DEUXIÈME PARTIE - DES PROPOSITIONS EN DEMI TEINTE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE POUR LE PROCHAIN CADRE FINANCIER PLURIANNUEL
Le 2 mai 2018, la Commission européenne a présenté ses propositions relatives au prochain cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027. Celles-ci se caractérisent par un redéploiement des crédits vers le financement de nouvelles priorités politiques et la réforme des principaux postes de dépenses de l'Union européenne, à savoir la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion.
I. LE FINANCEMENT DE NOUVELLES PRIORITÉS POLITIQUES AU DÉTRIMENT DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE ET DE LA POLITIQUE DE COHÉSION
A. UN CONTEXTE POLITIQUE RENOUVELÉ POUR LES NÉGOCIATIONS DU PROCHAIN CADRE FINANCIER PLURIANNUEL
En premier lieu, les négociations du prochain cadre financier pluriannuel se tiennent en parallèle des discussions relatives au Brexit . Le montant de 12 milliards d'euros a été avancé pour évaluer la perte de recettes annuelles du budget de l'Union européenne à la suite du retrait britannique. Toutefois, cette contraction des recettes reste délicate à évaluer car elle s'effectue principalement par deux canaux :
- un effet direct sur le budget de l'UE avec la suppression de la contribution du Royaume-Uni ;
- un effet de « second tour » via la modification de la « clé RNB ». En effet, en application de la décision « ressources propres » adoptée en 2014 12 ( * ) , le cadre financier pluriannuel actuel prévoit que les ressources de l'UE ne peuvent dépasser 1,23 % de la somme des RNB des États membres . Le retrait du Royaume-Uni entraîne une diminution de la somme des RNB des États membres de l'UE. Si le plafond de 1,23 % est conservé, cela se traduirait mécaniquement par une réduction des recettes.
Cette perte de recettes doit être minorée par les économies réalisées par l'UE en raison du retrait des projets britanniques financés par les aides européennes. Ces économies pourraient s'élever jusqu'à 7 milliards d'euros par an 13 ( * ) . En outre, elle doit aussi tenir compte de la fin du financement du rabais britannique. Pour rappel, l'Allemagne reste le premier contributeur en volume au budget de l'UE suivie par la France puis le Royaume-Uni avec des contributions s'élevant respectivement à environ 27, 21 et 15,9 milliards d'euros en 2016 14 ( * ) . En ce qui concerne le « rabais britannique », pour la période 2010-2018 , la France finance la compensation en faveur du Royaume-Uni à hauteur de 1,3 milliard d'euros en moyenne par an 15 ( * ) .
Montant de la correction britannique et coût pour la France depuis 1986
(en milliards d'euros)
Source : annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »
S'agissant du règlement financier du Brexit , les 27 États membres ont exprimé leur volonté que le Royaume-Uni respecte tous les engagements du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020. Le 8 décembre 2017, les négociateurs de l'Union européenne et du Royaume-Uni ont publié un rapport précisant que :
- le Royaume-Uni participera au financement du budget de l'Union européenne jusqu'en 2020 et il bénéficiera jusqu'au 31 décembre 2020 des politiques communes de l'Union européenne ;
- il contribuera au financement des restes à liquider (RAL) définis au 31 décembre 2020 , jusqu'à l'extinction des appels de fonds correspondant aux crédits rattachés à la programmation 2014-2020.
L'accord sur la période de transition conclu en mars dernier a acté que cette dernière devrait se terminer au 31 décembre 2020 afin de coïncider avec la fin de l'application de l'actuel cadre financier pluriannuel.
En second lieu, la position de la France dans les négociations à venir a pu sembler évoluer par rapport à la précédente programmation , en raison de la diminution de son taux de retour au titre des politiques communes. Selon la direction du budget, en 2016, les dépenses européennes réalisées en France se sont élevées à 11,3 milliards d'euros, soit 9,6 % du total des dépenses européennes. En volume, les retours de la France sont restés relativement stables depuis les années 2000. Toutefois, la part des retours français dans l'ensemble des dépenses totales ne cesse de se réduire, essentiellement en raison des élargissements successifs .
Lors des auditions conduites par votre rapporteur spécial, il a été fait mention du fait que la diminution du taux de retour de la France au titre de la politique agricole commune favorisait de nouvelles prises de position dans les négociations à venir . En effet, en 2016, la France était désormais contributrice nette au titre du premier pilier, et non plus uniquement du deuxième pilier de la PAC. Toutefois, au lieu d'une évolution pérenne de la situation de la France, il s'agirait plutôt d'une contribution nette ponctuelle résultant d'une réduction du taux de retour en raison du retard pris dans le lancement des campagnes de financement de la PAC en 2015 et 2016, ainsi que des corrections financières imposées par la Commission européenne à la France au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) s'élevant à 656 millions d'euros en 2016. Néanmoins, l'évolution du taux de retour de la France traduit le fait qu'elle s'approche du « point de bascule » du statut de bénéficiaire net vers celui de contributeur net .
Ce constat doit toutefois être modéré étant donné que la France reste le troisième bénéficiaire en volume des dépenses de l'Union européenne , derrière l'Allemagne et l'Italie. De plus, la notion de retour, appréciée par le solde net entre ce qu'un État membre verse au budget de l'Union européenne et ce qu'il reçoit via les dépenses de cette dernière, est discutable . En effet, certaines dépenses sont communes à plusieurs États membres, telles que les dépenses réalisées au titre de la politique extérieure, ce qui rend une appréciation par État membre délicate. En outre, les externalités positives engendrées par l'intégration au marché commun sont difficilement chiffrables, en particulier pour les externalités dites « de second tour » comme le bénéfice économique pouvant résulter de la hausse du degré concurrentiel d'un marché national.
* 12 Décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l'Union européenne (2014/335/EU, Euratom).
* 13 Note publiée par l'Institut Delors le 16 janvier 2017, intitulée « Brexit et budget de l'UE : menace ou opportunité ? ».
* 14 Source : Commission européenne, rapport financier annuel 2016.
* 15 Source : annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »