II. INVESTIR ET DÉVELOPPER DES CAPACITÉS INDUSTRIELLES POUR FABRIQUER L'IA EN EUROPE

Les concurrents de l'Union européenne disposent d'importantes ressources financières accumulées par l'expansion de l'économie numérique. L'Europe, principale colonie du monde numérique, n'a pas ces moyens. Pourtant, il lui faut investir massivement dans la recherche et l'innovation pour fabriquer une intelligence artificielle sur son territoire. L'innovation de rupture, qui a été décisive pour le numérique, coute cher et l'Union doit faire face à la fuite de ses talents les plus prometteurs en IA. Ces derniers bénéficient de conditions d'accueil des plus favorables pour effectuer leurs recherches en Amérique du nord, en Israël, voire en Chine et il faudra mettre des moyens pour les faire revenir.

L'Union européenne a déjà fait un pas important en faveur de l'IA en créant une entreprise commune EuroHPC afin de se doter de calculateurs à haute performance de premier niveau . Elle accuse un certain retard en ce domaine qu'elle est en train de combler. Et si ces machines ne sont pas exclusivement réservées à l'IA, on sait qu'elles constituent un élément important de son développement pour traiter des masses de données toujours plus importantes. Toutefois, d'autres investissements seront nécessaires.

A. L'AUGMENTATION DES INVESTISSEMENTS DANS L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Face aux montants investis par les Américains et les Chinois, la Commission européenne propose d'augmenter les investissements européens dans l'IA. Ses premières mesures - 1,5 milliard d'euros pour la recherche - visent à entraîner les investissements publics et privés pour atteindre 20 milliards d'euros d'ici à 2020. Elle s'appuie sur les stratégies proposées par les États membres et sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques et le fonds européen d'investissement, qui ont montré des résultats probants dans le cadre du plan Juncker. Pour le prochain cadre financier pluriannuel, elle propose d'investir 1 milliard d'euros par an dans la recherche sur l'IA dans le cadre du programme de recherche et d'innovation Horizon Europe. Son objectif est de dégager 20 milliards d'euros d'investissements chaque année sur la période 2020-2030.

Une étude réalisée par McKinsey démontre que l'Europe est en retard dans l'investissement privé en IA. Alors que ses entreprises investissaient entre 2,4 et 3,2 milliards d'euros en 2016, l'Asie apportait 6,5 à 9,7 milliards d'euros et l'Amérique du Nord entre 12,1 et 18,6 milliards d'euros. Ce manque de capitaux a notamment entrainé la perte de deux entreprises de pointe en 2016 : Deepmind, entreprise britannique pionnière dans l'IA rachetée par Google pour 500 millions de dollars ; Kuka, entreprise robotique allemande, rachetée par le chinois Midea pour 4,5 milliards de dollars. C'est d'ailleurs ce dernier rachat qui a incité les autorités allemandes à se préoccuper du contrôle des investissements étrangers stratégiques en Europe.

En complément la Commission européenne propose de lancer un nouveau fonds pour soutenir les start-ups et les PME dans le domaine de l'intelligence artificielle et des chaînes de blocs . L'objectif est d'aider ces jeunes pousses non seulement dans la phase de démarrage mais aussi dans la phase d'expansion pour assurer leur croissance et éviter qu'elles soient rachetées . Là encore, le financement initial proviendrait d'Horizon 2020 et s'appuierait sur l'effet de levier du Fonds européen pour les investissements stratégiques et du Fonds européen d'investissement.

Ce nouvel instrument pourrait se concentrer sur le financement d'un portefeuille d'entreprises innovantes dans les secteurs de l'IA et des chaînes de blocs ; la création d'une communauté dynamique d'investisseurs à l'échelle de l'Union, principalement dans le domaine de l'IA ; la multiplication des investissements au niveau national en faisant participer les banques de développement nationales comme Bpifrance; les mesures encourageant les investissements du secteur privé ; et les moyens de rendre l'Europe plus attractive pour l'implantation et le développement des jeunes pousses.

C'est ambitieux. La Commission donne l'impulsion et compte sur les effets d'entraînement et de levier tels qu'ils ont été mis en oeuvre dans le cadre du plan Juncker.

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