LA DÉFINITION DU TEMPS DE REPOS
La définition des modalités de prises de temps de repos doit permettre, selon la Commission, de tempérer la fréquence du cabotage, quand bien même l'encadrement de celui-ci vise la flotte.
En l'état actuel du droit, le temps de repos est encadré par le règlement. Il est fixé à onze heures par jour, voire à douze s'il est pris de façon fractionnée (trois et neuf heures). Il peut également être réduit à neuf heures trois fois par semaine. Quoi qu'il en soit, le temps de repos hebdomadaire doit être d'au moins quarante-cinq heures toutes les deux semaines (temps de repos normal). Une certaine flexibilité permet, via un système de compensation, de ramener ce temps de repos hebdomadaire à vingt-quatre heures (temps de repos réduit).
La Commission européenne propose, en premier lieu, l'interdiction du repos hebdomadaire normal en cabine. Le repos devra être pris dans un hébergement convenable, disposant de toutes les commodités. L'hébergement devra être fourni ou réglé par l'employeur. Cette mesure répond au souhait de la France et de l'Alliance du routier. Cette position est également celle de la Cour de justice de l'Union européenne. Dans un arrêt du 20 décembre 2017, celle-ci a confirmé l'interdiction pour un conducteur de prendre, à bord du véhicule, ses repos hebdomadaires normaux 43 ( * ) . Le règlement de 2006 sur les temps de conduite et de repos dans le transport routier autorise aujourd'hui le repos journalier et le repos hebdomadaire réduit à bord du véhicule pour autant que celui-ci soit équipé d'un matériel de couchage convenable pour chaque conducteur et que le véhicule soit à l'arrêt (article 8.8). Il ne permet pas expressément de prendre le repos hebdomadaire normal à bord du véhicule. En dépit d'une réponse de la Commission à un parlementaire européen en 2007, une incertitude juridique demeurait cependant sur ce point
Cette disposition est cependant tempérée par la volonté de la Commission de proposer plus de flexibilité en matière de calcul du temps de repos. Le temps de repos normal de quarante-cinq heures ne sera ainsi plus calculé sur deux semaines mais sur quatre. Le chauffeur doit cependant disposer de deux repos hebdomadaires réduits. Parallèlement, la Commission propose aux chauffeurs effectuant des opérations de transport international de privilégier les temps de repos réduits lors de leurs séjours à l'étranger, et de bénéficier de temps de repos normaux, auxquels s'ajoutent des compensations, lorsqu'ils reviennent à leur domicile. Le conducteur devra, en outre, passer au moins une période de repos chez lui toutes les quatre semaines.
La Commission prévoit, de surcroît, des exceptions à son projet de règlement dès lors que des circonstances exceptionnelles l'imposent. Elle confirme par ailleurs que les États peuvent déroger aux règles durant 30 jours dès lors que des circonstances exceptionnelles l'imposent et que les exceptions lui sont justifiées et notifiées.
Il y a lieu de s'interroger sur la flexibilité accrue proposée par la Commission au regard à la fois des impératifs de santé et de sécurité routière mais aussi du risque de distorsion de concurrence, avec la possibilité pour les chauffeurs des pays tiers de maximiser le temps passé en dehors du pays d'établissement. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que certains États militent en faveur d'un renforcement de cette flexibilité. Certains pays, à l'image de la Roumanie, militent ainsi pour que les retours à domicile relèvent de l'option et non d'une obligation. La présidence bulgare propose un seuil de six semaines maximal avant un retour au domicile. La France et l'Allemagne tablent, comme la Commission, sur trois.
Une des pierres d'achoppement au Conseil tient également à l'interdiction du repos normal hebdomadaire en cabine. Plusieurs États (Groupe de Viegrad - Hongrie, Pologne, Slovaquie, République tchèque - Pays-Bas, Danemark et Suède) proposent l'introduction d'une dérogation dont les conditions d'application seraient laissées à la discrétion des entreprises et des chauffeurs. La présence de commodités convenables, disponibles et accessibles justifierait ainsi la dérogation. L'attitude de la Suède et du Danemark tend à démontrer que l'unité de l'Alliance du routier, dont ils sont membres, semble se fissurer. Les Pays-Bas militent, quant à eux, pour un stationnement sur des aires de parking dédiées, devant répondre à un ensemble de critères, notamment en termes sanitaires et de sécurité, définis dans un document annexe. Cette position est appuyée, au sein de la commission Transport du Parlement européen, par le rapporteur du texte, également néerlandais, Win van de Camp. Celui-ci préconise également l'obligation pour les entreprises de laisser les chauffeurs profiter d'un temps de travail de plus de quarante-cinq heures à son domicile ou dans un endroit qu'il choisit toutes les quatre semaines.
* 43 Arrêt de la Cour d 20 décembre 2017, Affaire C-102/16, Vaditrans BVA c/ Belgique.