B. UNE PARITÉ SUBORDONNÉE À LA CONTRAINTE LÉGALE

1. Les résultats probants de la contrainte légale dans les assemblées départementales et régionales et dans les conseils municipaux des communes de plus de 1 000 habitants

Trois élections montrent l'influence directe des lois dites de parité sur la féminisation des assemblées concernées :

- les élections régionales (loi du 11 avril 2003 67 ( * ) ) : l'obligation pour chaque liste de respecter la stricte alternance de candidats et de candidates a conduit, dès 2004, lors des premières élections ayant permis l'application des dispositions relatives à la parité prévues par les lois du 6 juin 2000 68 ( * ) et du 11 avril 2003 69 ( * ) , à la quasi parité des conseils régionaux (47,5 % de conseillères). Cette tendance s'est poursuivie par la suite (48 % de femmes en 2010 ; 47,9 % en 2015). Cette situation contraste fortement avec la situation antérieure à l'entrée en vigueur des mesures de parité (11,9 % d'élues en 1992 ; 27,5 % en 1998) ;

- les élections municipales (lois du 6 juin 2000 et du 17 mai 2013 70 ( * ) ), a fortiori dans les communes de plus de 1 000 habitants où s'exerce l'obligation de listes paritaires 71 ( * ) : la part des élues dans les conseils municipaux est passée de 17 % en 1989 à 21,7 % en 1995, 35 % en 2008 et 40,3 % en 2014 . En conséquence, la proportion de conseillères s'est établie à 48,2 % dans les communes de 1 000 habitants et plus ;

- les élections départementales (loi du 17 mai 2013 72 ( * ) ) : l'instauration du scrutin binominal a eu comme conséquence mécanique, lors des élections de 2015 , une augmentation très significative de la proportion d'élues dans des assemblées départementales, désormais paritaires . Cette situation contraste avec celle de 2004 , avant l'intervention de toute contrainte légale : les femmes ne représentaient alors que 10,9 % des conseillers généraux ( 13,9 % en 2011 ). On se rappelle que, jusqu'à la mise en oeuvre du scrutin binominal, les élections cantonales étaient réputées très masculines... Lors de la réunion de la délégation du 29 mars 2018, Dominique Vérien, sénatrice de l'Yonne, a fait observer que l'assemblée de son département comportait même un nombre supérieur de conseillères, une femme s'étant présentée à l'occasion d'une élection partielle pour remplacer un homme démissionnaire.

L'influence des lois de parité sur les communes mérite un développement particulier.

Selon le Haut conseil à l'égalité, « les lois de 2000 ont exercé un effet d'entraînement même dans les communes non concernées par la contrainte paritaire : le nombre de conseillères municipales dans les communes de moins de 3 500 habitant.e.s (non concernées par la parité alors) est ainsi passé de 21 % en 1995 à 34,9 % en 2014 ». Le HCE conclut : « Sans que soit atteinte la parité, la place des femmes dans ces collectivités a connu une amélioration significative » 73 ( * ) .

Une analyse publiée par Le Monde en avril 2014 74 ( * ) confirme l'influence de l'obligation légale sur la féminisation des assemblées municipales : « la parité ne survient pas par magie quand la loi ne l'impose pas. Seules 35 % de femmes ont été élues [lors des dernières élections] dans les conseils municipaux [des communes de moins de 1 000 habitants] », 26 878 communes n'ayant pas été concernées par l'extension des règles de parité décidée en 2013.

Selon une étude de la Direction générale des collectivités locales du ministère de l'Intérieur datée de novembre 2017 75 ( * ) , la proportion de conseillères dans les communes de moins de 500 habitants est encore inférieure , puisqu'elle s'établit à 33 %.

Cependant, l'obligation d'alternance de femmes et d'hommes sur les listes aux élections municipales n'a pu empêcher un certain déséquilibre au profit des hommes, même dans les conseils municipaux des communes de plus de 1 000 habitants : « les conseils municipaux comptent toujours un nombre impair d'élus . Si la tête de liste est un homme, on se retrouve donc mécaniquement avec plus d'hommes que de femmes », selon Le Monde .

A contrario , les élections européennes semblent avoir permis l'augmentation de la part des élues indépendamment des lois de parité : l'INSEE constate que la proportion de femmes atteint 40 % aux élections européennes depuis 1999 , « avant même la loi de 2000 76 ( * ) » 77 ( * ) . La part des femmes y semble toutefois décliner malgré les dispositions législatives : en 2014, les députées représentent 43,2 % des élus français au Parlement européen, en baisse par rapport au précédent scrutin de 2009 (44,4 %). Sans que soit intervenue une modification du mode de scrutin, la parité paraît donc y marquer le pas en ce qui concerne les élues françaises , parallèlement à une stagnation de la proportion de députées au Parlement européen (35 % en 2009 ; 37 % en 2014).

2. En l'absence de contrainte légale, une situation nuancée dans les conseils communautaires

Aux termes de la loi du 17 mai 2013 78 ( * ) , depuis 2014, dans les communes de 1 000 habitants et plus, les conseillers communautaires sont élus au suffrage universel direct, en même temps que les conseillers municipaux 79 ( * ) , la liste des candidats au conseil intercommunal devant être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe pour chaque commune.

L'enjeu de la féminisation des EPCI est réel, car ces collectivités sont devenues des lieux de plus en plus importants pour l'exercice du pouvoir local et l'organisation de la vie quotidienne.

Une enquête effectuée en 2015 à partir de 2 127 EPCI par l'association Elles aussi sur la place des femmes dans les conseils communautaires 80 ( * ) montre les progrès de la parité en lien avec l'entrée en vigueur de la loi de mai 2013 :

- la proportion moyenne de conseillères est proche du tiers ( 32 % ) : l'avancée est très nette par rapport à la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013 (en 2011-2012, 92 % des EPCI comptaient moins de 30 % de conseillères) ;

- 10 % des conseils comprennent moins de 20 % de femmes ; inversement on constate une certaine concentration des élues puisque dans 24 % de conseils siègent plus de 40 % de femmes .

Toutefois, les obstacles à la parité demeurent :

- lorsqu'une commune ne dispose que d' un siège au conseil communautaire , elle est représentée par le - ou la - maire : or 84 % des maires sont des hommes ;

- quand une commune dispose d'un nombre de sièges impair au conseil communautaire 81 ( * ) , ce qui est le cas de nombreuses communes, la proportion d'hommes est plus forte. Ainsi que le souligne le HCE : « si le premier candidat est un homme, le nombre de conseillers communautaires est supérieur à celui des conseillères communautaires » 82 ( * ) .

Comme le relève l'association Elles aussi , le mode de désignation des conseillers communautaires exerce une influence ambiguë sur la parité : « D'une part, [le mécanisme d'élection des conseillers communautaires] ouvre l'espace aux femmes par le système de liste avec alternance dans les communes les plus importantes. D'autre part, il le ferme , car les petites communes déléguant souvent une seule personne, le siège va au maire, en général un homme ».

L'enquête de 2015 cite des départements très différents au regard de la parité de leur conseil :

- en Lozère , où existent 23 EPCI (dont 22 comptent moins de 10 000 habitants), la moyenne est de 22 % de conseillères ;

- inversement, en Seine-Saint-Denis , la proportion de femmes dans les conseils des cinq EPCI (qui comptent tous plus de 50 000 habitants) est de 47 % .

L'enquête de l'association Elles aussi semble donc permettre d'établir, s'agissant des EPCI, un lien entre parité et nombre d'habitants : la proportion de femmes dans les conseils serait d'autant plus élevée que la population est importante.

L'enquête réalisée par l'association Elles aussi a été actualisée en 2017, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi NOTRe ayant encouragé des fusions d'EPCI. Cette actualisation, réalisée à partir de 1 262 EPCI, fait apparaître des évolutions nuancées :

- le pourcentage de conseillères varie de 22 % pour la Haute-Marne à 46 % pour La Réunion (même écart qu'en 2015) ;

- la moitié des EPCI comptent plus de 31 % de conseillères, alors qu'en 2015, la moitié des EPCI comptaient au moins 33 % de conseillères, soit, semble-t-il, une dégradation de la féminisation des conseils ;

- 6 % des conseils comprennent moins de 20 % de femmes au lieu de 10 % en 2015 ; inversement on constate une certaine concentration des élues puisque dans 18 % des conseils (au lieu de 24 %) siègent plus de 40 % de femmes .

Selon Elles aussi , l'enquête de 2017 fait donc clairement apparaître le fait que les fusions des EPCI ont « systématiquement tiré vers le bas la part des femmes dans les conseils . Aux extrêmes, Champagne-Ardenne et Franche-Comté ont conservé le même taux (faible) de 27 % de conseillères, Bretagne et Midi-Pyrénées chutent de 7 points et la Corse de 8. De plus, la part de conseils avec au moins 40 % de femmes a fortement diminué, chutant à 4,5 % alors que la moyenne globale est de 18 % » 83 ( * ) .


* 67 Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

* 68 Loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

* 69 Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

* 70 Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

* 71 Depuis 2014, les communes d'au moins 1 000 habitants (au lieu de 3 500) élisent les conseillers municipaux au scrutin de liste avec une stricte alternance de femmes et d'hommes.

* 72 Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

* 73 HCE, Guide de la parité , 7 novembre 2017, p. 23.

* 74 http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/04/03/municipales-pourquoi-la-parite-a-echoue_4394919_4355770.html

* 75 La part des femmes parmi les élus locaux augmente , Bulletin d'information statistique de la DGCL, n° 119, novembre 2017.

* 76 La loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 prévoyait une alternance stricte femmes-hommes sur les listes aux élections européennes.

* 77 Femmes et hommes, l'égalité en question , édition 2017 - INSEE références, p. 158.

* 78 Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral.

* 79 Dans les communes de moins de 1 000 habitants, ils sont désignés.

* 80 Parité dans les intercommunalités - Des progrès inégalement partagés, un avenir incertain.

* 81 Voir par exemple L'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions élective s, 23 mai 2017, site de l'Assemblée nationale.

* 82 Haut conseil à l'égalité, Le guide de la parité , version au 7 novembre 2017, p. 23.

* 83 Source : Elles aussi, Synthèse enquête 2017 , « Parité dans les intercommunalités », avril 2018.

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