B. DES RISQUES AUJOURD'HUI ÉCARTÉS, PERMETTANT DE MENER LE CONTRAT À SON TERME EN 2025

1. Le choix opportun d'un traitement défensif des risques au cas par cas

En pratique, la décision du Conseil constitutionnel d'abroger la loi de 1996 rendait impossible tout nouveau recours à une loi de validation, faute de pouvoir la fonder sur un motif d'intérêt général suffisant.

Seules deux options étaient alors envisageables :

- une résiliation du contrat de concession , selon différents fondements juridiques possibles, pour un coût estimé par l'inspection générale de la jeunesse et des sports entre 58 millions d'euros et 200 millions d'euros à la fin 2012 18 ( * ) ;

- une révision du contrat , afin d'en expurger les clauses déclarées illégales.

Sous la menace d'une résiliation du contrat, le concessionnaire a accepté la suppression des indemnités prévues par l'État au titre des circonstances imprévisibles et de l'absence de club résident. La révision du contrat de concession est intervenue avec la signature de l'avenant n° 4 en septembre 2013, date à laquelle les emprunts contractés par le consortium pour la construction de l'enceinte arrivaient à échéance.

Cette révision n'écartait toutefois pas l'intégralité des risques financiers auxquels l'État était alors exposé, en raison de l'enjeu du renouvellement de la convention d'utilisation par la fédération française de rugby - la fédération française de football ayant renouvelé sa convention en 2010, dans le contexte porteur de l'attribution de l'Euro 2016. Initialement reconduite en 2013 pour une durée de quatre ans, cette convention a ensuite été prolongée le 16 juillet 2018 jusqu'à la fin de la concession, après l'abandon définitif du projet de Grand stade par le nouveau président de la fédération française de rugby, Bernard Laporte. Ces deux nouvelles conventions ont permis un rééquilibrage des relations financières entre le consortium et les fédérations, qui reste cependant insatisfaisant pour ces dernières.

La Cour des comptes 19 ( * ) considère que l'État a privilégié une réduction de ses risques financiers à court terme en les traitant au cas par cas, faute de choix de long terme, en écartant une résiliation du contrat.

Le constat d'une gestion au gré de l'évolution de la vie du contrat est certes incontestable.

Néanmoins, force est de constater que c'est avec succès que la situation a été réglée , en évitant le coût élevé d'une rupture anticipée du contrat et la définition dans l'urgence d'un nouveau schéma d'exploitation. Pour cela, l'État a opportunément mobilisé les leviers à sa disposition. Tel fut en particulier le cas pour le renouvellement des conventions d'utilisation du stade par les deux fédérations, pour la conclusion desquelles l'État a fortement oeuvré en prenant appui sur les négociations relatives aux candidatures pour l'organisation de compétitions internationales 20 ( * ) .

2. Le choix pertinent de mener le contrat de concession à son terme, devant s'accompagner d'une réflexion sur l'utilisation future

Depuis la prolongation de la convention liant la fédération française de rugby et le consortium, les risques financiers associés au contrat de concession sont intégralement levés jusqu'à son issue en 2025 , en dehors des deux grands évènements sportifs internationaux en 2023 et en 2024 (cf. infra ) - à savoir la coupe du monde de rugby en 2023 et les Olympiades en 2024.

Dans ce cadre, le Gouvernement a confirmé que le contrat devait être conduit jusqu'à son terme.

Ce choix est toutefois exigeant , car il impose de définir conjointement la préparation et les conditions d'organisation des deux compétitions d'une part, et les conditions d'exploitations futures du Stade de France après 2025.

Il n'en demeure pas moins que ce choix est justifié .

Une résiliation anticipée du contrat se serait traduite, selon l'inspection générale de la jeunesse et des sports, par un coût initial estimé entre 60 millions et 113 millions d'euros, selon le fondement juridique auquel il serait recouru, sans préjuger des coûts ultérieurs liés au fonctionnement du stade.

Inversement, une prolongation du contrat, proposée par le consortium en contrepartie du projet de rénovation d'envergure qu'il portait, aurait été risquée juridiquement et préjudiciable aux intérêts de l'État. Il serait pour le moins risqué de prolonger un contrat dont la validité juridique demeure très incertaine 21 ( * ) . De surcroît, la faisabilité juridique d'une prolongation du contrat sans mise en concurrence préalable, appuyée par le concessionnaire, est contestée par le Gouvernement au regard des dispositions de l'ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession 22 ( * ) .

Surtout, l'opportunité d'une telle prolongation doit être mise en doute compte tenu des heurts qui ont marqué la vie de la concession depuis 1995. Un autre modèle d'exploitation doit être défini pour l'après 2025 : c'est à raison que le Gouvernement a décidé de ne pas reproduire l'erreur initiale de 1995 et de sacrifier à nouveau les intérêts financiers de l'État sur l'autel des Olympiades de 2024.

À rebours de la stratégie défensive appliquée par l'État jusqu'à présent, une vision prospective doit désormais prévaloir pour relever les deux défis qui se présentent, à savoir :

- la préparation et l'organisation de la coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ;

- l'élaboration d'un nouveau modèle économique pérenne et protecteur des finances publiques pour l'après 2025.


* 18 Résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général du fait de l'illégalité des conditions d'attribution du contrat (151,9 millions d'euros), rachat anticipé de la concession (entre 172,5 millions et 198,3 millions d'euros) et résiliation du contrat en cas d'indemnités supérieures à un certain seuil (entre 31,6 millions et 58 millions d'euros).

* 19 Voir le référé précité de la Cour des comptes, septembre 2018.

* 20 En l'espèce, la tenue de l'Euro 2016 de football masculin et de la coupe du monde 2019 de football féminin, ainsi que la coupe du monde 2023 de rugby masculin.

* 21 Comme le souligne le rapport de l'inspection générale de la jeunesse et des sports de janvier 2018 « Le Stade de France : enjeux et avenir », « la suppression en 2013 des clauses déclarées illégales par le tribunal administratif de Paris en 1996 n'a pas permis de purger totalement cette fragilité juridique, dans la mesure où le tribunal a jugé que ces clauses, non conformes au règlement de la consultation, n'étaient pas divisibles du reste des stipulations du contrat ».

* 22 Ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.

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