B. DES RÈGLES DE REPRÉSENTATION AU SEIN DES CONSEILS COMMUNAUTAIRES MAL VÉCUES

La question de la composition de l'organe délibérant est fondamentale si l'on souhaite associer plus étroitement les communes au fonctionnement de l'intercommunalité. Notre collègue Marie-Françoise Pérol-Dumont fait le constat suivant : « Faire vivre la démocratie au sein des structures intercommunales constitue sans doute aujourd'hui l'un des défis les plus importants ».

En vertu des règles fixées par la loi 6 ( * ) , quatre grands principes régissent actuellement la composition de l'organe délibérant des EPCI à fiscalité propre :

- la répartition des sièges doit reposer sur une base essentiellement démographique ;

- un siège au moins doit être attribué à chaque commune ;

- une même commune ne peut détenir plus de la moitié des sièges ;

- une commune ne peut recevoir plus de sièges qu'elle ne compte de conseillers municipaux.

En 2013, 90% des intercommunalités avaient opté pour l'accord local 7 ( * ) en n'appliquant pas de manière stricte la proportionnalité, moyen efficace pour les communes les moins peuplées d'être mieux prises en compte dans les instances de décision. Mais en 2014, la décision « Commune de Salbris » du Conseil constitutionnel, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité, a quelque peu changé la donne.

Saisi d'un litige relatif à la répartition des sièges des conseillers communautaires entre les communes membres d'un EPCI à fiscalité propre, le juge a estimé que les sièges des communautés de communes et d'agglomération devaient être octroyés sur des bases essentiellement démographiques, dans la mesure où ces assemblées gèrent les compétences en lieu et place des communes. Dès lors, les dispositions relatives à l'accord local, particulièrement souples jusqu'alors, méconnaissaient le principe constitutionnel d'égalité devant le suffrage.

Face à cette décision, Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés, représentant de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), pointe les limites d'un système reposant aujourd'hui sur la proportionnalité à la plus forte moyenne : « Aujourd'hui, les sièges supplémentaires bénéficient presque toujours aux communes les plus peuplées (...) Cette méthode va à l'encontre de l'esprit souhaité, puisque le nombre d'habitants par siège est plus faible dans les grandes communes que dans les petites. Cette situation marque une injustice forte, dont même les élus des grandes communes ont conscience ».

Si le Conseil constitutionnel a rendu caduc l'accord local, le législateur, à l'initiative du Sénat, a adopté, le 9 mars 2015, une loi autorisant l'accord local de répartition des sièges de conseillers communautaires. Dans les faits, nombre de communautés de communes, d'agglomérations et de métropoles sont donc aujourd'hui régies par un accord local. Cependant, nos collègues de la commission des Lois relèvent avec pertinence : « Les nouvelles règles qui ont été fixées pour se conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sont si contraignantes qu'il leur arrive d'être inapplicables ». Dans leurs conclusions sur la proposition de loi « visant à améliorer la représentativité des conseils communautaires et à mieux associer les conseillers municipaux au fonctionnement de l'intercommunalité 8 ( * ) », les auteurs dressent un constat critique sur les principes de composition en vigueur : « Des règles de droit commun assez complexes ont été mises au point par le législateur pour concilier ces quatre principes. Elles aboutissent en pratique à une représentation convenable des plus grandes communes, à une forte surreprésentation des communes les moins peuplées, et à une sous-représentation souvent très sensible des communes de taille moyenne ».

Adoptée par le Sénat le 24 janvier 2019, cette proposition de loi prévoit notamment de modifier les règles de droit commun de répartition des sièges au sein des conseils communautaires, avec pour objectif un rééquilibrage raisonnable entre les communes .

Votre délégation prend bonne note de cette initiative de nos collègues. Si elle était également adoptée à l'Assemblée nationale, elle devrait répondre au sentiment de certains élus communaux qui se sentent de moins en moins bien représentés au sein des conseils communautaires.

Elle estime aussi que la nouvelle méthode de répartition des sièges proposée, tenant compte « non seulement de la population de l'EPCI à fiscalité propre mais aussi du nombre de ses communes membres », pourrait être de nature à améliorer la représentativité des conseils communautaires .

Toutefois, dans le cadre du présent rapport, votre délégation retient surtout l'ambition partagée par les auteurs de la proposition de loi, de mieux associer globalement l'ensemble des conseillers municipaux au fonctionnement de l'intercommunalité .

Votre délégation souscrit à l'analyse de notre collègue Maryse Carrère : « Il s'agit de répondre au sentiment de frustration exprimé par de nombreux élus qui ont vu leur commune privée d'une large partie de ses compétences au profit de l'intercommunalité à fiscalité propre, et qui n'ont plus les moyens, juridiques ou matériels, de mettre en oeuvre au niveau communal des projets pour lesquels ils avaient souhaité s'investir dans la vie municipale ».

Votre délégation se félicite que cette proposition de loi consacre un droit d'information de l'ensemble des conseillers municipaux sur les affaires intercommunales. Plus spécifiquement, il s'agit de faire en sorte que certains supports d'information 9 ( * ) , aujourd'hui réservés aux membres de l'organe délibérant de l'EPCI, soient désormais communiqués à tous. Il paraît légitime que les « simples » conseillers municipaux, même s'ils ne sont pas appelés à délibérer des affaires de l'EPCI à fiscalité propre, soient eux aussi en mesure d'apprécier le bien-fondé des décisions prises au niveau intercommunal et, qu'à cette fin, ils se voient reconnaître le même droit général à l'information que les conseillers communautaires.

Votre délégation prend aussi bonne note de l'adoption en séance publique d'un amendement reprenant une proposition de notre collègue Mathieu Darnaud 10 ( * ) , visant à rendre obligatoire , dans chaque EPCI à fiscalité propre, l'existence d'une instance de dialogue avec les maires se réunissant a minima deux fois par an (conférence des maires, bureau élargi, etc.).


* 6 Article L. 5211-6-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).

* 7 Accord local d'une majorité qualifiée de conseils municipaux, dans le respect des conditions fixées par la loi. La répartition des sièges ne peut être engagée qu'à la condition que les deux tiers des conseillers municipaux représentant les deux tiers de la population donnent leur accord pour recourir à cette méthode.

* 8 Présentée par MM. Jean-Pierre Sueur, Marc Daunis, Éric Kerrouche et plusieurs de leurs collègues, et déposée au Sénat le 26 octobre 2018.

* 9 La note explicative de synthèse sur les affaires inscrites à l'ordre du jour et le rapport annuel d'orientation budgétaire.

* 10 Issue du rapport d'information « Fortifier la démocratie de proximité - Trente propositions pour nos communes » rédigé au nom de la commission des Lois, 2018-2019 (n° 110).

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