COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE M. MARC GUILLAUME, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU GOUVERNEMENT
Compte-rendu de l'audition de M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement
Le jeudi 16 mai 2019, Mme Valérie Létard, vice-présidente du Sénat et présidente de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle a procédé à l'audition de M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement. Elle a invité l'ensemble des présidentes et présidents des commissions permanentes ou un représentant à y participer.
Mme Valérie Létard , présidente de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle. - Monsieur le secrétaire général, je vous remercie d'être présent pour cette audition désormais traditionnelle dans le cadre de l'application des lois. Le Sénat a toujours été très vigilant à la bonne application des lois, à commencer par la publication en temps et en heure des textes réglementaires prévus par le législateur.
Comme vous le savez, le suivi de l'application des lois incombe au premier chef aux commissions permanentes : chaque commission effectue ainsi, tout au long de la session, le contrôle de l'application des lois qui la concerne. Aussi, j'ai convié l'ensemble des commissions qui sont représentées par leur président ou un vice-président. Sont ainsi présents Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. René-Paul Savary, vice-président de la commission des affaires sociales, M. Patrick Chaize, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, M. Philippe Dominati, vice-président de la commission des finances et M. François-Noël Buffet, vice-président de la commission des lois. Je vous prie de bien vouloir excuser la commission de la culture, qui auditionne en ce moment le ministre de la culture dans le cadre du projet de loi pour la conservation et la restauration de Notre-Dame de Paris.
Chacun des présidents a présenté en commission, entre le 10 avril dernier et hier, une communication sur l'application des lois de la session 2017-2018 relevant de leurs compétences. Ils ont sans nul doute quelques questions à vous poser.
Si vous en êtes d'accord, sur la base du questionnaire qui a été transmis à vos services, je vous invite à nous faire part des statistiques de l'année et de votre point de vue l'état et les perspectives de l'application des lois. Nous sommes notamment intéressés par le taux d'application de l'année parlementaire.
Par ailleurs, lors du conseil des ministres du 9 janvier 2019, il a été annoncé que « le Gouvernement sera pleinement mobilisé au cours des prochains mois pour maintenir à un haut niveau ses résultats en matière d'application des lois ». Des mesures particulières ont-elles été prises ? De manière plus générale, le nouveau Gouvernement a-t-il mis en place une politique particulière pour s'assurer d'une prise rapide des textes d'application ?
Après quoi, mes collègues et moi-même pourrons poser les questions qui nous paraîtraient utiles.
M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement. - Je vous remercie pour votre invitation à venir échanger sur l'application des lois. Si vous le permettez, je commencerai par un bref rappel sur la méthode. Vous avez retenu la date du 31 mars pour vos travaux. J'essayerai de vous apporter des précisions sur les actions menées depuis cette date. Certaines des mesures d'application ont pu être prises au cours du mois d'avril ou au début du mois de mai.
Nous transmettons nos tableaux de programmation dressant la liste exhaustive des mesures réglementaires d'application à prendre à l'Assemblée nationale et au Sénat dès que la loi est promulguée. Nous identifions phrase par phrase toutes les mesures réglementaires prévues par le législateur et que nous sommes tenus de prendre afin de cadencer le travail avec les ministères. C'est le Premier ministre, titulaire du pouvoir réglementaire, qui veille à ce que les décrets d'application sortent en temps et en heure. Dans ce travail méthodologique, nous essayons de prévoir texte par texte les étapes indispensables que chaque texte appelle : consultations de commissions spécialisées, d'autorités administratives indépendantes, du Conseil d'État si c'est un décret en Conseil d'État ou passage en conseil des ministres - afin de respecter au maximum le délai de six mois, retenu dans le bilan d'application des lois.
Évidemment, ce travail varie selon les lois. Certaines lois attendent beaucoup plus de mesures d'application que d'autres. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, par exemple, comptabilise 142 mesures réglementaires d'application. Dans le délai de six mois, il faut également prévoir les éventuelles notifications à la Commission européenne.
Entre le 1 er octobre 2017 et le 30 septembre 2018, 65 lois ont été publiées : 23 concernent la ratification d'accords internationaux et ne nécessitent pas la prise de mesures réglementaires d'application. En outre, une loi ne nécessite que des mesures réglementaires d'application à effet différé. Pour les 41 lois restantes, 12 lois sont d'application directe et 28 appellent des mesures d'application. Ce sont donc sur ces 28 lois que nous avons travaillé ensemble pour calculer le taux d'application.
Au 31 mars 2019, ces 28 lois appelaient 461 mesures réglementaires d'application et nous en avons pris 393, soit un taux d'application de 85 %, en progression de dix points par rapport à l'an dernier (75 % au 31 mars 2018 pour les lois de la session parlementaire 2016-2017). J'ajoute que 91 % de ces mesures ont été prises dans un délai inférieur à six mois. Le taux d'application s'élève aujourd'hui à 87 %. Un certain nombre de mesures réglementaires ont en effet été prises depuis le 31 mars 2019.
Sur les 28 lois, 17 sont intégralement appliquées au 31 mars 2019. Elles ont nécessité 145 mesures d'application. Sans être exhaustif, je citerai : la loi n°2017-1754 du 25 décembre 2017 ratifiant l'ordonnance n° 2017-717 du 3 mai 2017 portant création de l'établissement public Paris La Défense, la loi n°2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, la loi n°2018-84 du 13 février 2018 créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap, la loi n°2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, la loi n° 2018-187 du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen, la loi n°2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, la loi n° 2018-266 du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat, ou encore la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
Six lois sont en attente d'une seule mesure d'application : la loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, la loi n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l'évaluation environnementale des projets, plans et programmes et n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement, la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, et enfin la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance. En ce qui concerne la loi CNIL, la dernière mesure d'application a été prise depuis le 31 mars. Elle est désormais intégralement appliquée.
Il nous reste notamment à prendre 7 mesures de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.
Pour information, le taux d'application des projets de loi et des propositions de loi est analogue. Nous sommes dans les deux cas à plus de 80 %. Les ministères leur portent évidemment la même attention à la prise des textes réglementaires d'application. Par ailleurs, il n'y a pas de différence significative d'application selon les ministères.
Il est tout à fait exact que le taux de présentation des rapports par l'administration est moins bon que celui des textes règlementaires d'application. L'année dernière, nous avions un taux de remise de 40 %. Nous avions indiqué aux ministères la nécessité de remettre davantage de rapports. Ce taux s'établit à 45 %, en progression significative, même s'il reste insuffisant. Nous avons signalé aux ministères que les résultats obtenus sur les mesures réglementaires devaient se poursuivre sur les rapports.
Lors d'une audition précédente, plusieurs présidents nous avaient interpellés sur le fait que les efforts réalisés en matière de sortie des décrets ne devaient pas se trouver annihilés par des circulaires dénaturant les textes. Vous nous demandiez si ce n'était pas une façon détournée de recréer de la norme. Un immense travail a été réalisé depuis notre dernière réunion. Sur instruction du Premier ministre, les services des ministères ont repris la totalité des circulaires en application, soit près de 30 000, et les deux tiers ont été abrogés : à l'issue des opérations de reéxamen une par une des circulaires, seules 10 500 restent en vigueur. C'est sûrement, Madame la présidente, l'un des fruits de nos réunions. Un effort concomitant doit être engagé désormais sur le flux. Le Premier ministre est en train de réfléchir avec ses ministres pour veiller à ce que le stock ne se recrée pas.
Mme Valérie Létard , présidente de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle. -. Je passe la parole aux présidents et représentants des commissions.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - La moyenne des taux d'application des lois suivies par notre commission s'établit autour de 90 %, ce qui peut sembler satisfaisant. Pour autant, ce chiffre ne constitue qu'un indicateur qui ne rend pas compte de la mise en oeuvre effective des lois. Un seul décret manque et c'est parfois tout un pan de la loi qui n'est pas applicable. Par ailleurs, l'évolution des statistiques réserve des surprises. La loi ALUR a vu par exemple son taux d'application augmenter à la suite de la promulgation de la loi ELAN, les 17 mesures d'application de la garantie universelle des loyers étant devenues sans objet.
En ce qui concerne la loi ELAN justement, le délai de six mois après la publication de la loi au terme duquel toutes les mesures réglementaires doivent être prises sera échu le 23 mai prochain. D'ores et déjà, nous constatons un retard manifeste entre le tableau de programmation des mesures transmis au Parlement et la publication des décrets. Par ailleurs, le Gouvernement envisage de prendre au moins 22 mesures d'application non prévues par la loi. À quoi cela tient-il et quel premier bilan pouvez-vous dresser de la mise en application de cette loi importante ?
La loi « Égalité et citoyenneté » promulguée en janvier 2017 habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances dans un délai de deux ans pour deux sujets : une nouvelle rédaction du livre IV du code de la construction et de l'habitation relatif aux habitations à loyer modéré et la codification dans le code de la construction et de l'habitation des dispositions propres à l'allocation de logement familiale et à l'allocation de logement sociale. Or le Gouvernement n'a pas publié la première ordonnance dans le délai prescrit. Quant à la seconde, la loi ELAN a accordé un délai supplémentaire de six mois au Gouvernement. L'habilitation à légiférer par ordonnance ne veut donc pas forcément dire aller plus vite, d'où notre souhait répété d'inscrire autant que possible directement dans la loi les dispositions importantes.
Je m'interroge ensuite sur la raison pour laquelle les services du secrétariat général du Gouvernement effectuent le seul suivi des décrets d'application des lois sans prendre en compte celui des arrêtés.
Enfin, je voudrais vous soumettre un cas précis où la volonté du législateur n'a pas été respectée. L'article 18 de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014 prévoyait la mise à disposition d'espaces d'informations gratuits par les radios et télévisions au profit des interprofessions, afin de faire la promotion collective des produits agricoles et alimentaires. Le Gouvernement a annoncé n'avoir aucune intention de prendre le décret d'application de cet article, ayant été défavorable à cette proposition lors des débats parlementaires. On a ainsi le sentiment que les administrations jouent parfois la troisième mi-temps en décidant quelles mesures il est possible d'appliquer, ce qui est dérangeant pour le législateur.
M. Patrick Chaize , vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Plusieurs mesures d'application et demandes de rapport étaient sur le point d'être finalisées lors du changement de gouvernement en 2017, mais cet évènement a interrompu le processus, nous laissant deux ans plus tard dans l'expectative. Cela concerne notamment les projets de décret et d'arrêtés prévus par l'article 42 de la loi Biodiversité du 8 août 2016 pour les conditions de conservation dans une collection nationale des ressources biologiques collectées par les laboratoires chargés de la surveillance microbiologique. Il en va de même pour le rapport prévu par l'article 143 de cette loi concernant la mise en oeuvre par la direction générale des douanes et droits indirects de la convention de Washington sur le commerce international des espèces protégées.
Ne revient-il pas au secrétariat général du Gouvernement d'assurer la continuité des travaux d'application des lois, malgré les changements d'exécutif ? Quelles actions mettez-vous en oeuvre afin que ces changements n'interrompent pas l'élaboration des mesures et travaux prévus par le Parlement ?
Par ailleurs, j'attire votre attention sur la publication en décembre 2018 de mesures d'application pour deux dispositions importantes de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 concernant la lutte contre la pollution lumineuse et la protection des habitats naturels. Malheureusement, ces mesures n'ont été prises que sous la pression d'une injonction sous astreinte adressée par le Conseil d'État, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir initié par des associations de protection de l'environnement. Même mis sous pression, le Gouvernement n'a pas été d'une immense célérité : dans le premier cas, les textes d'application ont été publiés à l'extrême limite du délai imparti par l'injonction, tandis que, dans le second cas, il a même été dépassé de plusieurs semaines. Au total, plus de huit ans se sont écoulés entre la promulgation de la loi et la publication des mesures d'application.
Quel rôle joue le secrétariat général du Gouvernement dans les contentieux relatifs à l'application des lois et quelles mesures prenez vous pour y répondre ? Quelle que soit la complexité éventuelle du sujet, comment de tels retards sont-ils possibles, alors même que les textes sont attendus depuis plusieurs années par les parties prenantes et portent sur des sujets substantiels, pour lesquels il est indispensable de disposer de précisions réglementaires afin que les décisions prises par le législateur soient appliquées ?
J'ajoute qu'il est difficile de suivre les mesures de ratification lorsqu'elles interviennent par voie d'amendement dans des véhicules juridiques non dédiés. Le secrétariat général du Gouvernement tient-il à jour la liste des ratifications des ordonnances ?
Enfin, des habilitations sont parfois demandées sans que leur utilité ait forcément été questionnée en amont, et il arrive d'ailleurs que le Gouvernement n'y ait finalement pas recours. C'est le cas par exemple d'une habilitation à l'article 45 de la loi pour la reconquête de la biodiversité d'août 2016, dont le délai a expiré. Une réflexion a-t-elle été engagée sur ce sujet, afin de limiter le recours aux ordonnances et de mieux évaluer en amont leur pertinence ?
M. François-Noël Buffet , vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale . - La commission des lois constate, s'agissant des mesures réglementaires prises pour l'application des textes de lois qu'elle a examinés au fond, une amélioration du ratio entre le nombre de mesures attendues et le nombre de mesures prises : au 31 mars 2019, 91 % des mesures d'application attendues sur des textes relevant de notre commission étaient prises, ce qui marque une augmentation sensible au regard du taux de 72 % constaté à la même période en 2018. Cette amélioration n'est pas anodine puisque notre commission a examiné, en 2017-2018, la moitié de l'ensemble des lois promulguées. Si la plupart des mesures d'application des lois sont désormais prises, notre vigilance me semble devoir demeurer. Notre assemblée a d'ailleurs étoffé son règlement puisqu'une résolution a été adoptée en séance publique, le 7 mai dernier, à l'unanimité, pour renforcer encore les modalités de contrôle sénatorial de l'application des lois : désormais, le rapporteur sur un texte sera compétent pour suivre, au nom de la commission dont il est membre, la publication par le Gouvernement des mesures d'application afférentes.
Malgré l'amélioration de la situation, nous voudrions en premier lieu souligner qu'au 31 mars 2019 douze mesures d'application dans des matières relevant de la commission des lois n'étaient toujours pas prises pour les lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2017-2018. Vous me permettrez d'attirer votre attention sur deux de ces mesures dont nous nous étonnons qu'elles n'aient toujours pas été prises : elles concernent la loi relative à l'harmonisation de l'utilisation des caméras mobiles par les autorités qui renvoyait à trois décrets en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la CNIL, la définition des modalités d'utilisation des caméras mobiles et des enregistrements visuels collectés. Pour l'heure, les décrets relatifs à l'expérimentation des caméras mobiles pour les sapeurs-pompiers et les surveillants de l'administration pénitentiaire n'ont pas été adoptés. Certes, la CNIL a été saisie, dans le courant du mois de mars, d'un projet de décret relatif à l'usage des caméras mobiles par les sapeurs-pompiers et le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, M. Laurent Nuñez, a par ailleurs indiqué le 6 mars 2019 que des expérimentations pourraient être conduites, à compter du troisième trimestre 2019, dans une dizaine de départements. Il semble en revanche qu'aucune procédure n'ait été encore engagée s'agissant des surveillants de l'administration pénitentiaire.
En second lieu, nous nous interrogeons sur les moyens mis en oeuvre pour permettre la parution dans un délai raisonnable des mesures d'application. Alors que les Gouvernements sont parfois enclins à rejeter sur le Parlement la responsabilité des délais nécessaires à l'adoption des dispositions législatives, dans les faits, les délais dans lesquels les mesures d'application des lois sont publiées sont parfois plus longs que les délais d'adoption des lois elles-mêmes. Concernant les textes qui relèvent de la commission des lois, pas moins de 53 mesures d'application publiées en 2017-2018 portent sur des dispositions législatives qui ont plus d'un an, dont 12 portent application de mesures législatives qui ont plus de deux ans.
Quand on sait que le Parlement se donne les moyens, au prix d'une charge de travail élevée, d'adopter certains textes jugés prioritaires en moins de quatre mois, on peut s'étonner qu'il faille jusqu'à six fois plus de temps au Gouvernement pour que paraisse un décret d'application. Nous avons bien conscience de la charge d'activité du Conseil d'État ou de certains organismes consultés dans le cadre de l'élaboration des décrets, notamment la CNIL, mais aucune difficulté ne peut justifier qu'un tel nombre de dispositions législatives ne soit pas applicable pendant presque deux ans. Il y a là, je crois, matière à amélioration.
Enfin, nous attirons votre attention sur une réalité à propos de laquelle la commission des lois restera à l'avenir particulièrement vigilante. L'argument, soulevé par de nombreux gouvernements, selon lequel le recours aux habilitations à légiférer par voie d'ordonnance permettrait de gagner du temps se heurte à ce que nous constatons ces dernières années : le Gouvernement est extrêmement lent dans la publication des ordonnances qu'il a sollicitées, lorsqu'il n'est pas enclin à ne jamais les adopter. À titre d'exemple, aucune des deux habilitations prévues aux articles 52 et 70 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie n'a été prise, huit mois après la promulgation de la loi, et surtout seize mois après le dépôt du projet de loi initial qui prévoyait déjà de solliciter le recours auxdites ordonnances.
Moins acceptable encore est l'habilitation sollicitée dans le vide : aucune des quatre habilitations à légiférer par voie d'ordonnance prévues par la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer du 28 février 2017 n'a eu de suites. Certaines de ces dispositions ont trouvé une suite par la voie législative ordinaire, mais il peut sembler pour le moins paradoxal que le Gouvernement encombre l'ordre du jour législatif d'habilitations à légiférer par voie d'ordonnance, en le justifiant souvent par la nécessité de faire vite, et d'en rester là.
M. Philippe Dominati , vice-président de la commission des finances . - Pour ce qui concerne la commission des finances, le taux de mise en application des lois promulguées durant la session 2017-2018 atteint 80 %. Il est légèrement inférieur à celui de la session précédente, 83 %, et les délais se sont dégradés : alors que l'an passé 67 % des mesures d'application avaient été prises dans le délai de six mois prescrit par une circulaire du Premier ministre du 29 février 2008, cette année ce taux atteint seulement 24 %. Il faut relever toutefois que le délai moyen de publication ne dépasse parfois que légèrement les six mois.
Je ne reviens pas sur les textes concernés, qui sont pour l'essentiel la loi de finances pour 2018 et les deux lois de finances rectificatives pour 2017, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et la loi relative à la lutte contre la fraude.
La loi de programmation des finances publiques 2018-2022 est appliquée, sauf pour les rapports au Parlement, de même que la loi portant transposition de la directive dite « DSP 2 » sur les services de paiement, même si les montants maximaux de retrait en espèces au titre du « cashback » décidés par décret ont paru faibles à la commission des finances dans un contexte d'inquiétude sur l'accès aux espèces dans les territoires ruraux.
Concernant la loi de finances pour 2018, si quatre mesures seulement sont encore attendues, le fait que certaines n'aient pas été prises nous pose particulièrement question.
En effet, à l'initiative de notre commission, l'article 68 de la loi de finances pour 2018 prévoyait un dispositif de plafonnement du montant des frais et commissions payés lors de l'acquisition d'un logement faisant l'objet du dispositif « Pinel » d'encouragement au développement du logement locatif intermédiaire. Ce décret n'est toujours pas pris alors même que la loi de finances pour 2019 a précisé ce dispositif, sur proposition du Gouvernement, afin de faciliter sa mise en oeuvre. Selon les informations du quotidien Le Monde parues le 2 mars dernier, le projet de décret serait bloqué depuis plus d'un an sur le bureau du ministre du logement. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire général, nous expliquer ce blocage ?
De même, l'article 171 de la loi de finances prévoyait de rendre gratuite la circulation sur autoroute pour les véhicules d'intérêt général prioritaires en opération. Or, le ministère de l'intérieur estime désormais, suivant ainsi l'avis du Conseil d'État, qu'une telle exonération serait inconstitutionnelle en raison d'une rupture d'égalité des usagers devant le péage. Quelles solutions techniques pourraient-elles être trouvées pour répondre à l'intention du législateur ?
Concernant la loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018, 16 textes réglementaires d'application étaient attendus, mais seulement 6 ont été pris. Plusieurs textes importants sont en attente et concernent les conditions dans lesquelles les agents chargés de la lutte contre la fraude peuvent avoir accès à des informations par échanges entre administrations, la responsabilité solidaire des plateformes en ligne en matière de TVA due par les vendeurs et prestataires, la publication des sanctions administratives pour les personnes morales à raison de manquements fiscaux graves et frauduleux et les nouvelles modalités de fonctionnement de la commission des infractions fiscales suite à la réforme du « verrou de Bercy ».
Compte tenu de l'importance de la lutte contre la fraude fiscale, je souhaiterais que vous nous donniez des éléments précis de calendrier pour la parution de ces décrets.
J'en viens pour terminer aux rapports. Seuls 85 des 157 rapports attendus pour les lois promulguées depuis 2010 ont été effectivement remis au Parlement, soit à peine plus de la moitié. On peut relever que les demandes de rapports sont sans doute trop élevées, mais bon nombre de rapports n'ont pas été remis, alors même que la disposition avait été insérée par le Gouvernement lui-même. C'est le cas de 6 des dispositions de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Monsieur le secrétaire général, pouvez-vous nous éclairer sur les délais de remise de ces rapports ?
M. René-Paul Savary , vice-président de la commission des affaires sociales . -Pour la commission des affaires sociales, l'application des lois est très fortement marquée par la loi de financement de la sécurité sociale, dont l'application est en général très rapide et complète. Pour la période couverte par la présente audition, le taux de mise en application des textes est affecté à la baisse par la mise en oeuvre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont la promulgation est intervenue en fin de période et dont certaines des mesures vont entrer en vigueur de façon décalée.
Parmi les mesures non encore applicables, la commission des affaires sociales s'interroge sur le délai de mise en oeuvre des dispositions relatives à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés. La loi relative à la liberté de choisir son avenir professionnel, dans son volet relatif aux travailleurs en situation de handicap, portait une réforme structurelle de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, l'OETH, en vertu de laquelle les employeurs privés et publics sont tenus de recruter au moins 6 % de travailleurs handicapés. Cette réforme prévoit de modifier en profondeur les modalités de calcul de l'OETH, tant pour la prise en compte des travailleurs handicapés employés directement que pour le recours en sous-traitance d'établissements ou d'entreprises adaptées. La commission des affaires sociales s'est à plusieurs reprises interrogée sur la pertinence de ces mesures, qui n'a pas manqué de susciter l'inquiétude des principaux acteurs concernés. Nous nous interrogeons à présent sur le retard des décrets qui doivent les mettre en oeuvre
Dans le domaine de la santé, sur le sujet sensible de la pénurie de médicaments, le président Milon avait interrogé le Gouvernement l'an dernier sur une disposition de la loi du 23 février 2017 ratifiant l'ordonnance du 15 juillet 2016 qui imposait à titre expérimental pour trois ans aux grossistes répartiteurs de déclarer auprès d'un tiers de confiance leurs volumes d'exportations de médicaments. J'observe que cette disposition, qui n'a jamais été mise en oeuvre, est supprimée par le projet de loi Santé.
Ce même projet de loi Santé prévoit l'accès au troisième cycle des études de médecine des médecins déjà en exercice. Cet accès était déjà prévu par l'article 117 de la loi Santé de 2016. Il est encadré par un décret n° 2017-535 du 12 avril 2017 relatif aux conditions d'accès des médecins en exercice au troisième cycle des études de médecine, dont les dispositions n'entreront cependant en vigueur qu'au 1 er janvier 2021 : cette possibilité n'a donc pas encore été mise en application à ce jour. L'application des lois recèle décidément quelques surprises !
M. Pascal Allizard , vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - S'agissant du suivi de l'application des lois par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je donne acte au Gouvernement de la publication de l'ensemble des décrets d'application de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025, dans le délai de six mois imparti, des 4 ordonnances attendues dans la période considérée ainsi que du bilan de l'exécution de la programmation militaire prévu par l'article 10.
Pour autant, comme chaque année, notre commission regrette que le Gouvernement n'ait pas remis les rapports demandés faisant le bilan des opérations extérieures et intérieures. En effet, il nous semble qu'un contrôle a posteriori par le Parlement est la contrepartie indispensable de la prééminence de l'exécutif dans le déclenchement des opérations militaires que consacre l'article 35 de la Constitution. Naturellement, la commission des affaires étrangères et de la défense a exercé son contrôle par d'autres moyens, notamment par l'audition des ministres concernés, des responsables militaires, et par des visites auprès des forces armées, mais je souhaitais rappeler devant vous l'absence de ces rapports annuels.
Cette audition me semble également être l'occasion de vous signaler que la modification de l'article 16 de l'ordonnance de 2015 relative aux marchés publics portée par notre commission par un amendement déposé sur l'article 44 de la loi de programmation militaire a tout simplement été effacée lors de la codification de cette ordonnance dans le nouveau code de la commande publique. Le motif invoqué est que cet ajout, par la précision qu'il apporte, risquait d'être plus restrictif que la rédaction préexistante ; cela nous semble méconnaître les pratiques de l'acheteur public qu'est la direction générale de l'armement. Nous travaillons actuellement sur ce sujet avec le ministère des armées, mais je voulais vous en informer.
Enfin, je voudrais signaler que la commission attend toujours de la part du ministère des affaires étrangères le rapport sur la mise en oeuvre de la stratégie française d'aide au développement en 2016-2017, qui aurait dû lui être transmis en 2018, en application de l'article 15 de la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale de juillet 2014, et ce alors même qu'un projet de loi sur le développement est en préparation. Il semble que ce retard soit habituel, puisque le précédent rapport avait déjà été transmis avec beaucoup de retard ...
Mme Valérie Létard , présidente de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle. - Les questions qui vous sont adressées sont nombreuses, notamment sur les ordonnances, les rapports, en particulier ceux issus de l'article 67 de la loi de simplification du droit.
M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement. - Madame Primas, vous vous interrogez sur l'application de la loi ELAN du 23 novembre 2018. Il nous reste quelques jours avant le délai des six mois. De nombreux décrets sont en cours d'examen par le Conseil d'État qui fait un énorme effort pour qu'ils soient pris avant la fin du mois : certains ont été examiné avant-hier et hier, et d'autres seront examinés la semaine prochaine. Nous espérons ainsi obtenir un taux d'application intégrant une trentaine de mesures supplémentaires prises dans les dix prochains jours. Le sixième mois de sortie des décrets est toujours décisif et nous sommes pleinement mobilisés, avec le Conseil d'État, pour sortir ces mesures.
Les mesures d'application non prévues ne sont pas comptabilisées de la même manière. Le pouvoir réglementaire autonome garde sa place. Mais l'administration n'est pas dans un système de choix pour les décrets d'application des lois : le juge nous condamne si nous ne les prenons pas. S'agissant de lois votées sous un quinquennat précédent, il est légitime qu'un nouveau gouvernement puisse proposer au Parlement de revenir sur une mesure antérieure. Cela explique dans certains cas, mesure par mesure, que les textes réglementaires n'aient pas été pris.
Par ailleurs, il est des dispositions de la loi qui appellent des précisions pour le pouvoir réglementaire, notamment pour organiser l'administration ou pour exercer le pouvoir normatif qui n'est pas dans le champ de l'article 34 de la Constitution. Ce n'est nullement contradictoire. Les instructions du Président de la République et du Premier ministre sont d'utiliser avec la plus grande parcimonie le pouvoir réglementaire autonome. Cela a été symbolisé sous le terme « deux pour un ». Ainsi, nous devons faire en sorte que lorsqu'un décret porte une contrainte administrative supplémentaire, il doit être compensé par deux suppressions. Dans une année de droit commun, une centaine de mesures réglementaires autonomes sont prises. L'année dernière, une vingtaine ont été prises, qui ont donné lieu à la suppression de 45 contraintes administratives existantes. Vous le voyez, nous sommes dans un processus de décélération assez spectaculaire. Sur un quinquennat, cent mesures prises par an auraient donné 500 mesures nouvelles. Au rythme en oeuvre depuis un an et demi, on serait amené à prendre cent mesures au lieu de 500. En outre, 250 mesures contraignantes seraient supprimées. Cela est rendu possible par le fait que le Premier ministre est libre de décider de prendre ou non des mesures réglementaires. En revanche, il n'est pas libre de décider ou non de prendre les mesures d'application. Si une mesure législative ne lui semble pas s'inscrire dans le cadre de la politique publique qu'il veut mener, il doit revenir devant le Parlement afin de faire modifier la disposition législative en question.
Au sujet de l'ordonnance de recodification du code de la construction et de l'habitation, il est clair que l'effort de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) s'est concentré sur l'énorme travail de mise en oeuvre de la loi ELAN, qui est passée de 65 à 285 articles lors de la navette parlementaire. Pour l'administration, et bien qu'il s'agisse de son travail, cela ne représente pas la même chose de prendre les mesures d'application de 65 articles ou de 285 articles. Dans les douzième et treizième législatures, le Parlement a adopté 34 000 et 31 000 amendements ; dans la quatorzième législature, 58 000. La loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer est ainsi passée de 15 à 116 articles à l'issue de l'examen parlementaire.
Autant le pouvoir réglementaire d'application des lois appartient au Premier ministre, autant les arrêtés ministériels dépendent des différents ministères. Il n'y a pas de centralisation. Chaque ministère doit suivre ses arrêtés afin de s'assurer qu'ils sortent en temps utile.
Vous avez parlé de troisième mi-temps sur la loi d'avenir pour l'agriculture : ce terme me paraît devoir être réservé au sport, et pas à l'obligation qui est la nôtre de sortir les textes d'application des lois. En revanche, il est apparu que la mesure prévoyant l'obligation pour les radios et télévision de mettre gratuitement à disposition des espaces d'information était contraire au droit européen, car elle constitue un aide d'État. Nous ne pouvons pas prendre de mesures contraires au droit européen sous peine d'être condamné par la Cour de justice de l'Union européenne. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de revenir devant le Parlement pour en proposer l'abrogation.
Pour répondre à l'interrogation de M. Chaize, nous suivons la totalité des lois, y compris anciennes. Vous avez cité des articles pour lesquels nous n'avions pas encore pris les mesures d'application. Dans la perspective de cette réunion, nous avons interrogé le ministère sur l'état d'avancement des textes. Sur les conditions auxquelles est subordonnée l'autorisation de défrichement, les travaux avec les représentants des espaces protégés et les organisations socioprofessionnelles n'ont pas abouti pour l'instant, compte tenu de la complexité du sujet.
L'injonction du Conseil d'État est un bon exemple de ce que nous ne devons pas faire. Pour la pollution lumineuse, nous n'avions pas pris les mesures d'application dans des délais satisfaisants. Dans les contentieux, nous essayons dans un premier temps de défendre un délai supplémentaire devant le Conseil d'État et, une fois condamnés, nous poussons plus encore les ministères à prendre les décrets d'application pour éviter les paiements sous astreinte.
Nous tenons bien sûr à jour la liste des ratifications des ordonnances. Je crois qu'elles sont publiées sur notre portail. Est-il de bonne méthode de ratifier des ordonnances par voie d'amendement ? Nous déposons toujours la loi de ratification des ordonnances, ne serait-ce qu'en l'absence d'un tel dépôt l'ordonnance tomberait. Se pose ensuite la question de l'inscription à l'ordre du jour du Parlement ou du basculement sur d'autres textes par voie d'amendement.
M. Patrick Chaize . - Ma question portait sur des habilitations dont le délai est dépassé et sur une meilleure évaluation en amont de la pertinence de ces habilitations.
M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement. - Ces cas sont rares, mais chacun est dans son rôle. Nous avons ainsi demandé un délai de six mois supplémentaires pour une ordonnance. Au-delà des délais, les ordonnances posent la question de la concertation avec différents partenaires. Nous n'avons pas toujours les dispositions en dur, car la concertation n'a pas encore eu lieu. Vous nous avez dernièrement habilités à revoir le droit de la copropriété, ce qui représente un travail très lourd à mener avec l'ensemble des parties prenantes. Vous connaissez la politique très sévère du Conseil constitutionnel en matière de cavalier. Dans les deux ans qui viennent, même si chacun convient, Parlement compris, que c'est une matière qu'il faut moderniser, nous ne sommes pas en situation d'avoir le vecteur législatif pour le faire.
Mme Sophie Primas , présidente . - Le Gouvernement a les moyens de déposer un projet de loi ou de faire porter une proposition de loi par un parlementaire.
M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement. - Nous avons la possibilité de préparer des textes, mais nous n'avons pas la possibilité de les faire voter. L'ordre du jour du Parlement n'est pas extensible et ne permet pas d'inscrire la totalité des réformes prévues par ordonnances. Beaucoup de projets de loi sont en cours, mais ne peuvent pas être pour l'instant inscrit à l'ordre du jour faute de place. Il est illusoire de penser que l'on pourrait se passer d'habilitations. Si l'on veut essayer de s'en convaincre, il faudrait prendre l'ensemble des ordonnances publiées dans les années récentes - il y en a eu 68 en 2017, 79 en 2016 66 en 2015 - Il est impossible d'inscrire 68, 79 ou 66 projets de lois supplémentaires à l'ordre du jour.
Mme Valérie Létard , présidente de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle. -. Si je peux me permettre, Monsieur le secrétaire général, il y a l'importance du nombre d'ordonnances et les sujets traités par celles-ci qui sont à prendre en considération. On peut tout à fait imaginer que pour des raisons d'agendas législatifs, tout ne peut pas rentrer dans l'ordre du jour. Il y a peut-être à identifier et hiérarchiser les sujets pour garder les thèmes majeurs et qui relèveraient normalement d'un débat avec le Parlement. Comme le dit ma collègue Sophie Primas, il paraîtrait logique qu'un sujet comme le droit des copropriétés fasse l'objet d'une discussion au Parlement. C'est un point sur lequel nous reviendrons certainement lors du débat en séance le 12 juin prochain.
Par ailleurs, vous nous indiquez qu'il faut du temps pour rédiger l'ordonnance. Or, on pourrait imaginer que lorsque le Gouvernement vient demander au Parlement une habilitation à légiférer par ordonnance, les discussions et concertations aient lieu en amont, et pas en aval et que des indications soient données au moment de la sollicitation de l'habilitation sur les grands axes issus des concertations. Le but est d'être à la fois plus efficient, mais aussi plus transparent dans les contenus. Faire confiance au Gouvernement dans la rédaction des ordonnances fait partie du jeu, mais avoir une information sur leur contenu lors du vote de l'habilitation est toujours mieux. On pourrait peut-être travailler avec le Gouvernement sur une amélioration du processus.
M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement. - C'est un débat qui existe depuis 1958 sur la nature des ordonnances de l'article 38 de la Constitution. Il n'est pas exact de penser qu'il y a un choix qui se ferait entre mettre les dispositions en dur et solliciter une habilitation. Le Conseil constitutionnel va statuer sur la loi PACTE. Nous verrons combien d'amendements seront censurés. Toutefois, compte tenu de la pratique actuelle, on voit que le Conseil constitutionnel a une interprétation restrictive du lien même indirect des amendements. Lorsqu'une disposition d'habilitation est insérée dans un projet de loi, en réalité, il n'y a pas d'alternative si l'on veut opérer une réforme et alors qu'elle ne peut pas être mise en dur à ce moment-là.
M. Buffet, vous m'avez interrogé sur les deux décrets d'application du 3 août 2018 sur les caméras mobiles. Pour le premier décret concernant les caméras mobiles des sapeurs-pompiers, la CNIL a été saisie en mars. Elle a rendu son avis en mai. Cela vous montre les contraintes du délai de six mois. Le décret va sortir bientôt. Pour le décret pour les personnels de surveillance des administrations pénitentiaires, la CNIL doit également prononcer. Vous avez indiqué 12 mesures prises dans des délais supérieurs à celui de 6 mois. Comme vous l'avez tous souligné, les taux d'application généraux sont de très haut niveau - le niveau n'a jamais été aussi élevé depuis le début de la Cinquième République - mais, et nous le savons, il reste des exceptions.
M. Dominati vous m'avez interrogé sur le dispositif « Pinel ». Dans la loi de finances pour 2018, 2 mesures manquent sur les 29 mesures d'application attendues. La première concerne le dispositif Pinel de plafonnement des frais des commissions d'accès direct et indirect. Le décret est en cours de finalisation. Nous avons tenu une réunion interministérielle fin avril pour en arrêter les divers aspects. Nous avons eu un problème de méthodologie, car nous avons soumis ce décret au conseil national de la transaction et de la gestion immobilière qui était en renouvellement. Le renouvellement ayant eu lieu il y a une dizaine de jours, nous allons le saisir prochainement.
En ce qui concerne l'exonération des péages autoroutiers pour les véhicules d'intérêt général prioritaire, le ministère des transports a travaillé avec les sociétés d'autoroute. Les résultats de cette concertation ont été rendus publics en avril : les sociétés concessionnaires doivent se rapprocher des services départementaux d'incendie et de secours, afin de prévoir dans les conventions elles-mêmes la prise en charge par ces sociétés de ces frais, y compris lorsque les interventions sont liées à des opérations ayant lieu en dehors du réseau autoroutier, afin que l'intention du législateur soit respectée.
M. Philippe Dominati , vice-président de la commission des finances . - Certes, la ministre des transports est intervenue, mais il semblerait que le dispositif soit départementalisé. C'est ainsi au niveau de chaque département que les négociations se font. On est bien loin de ce que nous attendions, et nous sommes interloqués de voir qu'il y ait autant de difficulté.
En outre, un certain nombre d'élus sont surpris par l'incapacité de l'État à régler ce problème, d'autant que cela pourrait être prévu dans le cahier des charges des concessions. On parle beaucoup en ce moment de la vente de biens publics comme l'aéroport de Paris. Il faudrait savoir si l'État a prévu les modalités d'accès aux locaux de la police, de la police aux frontières, des pompiers. Il ne faudrait pas que l'on se rende compte, ultérieurement que l'État n'a pas été prévoyant quant à l'accès aux biens concédés. La réponse de la ministre des transports se limitant à demander aux SDIS de se mettre en relation avec les sociétés concessionnaires n'est pas satisfaisante.
M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement. - Je vais interroger le ministère des transports sur ce point. J'avais compris que cela concernait le réseau autoroutier. Je comprends de votre intervention qu'il y a deux points : le champ de la mesure et comment arrive-t-on au résultat attendu, à savoir que les intéressés ne payent pas le péage.
M. René-Paul Savary , vice-président de la commission des affaires sociales . - Si au final, ce sont les SDIS qui paient cela signifie que la charge financière sera portée par les collectivités territoriales.
M. Marc Guillaume, secrétaire général du Gouvernement. - Ce n'est pas ce que j'ai compris. Je vais demander des éclaircissements au ministère des transports. Pour moi, les sociétés concessionnaires vont prendre en charge les frais et laisser passer gratuitement les véhicules des SDIS sans leur faire payer les péages. Je vais vérifier ce point et reviendrai vers vous à la suite de cette réunion.
Vous m'interrogez sur deux décrets de la loi fraude. Le premier porte sur les modalités de fonctionnement du comité des infractions fiscales. Le projet de décret a été examiné en Conseil d'État la semaine dernière. Il va sortir prochainement. Le deuxième décret concernant l'échange d'informations entre administrations a été soumis au conseil d'État. Toutefois, ce dernier nous a indiqué que l'utilisation des données de connexion prévue dans le décret était contraire au droit européen. Nous devons retravailler ce décret du fait de ce rejet.
Vous avez soulevé l'utilisation du répertoire commun de sécurité sociale. Ce décret est en cours de validation.
Enfin, il reste la question transversale des rapports. J'ai bien souligné en introduction que notre marche de progression est bien supérieure à celle des décrets. Cette réunion sera l'occasion de faire passer le message aux ministères concernés.
Concernant le décret relatif aux travailleurs handicapés, sauf erreur, et je vérifierai ce point, cette mesure entre en vigueur de manière différée - au 1 er janvier 2020. La réunion interministérielle a eu lieu le 13 mai.
La loi 23 février 2017 traitant de la problématique des grossistes répartiteurs est une loi de l'ancienne législature. Le Gouvernement actuel a fait le choix de ne pas reprendre cette mesure et en a proposé l'abrogation dans le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, actuellement en discussion au Parlement.
Enfin, il restait la question de l'accès des médecins au troisième cycle de médecine. Un nouveau dispositif est prévu dans le projet de loi Santé. Ce sujet illustre la volonté d'un nouveau gouvernement de faire d'autre choix.
Je remercie M. Allizard d'avoir eu la gentillesse de souligner que tous les décrets d'application de la loi de programmation militaire avaient été pris. Cette réunion annuelle a pour effet, dans le cadre de sa préparation, de relancer les ministères sur certains sujets. Ainsi nous avons transmis aujourd'hui le bilan de l'exécution de la loi de programmation que vous attendiez. Vous m'interrogiez sur le droit de la commande publique. Il est exact que les précisions apportées par le Parlement au 2° de l'article 44 de la loi de programmation n'ont pas été reprises dans l'ordonnance. Elles ont été jugés problématiques au regard de la directive 2009/81 qu'il s'agissait de transposer. La rédaction initiale de l'ordonnance reprenait intégralement les termes de la directive, en la recopiant, afin de ne pas pouvoir être accusé de mal la transposer. La disposition dont vous parlez ajoutait des termes qui ne figuraient ni dans la directive ni dans ses considérants. Je pense par exemple à la « grande rapidité d'acquisition ». Compte tenu de l'examen par le Conseil d'État de la compatibilité du code de la commande publique avec la directive 2009/81, nous avons fait le choix de s'en tenir à la recopie simple en droit français afin d'éviter toute contestation devant la juridiction européenne.
Le rapport sur la mise en oeuvre de la stratégie française d'aide au développement est terminé. Je vous propose de vous faire passer une version provisoire. Il sera officiellement déposé dans les semaines à venir.
Pour le Gouvernement, l'application des lois est une nécessité première. Les administrations sont extrêmement mobilisées. C'est une tâche plus importante qu'auparavant, en raison du volume des lois. Cela explique parfois - même si cela ne le justifie pas - le retard du dépôt de certains rapports. Nous avons conscience que telle ou telle mesure réglementaire n'a pas encore été prise. Le bilan général montre l'immensité de la tâche : nous avons échangé sur plus de 400 mesures. Il en reste une soixantaine à prendre et nous nous y attelons tous les jours.
Mme Valérie Létard , présidente de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, de la législation en commission, des votes et du contrôle . - Je vous remercie pour ce travail de présentation, de réponses précises aux questions posées par les représentants des commissions.
Nous avons encore eu l'occasion de le constater : cette réunion est l'occasion d'avancer, de se dire les choses dans un respect mutuel et de pouvoir échanger très directement sur tel ou tel élément. Nous voyons que chiffres à l'appui, vous essayez année après année de faire en sorte que l'application de la loi se fasse de mieux en mieux. Certes on peut toujours mieux faire. Ces réunions sont un exercice salutaire tant pour le Parlement que pour le Gouvernement pour faire en sorte que ce que nous décidons les uns et les autres puissent se mettre en oeuvre, en conformité avec l'esprit de la loi. Un exercice nous attend encore le mercredi 12 juin à 8h00 avec le ministre.
La réunion est close à 12h15.