelorMittal, bien que nous puissions avoir, avec ce dernier, des synergies sur les achats de minerais. Pour revenir au comité stratégique Eau, nous le voyons d'un oeil positif, dans la perspective de travailler à l'export avec les autres acteurs de l'eau.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Quelles sont vos relations avec les acteurs publics, l'État, la région ?

M. Ludovic Weber. - Nous sommes très proches des pouvoirs publics, nos clients principaux étant les collectivités locales, les communes, les syndicats des eaux. Nous nous entendons très bien avec eux.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Et en termes de stratégie industrielle, de développement de sites, de reconversion professionnelle lorsque l'activité fluctue ? Comment anticipez-vous, de ce point de vue, les évolutions ou les difficultés ?

M. Ludovic Weber. - Lorsque nous avons mis en oeuvre un plan de redressement, qui passait par une réduction d'effectifs, suite à la chute de nos résultats, nous l'avons présenté à tous les élus avant de l'annoncer ; tous l'ont compris et l'ont soutenu. Les choses, actuellement, se compliquent un peu, autour de la question du partenariat - c'est normal : les élus expriment les inquiétudes de leurs mandants.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - L'État vous accompagne-t-il dans les périodes sensibles, ou les discussions n'ont-elles lieu qu'à l'échelle régionale ?

M. Ludovic Weber. - Nous échangeons beaucoup avec le préfet - nous nous entendons très bien avec lui -, très peu avec le ministère.

Vous mentionnez par ailleurs les sujets de formation et d'attractivité. Nos métiers font partie des métiers en tension. Actuellement, Pont-à-Mousson recrute 80 personnes pour la reprise de l'activité de l'usine de Sarrebruck. Nous avons énormément de mal à recruter, et notamment à attirer des jeunes. L'environnement poussiéreux de nos sites ne correspond pas forcément à leurs aspirations. Il faut donc que nous travaillions visuellement, en termes d'image et d'attractivité de la filière sidérurgique.

Mme Valérie Létard , rapporteure . - Y a-t-il, dans les bassins d'emploi, des problèmes de vivier et de formation ? Ou n'est-ce qu'un simple problème d'image ?

M. Ludovic Weber. - Le sujet de la formation professionnelle doit et va être revu. Sur certaines compétences spécifiques, il existe un manque important et nous avons du mal à recruter : automaticien, ingénieur de maintenance, ingénieur digital. Nous sommes ravis d'être installés à proximité du Luxembourg, mais, s'agissant du recrutement de jeunes diplômés, la concurrence des salaires avec le Grand-Duché est difficile à affronter.

Mme Angèle Préville . - Vous avez évoqué une forte baisse des marchés européens ; a contrario , vous partez avec de bons arguments dans la concurrence avec le plastique, en termes de durabilité et de limitation des fuites. Dans le domaine des rénovations de réseaux, quelles parts de marché perdez-vous ? Quelles sont celles que vous pouvez espérer regagner ? Comment ?

M. Ludovic Weber. - Notre premier concurrent est le plastique. L'avantage du plastique est qu'il est moins cher à l'achat ; le gros avantage de la fonte est qu'elle est durable et résistante. Elle permet de supprimer le risque de fuites, sachant que, en France, plus d'un litre d'eau sur cinq en circulation dans les tuyaux est perdu. La fonte a des vertus écologiques Les bilans carbone faits sur la durée de vie du réseau la donnent largement gagnante par rapport au plastique, peu recyclable et qui contient du pétrole et du carbone. La fonte, elle, est recyclable à l'infini, sans perte de propriétés mécaniques. Mais ces avantages sont difficilement valorisables dans le cadre des appels d'offres publics. Nous plaidons donc pour l'intégration dans les appels d'offres publics de critères sociétaux ; une telle évolution serait favorable à la fonte, mais surtout à l'environnement. Je précise que nous ne perdons plus de parts de marché au profit du plastique. Toutefois, ce dernier a beaucoup progressé dans les cinquante dernières années. Nous pensons pouvoir en reconquérir des parts de marché !

Mme Angèle Préville . - Si les élus prennent conscience des vertus de la fonte pour renouveler les réseaux, l'avenir peut être intéressant.

M. Ludovic Weber. - Exactement. Malheureusement, à cause de la baisse des financements publics, nos réseaux collectifs ne sont pas assez renouvelés. Le taux de renouvellement est de 0,6 % ; cela signifie qu'il faudrait 160 ans pour renouveler le réseau, ce qui n'est pas économiquement tenable.

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