B. LES TÂTONNEMENTS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE DANS LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS RADICALISÉS
Si le traitement judiciaire et le suivi administratif des détenus pour infractions terroristes est désormais efficient, la question du contenu de la prise en charge des auteurs d'infractions terroristes, mais également des détenus de droit commun susceptibles de radicalisation, reste entière.
1. La « contagion radicale » en détention : un défi majeur à relever
La menace djihadiste émanant du milieu carcéral n'a jamais été aussi élevée.
511 détenus pour des faits en lien avec le terrorisme islamo-djihadiste (TIS) sont actuellement incarcérés dans les établissements pénitentiaires français.
En sus, plus de 1 110 détenus de droit commun sont susceptibles d'être considérés comme présentant un risque important de radicalisation violente (DCSR) , selon l'analyse du bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP).
Ce volume inédit accroît le risque de radicalisation des autres détenus par la contamination des idées radicales véhiculées, mais également en permettant plus facilement des « transferts de compétences » entre détenus.
Cette concentration de détenus particulièrement dangereux dans ces lieux clos est susceptible de renforcer certains réseaux islamistes, encourager la planification de projets terroristes (en détention ou non), voire de passages à l'acte .
LA RADICALISATION EN DÉTENTION, UN PHÉNOMÈNE ANCIEN ET COMPLEXE Selon l'ensemble des personnels entendus, le phénomène de radicalisation en détention est assez ancien, bien antérieur aux filières djihadistes irako-syriennes des années 2010. Pour autant, le phénomène est complexe : lieu clos, dans quelle mesure la prison encourage-t-elle la radicalisation ou reflète-t-elle simplement les fractures de la société ? Souvent confondue avec le prosélytisme ou une pratique fondamentaliste de la religion, la radicalisation en détention ne connaît pas de définition consensuelle. Néanmoins, il est incontestable que la surconcentration d'individus dans des lieux clos, sans activité pendant une grande partie de la journée (20 h sur 24 en maison d'arrêt) favorise la circulation des idées les plus radicales. Comme le relevait Mme Adeline Hazan 156 ( * ) , la surpopulation carcérale est un facteur de risque pour la radicalisation : « L'importance de la surpopulation carcérale, dont les pouvoirs publics semblent avoir pris la mesure mais sans y apporter de réponse suffisante, a un impact direct sur les conditions de prise en charge des personnes détenues ; promiscuité, cohabitation de personnes détenues plus ou moins ancrées dans un processus de délinquance, pratiques de « caïdat »et pressions sur les plus faibles, absence d'accès au travail et de chances de réinsertion. Les phénomènes de prosélytisme s'y développent à l'évidence beaucoup plus facilement. Ce lien de causalité n'est pas suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics dans la réflexion sur la radicalisation en milieu carcéral. » |
a) Un repérage des personnes détenues radicalisées à affiner
Confrontée à un phénomène multifactoriel de radicalisation violente, l'administration pénitentiaire a élaboré en 2016 plusieurs grilles d'aide à la détection, intégrant des indicateurs de nature diverse (rapport à l'islam, apparence, comportement, éléments de discours, antécédents judiciaires, historique psychologique, relations avec l'extérieur, éléments de personnalité, etc.) : trois outils ont été élaborés à destination des surveillants, de l'encadrement et des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP).
Ce dispositif d'aide au repérage pluridisciplinaire du risque de radicalisation violente au sein des établissements pénitentiaires a été expérimenté entre le 15 avril et le 30 juin 2016 dans une trentaine d'établissements et a concerné au moins 400 détenus.
LES ÉTUDES LANCÉES PAR LA DIRECTION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE L'administration pénitentiaire a pris l'initiative de lancer plusieurs recherches-actions en matière de prévention de la radicalisation violente ou de prise en charge des personnes sous main de justice concernées par cette problématique : - une recherche-action sur les dispositifs de détection de la radicalisation (février 2015-2016), pilotée par l'Association française des victimes de terrorisme (AfVT) et l'Association dialogue citoyen à la maison d'arrêt d'Osny et à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis ; - une recherche action sur la prise en charge de la radicalisation religieuse des personnes condamnées pour terrorisme (2015-2016), qui s'est déroulée dans les maisons d'arrêt de Fresnes et de Villepinte, par la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) ; - une recherche-action sur la lutte contre la radicalisation violente en milieu ouvert « identification des difficultés et besoins des professionnels des SPIP, aide à l'adaptation des pratiques (juillet 2016 - décembre 2017). Cette recherche-action a été conduite par le Centre international de prévention de la criminalité de Montréal, dans trois départements (Rhône, Isère, Alpes-Maritimes). Elle visait à cerner plus précisément les difficultés et les besoins des professionnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation, notamment en termes de repérage, signalement et prise en charge des personnes radicalisées ou en voie de radicalisation violente, aux fins d'élaborer des supports adaptés à une intervention efficace auprès de ces publics spécifiques, en articulation avec les partenaires institutionnels et associatifs ; - une recherche sociologique, par des chercheurs de l'Université de Lille II, afin d'évaluer les quartiers d'évaluation à la radicalisation (2017-2018). Deux recherches sont actuellement en cours : - une recherche-action concernant la prévention des phénomènes de radicalisation violente chez les personnes condamnées détenues en centre de détention ou en quartier centre de détention (Châteaudun, Meaux, Réau) ; - une recherche-action sur le phénomène de radicalisation violente chez les mineurs et les jeunes majeurs détenus « identification des difficultés et besoins des professionnels, aide à l'adaptation des pratiques, 2017-2018 » est conduite par le psychologue Éric Verdier. Cette recherche-action porte sur la radicalisation des mineurs et jeunes majeurs incarcérés, aux fins d'analyse de leur discours et d'élaboration de supports et d'outils susceptibles d'être mobilisés pour prévenir et lutter contre la radicalisation de ces publics. Source : Direction de l'administration pénitentiaire. |
En principe, l'ensemble des personnels pénitentiaires doivent être formés et mobilisés au repérage des risques de radicalisation violente en détention . Tout signalement doit être transmis au délégué local du renseignement pénitentiaire (DLRP). Ces grilles ont vocation à être discutées au cours d'une commission pluridisciplinaire unique (CPU) « Dangerosité et vulnérabilité ». L'évaluation pluridisciplinaire réalisée en CPU vise à favoriser la détection la plus précoce possible des personnes détenues vulnérables, des personnes en voie de radicalisation et des personnes déjà ancrées dans une radicalisation et qui font du prosélytisme en détention. La CPU a vocation à déterminer le niveau d'emprise du risque de radicalisation et à préconiser une prise en charge adaptée de la personne concernée.
COMPOSITION DE LA COMMISSION PLURIDISCIPLINAIRE UNIQUE
(CPU)
« DANGEROSITÉ ET
VULNÉRABILITÉ »
Source : Direction de l'administration pénitentiaire.
Le public visé reste très hétérogène : outre les personnes incarcérées pour des faits en lien avec le terrorisme islamiste, le phénomène peut concerner des personnes très exubérantes faisant une propagande active en faveur d'un extrémisme islamique comme des personnes dissimulant leur discours radical. Face aux techniques de dissimulation, l'observation doit être fine.
Dès lors, votre rapporteure encourage l'administration pénitentiaire à réévaluer régulièrement, au moins de manière mensuelle, les personnes repérées. Chaque événement ou incident particulier doit être l'opportunité pour les surveillants, les CPIP ou les binômes de soutien de remplir les grilles de détection. Le rythme bimestriel de la CPU constaté dans certains établissements apparaît par ailleurs insuffisant.
De même, votre rapporteure incite l'administration pénitentiaire à soumettre à une évaluation extérieure la pertinence des grilles d'évaluation . En effet, le phénomène de la radicalisation violente évoluant très rapidement, il est impératif de disposer d'outils régulièrement mis à jour.
Enfin, votre rapporteure insiste pour étendre les outils de détection de la radicalisation violente aux personnels du milieu ouvert : l'essentiel des personnes sous main de justice (PPSMJ) font l'objet d'une prise en charge en milieu ouvert. Pour ces détenus de droit commun, les situations préoccupantes révélant une problématique de radicalisation doivent également faire l'objet d'une détection précoce.
LES BINÔMES DE SOUTIEN Dans le cadre du volet pénitentiaire du plan de lutte anti-terroriste (PLAT) de janvier 2015, il a été décidé de créer 50 postes d'éducateurs spécialisés et de psychologues, intervenant sous la forme de binômes de soutien , afin de renforcer la pluridisciplinarité et d'améliorer la prise en charge des personnes radicalisées ou en voie de radicalisation. Ces personnels contractuels, placés sous l'autorité hiérarchique des directions interrégionales des services pénitentiaires, interviennent au sein des établissements et en milieu ouvert et travaillent avec les personnels pénitentiaires d'insertion et de probation et les personnels de surveillance. En octobre 2017, 40 binômes supplémentaires ont été annoncés. Selon le rapport de nos collègues Esther Benbassa et Catherine Troendlé 157 ( * ) , « il est cependant dommageable que les recrutements de ces binômes de soutien continuent à être effectués sous la forme de contrat à durée déterminée de trois ans, ce qui est de nature à empêcher le recrutement de personnes expérimentées, faute de perspectives de carrière stables ». |
b) Un renseignement pénitentiaire qui reste à développer
Les grilles de détention de la radicalisation ont vocation à alimenter le travail du renseignement pénitentiaire , chargé de la surveillance des personnes écrouées pour des faits de terrorisme, mais également des personnes présentant un risque de passage à l'acte violent en détention ou à leur sortie. Votre commission d'enquête, qui s'est rendue dans trois établissements pénitentiaires, a pu observer la bonne appropriation de ces outils par les délégués locaux au renseignement pénitentiaire.
Néanmoins, elle a aussi pu remarquer la très faible utilisation des techniques de renseignement par le BCRP de la direction de l'administration pénitentiaire 158 ( * ) . Au sein des QER d'Osny et de Fleury-Mérogis, votre rapporteure a pu constater qu'aucune technique de sonorisation des cellules n'avait été déployée. La montée en puissance du renseignement pénitentiaire doit être accompagnée par les services spécialisés du renseignement et en premier lieu, la DGSI.
Votre rapporteure encourage le BCRP à réaliser les investissements nécessaires afin de s'approprier les techniques de renseignement . Il est regrettable que des techniques autorisées par la loi depuis juin 2016 ne soient pas encore utilisées. Ainsi, votre rapporteure encourage les CIRP à solliciter l'usage des techniques de sonorisation des cellules des individus signalés et des lieux de détention collectifs qu'ils fréquentent . De même, la technique de renseignement de captation des conversations téléphoniques par le recours à un IMSI catcher doit se développer au sein des établissements.
c) Des hésitations dans la politique carcérale à suivre
Face au phénomène massif de détention de personnes TIS, qui n'avait pas été anticipé, l'administration pénitentiaire a dû, dans la précipitation, expérimenter plusieurs modèles de prises en charge .
En réaction à une multiplication des actes de prosélytisme, la direction de la maison d'arrêt de Fresnes (Val-de-Marne) avait décidé, à la fin de l'année 2014, de regrouper au sein d'une unité spécifique 159 ( * ) les détenus incarcérés sous une qualification pénale terroriste . Il ne s'agissait cependant pas d'un quartier étanche, mais simplement d'un étage dans une des trois divisions de l'établissement. De plus, le rassemblement fondé sur une qualification pénale identifiée ne permettait pas d'isoler véritablement les éléments perturbateurs.
À la suite des attentats de janvier 2015, le Gouvernement a ensuite annoncé la « création » de cinq unités dédiées, dénommées unités de prévention de la radicalisation (UPRA ), dans les établissements de Fleury-Mérogis (Essonne), de Fresnes, d'Osny (Val-d'Oise) et de Lille-Annoeullin (Nord). Si deux de ces unités (Fresnes et Fleury-Mérogis) étaient plutôt consacrées à l'évaluation, les autres unités proposaient un programme de prise en charge. Les personnes les plus dangereuses ont été transférées au centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin (ouverture d'une unité spécifique et étanche le 25 janvier 2016 dans un ancien quartier « maison centrale »).
Chaque unité était dotée d'une vingtaine de places et d'une équipe pluridisciplinaire composée de deux à trois conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, d'au moins deux éducateurs et deux psychologues de soutien ainsi que d'au moins cinq surveillants, tous volontaires. Il était également fait appel à des partenaires extérieurs (criminologues, politologues, islamologues, enseignants, repentis, aumôniers du culte musulman, etc.).
Ces unités dédiées ont été sévèrement critiquées par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté 160 ( * ) . Comme l'a souligné Mme Adeline Hazan entendue par votre commission d'enquête, le choix des détenus participant à l'expérimentation à Fresnes est apparu peu judicieux : « Les 22 détenus regroupés présentaient des degrés de radicalisation très variables : l'un, de 18 ans à peine, était parti en Syrie sur des idéaux humanitaires quand d'autres étaient ancrés dans la radicalisation. Ce mélange nous a paru dangereux, d'autant que ces détenus étaient à deux ou trois par cellule. » L'avis du CGLPL publié en juin 2015 relevait le caractère potentiellement dangereux de ces regroupements et l'absence d'encadrement légal.
À la suite de la tentative d'assassinat terroriste, le 4 septembre 2016, à l'encontre d'un surveillant pénitentiaire par un détenu au sein de l'UPRA d'Osny, le ministère de la justice a annoncé, en octobre 2016, une évolution du dispositif d'évaluation et de prise en charge des détenus radicalisés 161 ( * ) . Les UPRA ont été « remplacées » par six quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) de 20 places chacun.
Selon Mme Adeline Hazan, « les règles y sont très strictes - fouilles systématiques, changement de cellule fréquent - mais les programmes évoluent très doucement et très différemment. Le problème tient au pilotage insuffisant de l'administration pénitentiaire dont la doctrine d'emploi n'est pas bien établie et aux difficultés de recrutement des binômes de soutien ».
Selon le dispositif annoncé, après le passage en QER, le détenu pouvait être placé dans un des 27 établissements pénitentiaires, situés sur tout le territoire national, sélectionnés par le ministère de la justice (établissements présentant des conditions de sécurité élevées et bénéficiant de renforts de personnels spécifiquement formés) au sein desquels sera structuré un dispositif de prise en charge spécifique.
Les détenus les plus prosélytes ou avec un risque de passage à l'acte violent devaient être placés dans un quartier pour détenu violent (QDV). L'unité de l'établissement pénitentiaire de Lille-Annoeullin a alors été transformée en QDV. Six nouveaux quartiers pour détenus violents devaient ouvrir au sein des maisons centrales. Ces quartiers n'ont jamais ouvert.
Le 25 octobre 2016, dans le cadre de ce même plan, était également annoncée la création d'un quartier d'évaluation de la radicalisation pour femmes détenues à Fleury-Mérogis et de quartiers de prises en charge, sans que cette annonce ne se concrétise.
Dans le cadre du plan national de lutte contre la radicalisation présenté le 23 février 2018 , il a été annoncé la création de trois nouveaux QER : deux au sein du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil et un au sein du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Votre rapporteure émet des doutes sur le calendrier annoncé quant à la création de ces centres : actuellement, seule une aile du QER de Fleury-Mérogis est en fonctionnement, faute de personnels.
A également été annoncée la transformation des QDV en quartiers de prise en charge (QPR) pour les détenus à fort pouvoir de nuisance ou risquant de passer à l'acte. En sus du quartier de Lille-Annoeullin, deux quartiers devraient être ouverts au cours de l'année 2018 au sein du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe et du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil, selon l'administration pénitentiaire.
2. La nécessité de proposer, en détention comme en milieu ouvert, une prise en charge efficace
La question de la prise en charge, mais surtout de la réinsertion des détenus terroristes djihadistes pose un défi considérable à l'administration pénitentiaire.
a) La nécessité d'évaluer toutes les personnes sous main de justice
Désormais, afin d'appréhender la très grande hétérogénéité du public concerné, l'ensemble des personnes écrouées pour des faits terroristes en lien avec l'islam radical ont vocation à être évaluées dans un quartier d'évaluation de la radicalisation (QER). Les trois QER situés dans la région francilienne fonctionnent actuellement en sessions successives de quatre mois avec une capacité d'évaluation de 120 personnes par an.
Une délégation de votre commission d'enquête s'est rendue à la fois au QER d'Osny et au QER de Fleury-Mérogis. Elle a pu constater qu'à l'issue d'une évaluation dans un QER, une synthèse pluridisciplinaire est rédigée , qui apporte des précisions sur la biographie, la personnalité ou le fonctionnement psychique des personnes détenues, mais aussi sur leur parcours carcéral, leur positionnement par rapport aux faits et sur leurs facteurs de risque et de protection. L'évaluation propose un plan d'accompagnement individualisé, prenant en compte les impératifs de sécurité et de gestion de détention ainsi que les modalités d'une prise en charge .
L'intégration dans un quartier spécifique de prise en charge, dans un quartier d'isolement ou en détention générale se fonde ainsi sur une pluralité de critères. Le degré de propension aux idées radicales ne peut suffire seul. Selon certains chercheurs, il pourrait être souhaitable d'évaluer le « score d'influençabilité » des détenus.
Selon les magistrats entendus par votre commission d'enquête, les évaluations pluridisciplinaires effectuées au sein des QER présentent une utilité majeure pour le traitement judiciaire de ces dossiers. Tout en notant les efforts effectués, ils recommandent néanmoins une évaluation plus fine de la dangerosité . Votre rapporteure partage ces constats et incite les établissements pénitentiaires à recourir à davantage de professionnels formés à ce public afin de pouvoir déceler même les phénomènes de radicalisation dissimulée . Les constats de dangerosité doivent être davantage objectivés afin de permettre aux magistrats d'en tirer les conséquences judiciaires qui s'imposent.
Votre rapporteure considère également que cette évaluation devrait être systématique pour tous les détenus, y compris les femmes . Elle regrette le manque de moyens consacrés à l'évaluation et au suivi des femmes détenues (TIS ou DCSR). Elle préconise la création, le plus rapidement possible, de quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) pour femmes .
Votre rapporteure considère également prioritaire d' évaluer , non plus seulement les TIS, mais également les détenus de droit commun susceptibles de radicalisation . Naturellement, la prise en charge de ces détenus est éminemment complexe puisque, pour la plupart d'entre eux, ils ignorent que l'administration pénitentiaire les considère comme radicalisés et ne se sentent donc pas particulièrement surveillés. Sur ce point, votre rapporteure recommande une bonne coordination avec les services de renseignement, notamment pour les détenus qui ont été signalés par des services tiers : il convient de ne placer en QER les détenus de droit commun, qu'avec l'accord de la DGSI afin d'éviter de révéler à certaines personnes cibles qu'elles font l'objet d'une surveillance quand il est possible d'exploiter certains renseignements de leur observation.
b) Faire preuve de pragmatisme sur l'incarcération des djihadistes
La définition du modèle français de prise en charge des djihadistes a souvent hésité entre regroupement et dispersion : si la dissémination des détenus risque de diffuser leurs croyances, une très grande concentration présente également des risques importants en termes de sécurité, de moindre attractivité de la structure pour les personnels, etc.
Face à la réalité du problème et à l'importance des effectifs concernés , le débat entre la dispersion ou le rassemblement des djihadistes au sein des établissements pénitentiaires est en réalité un faux débat .
Le nombre considérable de détenus terroristes ou radicalisés (plus de 1 600) impose aujourd'hui, de facto , à la fois une répartition des détenus sur le territoire national et une concentration de certains détenus dans des quartiers identifiés.
Le Gouvernement a récemment annoncé avoir décidé de disperser les détenus TIS dans 78 établissements qui présentent des caractéristiques sécuritaires satisfaisantes. Cette dissémination est particulièrement attendue par les établissements franciliens qui subissent depuis plusieurs années une concentration très élevée de détenus TIS ou DSCR , qui n'est pas sans conséquence sur la vie de l'établissement et les effectifs. La directrice de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, qu'une délégation de votre commission d'enquête a rencontrée, a exprimé toutes les difficultés éprouvées par ses personnels à gérer autant de détenus TIS ou DSCR dans un même lieu et plaidait pour une répartition équilibrée des risques sur le territoire.
Néanmoins, le régime français est un régime mixte : en effet, afin de permettre une prise en charge « collective » et une spécialisation des personnels intervenant en détention, les détenus sont de facto regroupés en petits effectifs dans les établissements.
Au surplus, votre rapporteure souligne que l'administration pénitentiaire est aujourd'hui confrontée à une pluralité de problèmes structurels qui empêchent toute solution révolutionnaire . Le temps nécessaire à la construction d'établissements pénitentiaires, par ailleurs indispensable au regard de la surpopulation carcérale, empêche raisonnablement de se satisfaire de l'annonce « à venir » de nouveaux quartiers étanches offrant 1 500 nouvelles places ou de nouveaux établissements pénitentiaires. Il convient en effet d'être réaliste face au rythme de construction d'établissements pénitentiaires et ne pas multiplier les annonces gouvernementales peu crédibles au regard de l'expérience passée. Lors de son audition par votre commission d'enquête, Mme Adeline Hazan a émis des doutes sur l'étanchéité effective des places qui seront construites. Votre rapporteure restera attentive à la création effective de 450 nouvelles places « dans des quartiers étanches » d'ici la fin de l'année, et au calendrier des 1 050 autres places.
LES DÉFIS STRUCTURELS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE L'administration pénitentiaire souffre, depuis plusieurs décennies, de problèmes structurels. En premier lieu, il existe une inadéquation durable entre la population carcérale et les capacités du parc immobilier . En raison de la criminalité constatée et de la politique pénale appliquée, l'inflation de la population pénale est constante depuis quelques années. Si des nouveaux établissements sont régulièrement ouverts, l'augmentation des places d'emprisonnement reste néanmoins très insuffisante pour endiguer le phénomène. Or la surpopulation carcérale détériore les conditions de détention et augmente les risques de violence, notamment en raison de la concurrence engendrée pour accéder à un travail, une formation ou même aux parloirs. Ces conditions détériorent en conséquence les conditions de travail des surveillants pénitentiaires. Le mouvement social lancé par les surveillants pénitentiaires en janvier 2018 a révélé au grand public le malaise de cette profession. L'insuffisance critique du parc pénitentiaire se double d'un sous-investissement chronique et notoire dans la maintenance dudit parc, ce qui n'est pas sans conséquences sur la salubrité des établissements. Enfin, l'ensemble des établissements, particulièrement les maisons d'arrêt, souffrent d'un sous-effectif chronique de surveillants pénitentiaires. L'administration pénitentiaire est en effet confrontée à une grave crise des recrutements et à une incapacité à fidéliser ses personnels, notamment en raison des conditions de travail et particulièrement en Ile-de-France. Source : Ministère des affaires étrangères et du développement international et SGAE. |
Après avoir échangé avec les surveillants de trois établissements pénitentiaires, votre rapporteure recommande, pour l'heure, de poursuivre le développement d'un régime mixte de prise en charge , à savoir la possibilité, après évaluation, d'affecter les détenus TIS ou DSCR :
- dans un quartier « étanche » dans un établissement à la sécurité adaptée, tout en bénéficiant d'un suivi individualisé et collectif ;
- dans un quartier d'isolement d'un établissement à la sécurité adaptée, tout en bénéficiant d'un suivi individualisé et collectif ;
- dans un quartier de prise en charge pour les individus dits « du haut du spectre » ou qui présentent une forte capacité de nuisance, tout en assurant une prise en charge très sécurisée ;
- et de manière résiduelle, en détention ordinaire dans le cadre d'un programme de prise en charge spécifique pour les détenus ne présentant aucun risque.
c) Les programmes de prise en charge
L'incarcération permet de neutraliser, trop souvent plutôt que temporairement , un individu dangereux. Face à ce constat, il est nécessaire de faire du temps d'incarcération des djihadistes un temps utile .
Selon le plan national de lutte contre la radicalisation, les programmes de prévention de la radicalisation (PPRV), jusqu'ici mis en place dans 21 établissements, devraient être généralisés à 78 établissements. Votre rapporteure encourage le Gouvernement à augmenter les moyens annoncés afin de généraliser ces programmes dans tous les établissements.
Par ailleurs, votre rapporteure a pu constater les efforts entrepris par l'administration pénitentiaire pour proposer des programmes de prise en charge aux PPSMJ, détenus ou non, TIS ou DCSR.
Néanmoins, les personnels pénitentiaires rencontrés à Fleury-Mérogis, à Osny ou encore à Bourg-en-Bresse soulignaient la faible offre de prise en charge en détention.
L'annonce de 450 places en quartiers étanches reste très insuffisante au regard de la masse des détenus (TIS et DSCR) qui exige une prise en charge afin de ne pas « contaminer » les autres détenus par leur idéologie radicale.
En conséquence, votre rapporteure recommande de développer des programmes de prise en charge adaptés aux différents profils rencontrés en détention. Les régimes de détention doivent être davantage différenciés afin de ne pas mélanger des individus « influençables » avec des profils prosélytes.
Il convient toutefois de rester mesuré sur les effets attendus de ces programmes. Comme l'a souligné M. François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques, entendu par votre commission d'enquête, si certains abandonnent le « combat idéologique », il n'y a pas de « déradicalisation », ou encore de conversions idéologiques à la tolérance et à la démocratie. Au contraire, leur idéal demeure juste, mais ils peuvent considérer qu'ils ont employé la mauvaise méthode. Selon les personnels rencontrés par une délégation de votre commission d'enquête, s'il est possible d'obtenir de réels résultats auprès de certaines personnes, permettant de mettre en doute les certitudes des détenus, ils n'ont pas constaté de transformation radicale en termes de mode de vie ou de système de croyances.
Compte tenu du nombre croissant d'incarcérations de femmes pour des faits de nature terroriste, la liste des établissements pouvant accueillir des femmes TIS a été élargie en janvier 2018 de 15 à 30. Votre rapporteure recommande de développer des programmes spécifiques pour les femmes au regard de leur implication croissante dans les filières terroristes .
De même, votre rapporteure a pu constater que la déconstruction du discours salafiste repose actuellement essentiellement sur les aumôniers. Votre rapporteure encourage l'administration pénitentiaire à développer des prises en charge, à la fois éducatives et psychologiques, permettant de déconstruire cette rhétorique fondée sur les « principes d'allégeance et de désaveu », de « terre d'islam et de terre de mécréance ».
Par ailleurs, selon M. François Molins, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, que votre commission d'enquête a rencontré, le nombre d'aumôniers musulmans compétents reste très insuffisant. Il convient de s'assurer du respect des valeurs de la République par les aumôniers. En conséquence, votre rapporteure propose de faire évoluer le processus de recrutement des aumôniers afin d'obliger tous les aumôniers, même ceux déjà en poste, au suivi de certaines formations et de renforcer la capacité de l'administration pénitentiaire à choisir les aumôniers. Actuellement, la direction de l'administration pénitentiaire peut refuser d'agréer un aumônier pour des raisons de sécurité. Il convient de permettre la même décision pour des raisons de compétences personnelles.
Votre rapporteure observe également que la coopération entre les services pénitentiaires et les services de santé doit pouvoir se renforcer afin de mieux prendre en charge les troubles psychologiques des détenus radicalisés.
Selon une étude réalisée par M. Romain Sèze 162 ( * ) , entendu par votre commission, les djihadistes « sont loin d'être des êtres de déraison » . Au contraire, ces derniers adulent « ce qu'ils appellent la science » et vénèrent « l'argument étayé et discuté qui est, selon eux, un impératif de l'islam. » Il serait en effet illusoire et réducteur de résumer le djihadisme au symptôme d'une maladie mentale. Néanmoins, nombre d'entre eux semblent manifester des troubles de la personnalité pour lesquelles un suivi médico-social pourrait être proposé.
Enfin, il convient d'assurer un contrôle plus strict des objets entrant en détention.
Il a été indiqué à la délégation de votre commission d'enquête lors de son déplacement à Fleury-Mérogis et que les livres sont parfois source de difficultés : ils pénètrent par les parloirs ou par les familles. Or, il y a un certain nombre de livres en arabe, qu'il faut donc traduire, et certains titres sont évocateurs... Les écrits sont saisis au parloir, scannés, envoyés pour analyse. Soit ils sont acceptés en détention, soit ils sont rendus aux familles.
En effet, l'article D. 274 du code de procédure pénale n'autorise l'introduction en détention d'objets que s'ils sont conformes aux dispositions réglementaires du code de procédure pénale ou en cas d'autorisation du chef de l'établissement. Il est rappelé qu'« en toute hypothèse », les objets « doivent être soumis au contrôle de l'administration ». Tout objet, notamment tout livre au contenu ambivalent, doit être retenu par les établissements pénitentiaires avant le prononcé éventuel d'une peine de confiscation par l'autorité judiciaire. Il convient de rappeler que la transmission à un détenu d'objets non autorisés par le règlement est un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
d) Les enjeux en matière d'exécution des peines
Le suivi de l'exécution des peines des détenus terroristes doit être renforcé. Seulement deux juges de l'application de peine sont spécialisés sur ce contentieux .
Selon M. François Molins, la suppression des possibilités d'aménagements de peine, votée par le Parlement en 2016, pose quelques difficultés.
En effet, depuis les lois du 3 juin 2016 163 ( * ) et du 21 juillet 2016 164 ( * ) , il existe un régime spécifique d'exécution et d'aménagement des peines pour les personnes condamnées en matière de terrorisme : les personnes condamnées pour terrorisme ne peuvent plus bénéficier de crédits de réduction de peine (article 721-1-1 du code pénal), ni de la possibilité de suspendre ou de fractionner leur peine d'emprisonnement . Elles ne peuvent plus bénéficier d'aménagements de peine sous forme de placement à l'extérieur et de semi-liberté (article 723-1 du code de procédure pénale). En application de l'article 730-2-1 du code de procédure pénale, les personnes condamnées pour une infraction terroriste sont soumises à un régime dérogatoire pour l'octroi de la libération conditionnelle .
Or la suppression des crédits de réduction de peine empêche de prononcer des suivis post-sentenciels .
UN SUIVI POST-SENTENCIEL QUI DÉPEND DES CRÉDITS DE RÉDUCTION DE PEINE Le temps correspondant à tout ou partie des crédits de réduction de peine accordés à un condamné constitue l'assiette de plusieurs mesures de suivi post-sentenciel . Pendant cette période, un condamné sortant d'incarcération peut être soumis à plusieurs mesures de suivi destinées à favoriser sa réinsertion, à prévenir la récidive et à protéger les victimes . • Ces réductions de peine peuvent être utilisées pour l'application du « suivi post-libération » ou « suivi fin de peine » (article 721-2 du code de procédure pénale). Le juge de l'application des peines peut soumettre le condamné à des mesures d'aide et de contrôle, à des obligations et à des interdictions applicables après sa libération, pour une durée qui ne peut excéder la durée cumulée des réductions de peine dont il a bénéficié. Ce dispositif est applicable à toute personne condamnée à une peine privative de liberté qui n'a pas bénéficié d'un aménagement de peine ou d'une libération sous contrainte, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un suivi socio-judiciaire et pour laquelle ne peut être prononcée une mesure de surveillance judiciaire. En cas de non-respect de ces mesures, obligations ou interdictions, le juge de l'application des peines peut retirer ces réductions de peine et ordonner la réincarcération de la personne. • Enfin, les personnes condamnées pour des infractions d'une particulière gravité, qui ne font pas l'objet d'une peine de suivi socio judiciaire ou d'une libération conditionnelle, peuvent être soumises à une mesure de surveillance judiciaire des personnes dangereuses . Concrètement, la personne est astreinte, en principe, à une injonction de soins et est soumise à des obligations et interdictions. Cette mesure est prononcée par le tribunal de l'application des peines, en cas de risque de récidive avéré, pour un temps d'épreuve qui ne peut excéder la durée cumulée des réductions de peine dont la personne a bénéficié pendant son incarcération. En cas d'inobservation de la mesure, le juge de l'application des peines peut retirer ces réductions de peine et ordonner la réincarcération de la personne. |
M. François Molins propose ainsi de rétablir la possibilité, pour les détenus condamnés pour des faits de terrorisme, de bénéficier de crédits de réductions de peine qui permettent de prononcer, à la sortie de prison, un suivi individualisé.
Sans remettre en cause le principe d'un régime dérogatoire pour les détenus terroristes, il juge également nécessaire d'assouplir le dispositif des libérations conditionnelles pour permettre aux magistrats de prononcer, le plus rapidement possible, des libérations-expulsions.
Afin de prévenir la récidive et d'éviter des « sorties sèches » de détention en raison de l'absence de suivi post-peine, faute de crédits de réduction de peine, votre rapporteure encourage les juridictions à prononcer davantage de suivi socio-judiciaire . En effet, depuis la loi du 3 juin 2016, tout condamné terroriste peut également être condamné à une peine de suivi socio-judiciaire. Peine restrictive de liberté définie à l'article 131-36-1 du code pénal, le suivi socio-judiciaire consiste en des mesures de surveillance et des obligations sociales ou médicales, exécutées sous le contrôle du juge de l'application des peines et dont l'inobservation, entraîne la mise à exécution d'une peine d'emprisonnement. Selon la nature de l'infraction commise, ce suivi peut être de 10 ans, 20 ans, 30 ans, voire sans limitation de durée.
3. L'enjeu du suivi des condamnés après leur libération
Le principal défi de ces prochaines années pour l'administration pénitentiaire réside dans le suivi des terroristes sortants de détention . L'évolution de la menace endogène dépendra de la façon dont sera gérée la sortie de prison des détenus terroristes, des revenants mais aussi des détenus radicalisés.
CALENDRIER PRÉVISIONNEL DES SORTIES DE
DÉTENTION DE DÉTENUS CONDAMNÉS
POUR DES INFRACTIONS EN
LIEN AVEC LE TERRORISME ISLAMISTE (TIS)
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
18 |
23 |
16 |
25 |
17 |
Source : Direction de l'administration pénitentiaire.
LE FICHIER JUDICIAIRE NATIONAL AUTOMATISÉ DES AUTEURS D'INFRACTIONS TERRORISTES (FIJAIT) Depuis la loi du 24 juillet 2015, l'ensemble des personnes condamnées pour une infraction terroriste font l'objet d'un enregistrement dans le fichier national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (articles 706-25-3 et suivants et R. 50-31 et suivants du code de procédure pénale). Les personnes ayant violé leurs interdictions de sortie du territoire sont également inscrites. Au surplus, ces personnes sont astreintes nécessairement à plusieurs mesures de sûreté comme l'obligation de justifier régulièrement de leur adresse ou encore de déclarer tout déplacement à l'étranger au plus tard quinze jours avant ledit déplacement. Tout manquement à ces obligations est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Instrument opérationnel du suivi des condamnés terroristes, le FIJAIT recense plus de 1 000 personnes. |
a) Assurer un suivi judiciaire des détenus même après leur libération
Afin d'assurer un suivi efficace des détenus et de prévenir la récidive, votre rapporteure recommande de développer les modalités de prise en charge en milieu ouvert : en effet, l'enjeu de la réinsertion des condamnés radicalisés se situe dans leur comportement une fois libérés .
Depuis la loi du 3 juin 2016, il est possible d'imposer, en milieu ouvert, aux condamnés terroristes de « respecter les conditions d'une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre sa réinsertion et l'acquisition des valeurs de la citoyenneté ; cette prise en charge peut, le cas échéant, intervenir au sein d'un établissement d'accueil adapté dans lequel le condamné est tenu de résider » 165 ( * ) . Les magistrats doivent se saisir de ce dispositif.
Afin de prévenir la récidive des terroristes islamistes, il est nécessaire de renforcer la formation des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP). Les moyens du milieu ouvert semblent très insuffisants au regard des enjeux : des intervenants extérieurs, notamment cultuels, doivent pouvoir intervenir en soutien afin de déconstruire les discours des personnes radicalisés.
Il convient également de généraliser sur le territoire national des programmes de prise en charge individuels et collectifs de désengagement de la violence . Selon la direction de l'administration pénitentiaire, trois centres de prise en charge individualisée de jour seront bientôt créés en province, sur la base de l'expérimentation en 2017, d'une prise en charge du désengagement de la violence extrémiste et la réinsertion sociale de personnes suivies par les SPIP d'Ile-de-France. Votre rapporteure encourage l'administration pénitentiaire à proposer ces programmes à tous les détenus radicalisés, condamnés pour une infraction terroriste ou non .
LE PROGRAMME RECHERCHES ET INTERVENTION SUR LES VIOLENCES EXTRÉMISTES (RIVE) Depuis décembre 2016, l'administration pénitentiaire a expérimenté un dispositif de prise en charge des personnes placées sous-main de justice, suivies en milieu ouvert au titre d'une mise en examen pour actes de terrorisme ou identifiées comme radicalisées, qui a pour finalité de favoriser le désengagement de la violence extrémiste et la réinsertion sociale. Les personnes ayant vocation à être prises en charge par RIVE sont : - des hommes et femmes majeurs résidant en Ile-de- France ; - soumis, en milieu ouvert, à des mesures pénales restrictives de liberté ; - poursuivis ou condamnés pour des infractions en relation avec une entreprise terroriste ou pour d'autres infractions, mais repérés par l'administration pénitentiaire comme radicalisés. La prise en charge est conçue autour de processus de désengagement de la violence, de distanciation par rapport à des opinions radicales, de réinsertion sociale et d'acquisition de valeurs citoyennes. Le dispositif est conçu comme étant pluridisciplinaire, individuel et fondé sur le principe du mentorat : les personnes suivies sont rencontrées au moins six heures par semaine, en journée, à l'extérieur ou au sein d'une structure appelée « plateau technique de prévention de la radicalisation ». Selon les magistrats, le dispositif RIVE offre une prise en charge satisfaisante, tout en regrettant que le dispositif ne soit disponible qu'en région parisienne. Source : Direction de l'administration pénitentiaire. |
b) Une coordination avec les services de renseignement à renforcer
Au regard du nombre de détenus TIS qui vont prochainement sortir, dont la plupart ne relève pas du contentieux récent lié aux filières syro-irakiennes, il apparaît indispensable à votre rapporteure de renforcer considérablement la coordination entre les services spécialisés de renseignement et la direction de l'administration pénitentiaire.
Actuellement, la DGSI est, en principe, informée des libérations à venir et semble collaborer avec le renseignement pénitentiaire. Un officier de l'administration pénitentiaire est détaché dans les services de renseignement intérieur afin d'assurer un suivi de la situation des détenus. De plus, à la fin du parcours pénitentiaire d'un TIS ou d'un DSCR, une note de signalement, synthétisant l'ensemble des renseignements collectés, est transmise par le BCRP aux services de renseignement partenaires.
Constatant que certains condamnés gardent, une fois libérés, des contacts avec des individus radicalisés détenus, votre rapporteure estime indispensable de renforcer l'implication des services de renseignement dans la préparation de la sortie de prison . Une instance locale régulière de concertation entre le BCRP, la DGSI et le SCRT devrait être formalisée afin d'examiner chaque cas individuel afin de déterminer les mesures de surveillance qu'il convient de poursuivre à l'extérieur. Votre rapporteur considère également nécessaire que la note de signalement soit transmise de manière systématique aux SPIP . Si votre rapporteure salue les récentes annonces du Gouvernement quant à la création d'une unité de coordination devant assurer le suivi des sortants de prison, qui serait piloté par l'UCLAT, elle s'interroge sur la traduction opérationnelle d'un tel dispositif. En effet, le suivi étroit des sortants de prison ne peut être que déconcentré afin d'être le plus fin possible.
c) Une sous-exploitation de l'arsenal administratif
Votre rapporteure n'a pu que constater l'insuffisante articulation entre les peines exécutées et les mesures de police administrative : il convient de renforcer la fluidité des échanges d'informations entre l'administration pénitentiaire et les services du ministère de l'intérieur .
Seulement neuf mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) ont ainsi été prononcées en raison d'une information anticipée sur la libération à venir d'un condamné . Trois ont été abrogées à la suite de l'incarcération pour diverses raisons des individus concernés.
Les instances partenariales locales apparaissent insuffisamment mobilisées. En effet, les états-majors de sécurité et les cellules de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure 166 ( * ) peuvent être le lieu d'échanges entre les services de l'État compétents en matière de prévention de la délinquance, d'éducation et de politique de ville, les procureurs de la République du ressort et les représentants des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, insuffisamment conviés à ces réunions.
Ces cellules devraient être systématiquement le lieu de la détermination des modalités du suivi et du contrôle administratif en milieu ouvert des personnes condamnées sortant de détention , préalablement identifiées par l'autorité judiciaire au regard de leur personnalité, de leur situation matérielle, familiale et sociale ainsi que des circonstances de la commission des faits pour lesquels elles ont été condamnées. Il est en effet possible de prononcer certaines mesures de police administrative 167 ( * ) sur le fondement du comportement de la personne en détention (son rapport à la violence, son adhésion à une forme de radicalisation religieuse ou à une idéologie extrême, ses relations, son respect des règles en détention, etc.).
Néanmoins, pour que ces cellules soient opérationnelles, il est nécessaire que l'administration pénitentiaire transmette, en amont de la levée de l'écrou, toutes les informations nécessaires et de manière suffisamment anticipée pour permettre la notification de la mesure avant la sortie de détention.
d) Anticiper les libérations des étrangers et des binationaux
Selon des informations fournies à votre commission d'enquête par la direction de l'administration pénitentiaire, environ 17 % des détenus incarcérés pour des faits en lien avec le terrorisme islamiste (TIS) sont de nationalité étrangère. Dès lors, si les possibilités d'expulsion sont marginales, il est néanmoins possible d'expulser a minima les 90 détenus TIS étrangers 168 ( * ) : une condamnation pour terrorisme remplit en effet largement le critère juridique de la « menace grave à l'ordre public ». L'éloignement des djihadistes étrangers, en situation irrégulière ou non, doit être une priorité pour le ministère de l'intérieur .
PROCESSUS D'EXPULSION D'UN ÉTRANGER DÉTENU 169 ( * )
En application de l'article 724-1 du code de procédure pénale, les services pénitentiaires, de milieu ouvert comme de milieu fermé, doivent communiquer aux préfectures et aux services du ministère de l'intérieur « toutes les informations de cette nature relatives aux étrangers détenus faisant ou devant faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire ». Cette règle est encore insuffisamment appliquée.
Votre rapporteure rappelle au surplus que, à l'initiative du Sénat et depuis la loi du 21 juillet 2016, le prononcé de la peine d'interdiction judiciaire du territoire français est obligatoire pour tous les condamnés terroristes et que cette mesure entraîne, de plein droit, la reconduite à la frontière à l'expiration de la peine . Dès lors, les mesures de reconduite à la frontière de terroristes condamnés sont amenés à s'amplifier.
Votre rapporteure encourage, une nouvelle fois, au renforcement des échanges entre autorités administratives et judiciaires : les états-majors de sécurité et les cellules de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure doivent être le lieu d'impulsion des mesures d'expulsion.
Dès leur incarcération, les individus étrangers doivent être identifiés par les services pénitentiaires qui doivent en informer immédiatement les préfectures. Cette information anticipée permettra de solliciter les laissez-passer consulaires permettant l'exécution des mesures d'éloignement bien en amont. Enfin, toute information concernant une libération doit être transmise aux préfectures par le greffe de l'établissement pénitentiaire, selon le protocole défini dans chaque département.
Enfin, concernant les 44 détenus TIS binationaux, votre rapporteure rappelle que l'article 25 du code civil autorise à déchoir de sa nationalité les individus « condamnés pour un acte qualifié de crime ou de délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme » . Si 6 individus ont fait l'objet d'une mesure de déchéance de nationalité française en 2014-2015, aucun individu n'a fait l'objet d'une telle mesure depuis lors. Votre rapporteure incite le Gouvernement à faire usage plus régulièrement de cette disposition au regard de la gravité des profils des détenus incarcérés.
4. Un modèle à réinventer pour les mineurs
Au 7 mars 2018, 77 mineurs ayant effectivement séjourné sur zone syro-irakienne étaient de retour sur le territoire national. 50 enfants returnees avaient moins de 7 ans, soit 64,94 % de l'ensemble. Sur ces 50 mineurs, 14 d'entre eux, étaient nés sur zone syro-irakienne et étaient âgés de 1 à 3 ans, soit 18,18 % du nombre total de mineurs. 26 enfants returnees étaient âgés de 7 à 12 ans inclus, soit 33,77 % de l'ensemble. Un adolescent était âgé de 13 ans.
Ces 77 mineurs sont répartis sur 20 départements. 50 des 77 mineurs résident actuellement dans la zone de défense de Paris, dont 33 dans le ressort de la préfecture de police de Paris.
La prise en charge de ces mineurs de retour d'une zone de conflit varie en fonction de leur âge, de leur situation psychologique et de leur rôle dans les organisations terroristes. S'agissant de mineurs exposés à des scènes d'une violence extrême, présentant des traumatismes et des fragilités psychologiques, leur prise en charge présente un défi pour les services de l'État et pour les services départementaux.
a) La prise en charge des mineurs mis en cause pour des faits en lien avec le djihadisme
La politique du parquet de Paris concernant les mineurs « combattants » dépend de leur âge : si les mineurs de plus de 13 ans ont vocation à être entendus en audition libre , voire à être placés en garde à vue à leur retour, les mineurs de 10 à 13 ans peuvent être entendus dans le cadre d'une retenue . Si leur parcours le justifie, les mineurs les plus jeunes (entre 5 ans et 10 ans ) peuvent également être entendus en tant que témoins . Les mineurs ayant joué un rôle dans l'organisation terroriste ou commis des exactions sont ainsi susceptibles de poursuites dès lors qu'ils sont jugés capables de discernement.
Face au phénomène grandissant des mineurs returnees, v otre rapporteure recommande d'améliorer l'évaluation des mineurs mis en cause pour des faits en lien avec le djihadisme ou susceptibles de radicalisation .
Quant à la prise en charge de ces mineurs, les magistrats ont observé qu'en raison d'un manque de personnel, la qualité de la prise en charge de ces mineurs dans les quartiers mineurs des établissements pénitentiaires est inférieure à celle offerte par les établissements pour mineurs (EPM). Néanmoins, l'administration pénitentiaire considère que les EPM ne sont pas suffisamment sécuritaires pour prendre en charge des profils comme les returnees.
Il a également été relevé que les échanges entre les services ayant à connaître de la situation du mineur au sein de l'établissement pénitentiaire et ceux qui se retrouvent en charge d'une mesure de milieu ouvert ou d'investigation à leur sortie restent insuffisants. Pourtant, cette articulation est nécessaire pour éclairer convenablement la formation de jugement.
Enfin, la transition entre la prise en charge assurée du temps de la minorité et celle effectuée à compter de la majorité continue de poser problème, que ce soit en milieu fermé (longue attente avant qu'une évaluation puisse décider de leurs affectation) comme en milieu ouvert.
Votre rapporteure considère nécessaire, au regard de l'ampleur du phénomène, de développer un programme spécifique de prise en charge de la radicalisation pour les mineurs, en détention comme un milieu ouvert.
b) Le protocole mis en place pour les jeunes mineurs
En principe, tous les mineurs font l'objet d'une ordonnance de placement provisoire prise par le parquet territorialement compétent (principalement le parquet près le tribunal de grande instance de Bobigny, compétent territorialement pour les arrivées à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle), avant d'être présentés à un juge des enfants aux fins de mise en place des mesures d'assistance éducative : ils sont ainsi placés dans un établissement de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ou auprès d'un membre de la famille ou d'un tiers de confiance.
Selon le protocole d'évaluation défini en 2017, les mineurs doivent faire l'objet, dès leur arrivée, d'un bilan médico-psychologique et somatique complet afin de vérifier leur état général de santé, leur éventuel besoin de soins à court ou long terme sur le plan somatique ou psychologique.
Les services de l'éducation nationale sont également mobilisés afin de scolariser le plus tôt possible tous les enfants :
SITUATION SCOLAIRE DES MINEURS RETURNEES
Situation scolaire |
Nombre |
Trop jeune pour être scolarisé (1 à 2 ans) |
9 |
Enfant de 3-4 ans non scolarisé |
6 |
École maternelle |
19 |
École élémentaire |
18 |
Collège |
5 |
Évaluation en cours |
9 |
Scolarisation en cours |
9 |
Trop fragile pour être scolarisé (ASE) |
2 |
Total |
77 |
Source : Ministère de l'éducation nationale.
LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE PAR LA PROTECTION
JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
Depuis janvier 2015, la protection judiciaire de la jeunesse a été étroitement associée à la mise en oeuvre des plans successifs de lutte contre le terrorisme et la radicalisation adoptés par le Gouvernement. Elle a, à ce titre, reçu d'importants moyens qui lui ont essentiellement permis de financer la création d'emplois supplémentaires, l'organisation de formations spécialisées à destination des personnels sur la connaissance du phénomène radical et la conduite d'actions de lutte contre la radicalisation. L'action de la PJJ en matière de lutte contre la radicalisation est coordonnée par la mission nationale de veille et d'information (MNVI), mise en oeuvre au 1 er avril 2015 et qui a pour mission : - d'une part, d'assurer la coordination des acteurs et le soutien aux personnels concourant à la prévention des risques de radicalisation, notamment dans le cadre de formations ; - d'autre part, de conduire une politique de citoyenneté, de réaffirmation des principes et valeurs de la République. La mission anime un réseau de 70 référents laïcité et citoyenneté, travaillant, chacun à leur niveau, à la mise en place d'une politique cohérente et harmonisée, au niveau national, de prise en charge des mineurs présentant des risques de radicalisation. À ce titre, ils ont pour mission d'animer la formation des professionnels de la PJJ confrontés au phénomène de radicalisation et de conduire et/ou de soutenir des actions d'éducation à la citoyenneté. Ces référents sont répartis de la manière suivante : - 1 référent est placé à l'École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) et chargé des questions internationales, de formation et de recherche ; - 9 référents sont chargés, au sein des directions interrégionales de la PJJ, de l'harmonisation des pratiques professionnelles et de la circulation de l'information. Ils remplissent par ailleurs les fonctions de correspondant interrégional de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) ; - 60 référents sont enfin placés dans les 54 directions territoriales. Interlocuteurs privilégiés des professionnels de la PJJ, ils sont chargés de recenser les situations dans lesquelles un risque de radicalisation a été repéré, d'aider à leur analyse et d'assurer un rôle de coordination et de suivi des interventions menées pour la prise en charge des mineurs concernés. Ils participent, enfin, aux côtés du procureur de la République et des services de l'aide sociale à l'enfance, aux cellules préfectorales de suivi de la radicalisation, notamment chargées de proposer des accompagnements aménagés et concertés à des situations de radicalisation. Source : Extrait du rapport (n ° 309 ; 2016-2017) de M. François Grosdidier, fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 janvier 2017, sur le projet de loi relatif à la sécurité publique. |
Les mineurs font l'objet d'une mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE) ou d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert (AEMO). Depuis la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, il est prévu, par dérogation au principe de compétence exclusive des services départementaux de l'aide sociale à l'enfance, la compétence des services de la protection judiciaire de la jeunesse pour prendre en charge les mineurs radicalisés, et notamment pour procéder à des placements. Cette expérimentation a entraîné la spécialisation de fait des services de la protection judiciaire de la jeunesse de Seine-Saint-Denis.
LES EXPÉRIMENTATIONS CONDUITES
Au sein de la direction interrégionale Ile-de-France/Outre-mer, a été mis en place un groupe d'appui composé de deux éducateurs spécialement recrutés, piloté par le référent laïcité et citoyenneté de la DIR, soutenu par des interventions de psychologues et de médecins psychiatres. Chargés d'intervenir auprès des mineurs avec les professionnels référents pour étayer les pratiques professionnelles et d'animer des groupes de parole, ce groupe suit particulièrement la population pénale poursuivie par le pôle antiterroriste de Paris, majoritairement incarcérée. Dans ce cadre, elle travaillera à la préparation de propositions de sorties de détention provisoire. Le Service Territorial Éducatif de Milieu Ouvert (STEMO) de Paris-Centre expérimente actuellement une mesure d'investigation (MJIE) « radicalisation » à la pluridisciplinarité renforcée, en lien avec les magistrats des enfants du tribunal pour enfants et du pôle antiterroriste de Paris. Cette mesure s'adresse spécifiquement aux mineurs poursuivis pour association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste. La DPJJ pilote également deux projets de recherche destinés à améliorer les pratiques professionnelles de prise en charge des mineurs radicalisés. Le premier, confié à deux chercheurs spécialisés de l'Université Paris--X, a pour objet d'analyser tant les causes multifactorielles d'engagement dans la radicalisation que les pistes d'amélioration de la prise en charge actuelle de ces mineurs. Le second est conduit, en collaboration avec l'administration pénitentiaire, au sein de l'Établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Porcheville 170 ( * ) . Des protocoles locaux sont en cours d'élaboration entre la DPJJ et la DAP pour la prise en charge des mineurs dont un parent est incarcéré pour des faits de nature terroriste. Source : Direction de la protection judiciaire de la jeunesse. |
La prise en charge de ces mineurs pose un véritable défi : les services de renseignement doivent s'organiser afin de détecter les comportements à risque et évaluer leur dangerosité. Les signaux faibles de radicalisation détectés par les CPRAF doivent être systématiquement portés à la connaissance des services de renseignement, au sein des GED, afin de diligenter le plus en amont possible des enquêtes. Enfin, les services de renseignement, qui sont informés de la localisation exacte de tous les mineurs, sont particulièrement vigilants à l'entourage de ces mineurs.
Selon votre rapporteure, il convient de renforcer l'évaluation de ces mineurs , en particulier au regard des traumatismes qu'ils ont probablement subis. Pour le psychiatre Serge Hefez, entendu par votre commission d'enquête, ces mineurs returnees sont des « polytraumatisés, demandant à retrouver une vie normale. »
En complément du protocole que l'État a mis en place dans l'urgence, il convient également de réfléchir à un dispositif de plus long terme. Selon M. François Molins, il est nécessaire de prévoir des suivis par l'aide sociale à l'enfance (ASE) plus longs que ceux actuellement prévus (environ 3 mois). Dans la mesure du possible, il serait également souhaitable que l'assistance de la PJJ se poursuive dans la durée. Dans ce cas, votre rapporteure recommande de spécialiser les personnels chargés du suivi social de ces enfants et donc de les former à cet effet.
Il apparait également souhaitable que les services sociaux informent régulièrement la section C1 du parquet de Paris des évolutions des mineurs concernés . De même, l'évaluation médicale et sociale des mineurs, réalisée à leur arrivée, devrait être systématiquement transmise aux magistrats, sans qu'ils n'aient besoin d'émettre des réquisitions.
* 156 Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, avis du 11 juin 2015 sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral.
* 157 Rapport d'information de Mmes Esther Benbassa et Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois, n° 633 (2016-2017) - 12 juillet 2017, Les politiques de « déradicalisation » en France : changer de paradigme .
* 158 Voir supra.
* 159 Désignée en tant que « unité de prévention du prosélytisme ».
* 160 Voir son avis précité du 11 juin 2015.
* 161 Sécurité pénitentiaire et action contre la radicalisation violente, Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice, mardi 25 octobre 2016.
* 162 Xavier Crétier, Romain Sèze, Saisir les mécanismes de la radicalisation violente : pour une analyse processuelle et biographique des engagements violents, rapport pour la mission de recherche droit et justice, INHESJ, avril 2017, page 140.
* 163 Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.
* 164 Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.
* 165 Article 132-45 du code pénal.
* 166 Articles L. 132-10-1 et R. 132-6-1 du code de la sécurité intérieure.
* 167 Voir supra.
* 168 Voir supra pour le cadre légal de l'expulsion. La jurisprudence du Conseil constitutionnel (Décision n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 - Loi relative à la prévention de l'immigration clandestine et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'office national d'immigration) a confirmé cette possibilité : « A ucune disposition de la Constitution non plus qu'aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi confère à l'autorité administrative le pouvoir de prendre un arrêté d'expulsion fondé sur des faits de nature à justifier une condamnation pénale, alors même qu'aucune condamnation définitive n'aurait été prononcée par l'autorité judiciaire ».
* 169 Schéma réalisé à partir de la circulaire du 5 novembre 2016 relative à l'articulation des mesures administratives et des mesures judiciaires en matière de lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation (NOR : JUSD1633563C).
* 170 Voir supra.