Rapport d'information n° 528 (2017-2018) de Mme Fabienne KELLER et M. Didier MARIE , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 31 mai 2018
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AVANT-PROPOS
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EXAMEN PAR LA COMMISSION
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PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
N° 528
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 31 mai 2018 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur le détachement des travailleurs ,
Par Mme Fabienne KELLER et M. Didier MARIE,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Mmes Véronique Guillotin, Fabienne Keller, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, MM. Thierry Foucaud, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Georges Patient, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert. |
AVANT-PROPOS
Le Parlement européen et le Conseil devraient adopter dans les prochaines semaines le projet de révision de la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs, présentée il y a plus de deux ans, en mars 2016. L'ambition affichée par la Commission puis relayée par les colégislateurs consistait en un meilleur encadrement d'une pratique en plein développement depuis les élargissements de 2004 et 2007 mais aussi la crise de 2008. Le nouveau dispositif vise à une meilleure application des règles du pays d'accueil, en précisant notamment la définition de la rémunération octroyée.
Le renforcement de la lutte contre la fraude au détachement ne se limite pas pour autant, loin s'en faut, à la révision de la directive de 1996, même si celle-ci a valeur de symbole. La révision des règlements de coordination de sécurité sociale, la création d'une Autorité européenne du travail ou les débats à venir sur les transferts d'entreprises constituent également l'occasion de préciser les moyens dont dispose l'Union européenne pour cibler les entorses au régime du détachement et garantir tout à la fois le respect des droits sociaux des travailleurs et l'égalité de la concurrence entre entreprises. Il ne s'agit pas de condamner un dispositif qui permet à plus de 125 000 Français de trouver une activité chaque année au sein de l'Union européenne, mais bien de limiter les distorsions constatées. Le détachement des travailleurs doit, avant tout, permettre de répondre à un manque de main-d'oeuvre dans un secteur précis et faciliter la mobilité au sein de l'Union européenne
L'application du régime du détachement au secteur du transport routier de marchandise constitue également un défi de taille. Le texte apparaît pour l'heure bloqué au Conseil, soulignant la prégnance du clivage entre les pays fournisseurs de main-d'oeuvre détachée et ceux qui les accueillent.
LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE DE 1996
Adoptée en 1996 au sein d'une Union européenne qui comptait alors 15 membres, la directive relative au détachement des travailleurs précise les conditions dans lesquelles les ressortissants d'un État membre peuvent effectuer une prestation de service au sein d'un autre État membre, pour le compte d'une entreprise établie dans ce dernier 1 ( * ) . Il convient de distinguer droit du travail et droit de la sécurité sociale. Un salarié détaché est ainsi rémunéré aux conditions minimales du pays d'accueil, définies par la loi ou des conventions collectives d'application générale, sauf si les conditions du pays d'envoi sont plus avantageuses. Il continue à verser des cotisations sociales dans le pays d'établissement.
Plus de vingt ans après l'adoption du dispositif, le détachement des travailleurs reste en plein développement, en dépit des premières mesures d'encadrement adoptées en 2014 au niveau européen et transposées en France en 2015, au moment de la loi dite « Macron » 2 ( * ) . Il convient de rappeler, à ce stade, que le nombre de salariés détachés a enregistré en 2017 une augmentation de 46 % en France, passant de 354 151 à 516 101 (hors secteur des transports). Ce chiffre serait imputable à une augmentation des contrôles qui aurait induit un plus grand nombre de déclarations. Cette explication peut apparaître plausible. Le rapport publié par votre commission des affaires européennes en avril 2013 indiquait déjà que le nombre de salariés détachés non déclarés en France était situé entre 220 000 et 300 000 personnes 3 ( * ) . Le nombre de salariés détachés en France avait déjà augmenté de 24 % en 2016 et de 25 % en 2015. Ces chiffres sont à rapprocher du nombre de salariés détachés en 2005, qui ne dépassait pas 25 000. Il convient, pour autant, de ne pas se focaliser sur un afflux des pays de l'Est, l'Allemagne (plus de 37 500 déclarations 4 ( * ) ) et l'Espagne (près de 26 000 déclarations) étant les deux pays pourvoyant le plus de travailleurs détachés en France. Une analyse des nationalités de ceux-ci montre que les Portugais sont les principaux concernés (près de 74 500 en 2017) devant les Polonais (plus de 61 000), les Allemands et les Roumains étant autour de 45 000. Plus de 37 000 Français sont également détachés en France.
En 2017, 208 588 déclarations de détachement hors transport ont été produites. Le nombre de déclarations a augmenté de 64 % par rapport à 2016 (+ 57 % entre 2015 et 2016) Les cinq régions les plus concernées sont le Grand-Est (45 012 déclarations et 91 063 salariés détachés), l'Ile-de-France (30 225 déclarations et 73 235 salariés détachés), l'Auvergne-Rhône-Alpes (26 681 déclarations et 67 683 salariés détachés), Provence-Alpes-Côte d'azur (25 429 déclarations et 67 357 salariés détachés), et les Hauts-de-France (24 582 déclarations et 56 945 salariés détachés). Ces régions concentrent 71 % des déclarations (151 929) et 67 % des salariés détachés (356 283) en France. Les secteurs « autres » (évènementiel, service, etc.) et de l'industrie effectuent le plus de déclarations de détachement avec respectivement 65 545 et 63 789 déclarations, et 156 199 et 138 063 salariés détachés. Au total, ces deux secteurs concentrent 61 % des déclarations et 57 % des salariés détachés en France. Viennent ensuite en troisième et quatrième positions le BTP - 48 343 déclarations de détachement (23 % du total) et 122 420 salariés détachés (24 % du total) - et l'agriculture - 21 827 déclarations de détachement (10 % du total) et 67 601 salariés détachés (13 % du total). Les autres secteurs effectuent moins de 4 000 déclarations de détachement hors transport concernant moins de 20 000 salariés détachés. Les pays qui détachent le plus grand nombre de salariés en France sont l'Allemagne (37 507 déclarations), l'Espagne (25 691 déclarations), le Portugal (20 997 déclarations), la Belgique (19 287 déclarations), l'Italie (17 288 déclarations), la Pologne (16 693 déclarations), et le Luxembourg (14 433 déclarations). Ces sept pays concentrent 73 % des déclarations de détachement hors transports. S'agissant de la nationalité, ce sont les ressortissants portugais (74 425 salariés), polonais (61 119 salariés), allemands (45 164 salariés), roumains (44 671 salariés), français (37 680 salariés), belges (36 824 salariés), espagnols (33 840 salariés) et italiens (32 967 salariés) qui sont le plus souvent détachés en France.
Source : Commission nationale de lutte contre le
travail illégal
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La Commission européenne a présenté, le 8 mars 2016, une proposition de directive révisant le dispositif de 1996 sur le détachement des travailleurs 5 ( * ) . L'ambition affichée était de garantir l'égalité de traitement des travailleurs exerçant une même tâche au même endroit. Dans le même temps, la Commission souhaitait majorer le coût du détachement pour réduire le phénomène de dumping social. Le texte ciblait quatre points : la rémunération, la durée du détachement, les chaînes de sous-traitance et le recours aux agences d'intérim 6 ( * ) . Cette évolution de la législation doit permettre, selon la Commission, d'éviter les pratiques de concurrence déloyale en majorant le coût du détachement. La Commission rappelle que le détachement des travailleurs permet également de pallier un manque de main-d'oeuvre dans certains secteurs, et qu'il peut constituer une réponse à un choc économique asymétrique en soutenant l'emploi dans l'État membre d'origine et contribuer à la demande dans l'État d'accueil. Dans ce contexte, la révision ciblée doit permettre de préciser les conditions d'application de la directive, en intégrant notamment la jurisprudence récente de la Cour de justice.
Sept gouvernements, dont la France, avaient appelé à une révision de la directive de 1996 dans une lettre adressée, le 5 juin 2015, à la commissaire européenne à l'emploi et aux affaires sociales, Mme Marianne Thyssen 7 ( * ) . Les ministres insistaient, dans ce document, sur le principe d'un salaire égal sur un même lieu de travail. Ces États souhaitaient dépasser le « noyau dur » de règles minimales prévu par la directive de 1996. À l'inverse, neuf gouvernements avaient manifesté leur opposition à tout projet de révision dans un courrier également adressé à la commissaire européenne 8 ( * ) . Ils relevaient en premier lieu que la directive d'exécution n'avait pas encore été partout transposée. Ils jugeaient ensuite que toute révision pourrait remettre en cause la liberté de service et fragiliser le marché intérieur. Cette opposition a trouvé un prolongement parlementaire, avec l'adoption par les parlements de 11 États membres d'avis motivés concluant au non-respect du principe de subsidiarité 9 ( * ) . La Commission a rejeté cet argument le 20 juillet 2016.
Ce clivage s'est retrouvé tout au long des négociations au Conseil, contribuant à les ralentir. Un compromis a néanmoins pu être adopté le 23 octobre 2017, ouvrant la voie à un trilogue avec le Parlement européen. Le vote a montré que les pays dont les parlements avaient déposé un avis motivé contre le texte en mai 2016 n'étaient plus unis sur cette question. Seules la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne ont voté contre. La Croatie, l'Irlande et le Royaume-Uni se sont abstenus. Le rapport de la commission Emploi adopté le 16 octobre 2017, à l'initiative des co-rapporteures Agnès Jongerius (Pays-Bas - S&D) et Élisabeth Morin-Chartier (France - PPE) a, de son côté, constitué la position du Parlement européen pour le trilogue 10 ( * ) .
LE DROIT EXISTANT
LA DIRECTIVE DE 1996
Aux termes de la directive 96/71 du 16 décembre 1996, les entreprises qui détachent leurs salariés doivent appliquer la législation sociale du pays dans lequel se déroule le contrat, sauf à ce que le droit du pays d'envoi soit plus avantageux. Le texte prévoit ainsi un « noyau dur » composé de normes nationales qui s'imposent aux entreprises.
Les travailleurs détachés doivent ainsi percevoir les taux de salaire minimal du pays d'accueil. Le degré de qualification, l'ancienneté et les éléments de salaire annexes ne sont pas mentionnés. Seules les allocations propres au détachement sont considérées comme faisant partie du salaire minimal, à l'exception des dépenses de logement, de nourriture et de voyage liées au détachement.
Les autres normes devant s'imposer concernent les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos, la durée minimale des congés annuels payés, les conditions de travail des femmes - plus particulièrement des femmes enceintes, des jeunes et des enfants -, les conditions de mise à disposition des travailleurs - notamment ceux issus des agences d'intérim -, et les mesures visant la sécurité, la santé et l'hygiène au travail.
Ces normes doivent être de nature législative et réglementaire. Elles peuvent également être issues de conventions collectives d'application générale pour le secteur de la construction. La directive laisse néanmoins la possibilité aux États membres d'appliquer les conventions collectives à tous les secteurs économiques. C'est le cas en France. Le noyau dur s'impose également aux entreprises de pays tiers à l'Union européenne détachant des travailleurs sur le territoire de celle-ci.
Si la directive met en avant le principe du pays d'accueil en ce qui concerne la rémunération et les conditions de travail, elle ne vise pas l'affiliation aux régimes de sécurité sociale. Les salariés détachés sont maintenus au régime de l'État d'envoi. Le détachement ne peut toutefois dépasser 24 mois. Le certificat A1 permet d'attester l'affiliation au régime de sécurité sociale du pays d'établissement 11 ( * ) .
LA DIRECTIVE D'EXÉCUTION DE 2014
L'Union européenne a adopté, le 15 mai 2014, une directive d'exécution destinée à préciser les modalités d'application de la directive de 1996 12 ( * ) . Ce texte tend à prévenir le risque de fraude et prévoit, à cet effet, une liste ouverte de contrôles. Les États peuvent notamment imposer aux entreprises qui détachent une obligation de déclaration et de conservation, durant toute la durée du détachement, du contrat de travail, des fiches de paie, des relevés d'heures ou des preuves du paiement des salaires. Un correspondant chargé de négocier au nom de l'employeur avec les partenaires sociaux du pays d'accueil peut également être désigné.
La directive d'exécution introduit également un mécanisme de responsabilité solidaire du donneur d'ordre, limité au sous-traitant direct. Ce dispositif est circonscrit au secteur de la construction, ce qui ne reflète pas le recours au détachement dans des secteurs tels que l'agriculture, les transports ou l'événementiel. La directive d'exécution laisse néanmoins la possibilité à un État membre d'étendre ce dispositif à d'autres secteurs.
La directive d'exécution prévoit que les autorités de contrôle des États membres relèvent un certain nombre d'éléments en vue d'apprécier si l'entreprise qui détache ses salariés exerce réellement une activité substantielle dans le pays où elle est affiliée : lieu d'établissement du siège, lieu de recrutement, lieu d'exercice de l'activité, nombre de contrats exécutés ou montant du chiffre d'affaires réalisé dans l'État d'établissement notamment. Ce faisceau d'indices est destiné à vérifier tant la réalité du détachement que l'existence réelle de l'entreprise.
La directive d'exécution prévoit enfin que la Convention de Rome 13 ( * ) , transposée en 2008 dans la législation européenne 14 ( * ) , s'applique si le détachement ne peut être totalement caractérisé. Celle-ci détermine le droit applicable aux travailleurs exerçant leur activité en dehors de leur pays de résidence ou de celui d'établissement de leur entreprise. Un salarié ne peut ainsi être privé du bénéfice des dispositions obligatoires que lui accorde l'État membre dans lequel ou à partir duquel il accomplit habituellement son travail.
LE COMPROMIS ADOPTÉ EN TRILOGUE
Les négociateurs du Conseil et du Parlement européen sont parvenus à un accord informel, le 28 février dernier, sur la révision de la directive relative au détachement des travailleurs. Cet accord doit désormais être approuvé par les deux institutions. Un premier vote est intervenu en ce sens le 29 mai au Parlement européen. Le Conseil devrait se prononcer le 21 juin. Un vote au COREPER du 11 avril 2018 a déjà approuvé les orientations du Trilogue : seules la Hongrie et la Pologne s'y sont opposées, la Croatie (confrontée à un problème de fuite de main-d'oeuvre), l'Irlande et le Royaume-Uni se sont abstenus.
Destiné à garantir le principe « À travail égal, salaire égal dans un même lieu », l'accord prévoit que la « rémunération » du pays d'accueil soit versée aux travailleurs détachés, à condition qu'elle soit plus élevée que dans le pays d'envoi. La notion de « taux de salaire minimal » est, de fait, écartée du dispositif. Cette rémunération intègre les allocations propres au détachement. Celles-ci demeurent, dans la plupart des États membres, exonérées des cotisations sociales.
Le texte rappelle la distinction entre allocations propres au détachement et remboursements de frais (logement, nourriture et transport notamment) occasionnés par le détachement. Ces remboursements ne font pas partie de la rémunération. Ils seront effectués selon les conditions du pays d'envoi, ce qui peut paraître inadapté compte tenu des différences de coût de la vie de part et d'autre de l'Union européenne. À l'initiative du Parlement européen, la mention de conditions dignes d'hébergement apparaît dans le texte. Cette demande était particulièrement soutenue par le Gouvernement français, qui n'avait pu le faire figurer dans le compromis du Conseil. Il convient enfin de rappeler que, d'après la Commission européenne, dans le cadre du nouveau dispositif, le coût salarial mensuel d'un ouvrier polonais dans le bâtiment détaché en France pourrait passer de 1 587 à 1 960 euros ; le coût d'un salarié français restant cependant plus élevé, compte tenu du différentiel de charges sociales (2 146 euros) 15 ( * ) .
Le texte reprend également le principe retenu par le Parlement européen d'une application au salarié détaché des conventions collectives non universelles, à savoir les accords collectifs sectoriels, régionaux et locaux, aux travailleurs détachés. Les conventions à portée restreinte (régionales ou établies au niveau de l'entreprise) n'étaient pas abordées dans le texte de la Commission. À l'initiative de la commission des affaires européennes, le Sénat avait demandé, en 2016, que les accords d'entreprises soient également visés 16 ( * ) . Ils n'ont pas été retenus dans l'accord qui va, néanmoins, plus loin que le compromis obtenu au Conseil le 23 octobre 2017.
La durée maximale de détachement est, quant à elle, établie à 12 mois avec possibilité de prolongation de 6 mois supplémentaires, soit la position adoptée par le Conseil, à l'initiative de la France. Pour bénéficier de la prolongation, l'entreprise devra adresser une « notification motivée » aux autorités compétentes de l'État membre d'accueil. La Commission prévoyait initialement de limiter la durée de détachement à 24 mois, soit la durée actuellement prévue par les règlements de coordination des régimes de sécurité sociale. La période de 18 mois n'est pas individualisée en cas de remplacement de travailleurs détachés effectuant la même tâche au même endroit. Cette réduction de la durée du détachement va incontestablement dans le bon sens, en particulier dans le cas des chantiers d'envergure. Il serait néanmoins opportun d'apprécier cette durée de 18 mois cumulée sur une période plus large, plus difficile à contourner. On constate en effet actuellement un contournement de la durée de 24 mois prévue par le règlement de 2004 sur la coordination des régimes de sécurité sociale 17 ( * ) . Les salariés détachés rentrent dans le pays d'envoi à l'issue de cette période, avant d'être de nouveau détachés un ou deux mois plus tard sans avoir réellement exercé d'activité sur le territoire du pays d'envoi. Il apparaît également indispensable que le droit européen de la sécurité sociale soit modifié afin de caler la durée du détachement prévue par celui-ci sur les nouvelles dispositions adoptées en matière de droit européen. Il s'agit ainsi d'éviter toute incertitude juridique, et donc possibilité de fraude. Au-delà de ces préconisations, il convient de rappeler que la moyenne d'un détachement en France atteint 47 jours.
S'agissant de la durée de transposition, l'accord prévoit une période de deux ans, ce qui constitue une réelle avancée compte tenu de la position initiale du Conseil. Celui-ci tablait sur une période pouvant aller jusqu'à quatre ans : les États devaient transposer le texte dans les trois ans qui suivent son adoption et disposaient ensuite d'un an pour le mettre en oeuvre.
Le Parlement européen avait, comme le Sénat avant lui, souhaité aller plus loin en ce qui concerne la base légale du texte. Il militait pour que soit fait référence à l'article 151 du Traité sur le fonctionnement l'Union européenne sur les objectifs sociaux de l'Union européenne, et non plus seulement à l'article 57 du même traité sur la libre prestation de services. Cette option n'a pas été retenue dans l'accord informel. Il est néanmoins fait référence à l'article 1 er du nouveau dispositif à la protection des conditions de travail et de santé des travailleurs détachés ainsi que de leurs droits fondamentaux.
Le texte devrait, en outre, garantir l'égalité de traitement entre travailleurs intérimaires locaux et travailleurs détachés par une société d'intérim d'un autre État membre. Aux termes du projet, douze États membres devront changer leur législation 18 ( * ) pour permettre que le principe du droit le plus favorable s'impose pour des intérimaires détachés auprès d'une entreprise liée par des conventions collectives d'application non générale. Le droit qui s'appliquera alors sera celui - s'il est plus favorable - concernant les travailleurs intérimaires locaux, et non celui des salariés d'une entreprise. Il convient de rappeler que le travail temporaire représente 23 % des déclarations de détachement en France. Le texte n'aborde pas, cependant, la question de la réalité de l'activité des agences d'intérim et le risque que celles-ci s'avèrent être de véritables « entreprises boîte aux lettres », sans activité dans le pays d'envoi.
Le texte prévoit enfin des contrôles plus soutenus et la mise en place d'un site officiel unique qui s'impose aux États membres. Il détaillera les éléments de rémunération. Comme indiqué dans le compromis du Conseil et initialement envisagé par la Commission européenne, l'accord renvoie à un texte spécial les modalités de mise en oeuvre des règles de détachement au secteur du transport routier.
LES QUESTIONS EN SUSPENS
LES CHAÎNES DE SOUS-TRAITANCE
Dans le texte initial, la Commission européenne proposait qu'un État membre puisse imposer à l'ensemble de la chaîne de sous-traitance les mêmes règles de rémunération que celles qui lient le contractant principal, même si ces dispositions résultent d'une convention d'application non générale. Ainsi, si la loi nationale prévoit que le contractant ne peut sous-traiter qu'à des entreprises qui respectent la convention en matière de rémunération, l'État d'accueil aurait pu appliquer la même règle au sous-traitant issu d'un autre État membre. Les sous-traitants auraient donc dû, quel que soit leur rang dans la chaîne de sous-traitance et quel que soit l'État membre d'établissement, rémunérer les salariés au niveau de la rémunération du pays d'accueil. La Commission prend de la sorte acte d'un arrêt de la Cour de justice de novembre 2015 aux termes duquel la participation à un marché public pouvait être subordonnée à l'engagement à verser un salaire minimum, notamment lorsqu'il y a recours à un sous-traitant 19 ( * ) . La mesure n'était, par ailleurs, pas limitée aux marchés publics mais pouvait s'appliquer à des relations contractuelles privées.
La rédaction retenue par la Commission autorisait les États à le faire sans les y obliger. Il était, par ailleurs, possible de s'interroger sur la chaîne de sous-traitance elle-même. Ainsi, un donneur d'ordre dans le secteur de la construction peut-il imposer les conventions collectives à une entreprise de gardiennage à qui il a sous-traité la surveillance du chantier ?
Ces questions méritaient d'être précisées plus que d'être évacuées, puisque les dispositions n'ont, finalement, pas été retenues. Le recours à une chaîne de sous-traitance développée pourra donc continuer à constituer une des principales entorses à l'application du régime du détachement, et contribuer à l'émergence de « sociétés boîte aux lettres » (cf infra ) 20 ( * ) .
LA LUTTE CONTRE LES « ENTREPRISES BOÎTE AUX LETTRES » ET LEURS DÉCLINAISONS
La qualification de « société boîte aux lettres » renvoie à plusieurs réalités en matière de détachement. On peut distinguer trois cas :
- la société « coquille vide », qui n'exerce aucune activité significative dans son pays d'origine mais qui oeuvre plutôt de façon permanente et stable dans le pays d'accueil en étant moins chère que ses concurrentes. Ces entreprises sont en situation de défaut d'établissement puisqu'elles devraient en fait être immatriculées au registre du commerce du pays où elles exercent réellement leurs activités et être affiliées au régime de sécurité sociale de celui-ci ;
- la société « réservoir de main-d'oeuvre », qui n'exerce pas réellement d'activité significative dans son pays et se contente de détacher des travailleurs auprès d'une autre société, sans pour autant se présenter comme une entreprise de travail intérimaire. Il s'agit là de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif, ce qui est formellement interdit par la législation française notamment ;
- la « société boîte à lettres », qui n'exerce aucune activité réelle dans le pays où elle est affiliée. Il s'agit d'une pure société de domiciliation utilisée par une entreprise issue d'un autre pays où les cotisations sociales sont plus élevées. L'entreprise-mère met ensuite en place un faux détachement ;
- les faux indépendants : les travailleurs recrutés dans ce cadre exécutent des tâches qui peuvent être requalifiées comme emploi salarié. Ils n'exercent, par ailleurs, aucune activité dans leur pays d'origine.
Aux termes de l'article 4 de la directive d'exécution de 2014, les autorités des pays d'accueil peuvent demander un certain nombre d'éléments en vue d'apprécier si l'entreprise qui détache ses salariés exerce réellement une activité substantielle dans le pays où elle est affiliée. Elle prévoit un faisceau d'indices (lieu d'établissement du siège, lieu de recrutement, lieu d'exercice de l'activité, nombre de contrats exécutés ou montant du chiffre d'affaires réalisé dans l'État d'établissement) destiné à vérifier la réalité de l'activité des sociétés. La notion d'activité substantielle reste cependant relativement imprécise. Afin de prévenir le recours à de faux détachements, il paraissait nécessaire, comme l'avait déjà demandé le Sénat en 2016, d'aller plus loin en imposant, dans la directive, des critères quantifiables : le chiffre d'affaires annuel d'une entreprise dans un pays d'accueil ne devrait pas dépasser 25 % de son chiffre d'affaires annuel.
La lutte contre le recours aux « sociétés boîte aux lettres » peut cependant passer par un autre biais. La Commission européenne a, en effet, présenté, le 25 avril dernier, une proposition de directive visant les transformations, fusions et scissions transfrontalières d'entreprises 21 ( * ) . Le débat à venir sur ce texte doit constituer l'occasion d'inscrire, dans le droit européen, qu'une société européenne ne peut être autorisée à localiser ou à transférer son siège social dans un État membre où elle n'a aucune véritable activité économique. Il convient de parvenir à une véritable harmonisation en la matière, au regard notamment de la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne.
Dans un arrêt rendu en avril 2018, la Cour a, en effet, considéré que la liberté d'établissement est applicable en cas de transfert du siège statutaire seul, sans déplacement du siège réel, d'un État membre à un autre si ce dernier accepte l'enregistrement d'une société alors même que cette dernière n'y exerce aucune activité économique 22 ( * ) . L'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) sur la liberté d'établissement n'exige pas, dans ce cas, l'exercice d'une activité économique comme condition préalable à son applicabilité. La Cour estime, en outre, qu'en l'absence d'harmonisation, les États membres sont compétents pour décider du lien de rattachement d'une société à leur droit national, et donc pour appliquer leurs propres conditions aux sociétés entrantes. La Cour rappelle enfin que le fait d'établir le siège, statutaire ou réel, d'une société en conformité avec la législation d'un État membre dans le but de bénéficier d'une législation plus avantageuse n'est pas, en soi, constitutif d'abus.
L'AUTORITÉ EUROPÉENNE DU TRAVAIL ET L'AMÉLIORATION DES CONTRÔLES
La Commission a annoncé, le 13 mars dernier, la création d'une Autorité européenne du travail 23 ( * ) . Ce projet, appuyé par les autorités françaises, s'inscrit dans la lignée de la révision en cours de la directive sur le détachement des travailleurs et de la mise en oeuvre, en 2016, d'une plateforme européenne de lutte contre le travail illégal. L'ambition affichée est de mieux encadrer les conditions d'exercice de la liberté de circulation des travailleurs et d'assurer ainsi une mobilité équitable.
À l'occasion de son discours sur l'état de l'Union prononcé le 13 septembre 2017, le président de la Commission européenne avait envisagé la création d'une Autorité commune du travail destinée « à veiller au respect de l'équité dans notre marché unique » et à lutter contre l'apparition de « travailleurs de seconde classe ». Un tel dispositif avait déjà été ébauché en 2013 par la Commission européenne. Il s'agissait alors de créer une structure destinée à coordonner et renforcer les investigations menées par les inspecteurs du travail au niveau national. Dans une résolution européenne adoptée en 2013, l'Assemblée nationale avait également dressé les contours d'une Agence européenne du travail mobile, dont l'activité serait transectorielle 24 ( * ) .
L'Autorité européenne du travail est censée répondre au besoin, maintes fois réaffirmé des organismes de contrôle nationaux, d'un renforcement concret de la coopération administrative entre les États membres. Les autorités de contrôle des États d'accueil rappellent régulièrement les difficultés rencontrées pour pouvoir avoir accès à des documents ou des informations dont disposent les États d'envoi, alors même que les opérations de détachement sont, par essence, limitées dans le temps. La coopération est, dans ces conditions, souvent jugée décevante, voire inopérante. Il s'agit, à cet effet, de dynamiser la coopération opérationnelle mais aussi de proposer une médiation rapide - moins de trois mois -, et de faciliter la recherche de solutions en cas de différends ou de perturbations transfrontières du marché du travail liées à des restructurations d'entreprises multinationales. L'Autorité devrait, par ailleurs, fournir des informations sur la mobilité de la main-d'oeuvre aux particuliers et aux entreprises.
L'Autorité ne se substituera pas, cependant, aux États membres en vue de veiller au respect du droit de l'Union en matière de mobilité. Elle n'exercera, conformément aux traités, qu'une compétence d'appui et permettra avant tout de fluidifier la coopération administrative entre États. Il ne s'agit pas de créer une inspection européenne du travail mais plutôt de faciliter les échanges entre les corps nationaux dédiés, en promouvant, en la matière, des approches novatrices et en permettant la mise en oeuvre d'inspections concertées et communes. L'Autorité apportera alors un soutien logistique et technique et relaiera, le cas échéant, auprès des États membres concernés, des soupçons d'irrégularité qui découleraient de ces contrôles. Elle prendrait alors le relais des accords bilatéraux en matière de contrôle signés par de nombreux États membres : 8 devraient ainsi être signés par la France en 2018.
La nouvelle Autorité devrait coopérer avec plusieurs organismes existants, pour l'essentiel des comités techniques ou d'experts. Il est regrettable qu'elle ne s'y substitue pas. Elle aurait ainsi plus pleinement simplifié le paysage institutionnel et décloisonné les différents services en charge de la mobilité transfrontière (la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofund), le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cefedop), l'Agence pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA), la Fondation européenne pour la formation (ETF) ou le portail européen sur la mobilité de l'emploi (EURES)) . Elle devrait cependant prendre le relais de la plateforme européenne sur le travail non déclaré lancée en mai 2016 25 ( * ) . Celle-ci se réunit pour l'heure deux fois par an. Trois priorités lui ont été assignées : acquérir une meilleure connaissance des différentes formes du travail non déclaré, aider les membres à apprendre les uns des autres grâce à l'échange de bonnes pratiques, et encourager les activités conjointes telles que les échanges de personnel, les inspections transfrontalières communes ou les campagnes. Il s'agit désormais de rendre ce dispositif plus opérationnel et plus contraignant qu'il ne l'est actuellement.
Le budget prévu pour ce nouvel organe sera de l'ordre de 50,9 millions d'euros annuels ; 144 postes, dont 60 experts nationaux détachés, étant créés. Le financement pour la période 2019-2020 sera réalisé par des redéploiements de crédits.
À l'instar de ce que propose le rapporteur de la commission Emploi et affaires sociales du Parlement européen sur le projet de révision des règlements de coordination des systèmes de sécurité sociale, M. Guillaume Balas (France - S&D) (cf infra ), il pourrait être envisagé d'aller plus loin et de permettre à l'Autorité de s'appuyer sur une « banque-carrefour de la sécurité sociale », sur le modèle belge, fondée sur une interconnexion des systèmes européens de sécurité sociale 26 ( * ) . Une entité d'un État membre pourrait directement y consulter les données sur un travailleur détaché sans passer par une procédure d'échange. Instituée en 1990, la Banque carrefour de la sécurité sociale belge (BCSS) a développé un réseau électronique reliant les différentes institutions de sécurité sociale locales. Chacune d'entre elles est responsable de l'enregistrement et de la tenue à jour des informations contenues dans sa banque de données. Elle permet aux services sociaux de vérifier la véracité des déclarations d'emploi et, ainsi, de lutter contre le travail illicite ou dissimulé. Les assurés bénéficient, de leur côté, de services personnels électroniques leur permettant de consulter et de gérer leurs dossiers sociaux (mutuelle, retraite, chômage).
Il pourrait également être envisagé que la nouvelle Autorité publie une liste noire des entreprises condamnées pour fraude au détachement, consultable par les autorités de contrôle . Elle pourrait, dans le même temps, élaborer un registre d'entreprises réalisant des prestations de service au sein de plusieurs États membres afin de mieux cerner les « entreprises boîte aux lettres ».
LA RÉVISION DES RÉGLEMENTS DE COORDINATION DES RÉGIMES DE SÉCURITÉ SOCIALE
La Commission européenne a présenté, en décembre 2016, une proposition de révision des règlements de coordination des régimes de sécurité sociale de 2004 et 2009 27 ( * ) .Le texte vise, notamment, à lutter contre la fraude au détachement en renforçant la procédure de délivrance, le format et le contenu du formulaire A1, qui atteste, dans le cadre du détachement, la législation en matière de sécurité sociale qui s'applique. Un vote sur l'ensemble du texte est attendu à la fin de l'année 2018.
S'agissant du volet Détachement de sa proposition, la Commission souhaite que les autorités nationales disposent des outils nécessaires pour vérifier le statut des travailleurs détachés au regard de la sécurité sociale. Elle établit des procédures plus claires en matière de coopération entre ces autorités afin de faire face aux pratiques potentiellement déloyales ou abusives.
Elle renforce ainsi les obligations incombant aux institutions qui délivrent le document portable A1 - qui atteste la législation en matière de sécurité sociale applicable au travailleur détaché - pour ce qui est de l'appréciation des informations pertinentes. La Commission souhaite, notamment, garantir l'exactitude des éléments qui sont consignés dans cette attestation.
Elle prévoit, en outre, des délais clairs pour les échanges d'informations entre les autorités nationales. La proposition vise ainsi à faciliter les échanges d'informations d'un pays à l'autre entre les institutions de sécurité sociale et les services de l'inspection du travail, les services de l'immigration ou de l'administration fiscale des États membres, afin de faire en sorte que toutes les obligations juridiques en matière d'emploi, de santé, de sécurité, d'immigration et de taxation soient respectées.
La proposition de la Commission européenne insiste enfin sur l'interdiction de remplacer un travailleur salarié ou non salarié détaché par un autre travailleur salarié ou non salarié détaché à l'issue d'un détachement dont la durée ne peut, par ailleurs, excéder 24 mois.
LE CERTIFICAT A1
L'ambition affichée par la Commission européenne de renforcer les obligations des États membres en ce qui concerne le certificat A1 mériterait d'être précisée. Les solutions pratiques envisagées depuis plusieurs années par les organisations professionnelles (numérisation, photographie du titulaire etc.) ne sont pas reprises dans le texte, qui renvoie à des actes délégués la nature des mesures à prendre en vue de mieux le sécuriser.
LA NÉCESSAIRE SÉCURISATION DU FORMULAIRE A1
La résolution adoptée par le Sénat en 2016 sur la révision de la proposition de la directive « détachement » de 1996 insistait également sur la nécessité de sécuriser ce formulaire, en y apposant par exemple une photo du détenteur. Le rapporteur de la commission Emploi et affaires sociales du Parlement européen, M. Guillaume Balas (France - S&D), plaide de son côté pour une numérisation des formulaires afin de s'assurer de leur caractère infalsifiable. Le texte de la Commission ne prévoit pas de telles mesures.
Le formulaire devrait par ailleurs intégrer un numéro de sécurité sociale européenne . La création d'un numéro de sécurité sociale européenne a été annoncée par la Commission européenne à l'occasion de la présentation du programme de travail pour 2018. Elle en a esquissé les contours dans sa communication sur la mise en oeuvre du socle européen des droits sociaux, présenté le 13 mars 2018 28 ( * ) . Ce numéro est envisagé comme un identificateur numérique permettant de rendre interopérables les systèmes existants. Le dispositif favoriserait notamment la portabilité transfrontière des droits. Il faciliterait une identification et une vérification en temps réel de la couverture et réduirait les risques d'erreur et de fraude liés à l'utilisation de documents papier. Un premier projet devait être présenté en même temps que la création de l'Autorité européenne du travail. La Commission a néanmoins souhaité différer son projet pour des raisons techniques portant sur son format physique (puce, carte ou clé), son mode de financement, et la question de la protection des données.
Au-delà du format du document, il s'agit également de renforcer les conditions de sa réception par les autorités de contrôle de l'État d'accueil. Ledit formulaire devrait ainsi être envoyé préalablement au détachement, même si la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne n'impose aucun délai pour la délivrance d'une attestation. Une forme de flexibilité doit cependant être laissée aux États concernant l'utilisation de ce formulaire. Cette souplesse est autorisée par la Cour. Elle a, en effet, estimé justifiée en 2014 la législation belge en matière de détachement qui impose à l'employeur de travailleurs détachés, dans le cadre d'une prestation de services, de déclarer préalablement ces travailleurs détachés à l'office belge de sécurité sociale, laissant une certaine souplesse aux États membres en la matière 29 ( * ) . La loi belge impose, en effet, aux destinataires d'une prestation de services effectuée par des travailleurs détachés non seulement de contrôler, avant le début de la prestation, si l'employeur des travailleurs détachés a procédé à cette déclaration auprès de l'office de sécurité sociale, mais aussi, le cas échéant, de collecter auprès desdits travailleurs, également avant tout début d'exécution de la prestation, leurs données d'identification ainsi que celles de leur employeur, et de les transmettre aux autorités compétentes. Les restrictions à la libre prestation de services sont de fait admises s'il existe une raison impérieuse d'intérêt général qui ne soit pas déjà sauvegardée, propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit, et que la mesure restrictive soit proportionnée.
LE RECOURS AUX ACTES DÉLÉGUÉS
Pour l'heure, le texte de la Commission européenne prévoit un recours aux actes d'exécution pour mettre en place une procédure-type assortie de délais pour la délivrance, le format, le contenu du document - le formulaire A1 - attestant la législation en matière de sécurité sociale qui s'applique. Les actes porteront également sur la détermination des situations dans lesquelles le document est délivré, ainsi que les éléments à vérifier avant la délivrance du document. Ils aborderont la question du retrait du document lorsque son exactitude et sa validité sont contestées par l'institution compétente de l'État membre d'emploi.
Conformément à l'article 291 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'acte d'exécution est défini par sa raison d'être, soit la nécessité de conditions uniformes d'exécution. Aux termes de l'article 291, la première responsabilité en matière d'application du droit de l'Union incombe aux États membres. Toutefois, dès lors que des conditions uniformes d'exécution sont nécessaires, la Commission doit exercer sa compétence exécutive. Il y a cependant lieu de s'interroger, dans le cas présent, sur une telle délégation de pouvoir à la Commission européenne, puisqu'elle concerne le renforcement de la lutte contre la fraude.
Il paraît au contraire indispensable que la réflexion sur le formulaire A1 fasse l'objet de débats approfondis au Conseil, et qu'une certaine marge de manoeuvre soit laissée aux États.
Il convient de rappeler à cet égard les travaux entourant la rédaction de la directive d'exécution de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs, adoptée en 2014. La rédaction initiale de l'article 9 prévoyait une codification de la jurisprudence communautaire en matière de contrôle. Il dressait ainsi une liste précise de mesures pouvant être imposées par l'État membre d'accueil à une entreprise étrangère qui détache des salariés sur son territoire : obligation de déclaration et de conservation, durant toute la durée du détachement, du contrat de travail, des fiches de paie, des relevés d'heures ou des preuves du paiement des salaires. Un correspondant chargé de négocier au nom de l'employeur avec les partenaires sociaux du pays d'accueil devrait pouvoir être désigné. Aucune autre disposition ne pouvait être imposée à une entreprise qui détache. Un certain nombre d'États membres, à l'instar de la France, de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Espagne, de la Finlande ou des Pays-Bas, militaient pour une liste ouverte de contrôles. Il s'agissait d'être le plus réactif possible face à des mécanismes de fraude de plus en plus complexes. La rédaction définitive de l'article 9 répond en large partie à cette demande en reconnaissant le principe d'une liste ouverte. La Commission doit être informée de toute nouvelle mesure sans pour autant qu'il s'agisse d'un dispositif de pré-autorisation. Cette souplesse, requise en matière de droit du travail, doit trouver un prolongement en matière de droit de la sécurité sociale, ce que ne permet pas le projet de la Commission européenne.
Le Sénat a déjà transmis à la Commission ses réserves quant à la compatibilité du projet de règlement avec le principe de subsidiarité, en soulignant que les actes d'exécution ne seront pourtant pas soumis aux parlements nationaux au titre du contrôle du respect du principe de subsidiarité 30 ( * ) . Ces observations seront une nouvelle fois rappelées dans la proposition de résolution européenne annexée au présent rapport.
LA QUESTION DE L'OPPOSABILITÉ DU CERTIFICAT A1
Dans la proposition de résolution européenne qu'il avait adoptée en juillet 2016, le Sénat avait émis le souhait que les certificats A1 puissent être déqualifiés dès lors qu'il existe des doutes sérieux quant à la réalité du détachement. Pour l'heure, le droit européen dispose que le certificat établi par l'État d'envoi s'impose aux institutions des autres États membres aussi longtemps qu'il n'est pas retiré ou déclaré invalide par l'État membre où il a été établi. Ce raisonnement s'appuie sur le principe de confiance mutuelle, qui crée une présomption de régularité pour les autorités du pays d'accueil.
La question de l'opposabilité des certificats a été abordée par la Cour de justice de l'Union européenne suite à un renvoi préjudiciel de la Cour de cassation française. Celui-ci concernait une condamnation de 2011, confirmée en 2013, visant le croisiériste allemand A-Rosa Flussschiff . Celui-ci avait fait travailler, sur des navires postés sur le Rhône et la Saône, 91 employés sous contrat suisse 31 ( * ) . L'URSAFF a estimé, en 2007, que les deux bateaux avaient une activité « permanente et exclusive » en France, leurs salariés devant donc être affiliés à la sécurité sociale française. Les certificats A1 ont donc été suspendus et un redressement de 2 millions d'euros opéré. Dans un arrêt rendu le 27 avril 2017, la Cour estime cependant que ces certificats s'imposent dans l'ordre juridique interne de l'État membre dans lequel le travailleur salarié se rend pour effectuer un travail aussi longtemps qu'ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides par le pays d'origine, confirmant un arrêt de 2006 32 ( * ) . Les juridictions françaises ne sont pas habilitées à vérifier des certificats délivrés par la Suisse, y compris dans le cas où les travailleurs concernés ne sont pas en réalité des travailleurs détachés. L'arrêt de la Cour se fonde sur le principe difficilement contestable de confiance mutuelle entre les États. Une pièce délivrée par l'un d'entre eux est donc réputée valide.
L'État d'accueil doit, en conséquence, utiliser la procédure existante pour contester la validité d'un certificat. Cette procédure se fonde sur le principe d'obligation de coopération loyale. Saisie par l'État membre d'accueil, l'institution de l'État membre d'envoi doit reconsidérer le bien-fondé de la délivrance du certificat et, le cas échant, le retirer. Faute d'accord entre les deux États membres, la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants peut être saisie aux fins de conciliation 33 ( * ) . En cas d'échec de celle-ci, une procédure en manquement visant l'État d'envoi peut être lancée auprès de la Cour de justice de l'Union européenne.
Dans l'affaire A-Rosa , cette procédure n'a pas été utilisée par les autorités françaises. Elle ne l'a pas été non plus dans deux affaires visant les compagnies aériennes Vueling et Ryanai r. La Cour de cassation française avait confirmé, en mars 2014, la condamnation pour travail dissimulé de la compagnie Vueling , en contestant notamment la validité des certificats de détachement qu'elle produisait. De son côté, le tribunal d'Aix-en-Provence avait condamné, en octobre 2013, la compagnie Ryanair pour infraction au droit social français, estimant que les salariés de sa base marseillaise ne pouvaient être recrutés sur la base de contrats de travail irlandais, rejetant ainsi les certificats de détachement. Les deux compagnies estiment que la France est pourtant tenue d'accepter les formulaires de détachement E 101/A1 et E 102 fournis par un autre État membre. Ces deux compagnies ont demandé à la Commission européenne d'ouvrir une procédure contre la France.
Reste que la procédure de conciliation peut apparaître lourde et longue au regard de détachements limités dans le temps, puisqu'ils ne peuvent, en l'état actuel du droit, dépasser deux ans. La Cour écarte cependant expressément, dans son arrêt, les réserves des autorités françaises quant à l'efficacité de la procédure et leur volonté de prévenir la concurrence déloyale et le dumping social. Ceci ne justifie pas la méconnaissance de la procédure et, a fortiori , la décision d'écarter un certificat délivré par l'institution compétente d'un autre État membre.
La jurisprudence a cependant déjà évolué au cours des dernières semaines. Dans une affaire opposant l'État belge à une société bulgare opérant dans le secteur de la construction, la Cour de justice de l'Union européenne a en effet indiqué, le 6 février dernier, que le certificat de détachement ne pouvait s'imposer à une juridiction de l'État membre d'accueil dès lors que celle-ci constate que ce document a été obtenu ou invoqué frauduleusement. La fraude doit cependant être établie dans le cadre d'une procédure contradictoire. Il appartient donc aux autorités de contrôle d'apporter la preuve de l'existence d'une fraude, en soulignant que les conditions au titre desquelles le certificat a été délivré ne sont pas satisfaites et que les intéressés ont intentionnellement dissimulé le fait que les conditions n'étaient pas remplies 34 ( * ) . L'État membre d'accueil peut, dans ces conditions, écarter un certificat si l'État d'envoi n'a pas procédé à leur annulation.
LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'ÉCHANGES D'INFORMATION
La proposition de la Commission européenne tend à renforcer les règles applicables en matière d'échange d'informations et de vérification du statut des travailleurs au regard de la sécurité sociale.
La procédure actuelle peut, en effet, apparaître inefficace car l'État d'envoi n'est pas obligé d'accepter l'ouverture de la procédure et il n'est pas obligé de se soumettre à une décision défavorable. Le texte de la Commission ne revient cependant pas sur le caractère optionnel de la procédure qui affaiblit le principe d'obligation de coopération loyale entre les États membres, énoncé à l'article 4 du Traité sur l'Union européenne.
La Commission insiste néanmoins sur le fait que les documents A1 ne sont valables que lorsqu'ils sont intégralement complétés. Elle prévoit cependant un délai de 25 jours pour réexaminer, à la demande d'un État d'accueil, les motifs et les informations contenues dans le document A1. Si l'État d'envoi conclut à l'absence de doutes sur la validité du document, il peut à nouveau demander des éclaircissements en adressant des éléments de preuve. L'État d'envoi dispose une nouvelle fois de 25 jours pour statuer. Le délai de consultation peut être ramené à 2 jours en cas d'urgence. La pratique actuelle, définie par la décision A1 de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale du 12 juin 2009, prévoit une première phase de dialogue de trois mois, renouvelable trois mois. Faute d'accord, une seconde période de dialogue d'une durée de six semaines peut ensuite s'ouvrir. Enfin, en l'absence d'accord à l'issue de cette seconde phase et au terme d'un délai d'un mois, une procédure de conciliation peut être ouverte auprès de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale. Celle-ci dispose alors de six mois pour concilier les points de vue. Une procédure de conciliation peut donc prendre plus d'un an sans aboutir.
Le rapporteur du Parlement européen suggère, à ce titre, que le délai pour la procédure de réexamen soit réduit de 25 à 15 jours. L'État d'envoi disposerait également de 5 jours pour rectifier un document A1 en cas d'incomplétude. Passé ce délai, en l'absence de réponse, l'institution de l'État requérant pourrait requalifier le détachement. De tels amendements vont dans le bon sens.
L'APPLICATION DE LA LÉGISLATION DE L'ÉTAT DU SIÈGE
VERS UNE AFFILIATION PRÉALABLE
La proposition initiale de la Commission européenne prévoyait que le salarié détaché puisse être une personne recrutée à cette fin mais devait être, immédiatement avant son détachement, soumise à la législation sociale de l'État membre d'envoi. L'orientation générale adoptée sur la proposition de la Commission le 23 octobre dernier a, en tout état de cause, d'ores et déjà permis de retenir le principe d'une affiliation du salarié depuis au moins trois mois au régime de sécurité sociale dans l'État d'établissement de l'entreprise qui le détache. Il s'agit, de la sorte, de lutter contre les faux détachements et les « entreprises boîte aux lettres ».
Ce faisant, le Conseil reprend et améliore les termes de la décision A2 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale en date du 12 juin 2009, qui précisait « à titre indicatif », que l'exigence formulée par les termes « juste avant le début de son activité salariée » peut être considérée comme remplie si le salarié est affilié depuis un mois au régime de sécurité sociale de l'État d'envoi. Il convient de rappeler que la même décision prévoit, en outre, qu'un délai de carence de deux mois s'impose entre deux détachements dans une même entreprise.
Il serait également nécessaire, comme l'avait demandé le Sénat dans sa résolution de juillet 2016, de vérifier qu'il ait exercé une activité au sein de cette entreprise et de cet État durant au moins trois mois. Il convient de relever que cette condition existe pour les travailleurs non salariés. Aux termes du règlement n° 987/2009, ceux-ci doivent avoir exercé leur activité pendant « un certain temps » avant de bénéficier des dispositions relatives au détachement. La décision A2 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale du 12 juin 2009 précise que cette durée doit être d'au moins deux mois.
UN VERSEMENT DES COTISATIONS SOCIALES DANS LE PAYS D'ACCUEIL EST-IL ENVISAGEABLE ?
Le principe d'un alignement, en matière de détachement, du droit de la sécurité sociale sur le droit du travail peut apparaître séduisant en vue de limiter l'écart constaté entre le coût d'un travailleur local et celui d'un travailleur détaché. Reste que cette option implique une affiliation aux régimes des pays d'activités pour des périodes qui demeurent relativement courtes : 47 jours en moyenne en France, 98 au sein de l'Union européenne. De fait, une telle affiliation tend à multiplier les difficultés, qu'elles soient administratives, financières - les variations du taux de change avec les pays hors zone euro ne seront pas sans incidence -, mais aussi en termes de portabilité des droits, au moment de la reconstitution de carrière pour l'assurance-vieillesse par exemple.
Le Président de la République, dans son discours à la Sorbonne le 26 septembre 2017, a proposé une déclinaison de ce principe. Il envisageait, en effet, un alignement des cotisations sociales sur le niveau de celles perçues dans le pays d'accueil, sans pour autant remettre en cause le principe d'affiliation au régime de sécurité sociale du pays d'envoi. La collecte serait effectuée par le pays d'accueil sur la base des taux constatés en son sein. La différence entre le montant des cotisations perçues et celui rétrocédé aux États d'envoi serait affectée à un fonds de solidarité. Celui-ci pourrait aider les pays les moins riches pour les aider à converger socialement. Reste qu'aucune proposition en ce sens n'a été portée au Conseil par la France. L'absence a priori de consensus sur cette question au sein du Conseil fragilise toute concrétisation de ce projet. Les pays disposant d'avantages comparatifs en la matière n'entendront jamais accepter une telle évolution.
Plus modestement, il conviendrait sans doute de mettre en oeuvre une recommandation de la mission commune d'information du Sénat sur la commande publique. Dans son rapport publié en octobre 2015, elle envisageait le recouvrement direct, par les États d'accueil, des cotisations sociales aux fins de vérifier la réalité de l'affiliation au régime de sécurité sociale du pays d'envoi 35 ( * ) . Elle partait en effet du principe que la fraude aux cotisations sociales constituait souvent le prolongement direct de la fraude au droit du travail. Ce dispositif faciliterait, en outre, le contrôle du salaire versé au travailleur détaché.
L'ÉPINEUSE QUESTION DE LA PLURIACTIVITÉ
Dès lors qu'un travailleur est appelé à travailler de manière habituelle dans plus d'un État au cours d'une durée de 12 mois, soit simultanément, soit en alternance, sa situation au regard de la sécurité sociale ne relève plus des dispositions relatives au détachement. La pluriactivité est, en effet, encadrée par l'article 13 du règlement 883/2004, qui peut paraître beaucoup plus souple que le dispositif visant le détachement.
La législation européenne ne prévoit en effet :
- aucune limite de durée, contre 24 mois pour le détachement ;
- aucune condition relative au statut de l'employeur. Celui-ci n'est, ainsi, pas tenu d'avoir une activité substantielle dans l'État de résidence ;
- aucune définition précise de la pluriactivité, permettant de la distinguer réellement de celle de détachements successifs ou d'activités donnant lieu à soumission à la sécurité sociale de l'État d'activité.
Ces règles, ou plutôt cette absence de règle, favorisent le choix d'une législation de sécurité sociale moins coûteuse que dans l'État d'activité. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, de constater une croissance importante du nombre de travailleurs « pluriactifs » en France : 620 185 formulaires attestant de la législation applicable (A1) pour « pluriactivité » ont ainsi été émis en 2016 contre 168 279 en 2010, soit un taux de croissance annuelle de 24 %. Le nombre de travailleurs concernés serait même supérieur, faute d'obligation de déclaration. On observe même un déport du statut de travailleur détaché vers celui de travailleur pluriactif. La proportion de formulaires européens A1 délivrés en cas de « pluriactivité » par rapport au nombre total de formulaires émis croît - 27 % en 2016 contre 13 % en 2010 - alors que la proportion de « détachements » dans un seul État membre décroît (71 % en 2016 contre 83 % en 2010). Il convient, en outre, d'observer que les formulaires pour « pluriactivité » sont délivrés pour des périodes trois fois plus longues qu'en cas de détachement dans un seul État.
La « pluriactivité » recouvre des situations très variées : des activités salariées et/ou non salariées, des activités très mobiles mais aussi des situations très proches de celles du détachement dans un seul État membre : il s'agit des détachements successifs d'une personne dans deux États au moins sur 12 mois.
Un renforcement des règles relatives au détachement dans un seul État ne pourra que favoriser un recours accru à la « pluriactivité » au cours des prochaines années, si rien n'est fait pour un renforcement similaire du cadre juridique de la « pluriactivité ».
Dans le cadre de la révision des règlements de coordination des régimes de sécurité sociale, les autorités françaises ont formulé des propositions en vue de renforcer le cadre juridique. Le renforcement des dispositions en matière de détachement pourrait, en effet, induire un recours encore plus accru au statut de travailleur pluriactif. Le Gouvernement a ainsi proposé la limitation de la durée de validité du formulaire en cas de pluriactivité à 2 ans, l'application de la législation de l'État du siège de l'employeur à l'exercice d'une activité substantielle dans celui-ci et, à défaut, l'application de la législation de l'État où le salarié exerce son activité de manière prépondérante. Il entend également revenir sur la primauté systématique du régime de sécurité sociale de l'État de l'activité salariée en cas d'exercice simultané d'une activité non salariée. Des pratiques artificielles d'optimisation sociale ont, en effet, été observées en la matière.
Pour l'heure, seule l'introduction d'une condition d'activité substantielle de l'employeur dans l'État a pu être abordée au Conseil. L'opposition d'un certain nombre d'États a néanmoins conduit au retrait de cette mesure.
LE CAS DU TRANSPORT ROUTIER
La révision de la directive de 1996 renvoie à l'adoption d'une lex specialis les modalités d'application du régime du détachement au secteur du transport routier. La France était favorable à ce que la directive relie plus explicitement les deux questions. Elle s'est heurtée à l'intransigeance des pays du Groupe de Viegrad, mais aussi de l'Espagne qui a réservé en octobre dernier son vote sur le compromis à la distinction des deux régimes. Le texte initial de la Commission européenne ne prévoyait pas non plus un alignement complet.
Ce renvoi constitue néanmoins un véritable apport puisqu'il clarifie la situation du secteur du transport routier, considéré par certains États membres comme ne relevant pas du régime du détachement des travailleurs. Seuls quatre pays - Allemagne, Belgique, Espagne et France - appliquent aujourd'hui les normes relatives au détachement au transport routier de marchandises.
En 2017, 880 295 attestations de transport ont été produites par des entreprises étrangères en France. Elles représentent 81 % des déclarations de détachement. Parmi les pays qui détachent le plus en France, on retrouve la Pologne (212 776 attestations), l'Espagne (105 072 attestations), la Roumanie (99 028 attestations), la Lituanie (61 256 attestations), le Portugal (55 372 attestations), l'Allemagne (48 293 attestations) et les Pays-Bas (45 414 attestations). À eux seuls, ces sept pays concentrent 71 % des attestations de transport faites en France en 2017. Ce sont les ressortissants polonais (171 498 salariés), roumains (145 554 salariés), ukrainiens (90 905 salariés), espagnols (60 786 salariés), bulgares (47 076 salariés), néerlandais (41 380 salariés), hongrois (38 301 salariés) et allemands (37 381 salariés) qui sont les plus représentés.
Source : Commission nationale de lutte contre le travail
illégal
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La lex specialis est contenue dans le paquet « Europe en mouvement » que la Commission européenne a présenté le 31 mai 2017 36 ( * ) . L'objectif affiché de l'ensemble du paquet est de moderniser la mobilité et les transports européens afin d'aider le secteur à rester compétitif tout en garantissant une transition vers une énergie propre et la numérisation. La Commission européenne entend, dans le même temps, réduire les formalités administratives pour les entreprises, lutter contre le travail illégal et offrir aux travailleurs des conditions d'emploi et des temps de repos adéquats, en particulier dans le secteur du transport routier Elle préconise dans ces conditions la révision de deux règlements de 2009 visant les conditions à remplir pour exercer la profession de transporteur par route et l'accès au marché du transport international par routes 37 ( * ) , ainsi que celle d'un règlement de 2006 relatif au temps de travail des transporteurs routiers 38 ( * ) .
Les négociations sur ce paquet font apparaître deux groupes de pays : le premier constitué du groupe de Viegrad, de la Bulgarie, de l'Espagne, des Pays baltes et du Portugal, entend garantir les parts de marchés acquises par leurs flottes au sein de l'Union européenne. La Pologne est ainsi le premier pavillon routier européen et réalise à lui seul près de 28 % de l'activité de transport routier de marchandises au sein de l'Union européenne, le secteur représentant 10 % de son PIB. Le second, L'Alliance du routier, créée à l'initiative de la France le 31 janvier 2017 et composée de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, du Danemark, de l'Italie, du Luxembourg, de la Norvège (au titre de l'Espace économique européen) et de la Suède, vise à une réduction des distorsions de concurrence entre les États membres et une véritable convergence en matière sociale. La Grèce a rejoint l'Alliance en mai 2018.
Transport routier de marchandise international par pavillon
Rang |
Pavillon |
Poids au sein de l'UE |
Évolution 2016/2015 |
Poids de l'international au sein du pavillon |
1 |
Pologne |
27,8 % |
+ 18 % |
63 % |
2 |
Espagne |
10,9 % |
- 0,2 % |
33 % |
3 |
Allemagne |
6,7 % |
- 2,3 % |
14 % |
4 |
Roumanie |
5,3 % |
+ 30 % |
73 % |
5 |
Pays-Bas |
5,1 % |
+ 18 % |
50 % |
6 |
Slovaquie |
4,6 % |
+ 17 % |
84 % |
7 |
Hongrie |
4,3 % |
+ 15 % |
71 % |
8 |
Bulgarie |
4,2 % |
+ 11,8 % |
79 % |
9 |
République tchèque |
4,2 % |
- 22,4 % |
56 % |
10 |
Lituanie |
4,2 % |
+ 18,8 % |
90 % |
11 |
Portugal |
3,7 % |
+ 16,4 % |
70 % |
12 |
Slovénie |
2,5 % |
+ 4,6 % |
89 % |
13 |
Italie |
1,9 % |
+6,7 % |
11 % |
14 |
Belgique |
1,8 % |
- 5,8 % |
39 % |
15 |
France |
1,8 % |
- 5,7 % |
7 % |
Source : Comité national routier
LA DÉRÉGULATION DU CABOTAGE
LE RÉGIME ACTUEL
Dans le cadre du régime européen du cabotage, un transporteur peut effectuer, à l'issue d'une livraison internationale, trois opérations de fret en sept jours dans l'État où il vient de déposer sa marchandise.
Le considérant 17 du règlement de 2009 qui encadre le cabotage au niveau européen indique que les dispositions de la directive de 1996 s'appliquent aux sociétés de transport effectuant un transport de cabotage 39 ( * ) . Cette référence n'est pour autant pas reprise à l'article 9 dudit règlement. Aux termes de celui-ci, chaque transport de cabotage est soumis à la législation nationale de l'État membre d'accueil en ce qui concerne le contrat de transport, le poids et la dimension des véhicules, les prescriptions spécifiques à certaines catégories de marchandises, le contrôle des temps de conduite ou de repos des conducteurs et la taxe sur la valeur ajoutée. Rien n'est indiqué concernant les normes sociales prévues dans le noyau dur de la directive sur le détachement, et notamment la question de la rémunération. Il en va de même pour le temps de travail. Le transporteur est de fait rémunéré aux conditions du pays d'envoi, créant une véritable distorsion de concurrence avec les transporteurs nationaux et favorisant l'émergence d'un phénomène dit de grand cabotage.
Le règlement de 2009 prévoit, en effet, qu'une opération de cabotage est autorisée dans chaque État membre parcouru sur le trajet du retour, dès lors que le véhicule passe la frontière à vide. Cette opération doit être effectuée dans un délai de trois jours suivant l'entrée d'un véhicule sur le territoire dudit État et au maximum sept jours après la livraison des marchandises ayant fait l'objet du trajet aller. Rien n'interdit pour autant à un transporteur d'effectuer un transfert de marchandises entre deux États dont il n'est pas ressortissant sur le trajet du retour. Une telle opération lui permet alors de retrouver un droit complet de cabotage au sein de l'État où il décharge (trois opérations sur sept jours). La notion de trajet de retour perd tout son sens dès lors qu'il est permis d'effectuer sur celui-ci des opérations internationales qui autorisent ensuite à ces camions de caboter durant sept jours sur le territoire de l'État de déchargement. Un transporteur roumain parti effectuer une livraison en France peut ainsi optimiser son trajet de retour via les bourses de fret et effectuer trois opérations de cabotage en France, puis trois en Italie, puis trois en Autriche et trois en Hongrie avant de regagner son pays. Rien ne lui interdit non plus de revenir sur ses pas, en prenant depuis l'Autriche ou l'Italie une livraison pour un pays voisin. Compte tenu du différentiel salarial, ce cabotage quasi permanent fausse les conditions de concurrence sur les marchés intérieurs des États traversés.
À l'initiative de la commission des affaires européennes, le Sénat avait adopté, le 15 mai 2014, une proposition de résolution européenne insistant notamment sur le fait que la directive de 1996 s'applique expressément aux opérations de cabotage routier 40 ( * ) .
LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
La Commission européenne propose de supprimer le nombre d'opérations de cabotage mais réduit la période pour effectuer celles-ci. Dans un délai de cinq jours - contre sept auparavant -, un transporteur pourrait effectuer autant de livraisons qu'il le souhaite, alors qu'il est aujourd'hui limité à trois opérations. Il devra seulement être en mesure de prouver la date de sa dernière opération de transport international afin de pouvoir vérifier qu'il respecte la durée maximale de cabotage prévue par le texte. Les opérations de cabotage peuvent également viser les pays limitrophes.
La Commission justifie cette position en insistant sur la simplification qu'elle représente pour les autorités de contrôle. Dans le même temps, celles-ci se voient assigner des objectifs : la Commission souhaite qu'elles vérifient 2 % de l'activité de cabotage sur leur sol d'ici au 1 er janvier 2020, puis 3 % à partir du 1 er janvier 2022. L'activité est mesurée à partir des chiffres d'Eurostat, en tonnes-kilomètres. Le texte prévoit par ailleurs la possibilité pour les États de sanctionner les donneurs d'ordre commissionnant un transporteur qui enfreint le règlement.
La libéralisation des opérations de cabotage est, par ailleurs, compensée, selon la Commission, par l'application, au cours de celles-ci, des règles applicables au détachement des travailleurs.
Ces règles viseront également les opérations de transport international dès lors qu'elles sont égales ou supérieures à trois jours sur une période d'un mois calendaire, hors transit. Aux fins de calcul de cette période de trois jours :
- une période de travail journalière inférieure à six heures sur le territoire d'un État membre d'accueil est considérée comme une demi-journée ;
- une période de travail journalière supérieure à six heures sur le territoire d'un État membre d'accueil est considérée comme une journée complète ;
- les pauses et les temps de repos ainsi que les périodes de disponibilités passés sur le territoire d'un État membre d'accueil sont considérés comme une période de travail.
Ce calcul, rétroactif, apparaît complexe et difficilement applicable. Il ne suscite pas l'adhésion des États membres, loin s'en faut. Certains États, à l'image de la Pologne, de la Hongrie ou de l'Irlande, militent pour un seuil de 10 jours. À l'inverse, l'Autriche s'est montrée favorable à une application dès le premier jour, ce que prévoient déjà les droits allemands et français. La définition même de la journée de travail suscite des divisions, la Commission européenne estimant que six heures prestées équivalaient à une journée de travail. La Hongrie et la Pologne jugent de leur côté qu'une journée équivaut à 24 heures passées sur le territoire d'un autre État membre.
La Commission indique que la révision des normes relatives au temps de travail des transporteurs routiers (cf infra ) devrait également relativiser le recours au cabotage. Il convient cependant de rappeler que le régime des opérations de cabotage vise le camion et non le chauffeur. Un changement d'équipage est donc parfaitement envisageable afin de limiter l'impact des normes proposées.
Le champ d'application de la réglementation européenne en matière de cabotage viserait enfin les véhicules dont le poids est situé entre 2,4 et 3,5 tonnes (véhicules utilitaires légers-VUL). Le droit prévoit actuellement que seuls les camions de plus de 3,5 tonnes soient visés. La proposition de la Commission européenne constitue à ce titre une véritable avancée et répond à une demande exprimée par le Sénat, à l'initiative de la commission des affaires européennes en mai 2014 41 ( * ) . La France appliquait déjà aux sociétés utilisant ces véhicules les exigences en matière de conditions d'établissement, d'honorabilité et de capacités financières et professionnelles. Elle demeurait néanmoins relativement isolée au sein de l'Union européenne. Or, on observe une présence croissante de ces véhicules en provenance d'autres États membres sur certains segments du marché, créant les conditions d'une concurrence déloyale à la fois avec les VUL français mais aussi avec les camions de plus de 3,5 tonnes.
La question du cabotage dans le cadre d'opérations de transport combiné n'est, par ailleurs, pas abordée. En l'état actuel du droit, celui-ci n'est pas encore encadré. La directive n° 92/106 du 7 décembre 1992 relative à l'établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres, en cours de révision, vise les chargements ou déchargements de camions dans les ports ou les gares. Le dispositif permet pour l'heure des opérations de cabotage, sans véritable contrainte, dans les États membres traversés. Tout transporteur routier établi dans un État membre a le droit d'effectuer, dans le cadre d'un transport combiné entre États membres, des trajets routiers initiaux et/ou terminaux qui font partie intégrante du transport combiné et qui comportent ou non le passage d'une frontière. Seuls les trajets nationaux par route effectués dans un État membre d'accueil qui ne font pas partie d'un transport combiné entrent dans la définition des transports de cabotage et sont soumis à la réglementation européenne en la matière. Il n'est dès lors pas étonnant de voir nombre de camions de pays tiers effectuer des opérations de cabotage autour des grands ports. La révision du dispositif actuel devrait comporter une application des règles générales 42 ( * ) .
UNE RÉELLE MENACE POUR LE SECTEUR DU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES FRANÇAIS
Les propositions de la Commission européenne remettent directement en cause la législation française, qui prévoit une application du régime du détachement dès le premier jour d'entrée sur le territoire national.
Une dérégulation complète du cabotage ne serait, par ailleurs, pas sans incidence sur le transport routier français (700 000 emplois environ, contre 1,2 million de personnes en 2008). Les différentiels de coût par rapport à la concurrence des pays de l'Est mais aussi de l'Espagne et du Portugal ont déjà progressivement conduit à une éviction du pavillon français des opérations de transport international. La part de l'international ne représente ainsi que 7 % des activités du transport routier mobile pour compte d'autrui français, là où elle dépasse 80 % en Lettonie ou en Slovaquie ou atteint plus de 60 % au Portugal et en Pologne. Les chiffres sont également éloquents lorsqu'on mesure l'importance du pavillon français dans les échanges internationaux en partance ou à destination de la France ; si la part atteignait 55,7 % en 1992, elle est aujourd'hui ramenée à 10,5 %.
Les entreprises françaises se concentrent donc principalement sur le marché domestique où elles sont également concurrencées par les transporteurs européens dans le cadre des opérations de cabotage. Le régime actuel (7 opérations sur 3 jours) s'est traduit par une multiplication des opérations de cabotage par 5 sur la période 1999-2016. La France est donc un marché déjà largement ouvert, comme en témoigne l'augmentation de 17 % des opérations de cabotage en 2016 par rapport à 2015.
Une libéralisation complète renforcerait donc cette tendance et menacerait directement la survie du secteur, quand bien même seraient strictement appliquées les règles afférentes au détachement et le principe d'équivalence de rémunération. La structure de celle-ci diffère en effet d'un pays à l'autre, notamment en ce qui concerne le poids des charges sociales. Le salaire versé en France est constitué d'une part fixe évaluée à 77 % et de primes estimées à 23 % de la rémunération totale. Le salaire versé à un chauffeur bulgare est constitué à 76 % d'indemnités journalières qui viennent s'ajouter à un salaire fixe relativement bas, sur lequel sont calculées les cotisations. Le coût annuel d'un chauffeur routier est ainsi estimé à 20 348 euros en Pologne contre 47 000 euros en France.
Structure des rémunérations d'un chauffeur routier à l'international
Part soumise à cotisation sociale |
Part non soumise |
Coût de l'heure de conduite |
|
Allemagne (Ouest) |
86 % |
14 % |
25,13 € |
Allemagne (Est) |
83 % |
17 % |
16,64 € |
Belgique |
79 % |
21 % |
33,8 € |
Bulgarie |
24 % |
76% |
8,01 € |
Espagne |
65 % |
35 % |
19,52 € |
France |
77 % |
23 % |
29,81 € |
Hongrie |
37 % |
63 % |
9,57 € |
Italie |
72 % |
28 % |
28,14 € |
Lituanie |
36 % |
64 % |
8,89 € |
Luxembourg |
90 % |
10 % |
28,2 € |
Pologne |
39 % |
61 % |
10,01 € |
Portugal |
49 % |
51 % |
13,24 € |
Roumanie |
31 % |
69 % |
9,02 € |
Slovaquie |
45 % |
55 % |
11,26 € |
Slovénie |
51 % |
49 % |
13,06 € |
République tchèque |
38 % |
62 % |
10,24 € |
Source : Comité national routier
Le Gouvernement français et les pays de l'Alliance du routier proposent aujourd'hui d'amender la proposition de la Commission européenne en introduisant un délai de carence entre deux périodes de cabotage. La présidence bulgare de l'Union européenne a proposé ces dernières semaines un délai de quarante-huit heures. Cette proposition peut être satisfaisante dès lors que ce délai exclut le week-end où il est interdit, en principe, d'effectuer de tels transports. La commission Emploi du Parlement européen a, de son côté, préconisé, le 25 avril dernier, d'étendre ce délai de carence à sept jours. La période de cabotage serait ramenée, quant à elle, de cinq à deux jours. À l'inverse, la Roumanie estime que la période de 5 jours est assimilable à une restriction quand la Hongrie entend porter ce seuil à 7 jours. L'Irlande, la Lituanie et la République tchèque jugent, de leur côté, que l'uniformisation des salaires telle qu'induite par l'application du régime du détachement aux opérations de cabotage implique une suppression de toute restriction.
Il convient de rappeler, à ce stade, que la réglementation européenne en matière de cabotage avait été initialement mise en place pour éviter les retours à vide et alléger ainsi le coût pour l'environnement. Il ne s'agissait pas de libéraliser totalement le secteur du transport routier de marchandises. La commission des affaires européennes avait déjà adressé un avis politique en ce sens à la Commission en juillet 2017. La réponse renvoyait aux objectifs généraux du texte. Il convient donc d'aller plus loin et de présenter des mesures plus précises permettant de mieux encadrer le cabotage et d'éviter le cabotage permanent. Il pourrait ainsi être envisagé d'exclure les opérations de transport à vide du transport international, ce qui interdirait les opérations de cabotage sur les territoires traversés. Il pourrait également être envisagé de ne pas attribuer de droit de cabotage à des véhicules dont la valeur de l'opération de transport international est insignifiante. Reste à préciser le seuil requis.
LA DÉFINITION DU TEMPS DE REPOS
La définition des modalités de prises de temps de repos doit permettre, selon la Commission, de tempérer la fréquence du cabotage, quand bien même l'encadrement de celui-ci vise la flotte.
En l'état actuel du droit, le temps de repos est encadré par le règlement. Il est fixé à onze heures par jour, voire à douze s'il est pris de façon fractionnée (trois et neuf heures). Il peut également être réduit à neuf heures trois fois par semaine. Quoi qu'il en soit, le temps de repos hebdomadaire doit être d'au moins quarante-cinq heures toutes les deux semaines (temps de repos normal). Une certaine flexibilité permet, via un système de compensation, de ramener ce temps de repos hebdomadaire à vingt-quatre heures (temps de repos réduit).
La Commission européenne propose, en premier lieu, l'interdiction du repos hebdomadaire normal en cabine. Le repos devra être pris dans un hébergement convenable, disposant de toutes les commodités. L'hébergement devra être fourni ou réglé par l'employeur. Cette mesure répond au souhait de la France et de l'Alliance du routier. Cette position est également celle de la Cour de justice de l'Union européenne. Dans un arrêt du 20 décembre 2017, celle-ci a confirmé l'interdiction pour un conducteur de prendre, à bord du véhicule, ses repos hebdomadaires normaux 43 ( * ) . Le règlement de 2006 sur les temps de conduite et de repos dans le transport routier autorise aujourd'hui le repos journalier et le repos hebdomadaire réduit à bord du véhicule pour autant que celui-ci soit équipé d'un matériel de couchage convenable pour chaque conducteur et que le véhicule soit à l'arrêt (article 8.8). Il ne permet pas expressément de prendre le repos hebdomadaire normal à bord du véhicule. En dépit d'une réponse de la Commission à un parlementaire européen en 2007, une incertitude juridique demeurait cependant sur ce point
Cette disposition est cependant tempérée par la volonté de la Commission de proposer plus de flexibilité en matière de calcul du temps de repos. Le temps de repos normal de quarante-cinq heures ne sera ainsi plus calculé sur deux semaines mais sur quatre. Le chauffeur doit cependant disposer de deux repos hebdomadaires réduits. Parallèlement, la Commission propose aux chauffeurs effectuant des opérations de transport international de privilégier les temps de repos réduits lors de leurs séjours à l'étranger, et de bénéficier de temps de repos normaux, auxquels s'ajoutent des compensations, lorsqu'ils reviennent à leur domicile. Le conducteur devra, en outre, passer au moins une période de repos chez lui toutes les quatre semaines.
La Commission prévoit, de surcroît, des exceptions à son projet de règlement dès lors que des circonstances exceptionnelles l'imposent. Elle confirme par ailleurs que les États peuvent déroger aux règles durant 30 jours dès lors que des circonstances exceptionnelles l'imposent et que les exceptions lui sont justifiées et notifiées.
Il y a lieu de s'interroger sur la flexibilité accrue proposée par la Commission au regard à la fois des impératifs de santé et de sécurité routière mais aussi du risque de distorsion de concurrence, avec la possibilité pour les chauffeurs des pays tiers de maximiser le temps passé en dehors du pays d'établissement. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que certains États militent en faveur d'un renforcement de cette flexibilité. Certains pays, à l'image de la Roumanie, militent ainsi pour que les retours à domicile relèvent de l'option et non d'une obligation. La présidence bulgare propose un seuil de six semaines maximal avant un retour au domicile. La France et l'Allemagne tablent, comme la Commission, sur trois.
Une des pierres d'achoppement au Conseil tient également à l'interdiction du repos normal hebdomadaire en cabine. Plusieurs États (Groupe de Viegrad - Hongrie, Pologne, Slovaquie, République tchèque - Pays-Bas, Danemark et Suède) proposent l'introduction d'une dérogation dont les conditions d'application seraient laissées à la discrétion des entreprises et des chauffeurs. La présence de commodités convenables, disponibles et accessibles justifierait ainsi la dérogation. L'attitude de la Suède et du Danemark tend à démontrer que l'unité de l'Alliance du routier, dont ils sont membres, semble se fissurer. Les Pays-Bas militent, quant à eux, pour un stationnement sur des aires de parking dédiées, devant répondre à un ensemble de critères, notamment en termes sanitaires et de sécurité, définis dans un document annexe. Cette position est appuyée, au sein de la commission Transport du Parlement européen, par le rapporteur du texte, également néerlandais, Win van de Camp. Celui-ci préconise également l'obligation pour les entreprises de laisser les chauffeurs profiter d'un temps de travail de plus de quarante-cinq heures à son domicile ou dans un endroit qu'il choisit toutes les quatre semaines.
LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE
La Commission européenne prévoit parallèlement, pour les États membres, une liste d'exigences administratives et de mesures de contrôle fermée visant les sociétés de transport installées sur leur sol. Celle-ci comporte une déclaration de détachement comportant l'identité de l'opérateur de transport routier, les coordonnées du gestionnaire de transport, le nombre prévu de conducteurs détachés et leur identité, la durée prévue du détachement, la plaque minéralogique des véhicules utilisés, le type de service de transport (marchandises, personnes, international ou cabotage). Le conducteur est par ailleurs tenu de conserver et de fournir, sur support papier ou en format électronique, une copie de la déclaration de détachement et la preuve de l'opération de transport ayant lieu dans l'État membre d'accueil, à l'image du bordereau d'expédition électronique (e-CMR). Les chauffeurs devront conserver une copie du contrat de travail traduit en anglais ou dans la langue de l'État membre d'accueil, ainsi qu'une copie des fiches de paie des deux derniers mois. Les enregistrements du tachygraphe ainsi que les codes des États membres dans lesquels ont eu lieu les opérations de transport international et les opérations de cabotage sont également concernés.
La plupart de ces dispositions vont dans le bon sens, même si le principe d'une liste fermée peut apparaître en décalage avec l'évolution récente de la législation européenne en matière de détachement. À la demande de plusieurs États membres (France, Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande et Pays-Bas), la directive d'exécution de 2014 intègre en effet le principe d'une liste ouverte de contrôles. Cette disposition permet d'être le plus réactif possible face à des mécanismes de fraude de plus en plus complexes.
La Commission souhaite, dans le même temps, renforcer la lutte contre les sociétés dites « boîte aux lettres ». Celles-ci, installées dans les pays à bas coûts, réalisent l'essentiel de leur activité dans les pays à coûts plus élevés. Il est ainsi envisagé un allongement de la liste des pièces à conserver dans les locaux de l'entreprise en cas de contrôle, à l'instar des contrats de travail et des contrats commerciaux. L'entreprise devra également disposer d'actifs et d'employés dans l'État où elle est établie. La Commission espère, de la sorte, réduire le risque de création d'entreprises « boîte aux lettres » à 10 %. Elle renforce parallèlement ses exigences pour permettre à une entreprise de transport d'être « honorable » ou de « bonne réputation », et ainsi être autorisée à entrer sur le marché. Les sociétés devront ainsi respecter les règles fiscales du pays, la législation en matière de détachement et les obligations contractuelles. Des actes délégués pourraient permettre à la Commission de modifier cette liste des infractions graves.
La coopération entre États membres fait également l'objet de précisions. Les registres nationaux devront comprendre les numéros d'enregistrement des véhicules dont dispose l'entreprise, le nombre d'employés, tous les actifs et passifs ainsi que les capitaux et les chiffres d'affaires des deux derniers exercices. Les demandes d'informations d'un État à un autre doivent être raisonnées. Si la demande est justifiée, l'État qui la reçoit disposera de 25 jours pour effectuer les contrôles nécessaires et y répondre. Les autorités françaises sont, de leur côté, favorables à un renforcement des contrôles et à une amélioration de la coopération entre les États membres. Des instruments existent déjà à l'image d'« Euro contrôle route ». La France appuie ainsi tout encadrement des délais de réponses effectuées entre les États membres dès lors que le délai est soutenable.
La Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas ont été les pionniers de la coopération administrative européenne avec la signature d'un accord en octobre 1999 visant : - la systématisation des échanges d'informations sur les entreprises ne respectant pas la législation européenne ; - l'organisation de contrôles communs et coordonnés ; - le développement de programmes communs de formation des agents des services de contrôle ; - la promotion d'échanges transfrontaliers d'expériences ; - des échanges d'informations sur les nouveaux développements technologiques ; - une concertation renforcée entre les pays participants, avec prise d'initiatives communes et, dans la mesure du possible, prises de positions communes. L'Allemagne et l'Irlande sont devenues parties de cet accord en 2001, le Royaume-Uni et l'Espagne le signant en 2002. Il a ensuite été étendu à la Pologne et l'Autriche en 2004, à la Bulgarie, à la Hongrie et à la Roumanie en 2007, donnant ainsi naissance en 2010 à « Euro contrôle route ». La Croatie a rejoint l'organisation en 2015. La Slovénie et la République tchèque sont par ailleurs observateurs au sein de cette organisation. L'Espagne et la Lituanie ont, entretemps, quitté cette organisation. La présidence de cette instance est assurée par chaque pays membre pour une période de six mois. |
Le paquet de la Commission cible également les véhicules utilitaires légers, de moins de 3,5 tonnes. Afin de pouvoir être établie dans un État membre, une société exploitant des VUL devra justifier, dans ses comptes annuels certifiés, d'un capital minimum de 1 800 euros pour un seul véhicule utilisé, majoré de 900 euros par véhicule supplémentaire. L'obligation de capacité financière s'élève à 9 000 euros pour les sociétés utilisant des véhicules de plus de 3,5 tonnes, auxquels s'ajoutent 5 000 euros par véhicule supplémentaire. En France, les acteurs du secteur relèvent une présence croissante de ces véhicules en provenance d'autres États membres sur certains segments du marché, créant les conditions d'une concurrence déloyale à la fois avec les VUL français mais aussi avec les poids lourds. La Commission souhaite que les États membres adressent un rapport annuel sur l'activité économique des VUL, préalable à un éventuel renforcement de la législation d'ici au 31 décembre 2024. La mise en conformité des VUL devrait, en tout état de cause, générer une hausse de leurs coûts de 4 à 10 %, d'après la Commission.
De fait, en dépit des modalités envisagées, les intentions de la Commission européenne peuvent paraître louables et méritent d'être appuyées. L'Alliance du routier peut se retrouver dans la plupart de ces propositions, puisqu'elle avait appelé, lors de sa création, à une dématérialisation des documents de transport, à une convergence des sanctions visant le temps de repos hebdomadaire passé dans le camion, et à une amélioration de la coordination des États membres en matière de contrôle.
Il convient néanmoins de s'interroger sur le souhait de la Commission de maintenir à l'échéance de 2034 l'obligation d'équiper l'ensemble de la flotte de chronotachygraphes dits « intelligents ». Cet appareil, appelé à enregistrer les temps de conduite et de repos des chauffeurs professionnels ainsi que la vitesse et la distance parcourue, est connecté au service de positionnement par satellite. Le nouveau dispositif permettra de faciliter la géolocalisation du véhicule et donc de reconstituer des itinéraires. Le recueil des informations à distance facilite de surcroît les opérations de contrôle. L'appareil devrait donc permettre d'assurer un respect plus rigoureux du droit applicable au fret routier, notamment pour le temps de conduite. La transmission des données par voie électronique permise par le nouvel instrument devrait en outre faciliter les contrôles en les dématérialisant. Le coût du nouvel appareil est estimé entre 1 000 et 2 000 euros.
Le règlement n° 165/2014 du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers dit « tachygraphe intelligent » prévoit que les poids lourds soient progressivement dotés de ce dispositif à partir de juin 2019. Les nouveaux poids lourds de plus de 3,5 tonnes seront les premiers véhicules concernés. L'ensemble des camions, bus et cars déjà en circulation, devraient être pris en compte dans les quinze années qui suivent. Les États parties de l'Alliance du routier souhaitent aujourd'hui une généralisation d'ici 5 à 6 ans. La France milite ainsi pour 2023. La présidence bulgare du Conseil propose, quant à elle, le 31 janvier 2028. Une étude d'impact de la Commission envisage même un déploiement total en 2026. Rien ne semble donc s'opposer à une accélération de cette généralisation. La numérisation des données de contrôle pourrait permettre la mise en place d'une plateforme européenne de partage des données et la création d'une liste noire des entreprises jugées coupables de fraudes.
*
Les réserves exprimées par un certain nombre de pays - en premier lieu la France et la plupart des membres de l'Alliance du routier - sur les propositions de la Commission mais aussi les amendements de la présidence bulgare de l'Union européenne, appuyée par les pays du groupe de Viegrad, l'Espagne et le Portugal, ne devraient pas permettre une adoption du paquet Mobilité avant la fin du mois de juin 2018. La France et l'Allemagne disposent en effet d'une minorité de blocage qui rend impossible tout vote favorable. Les ministres des transports français et allemand ont déjà indiqué, à la veille du Conseil Transports du 7 juin 2018, que « les textes actuellement sur la table empêchaient à ce stade des négociations d'aller dans le sens de l'application du principe simple : « À travail égal, salaire égal, sur le même territoire » , le principe de la concurrence loyale et la lutte contre le dumping social. Dans ces conditions, de telles propositions ne peuvent être acceptées ni par l'Allemagne ni par la France » 44 ( * ) .
Il convient d'observer que des lignes de fracture se dessinent également au sein du Parlement européen, où les votes sur ces questions relèvent de logiques nationales et ne répondent pas aux arbitrages des groupes politiques. Les oppositions entre commissions sont également patentes, comme en témoignent les divergences d'appréciation entre les commissions Emploi et Transport, toutes deux saisies des textes. Dans ces conditions, l'octroi d'un mandat de négociation pour un trilogue s'avèrera également délicat à court terme.
Il y a lieu d'appuyer la fermeté des autorités françaises sur ces questions tant les propositions de la Commission et les amendements de la Présidence ne remplissent pas les objectifs initiaux de renforcement des droits des conducteurs et de réduction de distorsion de concurrence. Il convient de rappeler, à ce stade, que le compromis trouvé en trilogue, le 28 février 2018, par le Parlement européen et le Conseil sur la révision de la directive de 1996 sur le travail détaché, garantit a minima l'application du régime de détachement aux chauffeurs tel que prévu par le droit européen actuel et à venir, une fois la révision définitivement adoptée. Ce qui permet, en l'espèce, de maintenir les dispositions prévues par le droit français, à savoir l'application du droit du travail français dès l'entrée sur le territoire.
Au-delà de ces textes, il apparaît indispensable de lancer une réflexion sur l'élaboration d'un statut de travailleur hautement mobile , qui permettrait une uniformisation des statuts des chauffeurs routiers de part et d'autre de l'Union européenne, destinée à juguler les distorsions de concurrence, à garantir un niveau élevé de protection sociale et à assurer une mobilité sûre et durable.
EXAMEN PAR LA COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie, le jeudi 31 mai 2018, pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par Mme Fabienne Keller et M. Didier Marie, le débat suivant s'est engagé :
M. René Danesi . - On ne peut qu'approuver une proposition de résolution qui arrive à point nommé, puisque le Parlement européen a voté avant-hier le projet de révision de la directive par 456 voix contre 147. La proposition de résolution met bien en évidence les insuffisances de cette révision, fruit du compromis entre les différents pays : le point 23 le « salue » , mais « considère qu'il doit permettre de mieux respecter les droits sociaux des travailleurs et lutter contre les distorsions de concurrence » ... Cela montre bien qu'il reste du chemin à faire !
Trois mesures phares vont dans le bon sens : la rémunération doit être la même pour tous, y compris les primes prévues dans les conventions collectives. Les employeurs ne pourront plus inclure dans le salaire les frais d'hébergement et de nourriture, ce qui semble normal. Les calculs de ces frais se feront malheureusement sur la base du pays d'origine - ce qui est une demi-avancée. Le détachement est limité à douze mois, alors que la durée moyenne dans l'Union européenne est de quatre mois - cette limitation reste donc théorique. Il y aura toujours distorsion de concurrence, grâce au mode de calcul des frais et à l'absence d'encadrement de la sous-traitance. Le point 26 dit très bien que les accords d'entreprise devraient s'appliquer aux travailleurs détachés. Enfin et surtout, les charges sociales seront toujours celles du pays d'origine.
En conclusion, le point 20 de notre résolution rappelle l'objectif du détachement : « permettre de répondre à un manque de main d'oeuvre dans un secteur précis et faciliter la mobilité au sein de l'Union européenne » -, or c'est loin d'être le cas. Je lisais une page locale du journal l'Alsace sur la récolte des asperges - laissez-moi vous dire à ce propos que l'Alsace en produit d'excellentes ; le Rhin ayant divagué pendant des millions d'années, nous avons beaucoup de terrains sablonneux. Le titre de l'article disait : « Récolte des asperges : les Polonais se font rares ». S'ils se font rares, c'est parce que - Dieu merci pour eux - ils gagnent de mieux en mieux leur vie et sont dès lors moins tentés de prendre des congés sans solde pour gagner un peu plus d'argent par ce travail saisonnier. On le voit, ce problème ne se réglera qu'avec l'élévation du niveau de vie des travailleurs dans les pays d'origine, comme c'est le cas en Pologne.
D'après l'article, les Polonais sont remplacés par des Roumains. Si tout se passe bien, ils seront demain remplacés par des Macédoniens ou des Albanais... Il y a 550 000 travailleurs détachés en France, c'est énorme ! En Grande-Bretagne, il y en avait beaucoup plus et cela n'a pas été sans influence sur le Brexit : ils étaient 1,2 million, poussés avec plus ou moins de délicatesse vers la sortie. Il nous faut penser à nos compatriotes en bas de l'échelle, qui pointent à Pôle emploi, et voient des étrangers travailler chez nous parce que le patron paie des charges sociales beaucoup moins élevées qu'en France - où elles sont parmi les plus élevées d'Europe... Cela favorise forcément le populisme.
M. Jean-François Rapin . - La dérégulation du cabotage aura un impact considérable sur nos petites entreprises de transport. Avec le développement de l' e- commerce, les derniers 10 km, qui sont les plus complexes, sollicitent beaucoup nos petites entreprises de transport local. Il y a du lobbying à faire sur ce point-là. Globalement, nos entreprises de transport ne se portent pas trop mal. Il ne faudrait pas qu'elles en souffrent, car elles sont de grandes créatrices d'emploi sur tout le territoire.
M. Claude Kern . - Bravo aux rapporteurs pour leur excellent travail. Je souscris à tout ce qui a été dit. Attention à l'absence de disposition encadrant les chaînes de sous-traitance. Les entreprises utilisent souvent ce subterfuge en utilisant des entreprises boîtes aux lettres. Au point 31, au lieu de « souhaite qu'elle puisse élaborer un registre » , il serait préférable de dire « juge » ou « considère nécessaire l'élaboration d'un registre ... »
M. André Gattolin . - ... « ou demande l'élaboration d'un registre... »
M. Jean-François Rapin . - Au point 47, je propose également de rendre l'expression plus incisive en écrivant « s'oppose à une dérégulation du cabotage » , plutôt que « juge indispensable de conserver le nombre maximal d'opérations de cabotage actuellement autorisé. »
M. Pierre Ouzoulias . - Merci pour la qualité de votre travail et pour la conscience qui vous anime. Nous sommes tous ici de vrais européens et nous avons pleinement conscience que les processus que nous dénonçons peuvent remettre en cause l'idée européenne. Nous assistons à un double mouvement : un repli des États sur eux-mêmes - la crise italienne nous montre jusqu'où cela peut aller - et une Europe qui s'apparente de plus en plus à un pur marché, avec un nivellement vers le bas. Si ces deux mouvements continuent, nous serons bientôt face à des contradictions majeures qu'il nous faudra bien résoudre d'une manière ou d'une autre. La proposition de résolution souligne utilement ces difficultés.
J'ajouterai un point : concernant le transport routier, vous n'avez pas évoqué la transition énergétique. Avec les facilités données au cabotage, certaines pratiques se multiplieront alors qu'elles sont en contradiction avec nos engagements de réduction des émissions de carbone. Il faut avoir à l'idée - les Alsaciens sont bien placés pour le savoir et les sénateurs de Savoie nous le disent aussi - qu'on ne pourra pas supporter une augmentation du transport routier. L'esprit qui nous unit, quel que soit notre groupe, c'est la nécessité de sauver l'Europe, et, pour cela, il faut une Europe sociale.
M. Jacques Bigot . - Un mot sur la forme de notre résolution. Je salue cette directive, mais celle-ci reste insatisfaisante. En Alsace, nous savons la manière dont les entreprises allemandes obtiennent y compris des marchés publics en faisant appel à des entreprises sous-traitantes recourant massivement à des travailleurs détachés (notamment roumains) payés 30 % moins cher. Par conséquent, les entreprises locales du BTP ne peuvent accéder à certains marchés, le coût de leur main-d'oeuvre étant plus élevé. Le problème demeurera donc puisque, contrairement à nos voisins allemands, nous ne savons pas protéger notre marché.
La France a accepté ces négociations, mais elle aurait souhaité aller plus loin. Et donc, notre résolution devrait plus fortement insister sur cette insatisfaction. Laisser entendre que nous sommes satisfaits me paraît, d'un point de vue politique, sur la scène européenne, pas tout à fait approprié. Il faudrait parfois envisager des directives un peu plus musclées, en dépit des compromis nécessaires.
Peut-être pourrions-nous demander à nos collègues de la commission des affaires économiques de suivre l'évolution de ce dossier. Je ne suis pas certain que cette directive modifie fondamentalement les choses, même si elle constitue un progrès.
M. André Gattolin . - Nos deux rapporteurs ont fait preuve de pédagogie sur ce sujet complexe. S'agissant des transports routiers, secteur ultra concurrentiel, et de la question de la transition énergétique, je rejoins Pierre Ouzoulias. Je m'étonne que certains chauffeurs routiers traversent l'Europe de la Pologne jusqu'au Portugal en embarquant, depuis le pays d'origine, 1 000 ou 2 000 litres de réserve de fioul à bord des camions, ce qui est extrêmement dangereux et d'une légalité douteuse. De fait, ces transporteurs, hormis les frais de péage, n'assument aucun coût (environnementaux, risques, etc.). Il faudrait interdire les réservoirs d'une capacité supérieure à 400 ou 500 litres. Cela obligerait ces chauffeurs routiers à refaire le plein en France (et donc à acquitter les taxes pesant sur les carburants) et cela permettrait, lors des arrêts en station-service, de procéder à des contrôles. J'avais eu un échange à ce sujet avec l'ancienne ministre de l'écologie, qui n'avait pas vraiment compris le sens de ma proposition.
Je suis un peu inquiet, car j'ai l'impression que les contrôles sont toujours à la charge des pays de destination de ces travailleurs détachés, tandis que leurs pays d'origine sont par nature beaucoup plus laxistes. Et l'absence de contrôles plus sévères en amont rend les choses extrêmement complexes. Parce que 2 ou 3 % de contrôles aléatoires sur des centaines de milliers de cas, c'est totalement ridicule !
Par ailleurs, je trouve assez intéressante l'idée d'une conditionnalité de certaines aides européennes au titre des fonds sociaux en cas de nouvel élargissement (outre les exigences en matière d'indépendance de la justice, de lutte contre la corruption, etc.), idée évoquée la semaine dernière lors de l'audition du commissaire européen Günther Oettinger. Compte tenu des différentiels sociaux pouvant exister entre les pays membres et un pays candidat, il faudrait obliger celui-ci (et même certains pays membres) à mettre en place des moyens de lutte contre cette fraude sociale potentielle, source de dysfonctionnements comme l'a souligné notre collègue René Danesi.
Au point 44 de la proposition de résolution, il est indiqué que le Sénat « partage la volonté de la Commission européenne de renforcer les contrôles » , tandis qu'au point suivant, il est indiqué qu'il « estime les propositions de la Commission complexes, inapplicables ou potentiellement dangereuses » ! C'est bien là le problème, et heureusement que le rapport détaille ces dangers. Concernant les transports, la révision du règlement sur l'application du régime du détachement doit mener à une réflexion d'ensemble sur cette question, en particulier sur ses aspects environnementaux, et non pas uniquement sur ses aspects sociaux.
Quant à la sous-traitance en cascade, on l'observe malheureusement aussi en France (certains grands opérateurs de l'État en abusent). Il n'existe pratiquement aucune réglementation européenne sérieuse.
Mme Colette Mélot . - Je salue le travail des rapporteurs et leur rapport limpide. Cette directive et le travail qui a été amorcé sont une avancée que nos concitoyens européens attendent. Certes, le résultat n'est pas totalement satisfaisant, mais, compte tenu du nombre de pays membres et de la multiplicité des régimes sociaux, toute harmonisation est impossible. J'approuve donc cette proposition de résolution.
Mme Gisèle Jourda . - Ma question porte sur le point 32 de cette proposition de résolution, où il est indiqué que le Sénat « considère qu'une entreprise devrait effectuer au moins la moitié de son chiffre d'affaires annuel au sein de son pays d'établissement » . Concernant les entreprises de transport routier, dont les activités sont internationales, qu'en est-il ?
M. Jean Bizet , président . - Il ne faut pas perdre de vue l'objectif originel du détachement de travailleurs, à savoir répondre à un manque de main-d'oeuvre dans un secteur donné à un endroit donné et favoriser ce qu'on appelle le marché unique. Au fil du temps, les distorsions de concurrence se sont installées, ce qu'il faut maintenant corriger pour aller vers une certaine Europe sociale ; on ne peut pas rester focalisé sur la seule problématique économique.
M. Didier Marie . - Madame Jourda, cette proposition de résolution et le rapport qui l'accompagne comportent trois aspects, mais il faut en distinguer deux très clairement : la révision de la directive de 1996 sur les travailleurs détachés, en dépit de quelques regrets, va globalement dans le bon sens ; en revanche, le volet transports est pour l'instant dans une impasse, les négociations achoppant sur toute une série de sujets. De fait, la France et l'Allemagne refuseront la proposition de la Commission relative au pacte transports. Le point 32 ne concerne donc pas le transport routier, auquel ne s'applique pas partout en Europe la directive « Travailleurs détachés » (la France l'applique). Si jamais la Commission obtenait satisfaction, la réglementation française serait amenée à régresser. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons fermement à certains de ses points.
Je partage ce qu'ont dit René Danesi et Jacques Bigot sur la nature de cette révision : elle va dans le bon sens, mais sans aller jusqu'au bout. C'est pourquoi nous formulons dans cette proposition de résolution un certain nombre de remarques et de regrets. Par exemple, sur la question des frais, il y a une avancée puisque, auparavant, les frais d'hébergement et de nourriture étaient inclus dans la rémunération, tandis qu'ils s'en distinguent désormais, mais en prenant comme référence le pays d'établissement. Et le prix d'une nuit d'hôtel ou d'un panier-repas diffère d'un pays à l'autre.
Sur le niveau des rémunérations, on a maintenu grosso modo le principe « à travail égal, salaire égal » , en retenant les conventions collectives générales et non pas les accords d'entreprise, souvent plus intéressants.
Sur les questions de sécurité sociale, il faut distinguer la révision de la directive « Travailleurs détachés » de celle des règlements de sécurité sociale, qui n'est pas encore parvenue à son terme : les négociations avancent, notamment sur la lutte contre la fraude et le certificat A1 attestant l'affiliation du travailleur à un régime de sécurité sociale, en l'occurrence depuis un minimum de trois mois. Mais les règles relatives aux contrôles ne sont pas suffisamment définies en termes de délais. À ce jour, ces contrôles suivent la règle dite de la « coopération loyale » : on considère que tous les pays européens jouent le jeu. Si un inspecteur du travail français veut savoir si le travailleur polonais est affilié au régime de sécurité sociale, c'est compliqué, car la sécurité sociale française doit faire une demande à la sécurité sociale polonaise. En l'absence de réponse, il n'est pas pour autant possible de s'opposer au certificat A1 et de casser le contrat, faute de pouvoir prouver l'absence d'affiliation.
Enfin, nous regrettons que la future Agence européenne du travail ne puisse pas être plus efficace. La Commission et l'ensemble des partenaires ont renoncé à la mise en place à terme d'un corps d'inspection du travail européen, privilégiant une meilleure coopération. Certains auraient voulu que cette agence soit un peu plus coercitive. Son action s'inscrira donc dans la durée.
Mme Fabienne Keller . - Vos nombreuses interventions montrent l'importance de cette question des travailleurs détachés, qui sont maintenant présents partout.
Notre insatisfaction, cher Jacques Bigot, tient au fait qu'il faut, sur ces questions européennes, parvenir à des compromis. D'où l'intérêt de notre résolution pour aller plus loin. Mais, comme l'a dit Pierre Ouzoulias, c'est assez décevant : un peu comme avec la fiscalité des entreprises, ces avantages comparatifs ont fini par figer les choses, alors qu'au contraire la mobilité devrait créer une forme de convergence. On ne trouve plus de Polonais pour ramasser les asperges, ce qui est bon signe : cela veut dire que leur rémunération moyenne augmente et qu'ils se tournent vers des fonctions plus qualifiées, conformément au mécanisme d'intégration voulu par les fondateurs de l'Europe.
Notre proposition de résolution contient de nombreux éléments, dont nous pourrions faire la synthèse afin de la relayer.
L'enjeu des entreprises sous-traitantes concerne en particulier le BTP. Les professionnels que nous avons auditionnés nous ont même parlé d'effets d'éviction : par exemple, si le nombre d'apprentis a baissé dans ce secteur, c'est notamment parce qu'ils ont été remplacés par des travailleurs détachés. Cette obligation faite à l'entreprise d'exercer au moins 50 % de son activité sur le territoire où elle est immatriculée vise à lutter contre cette sous-traitance en cascade. Certains collègues ont d'ailleurs fait remarquer que ce sont très largement des travailleurs détachés qu'on retrouve sur les chantiers d'équipement numérique, financés par l'argent public. Il y a donc un problème de cohérence d'ensemble.
Je salue l'engagement au Parlement européen d'Élisabeth Morin-Chartier et de sa collègue rapporteure Elisabeth Jangerius, qui se sont donné du mal. Il n'était pas évident d'aboutir sur cette révision de la directive travailleurs détachés. Il est simplement dommage que le transport soit exclu de ce compromis, puisque même la directive de 1996 n'est appliquée que dans quatre États membres.
Le risque de cabotage évoqué par Jean-François Rapin est majeur. Il faut en effet être beaucoup plus ferme sur ce blocage du cabotage, notamment pour la raison très technique que j'ai indiquée.
Les entreprises « boîte aux lettres », dont a parlé Claude Kern, sont très clairement visées dans la proposition de résolution. Il faut s'assurer de la réalité du travail dans le pays d'établissement de l'entreprise (nous fixons un seuil de 50 % de l'activité). Tous les secteurs sont concernés, pour des motivations différentes (fiscalité, travail détaché, etc.). On ne pense pas forcément à ces mécanismes de contournement du concept d'entreprise.
Sur la transition énergétique, point tout à fait pertinent soulevé par André Gattolin et Pierre Ouzoulias, la croissance considérable du transport routier nous ramène à la question d'une écotaxe, qui n'a toujours pas été mise en place de manière harmonisée dans l'Union européenne, à la question des normes Euro, à la question des zones. Par exemple, certaines zones portuaires mettent en place des règles assez strictes en raison de la mauvaise qualité de l'air (bateaux utilisant des carburants de très médiocre qualité, noria de camions pour décharger les marchandises).
Il faut creuser cette question de la capacité des réservoirs des camions. Dans un de mes précédents rapports, j'indiquais que la France vendait 80 % du gazole consommé sur son territoire, tandis que le Luxembourg en vendait quatre fois plus qu'il n'en consommait, en raison de sa faible fiscalité. Par ailleurs, les grands axes de circulation à partir des ports néerlandais et belges passent par le Benelux, les camions faisant donc le plein avant de passer en France pour aller en Espagne. Mais peut-être la consommation des camions a-t-elle diminué aussi.
La conditionnalité des fonds sociaux européens est un vaste sujet. Il est compliqué d'agir ainsi à l'égard de pays qui ont besoin d'être épaulés pour leur permettre de rejoindre les standards européens. D'autant que nous avons tout intérêt à cette convergence européenne.
Colette Mélot a souligné qu'un travail est amorcé et que nous progressons sur ces questions de la dérégulation du travail détaché, de cette sous-traitance en cascade, sans sous-estimer les effets de fuite des plus réactifs, c'est-à-dire les personnes qui, ayant plusieurs employeurs, contourneraient ainsi la réglementation.
En conclusion, nous devons être heureux de ces avancées, mais fermes sur la poursuite nécessaire d'un approfondissement européen sur la directive sécurité sociale et la directive travailleurs détachés.
M. Didier Marie . - Un chiffre montre qu'un pas a été franchi : un travailleur polonais sur un chantier français, dans le cadre de la directive de 1996 et de la directive d'exécution de 2014, coûtait 1 587 euros par mois ; avec la directive révisée, il coûtera 1 960 euros, contre 2 146 euros pour le travailleur français pour le même travail. La différence tient au fait que les charges sociales sont payées dans le pays d'origine.
M. Jean Bizet , président . - Je vous propose de voter la proposition de résolution avec les corrections qui y ont été apportées, avec l'aval de nos deux rapporteurs. Nous adresserons par la suite un avis politique à Jean-Claude Juncker et à Antonio Tajani.
J'espère que le psychodrame du plombier polonais est derrière nous. A contrario , la question du transport routier n'est toujours pas réglée. Le sera-t-elle d'ailleurs un jour, tellement elle est complexe ? Quant au cabotage, l'idée au départ était de rationaliser l'utilisation d'un véhicule pour éviter qu'il ne « tourne à vide », de manière à préserver l'environnement. Comme le souligne le rapport, 700 000 emplois sont en jeu en France, au plus proche de nos territoires, des créateurs de richesses (et de richesse humaine). La directive d'exécution de 2014 nous a permis de lever bien des incompréhensions et de mettre fin à de nombreuses distorsions ou dérives. Le différentiel de salaires demeure, mais il est beaucoup moins important. Cette question des travailleurs détachés est un « substrat » idéal pour aller vers une Europe sociale, qui avance tout doucement.
Mme Fabienne Keller . - La Commission, dans sa logique plutôt techno, voudrait boucler le paquet transport routier avant les élections européennes.
M. Jean Bizet , président . - Voeu pieux !
Mme Fabienne Keller . - Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. Cela mettrait alors le transport routier au coeur du débat européen, de même que la fracture entre les pays du groupe de Visegrád et les autres.
M. Jean Bizet , président . - Nous essaierons de sortir par le haut en soulignant, dans notre avis politique, qu'il ne faut pas faire n'importe quoi, les sujets étant complexes.
*
À l'issue du débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport d'information et adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne suivante ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services,
Vu la directive 2014/67/UE du 15 mai 2014 relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et modifiant le règlement (UE) n°1024/2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur,
Vu le règlement (CE) n°883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale,
Vu le règlement (CE) n°987/2009 du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale,
Vu le règlement (CE) n°1072/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route,
Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen - Suivi de la mise en oeuvre du socle européen des droits sociaux (COM(2018) 130 final),
Vu la proposition de directive modifiant la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (COM (2016) 128 final),
Vu la proposition de règlement établissant une Autorité européenne du travail (COM(2018) 131 final),
Vu la proposition de directive modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières (COM(2018) 241 final),
Vu la proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n°883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (CE) n°987/2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n°883/2004 (COM(2016) 815 final),
Vu la proposition de directive modifiant la directive 2006/22/CE quant aux exigences en matière de contrôle et établissant des règles spécifiques en ce qui concerne la directive 96/71/CE et la directive 2014/67/UE pour le détachement de conducteurs dans le secteur du transport routier (COM(2017) 278 final),
Vu la proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 1071/2009 et le règlement (CE) n° 1072/2009 en vue de les adapter aux évolutions du secteur (COM(2017) 281 final),
Vu la proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 561/2006 en ce qui concerne les exigences minimales relatives aux durées maximales de conduite journalière et hebdomadaire et à la durée minimale des pauses et des temps de repos journalier et hebdomadaire, et le règlement (UE) n° 165/2014 en ce qui concerne la localisation au moyen de tachygraphes (COM(2017) 277 final),
Vu la proposition de directive modifiant la directive 92/106/CEE relative à l'établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres (COM(2017) 648 final),
Vu la résolution européenne du Sénat n°169 (2015-2016) sur la proposition de révision ciblée de la directive 96/71 CE relative au détachement des travailleurs en date du 1 er juillet 2016,
Vu la résolution européenne du Sénat n°102 (2016-2017) portant avis sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (CE) n° 987/2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 (COM(2016) 815 final), en date du 8 mars 2017.
Vu la résolution européenne du Sénat°114 (2013-2014) sur le dumping social dans les transports européens en date du 15 mai 2014 ;
Rappelle que le détachement des travailleurs doit permettre de répondre à un manque de main d'oeuvre dans un secteur précis et faciliter la mobilité au sein de l'Union européenne ;
Estime indispensable que soit garantie, dans tous les secteurs d'activité, l'égalité de traitement des travailleurs exerçant une même tâche au même endroit ;
Sur le projet de révision de la directive 96/71/CE relative au détachement des travailleurs :
Salue le compromis obtenu par le Parlement européen et le Conseil sur le projet de révision de la directive 96/71/CE relative au détachement des travailleurs ; considère qu'il doit permettre de mieux respecter les droits sociaux des travailleurs et lutter contre les distorsions de concurrence ;
Approuve la décision de limiter la durée du détachement à 12 mois auxquels s'ajoute une option de 6 mois mais estime que cette durée doit être appréciée dans le cadre d'une période de référence plus large ;
Regrette cependant l'application du barème du pays d'envoi au calcul des remboursements des frais occasionnés par le détachement ; juge qu'elle peut, dans certains cas, fragiliser les conditions de vie des travailleurs détachés dans les pays d'accueil ;
Estime que les accords d'entreprise devraient également s'appliquer aux travailleurs détachés ;
S'interroge sur l'absence de disposition nouvelle encadrant les chaînes de sous-traitance ;
Sur l'Autorité européenne du travail et la lutte contre les entreprises « boîtes aux lettres » ;
Appuie l'initiative de la Commission en faveur de la création d'une Autorité européenne du travail destinée à améliorer la coopération administrative entre Etats membres ;
Juge nécessaire que lui soit associée une banque carrefour de la sécurité sociale, fondée sur une interconnexion des systèmes européens de sécurité sociale ;
Demande l'élaboration d'un registre d'entreprises réalisant des prestations de service au sein de plusieurs Etats membres afin de mieux cerner les entreprises boîtes aux lettres ; estime qu'elle doit également être en mesure de publier une liste noire des entreprises condamnées pour fraude au détachement, consultable par les autorités de contrôle ;
Considère qu'une entreprise devrait effectuer au moins la moitié de son chiffre d'affaires annuel au sein de son pays d'établissement;
Plaide pour que soit inscrit dans le droit européen le principe selon lequel une société européenne ne peut être autorisée à localiser ou à transférer son siège social dans un État membre où elle n'a aucune véritable activité économique ;
Sur la révision des règlements de coordination de sécurité sociale :
Souhaite que le certificat A1 d'affiliation au régime de sécurité sociale du pays d'envoi soit sécurisé et comporte, notamment, une photo d'identité du titulaire ; considère qu'il doit être déqualifié, dès lors qu'il existe des doutes sérieux quant à la réalité de l'affiliation du salarié détaché au régime de sécurité sociale du pays d'établissement ;
Regrette le recours aux actes d'exécution pour mettre en place une procédure type assortie de délai pour la délivrance, le format, le contenu du certificat A1 ; considère qu'une certaine marge de manoeuvre doit être laissée aux États membres aux fins de contrôle, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Estime indispensable la création d'un numéro de sécurité sociale européen qui permettrait une interconnexion des systèmes européens de sécurité sociale, une identification et une vérification en temps réel de la couverture et une réduction des risques d'erreur et de fraude liés à l'utilisation de documents papier ;
S'interroge sur le fonctionnement de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale et juge nécessaire la mise en place de délais courts d'échanges entre autorités de contrôle ;
Salue l'orientation générale du Conseil du 23 octobre 2017 qui prévoit une affiliation du salarié au régime de sécurité sociale dans l'État d'établissement de l'entreprise qui le détache 3 mois avant son détachement ; souhaite que soit également vérifié qu'il ait exercé une activité au sein de cet entreprise et de cet Etat durant au moins trois mois ;
Demande un alignement de la durée maximale de détachement prévue en matière de sécurité sociale sur celle retenue dans le cadre la révision de la directive de 1996, soit 12 mois auxquels s'ajoute une option de 6 mois ;
Souhaite, aux fins de contrôle de la réalité de l'affiliation à un régime de sécurité sociale et du montant de la rémunération versée, que soit mis en place un système de recouvrement des cotisations sociales visant les travailleurs détachés par les Etats membres d'accueil qui les reverseraient ensuite aux Etats où les entreprises sont établies ;
Appelle de ses voeux un meilleur encadrement du statut de travailleur pluriactif, reprenant les avancées obtenues en matière de détachement des travailleurs ;
Sur le régime du détachement dans le transport routier international :
Partage la volonté de la Commission européenne de renforcer les contrôles visant la fraude au détachement dans le secteur des transports, en ciblant les sociétés boîtes aux lettres et en fixant des objectifs chiffrés ; appuie son projet d'encadrement de l'activité des véhicules utilitaires légers ;
Estime les propositions de la Commission complexes, inapplicables ou potentiellement dangereuses pour les petites entreprises ne travaillant que sur les marchés nationaux ;
Insiste pour que les normes sociales du pays d'accueil s'appliquent dès le premier jour de livraison ;
Rappelle que la réglementation européenne en matière de cabotage avait été initialement mise en place pour éviter les retours à vide et alléger ainsi le coût pour l'environnement et non pas pour libéraliser totalement le secteur du transport routier de marchandises ; s'oppose à toute dérégulation du cabotage ;
Salue la révision de la définition du temps de repos, qui interdit notamment le repos en cabine ; juge cependant qu'elle ne contribuera qu'imparfaitement à limiter le cabotage permanent, les normes en matière de cabotage visant les camions et non les chauffeurs ;
Regrette que la Commission européenne ne propose qu'une liste fermée de mesures de contrôles et d'exigences administratives ; demande en conséquence l'alignement sur la directive d'exécution 2014/67/UE qui prévoit, dans les autres secteurs, une liste ouverte de contrôles afin de permettre aux Etats membres d'être le plus réactifs possible face à des mécanismes de fraude de plus en plus complexes ;
Souhaite la généralisation à l'ensemble des camions du chronotachygraphe numérique, dit tachygraphe intelligent, dès 2023 ;
Estime que la révision en cours des règles européennes en matière de transport combiné doit prévoir l'application du règime des travailleurs détachés pour toute opération internationale ;
Invite le gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
À BRUXELLES :
- Mme Élisabeth Morin-Chartier, députée européenne, co-rapporteure du Parlement européen sur la proposition de révision de la directive relative au détachement des travailleurs.
- M. Pitt Van Nuffel, conseiller au cabinet de Mme Marianne Thyssen, commissaire européen à l'Emploi, aux affaires sociales, aux compétences et à la mobilité des travailleurs.
- Mme Mireille Jarry, conseillère (Travail, emploi, santé et sécurité au travail, semestre européen, point de contact pour le Comité économique et social européen, responsable administration et budget du service), Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.
- Mme Séverine Picard, conseillère juridique, Confédération européenne des syndicats.
À PARIS :
- M. Jonathan Gindt, conseiller diplomatique au cabinet de Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des Transports, Mmes Sandra Fioriti, direction des affaires européennes et internationales (DEAI), et Sylvie André, et M. Christian Prat, direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), Ministère de la Transition écologique et solidaire.
- Mme Corinne Cherubini, directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (DIRECCTE).
- M. Philippe Sanson, directeur du Centre des liaisons européennes et internationales de Sécurité sociale (CLEISS).
- M. Thierry Dabée, inspecteur du travail, unité régionale d'appui et de contrôle du travail illégal (URACTI).
- M. Alexandre de La Volpilière, chef du secteur TESC - Travail, emploi, santé, culture, audiovisuel, jeunesse, sport, Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE).
- M. Olivier Salleron, vice-président, Mme Lætitia Assali, directrice des affaires sociales,, et M. Benoît Vanstavel, directeur des relations parlementaires et institutionnelles, Fédération Française du Bâtiment (FFB).
- MM. Patrick Liebus, président, et Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes, Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB).
- Mmes Corinne Vieillemard, vice-présidente de la commission Droit du travail et questions sociales, et Véronique Etienne-Martin, directrice de cabinet du président et du directeur général, M. Marc Canaple, responsable du pôle Droit de l'entreprise, secrétaire général de la commission Emploi et Travail, et Mme Aurélie Marseille, directrice générale adjointe chargée de la vie institutionnelle et des études Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP).
- Mmes Florence Berthelot, déléguée générale, et Isabelle Maître, chargée des affaires européennes, Fédération nationale du Transport routier (FNTR).
- M. Dominique Mazieres, président du conseil Organisateurs de transports terrestres, Mme Nancy Noël, directrice du pôle des affaires sociales, et M. Philippe Munier, délégué régional Ile de France Centre Ouest, Union des entreprises de Transport et de Logistique de France (TLF).
* 1 Directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.
* 2 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
* 3 Le travailleur détaché : un salarié low cost ? Les normes européennes en matière de détachement des travailleurs, Rapport d'information de M. Éric Bocquet n° 527 (2012-2013), fait au nom de la commission des affaires européennes, 18avril 2013.
* 4 Une déclaration de détachement peut concerner plusieurs salariés. Elle indique en premier lieu le pays d'établissement de la société qui détache ses salariés.
* 5 Proposition de directive modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (COM(2016) 128 final).
* 6 Sur la proposition de la Commission : Localiser les droits des travailleurs détachés dans le pays d'accueil, Rapport d'information n° 645 (2015-2016) de M. Éric Bocquet, fait au nom de la commission des affaires européennes, 26 mai 2016.
* 7 Allemagne, Autriche, Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas et Suède.
* 8 Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et République tchèque.
* 9 Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et République tchèque.
* 10 Projet de rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (2016/0070).
* 11 Le droit français prévoit également l'obligation pour tout employeur établi à l'étranger de transmettre, avant le début de l'intervention, une déclaration préalable de détachement transnational à l'inspection du travail dont dépend le lieu de sa prestation. Une carte d'identification professionnelle obligatoire pour tout employé de chantier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics a également été généralisée en 2017. La carte comporte des informations relatives à l'ouvrier et à son employeur.
* 12 Directive 2014/67/UE du 15 mai 2014 relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services et modifiant le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur.
* 13 Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
* 14 Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).
* 15 Analyse d'impact concernant la révision de la directive sur le détachement de travailleurs - SWD(2016)52.
* 16 Résolution européenne n° 169 (2015-2016) sur la proposition de révision ciblée de la directive 96/71 CE relative au détachement des travailleurs, 1 er juillet 2016.
* 17 Article 12 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
* 18 Autriche, Chypre, Croatie, Estonie, Finlande, Grèce Hongrie, Irlande, Lettonie, Portugal, Slovaquie et Slovénie.
* 19 Arrêt CJUE du 17 novembre 2015 RegioPost GmbH & Co. KG contre Stadt Landau in der Pfalz.
* 20 Le droit français transfère au donneur d'ordre ou au maître d'ouvrage la charge de déclarer les salariés détachés de leurs sous-traitants si ces derniers ne l'ont pas fait, sous peine de sanction. Il doit également déclarer un accident du travail concernant un salarié détaché. Le législateur a également mis en place un dispositif de responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et l'un de ses sous-traitants qui ne règle pas la totalité des rémunérations dues. La responsabilité est notamment financière. Ce mécanisme s'applique à tous les secteurs professionnels. La responsabilité pèse sur les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des donneurs d'ordre, la chaîne de sous-traitance n'étant pas limitée au seul cocontractant. Le législateur a également prévu un devoir de diligence pour le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage qui, alerté par un agent de contrôle, devra alors prendre les mesures nécessaires. La responsabilité solidaire n'est, par ailleurs, engagée qu'à la demande d'un agent de contrôle.
* 21 Proposition de directive modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières (COM(2018) 241 final), 25 avril 2018.
* 22 Arrêt CJUE du 25 octobre 2017, affaire C-106/16 Polbud-Wykonawstwo sp. z o.o.
* 23 Proposition de règlement établissant une Autorité européenne du travail (COM(2018) 131 final), 13mars 2018.
* 24 Résolution européenne de l'Assemblée nationale n° 185 (2012-2013) du 11 juillet 2013 sur la proposition de directive relative à l'exécution de la directive sur le détachement des travailleurs (article 5).
* 25 Décision (UE) 2016/344 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 établissant une plateforme européenne afin de renforcer la coopération dans la lutte contre le travail non déclaré.
* 26 Projet de rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (CE) n° 987/2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 ; 20 novembre 2017.
* 27 Proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (CE) n° 987/2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 (COM(2016) 815 final).
* 28 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen - Suivi de la mise en oeuvre du socle européen des droits sociaux (COM(2018) 130 final), 13 mars 2018.
* 29 Arrêt de la Cour du 3 décembre 2014, Edgard Jan De Clercq e.a.
* 30 Résolution européenne n° 102 (2016-2017) portant avis sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et le règlement (CE) n° 987/2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 (COM(2016) 815 final), 8 mars 2017.
* 31 Les obligations européennes en matière de détachement s'imposent à la Suisse au titre de sa relation bilatérale avec l'Union européenne.
* 32 Arrêt de la Cour du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff GmbH contre Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Alsace (Urssaf), venant aux droits de l'Urssaf du Bas-Rhin, Sozialversicherungsanstalt des Kantons Graubünden.
* 33 Cette commission a été instituée par les articles 80 et 81 du règlement 1408/71 du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Elle a été modernisée par le règlement n° 987/2009. Elle est composée d'un représentant gouvernemental de chacun des États membres, assisté, le cas échéant, de conseillers techniques. Un représentant de la Commission européenne participe, avec voix consultative, aux sessions. Elle bénéficie de l'assistance technique du Bureau international du travail. Elle se réunit quatre fois par an.
* 34 Arrêt de la Cour du 6 février 2018, C-359/16 Ömer Altun e.a / Openbaar Ministerie.
* 35 Passer de la défiance à la confiance : pour une commande publique plus favorable aux PME. Rapport d'information n°82 (2015-2016) de M. Martial Bourquin au nom de la mission commune d'information sur la commande publique du Sénat, présidée par M. Philippe Bonnecarrère.
* 36 Proposition de directive modifiant la directive 2006/22/CE quant aux exigences en matière de contrôle et établissant des règles spécifiques en ce qui concerne la directive 96/71/CE et la directive 2014/67/UE pour le détachement de conducteurs dans le secteur du transport routier (COM(2017) 278 final).
* 37 Proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 1071/2009 et le règlement (CE) n° 1072/2009 en vue de les adapter aux évolutions du secteur (COM(2017) 281 final).
* 38 Proposition de règlement modifiant le règlement (CE) n° 561/2006 en ce qui concerne les exigences minimales relatives aux durées maximales de conduite journalière et hebdomadaire et à la durée minimale des pauses et des temps de repos journalier et hebdomadaire, et le règlement (UE) n° 165/2014 en ce qui concerne la localisation au moyen de tachygraphes (COM(2017) 277 final).
* 39 Règlement (CE) n° 1072/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché du transport international de marchandises par route.
* 40 Résolution européenne n° 114 (2013-2014) sur le dumping social dans les transports européens.
* 41 Cf supra . Son adoption fait suite à la publication du rapport Le droit en soute : le dumping social dans les transports européens, de M. Éric Bocquet, fait au nom de la commission des affaires européennes, n° 450 (2013-2014) - 10 avril 2014.
* 42 Proposition de directive modifiant la directive 92/106/CEE relative à l'établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre États membres (COM(2017) 648 final).
* 43 Arrêt de la Cour d 20 décembre 2017, Affaire C-102/16, Vaditrans BVA c/ Belgique.
* 44 Communiqué de presse conjoint du Ministère allemand des Transports et des Infrastructures numériques et du Ministère français chargé des Transports - Première rencontre franco-allemande des Ministres des Transports, 11 mai 2018.