CONCLUSION
M. Christian Cambon, Sénat
Nous avons voulu donner une dimension constructive à ce dialogue, pour la partie française. Je pense notamment à la reprise par notre collègue Robert del Picchia de la proposition de conduire une opération de maintien de la paix dans le Donbass, pour permettre un règlement de la crise ukrainienne. Nous continuons aussi à plaider pour une levée graduée et proportionnée des sanctions, en fonction des progrès réalisés dans la mise en oeuvre des accords de Minsk.
Concernant la Syrie, il conviendra de mettre en place, dans le cadre du processus de Genève, le comité constitutionnel issu du Congrès de Sotchi, en vue d'enclencher un règlement politique de la crise.
Il conviendra également d'accompagner et de soutenir la montée en puissance du dialogue de Trianon entre les sociétés civiles et d'organiser, à moyen terme et après le règlement du conflit ukrainien, un sommet sur la sécurité européenne.
Le rapport que nous allons rendre public est en soi un message : il atteste en effet de la volonté des parlementaires russes et français de mieux se comprendre et de se parler, malgré des désaccords profonds. Dans le contexte difficile que nous traversons - aggravé ces derniers jours par l'affaire de l'espion empoisonné sur le sol britannique et ses conséquences diplomatiques -, rien ne serait pire, en effet, que de rompre le dialogue. Il est essentiel de maintenir les canaux ouverts et c'est ce que nous faisons en nous rencontrons aujourd'hui.
Le message délivré est d'autant plus fort que ce rapport, écrit « à quatre mains », est publié simultanément, dans un même document, en français et en russe. Cela devrait faciliter sa diffusion, que nous espérons la plus large possible.
Enfin, puisque le président Macron doit se rendre dans quelques semaines en Russie pour y rencontrer le Président Poutine, nous espérons que ce rapport contribuera utilement à préparer cette visite et sera une étape sur le chemin du rétablissement de la confiance.
En conclusion, je voudrais redire ce que j'ai écrit dans la partie française du rapport : pour la France, la Russie est un interlocuteur essentiel, qui joue un rôle stratégique au plan international et a la capacité de résoudre de nombreux problèmes. Notre pays, c'est notre conviction, aimerait renouer avec la Russie une relation forte et sincère. Nous espérons que ce dialogue pourra aider à ce rapprochement.
De manière générale, nous voulons aller de l'avant et je souhaite vivement que la visite du Président Macron soit couronnée de succès.
Je voudrais que ce travail se poursuive dans le temps et qu'une prochaine rencontre entre nos deux délégations suive la visite d'Etat en mai. Il faudrait en effet que nous continuions de nous voir au moins une fois par an. Nous avons en effet besoin de nous parler et de comprendre.
M. Konstantin Kossatchev, Conseil de la Fédération de Russie
Avant de nous quitter, je voudrais vous faire une confidence.
Quand nous avons décidé il y a dix-huit mois de préparer un rapport conjoint, nous avons éprouvé, côté russe, un profond scepticisme quant à l'issue d'une telle démarche et je pense qu'il en a été de même du côté français. Nous pensions en effet que nos points de désaccords étaient beaucoup trop profonds et que nous ne parviendrions jamais à trouver des formulations communes.
Après dix-huit mois d'intenses travaux, je peux dire à quel point je suis satisfait d'avoir traité par le mépris tous les avis qui nous disaient que nous n'arriverions à rien et que se lancer dans un tel chantier n'était que peine perdue. Certes, nous ne sommes pas parvenus à produire des textes communs mais nous avons collaboré de manière intense avec nos homologues français et cette collaboration réciproque servira d'exemple à tous les acteurs en présence qui s'intéressent, de près ou de loin, au renforcement des liens entre nos deux pays.
Tous les Russes qui s'intéressent à ces questions pourront prendre connaissance des suggestions que nous avons faites dans ce rapport, lequel sera lu également en France par tous ceux qui souhaiteraient mieux comprendre les difficultés qui se sont accumulées au fil du temps entre nos deux pays.
Notre travail conjoint a porté ses fruits ; il s'est révélé très utile mais n'est pas encore achevé. Nous avons fait la démarche d'aller de l'avant car nous avons eu la possibilité de le faire avec nos collègues français, sachant la France a toujours occupé une place particulière dans le coeur des Russes et inversement.
À cet égard, nous espérons que la France sera toujours en mesure de défendre son point de vue, même quand celui-ci est susceptible de déplaire aux autres membres de l'OTAN ou à la Russie elle-même. Nous nous réjouissons toujours quand la France adopte une vision indépendante, comme elle vient de le faire en s'opposant à l'extension de l'OTAN à la Géorgie. Nous avions été satisfaits également lorsque le Président Sarkozy s'était interposé en 2008 dans le cadre de la gestion de la crise géorgienne.
Vous nous dites que vous êtes très exigeants vis-à-vis de l'Ukraine et nous espérons que cela portera ses résultats car nous déplorons que la France ne parvienne pas toujours à faire entendre sa voix. À cet égard, nous ne pouvons que regretter vivement la solidarité qui s'est exprimée entre l'OTAN et l'UE sur l'affaire Skripal. Personne n'a le droit de développer des positions si arrêtées sans preuves et nous déplorons que la France ne se soit pas davantage élevée pour protester contre la position du Royaume-Uni sur ce dossier.
Mme Ekaterina Zakharieva, ministre des affaires étrangères de la Bulgarie, a récemment indiqué que la Bulgarie n'avait pas de relations bilatérales avec la Russie et que tout se jouait avec l'Union européenne. Nous espérons ne jamais en arriver là avec la France.
Nous souhaitons que nos relations internationales soient impulsées par des pays ayant envie de coopérer avec nous et non par des Etats ayant des positions russophobes. À cet égard, il faut que nos relations bilatérales avec la France deviennent un repère, un point de ralliement.
Je vous remercie d'avoir organisé la présente rencontre, car je me doute que vous avez dû essuyer des résistances pour y parvenir. Je me réjouis par conséquent que cette réunion ait malgré tout pu se tenir.
Nous vous attendons en Russie pour une prochaine visite, en vue de préparer un nouveau rapport, qui ira encore plus loin. Nous devons nous rencontrer le plus souvent possible afin de mieux nous comprendre et de ne pas laisser de fausses idées s'immiscer dans nos relations.
À cet égard, nous pourrions certes nous rencontrer dans nos capitales respectives mais également dans des lieux d'intérêts communs économiques et culturels entre nos deux pays. Que diriez-vous de vous rendre avec nous entre Kaliningrad et la presqu'île du Kamchatka, pour impulser un nouvel élan à notre dialogue bilatéral ?
Enfin, je conclurai en remerciant tous ceux qui nous ont aidés à organiser cette journée et nous soutiennent depuis le début de nos travaux.