B. UNE CATÉGORISATION À REVOIR
La répartition des EPCI à fiscalité propre en quatre catégories, créées au fil du temps par des réformes successives, est aujourd'hui devenue illisible. Les catégories des communautés d'agglomération, des communautés urbaines et des métropoles, en particulier, sont devenues extrêmement hétérogènes à force d'assouplissements des conditions fixées par la loi pour les créer.
Les conditions de création des
différentes catégories d'EPCI à fiscalité propre
Sans préjudice des objectifs assignés aux schémas départementaux de coopération intercommunale, parmi lesquels la couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre d'une population au moins égale à 15 000 habitants, sauf dérogations dans les territoires faiblement peuplés et les zones de montagne, la loi impose certaines conditions particulières à la création de tels EPCI, qui varient en fonction de leur catégorie juridique. Ces conditions ont trait au peuplement du territoire concerné, à son urbanisation ainsi qu'au statut administratif de certaines communes. Communautés de communes La création des communautés de communes - catégorie instituée par la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République , dite « ATR » - n'est soumise à aucune condition particulière (autres que celles qui s'imposent à l'ensemble des EPCI à fiscalité propre, notamment en termes de population). Communautés d'agglomération Instituée par la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale , dite « Chevènement », la catégorie des communautés d'agglomération est normalement destinée aux villes moyennes et à leur environnement immédiat. En principe, une communauté d'agglomération doit rassembler 50 000 habitants autour d'une commune centre de plus de 15 000 habitants. De nombreuses dérogations ont néanmoins été introduites au fil du temps : - le seuil de 15 000 habitants pour la commune centre ne s'applique pas si la communauté d'agglomération comprend le chef-lieu du département (loi « Chevènement ») ou la commune la plus peuplée du département (loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ), ou encore si la commune la plus peuplée de la communauté est la commune centre d'une unité urbaine de plus de 15 000 habitants (loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République , dite « NOTRe ») ; - le seuil de 50 000 habitants est réduit à 30 000 habitants si la communauté d'agglomération comprend le chef-lieu du département. Il peut également être apprécié au regard de la « population DGF », à condition que celle-ci soit supérieure à 60 000 habitants et qu'elle excède la population totale de plus de 50 % (loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales , dite « RCT »). En outre : - à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral a permis à l'État d'autoriser la constitution d'une communauté d'agglomération comptant au moins 30 000 habitants et comprenant la commune la plus peuplée du département ; - à titre expérimental et pour une durée de dix-huit mois, la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles , dite « MAPTAM », a permis à l'État d'autoriser la constitution d'une communauté d'agglomération formant un ensemble d'au moins 25 000 habitants autour d'une commune centre de plus de 15 000 habitants, à condition que la majorité des communes membres, dont la commune centre, soient des communes littorales. Communautés urbaines La catégorie des communautés urbaines, créée par la loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines , est celle qui a le plus évolué avec le temps. À l'origine, une communauté urbaine pouvait être créée dans toute agglomération de plus de 50 000 habitants. La loi n° 66-1069 du 31 décembre 1966 précitée a créé d'office les communautés urbaines de Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg. La loi « ATR » a d'abord abaissé ce seuil à 20 000 habitants. Par la suite, la loi « Chevènement » précitée a réservé ce statut aux ensembles de plus de 500 000 habitants, tout en laissant subsister les communautés urbaines créées antérieurement - avec toutefois un régime spécial, qui comprend des compétences obligatoires moins étendues. Les lois « RCT » et « MAPTAM » ont ramené ce seuil à 450 000, puis à 250 000 habitants. Enfin, la loi « NOTRe » a prévu que ce seuil ne s'applique pas si l'EPCI en question comprend une commune ayant perdu la qualité de chef-lieu de région. Métropoles Créé en 2010 par la loi « RTC », le statut de métropole était initialement réservé aux EPCI à fiscalité propre de plus de 500 000 habitants. Vu le peu de succès de cette tentative - seule la métropole de Nice Côte-d'Azur avait été créée en 2012 - la loi « MAPTAM » a érigé d'office en métropoles les huit EPCI à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants en 2010, ainsi que les deux métropoles à statut particulier du Grand Paris et Aix-Marseille-Provence et la métropole de Lyon (qui n'est pas un EPCI mais une collectivité territoriale à statut particulier). Étaient aussi autorisées à se transformer en métropoles les EPCI à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètre desquels se trouvait le chef-lieu de région, ainsi que les EPCI à fiscalité propre centres d'une zone d'emplois de plus de 400 000 habitants et exerçant les compétences obligatoires d'une métropole à la date de l'entrée en vigueur de la loi. Ces critères furent ensuite assouplis par la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain , qui ajouta aux cas précédents : - les EPCI à fiscalité propre centres d'une zone d'emploi de plus de 400 000 habitants comprenant dans leur périmètre le chef-lieu de région ; - les EPCI à fiscalité propre de plus de 250 000 habitants ou comprenant dans leur périmètre, au 31 décembre 2015, le chef-lieu de région, centres d'une zone d'emploi de plus de 500 000 habitants. |
Votre rapporteur ne reviendra pas ici sur les critiques qu'il a adressées à l'élargissement du champ des métropoles, terme qui est devenu un label dont chacun cherche à se parer, plutôt que le nom d'une catégorie cohérente 114 ( * ) .
Les métropoles (population, urbanisation, centralité)
Nom |
Population de la métropole |
Population de l'unité urbaine principale |
Population de l'aire urbaine |
Métropole du Grand Paris |
7 086 571 |
10 706 072 |
12 532 901 |
Métropole d'Aix-Marseille-Provence |
1 895 060 |
1 585 498 |
1 752 398 |
Métropole Européenne de Lille |
1 155 161 |
1 039 397 |
1 184 708 |
Bordeaux Métropole |
787 107 |
904 359 |
1 215 769 |
Toulouse Métropole |
768 494 |
948 433 |
1 330 954 |
Nantes Métropole |
646 513 |
633 690 |
949 316 |
Métropole Nice Côte d'Azur |
544 819 |
943 354 |
1 005 891 |
Métropole Rouen Normandie |
498 822 |
467 133 |
663 743 |
Eurométropole de Strasbourg |
494 272 |
461 101 |
780 515 |
Montpellier Méditerranée Métropole |
465 407 |
428 909 |
599 365 |
Grenoble-Alpes-Métropole |
452 687 |
512 591 |
690 050 |
Rennes Métropole |
450 639 |
330 871 |
719 840 |
Métropole Toulon-Provence-Méditerranée |
437 460 |
569 793 |
622 895 |
Saint-Etienne Métropole |
409 382 |
373 130 |
517 585 |
Tours Métropole Val de Loire |
299 177 |
353 042 |
492 722 |
Clermont Auvergne Métropole |
293 125 |
265 892 |
479 096 |
Orléans Métropole |
289 233 |
278 131 |
433 337 |
Métropole du Grand Nancy |
262 162 |
285 659 |
435 336 |
Dijon Métropole |
257 843 |
243 244 |
384 824 |
Metz Métropole |
224 904 |
285 268 |
389 612 |
Brest Métropole |
213 462 |
200 530 |
318 829 |
Métropole de Lyon |
1 390 240 |
1 639 558 |
2 291 763 |
Source : commission des lois du Sénat (données : INSEE)
Les conditions pour constituer une communauté urbaine ont, elles, été resserrées au moment de la création des communautés d'agglomération par la loi « Chevènement » de 1999, puis de nouveau assouplies par la loi « RCT » de 2010. On a d'ailleurs laissé subsister des communautés urbaines de très petite taille créées avant 1999, tout en leur attribuant des compétences moins étendues.
Les communautés urbaines (population, urbanisation, centralité)
Nom |
Population regroupée |
Population de l'unité urbaine principale |
Population de l'aire urbaine |
CU Grand Paris Seine et Oise |
413 904 |
10 706 072 (Paris) |
12 532 901 (Paris) |
CU Angers Loire Métropole |
301 245 |
225 978 |
413 325 |
CU du Grand Reims |
300 690 |
212 949 |
322 264 |
CU Perpignan Méditerranée Métropole |
271 238 |
200 971 |
320 785 |
CU Caen la Mer |
270 557 |
198 639 |
418 148 |
CU Le Mans Métropole |
210 635 |
210 018 |
347 348 |
CU de Dunkerque |
203 030 |
177 103 |
257 652 |
CU du Grand Poitiers |
196 155 |
130 502 |
260 626 |
CU d'Arras |
109 781 |
86 845 |
130 541 |
CU Le Creusot Montceau-les-Mines |
97 828 |
33 444 |
37 389 |
CU d'Alençon |
58 924 |
41 758 |
67 801 |
Source : commission des lois du Sénat (données : INSEE)
Quant aux communautés d'agglomération, on en rencontre sur des territoires qui n'ont à peu près rien à voir entre eux : de grandes villes de plus de 100 000 habitants comme Mulhouse, Amiens ou Limoges et leur aire urbaine, ou de vastes étendues rurales dépourvues de véritable centralité.
Cette hétérogénéité serait sans importance si les catégories d'EPCI à fiscalité propre n'étaient que des étiquettes. Mais elles emportent non seulement, comme on vient de le voir, des disparités importantes de ressources , mais aussi des différences dans la définition des compétences obligatoires de chaque catégorie (ainsi que des compétences optionnelles pour les communautés de communes et d'agglomération), ainsi que dans le sort réservé aux syndicats préexistants à la création de la communauté. Pour le dire brièvement, plus une communauté progresse dans l'échelle des catégories, plus elle doit être intégrée et plus elle est aidée financièrement par l'État.
Il est temps de réfléchir à une simplification du paysage intercommunal .
Sans doute serait-il délicat d'ôter aux métropoles les plus petites ce label qu'elles ont tout fait pour obtenir, sans en mesurer nécessairement les conséquences. Encore pourrait-on bientôt voir apparaître des « métropoles à deux vitesses », si le projet que l'on prête au Gouvernement d'imposer le transfert des compétences départementales aux cinq ou six plus grandes métropoles sur leur territoire venait à aboutir.
C'est sans doute aujourd'hui la catégorie des communautés d'agglomération qui est la moins pertinente . Les communautés d'agglomération les plus peuplées et les plus urbaines, si elles le souhaitent, pourraient être érigées en communautés urbaines - quitte à assouplir légèrement les conditions de création de celles-ci - tandis que les autres, et en particulier les étranges communautés d'agglomération rurales, rejoindraient le rang des communautés de communes dont elles ne se distinguent guère dans les faits.
À titre de piste de réflexion, on peut imaginer que les conditions pour créer une communauté urbaine soient désormais les suivantes : que le groupement de communes considéré forme un ensemble de plus de 150 000 habitants et comprenne une unité urbaine (au sens de l'INSEE) de plus de 50 000 habitants ou soit compris dans une telle unité urbaine. Quarante communautés d'agglomération actuelles pourraient ainsi se transformer en communautés urbaines, tandis que les 182 autres deviendraient des communautés de communes.
Quant aux communautés urbaines existantes qui ne rempliraient pas ces nouvelles conditions, elles pourraient devenir elles aussi des communautés de communes, si elles le souhaitent.
Communautés d'agglomération et
communautés urbaines de plus de 150 000 habitants, comportant une
unité urbaine de plus de 50 000 habitants
ou comprises dans
telle unité urbaine
Nom de l'EPCI à fiscalité propre |
Nature juridique |
Population |
Unité urbaine la plus peuplée |
Population de l'unité urbaine |
CU Grand Paris Seine et Oise |
CU |
413 904 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA Roissy Pays de France |
CA |
352 112 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart |
CA |
350 953 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA Saint Germain Boucles de Seine |
CA |
341 945 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA Communauté Paris-Saclay |
CA |
315 498 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA du Pays Basque |
CA |
312 178 |
Bayonne |
Entre 200 000
|
CU Angers Loire Métropole |
CU |
301 245 |
Angers |
Entre 200 000
|
CU du Grand Reims |
CU |
300 690 |
Reims |
Entre 200 000
|
CA de Béthune-Bruay, Artois-Lys Romane |
CA |
281 249 |
Béthune |
Entre 200 000
|
CA Mulhouse Alsace Agglomération |
CA |
277 640 |
Mulhouse |
Entre 200 000
|
CA Val Parisis |
CA |
273 000 |
Paris |
2 millions ou plus |
CU Perpignan Méditerranée Métropole |
CU |
271 238 |
Perpignan |
Entre 200 000
|
CU Caen la Mer |
CU |
270 557 |
Caen |
Entre 100 000
|
CA Versailles Grand Parc |
CA |
270 056 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA de Nîmes Métropole |
CA |
261 754 |
Nîmes |
Entre 200 000
|
CA de Lens - Liévin |
CA |
245 036 |
Douai-Lens |
Entre 200 000
|
CA Havraise |
CA |
239 806 |
Le Havre |
Entre 200 000
|
CA de Saint Quentin en Yvelines |
CA |
231 606 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA Paris - Vallée de la Marne |
CA |
229 695 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA Valence Romans Agglo |
CA |
225 262 |
Valence |
Entre 100 000
|
CA Territoire de la Côte Ouest |
CA |
217 619 |
Saint-Paul |
Entre 100 000
|
CA Limoges Métropole |
CA |
212 550 |
Limoges |
Entre 100 000
|
CU Le Mans Métropole |
CU |
210 635 |
Le Mans |
Entre 200 000
|
CA de Cergy-Pontoise |
CA |
207 503 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA Lorient Agglomération |
CA |
207 293 |
Lorient |
Entre 100 000
|
CA du Grand Annecy |
CA |
205 214 |
Annecy |
Entre 100 000
|
CA Intercommunale du Nord de la Réunion |
CA |
205 176 |
Saint-Denis |
Entre 100 000
|
CU de Dunkerque |
CU |
203 030 |
Dunkerque |
Entre 100 000
|
CA du Grand Besançon |
CA |
198 248 |
Besançon |
Entre 100 000
|
CA Coeur d'Essonne Agglomération |
CA |
198 060 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA du Grand Avignon |
CA |
196 640 |
Avignon |
Entre 200 000
|
CU du Grand Poitiers |
CU |
196 155 |
Poitiers |
Entre 100 000
|
CA Valenciennes Métropole |
CA |
194 772 |
Valenciennes |
Entre 200 000
|
CA du Cotentin |
CA |
186 896 |
Cherbourg |
Entre 50 000
|
CA Plaine Vallée |
CA |
183 806 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA CIVIS (Communauté Intercommunale des Villes Solidaires) |
CA |
182 777 |
Saint-Louis |
Entre 50 000
|
CA Amiens Métropole |
CA |
182 600 |
Amiens |
Entre 100 000
|
CA de Sophia Antipolis |
CA |
179 170 |
Nice |
Entre 200 000
|
CA Val d'Yerres Val de Seine |
CA |
178 011 |
Paris |
2 millions ou plus |
CA Troyes Champagne Métropole |
CA |
174 221 |
Troyes |
Entre 100 000
|
CA de La Rochelle |
CA |
172 851 |
La Rochelle |
Entre 100 000
|
CA Golfe du Morbihan - Vannes Agglomération |
CA |
171 300 |
Vannes |
Entre 50 000
|
CA Pau Béarn Pyrénées |
CA |
166 360 |
Pau |
Entre 100 000
|
CA du Centre de la Martinique |
CA |
161 301 |
Fort-de-France |
Entre 100 000
|
CA Cannes Pays de Lérins |
CA |
160 173 |
Nice |
Entre 200 000
|
CA de la Porte du Hainaut |
CA |
159 883 |
Valenciennes 115 ( * ) |
Entre 200 000
|
CA Saint-Brieuc Armor Agglomération |
CA |
156 542 |
Saint-Brieuc |
Entre 50 000
|
CA du Douaisis |
CA |
151 662 |
Douai-Lens |
Entre 200 000
|
Proposition n° 30 : Lancer une réflexion associant les élus municipaux, le Parlement et le Gouvernement pour simplifier la catégorisation juridique des EPCI à fiscalité propre. À terme, envisager la suppression de la catégorie des communautés d'agglomération. |
* 114 Voir le rapport n° 82 (2016-2017) sur le projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain , consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l16-082/l16-082.html .
* 115 Une partie du territoire de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut s'étend sur l'unité urbaine de Valenciennes, bien que la commune de Valenciennes n'en fasse pas partie.