III. AUDITION DE LA MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ
Réunie le mercredi 7 mars 2018 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur la situation dans les Ehpad.
M. Alain Milon , président . - Nous accueillons cet après-midi Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur la situation dans les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad).
La commission des affaires sociales s'est réunie ce matin pour entendre les conclusions de son rapporteur médico-social Bernard Bonne après sa mission sur les Ehpad, et elle les a adoptées.
Madame la ministre, nous avons souhaité recueillir votre analyse et votre réaction à nos conclusions sur les difficultés rencontrées dans les Ehpad, mises au jour par la mobilisation des personnels du 30 janvier dernier et qui s'expliquent, selon nous, par des problèmes structurels.
La réforme de la tari?cation des établissements, sur laquelle notre commission avait déjà sonné l'alerte, a été pointée du doigt, mais elle n'est pas seule en cause. Le diagnostic est connu : les personnes accueillies dans ces établissements sont globalement plus âgées qu'avant et leur autonomie plus limitée, tandis que les moyens consacrés à l'autonomie ont certes progressé, mais sans que cela se traduise toujours de façon très concrète en effectifs sur le terrain.
Nos concitoyens souhaitent une socialisation accrue du financement de ce risque alors que le reste à charge est élevé, voire inaccessible pour certaines familles.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Vous avez souhaité m'entendre après la présentation du rapport de M. Bernard Bonne. Je souhaite tout d'abord vous faire part de ma vision du sujet, en particulier de la tarification, qui est une préoccupation permanente depuis mon arrivée au ministère.
La réforme de la tarification a été votée dans la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement en 2015, ses décrets d'application ont été publiés en décembre 2016, elle a donc été mise en oeuvre début 2017, avec l'objectif d'améliorer les conditions de gestion des établissements.
Elle contient plusieurs volets, tels que la tarification « à la recette » dans un cadre pluriannuel en fonction des besoins plutôt que des discussions annuelles ; la signature, par les établissements, de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens ainsi qu'une progression sensible des tarifs des soins en fonction d'une estimation des besoins par établissement, pour laquelle le Gouvernement avait dégagé environ 100 millions d'euros par an depuis 2014. Enfin, et c'est sur ce point que le bât blesse, il était prévu de faire converger les tarifs « dépendance » autour d'une moyenne départementale.
Cette mesure n'avait pas fait l'objet d'une étude d'impact préalable et les conditions effectives de sa mise en oeuvre ont permis d'en mesurer les conséquences réelles. Si nous avons pu disposer rapidement d'une première estimation macroéconomique, ses effets sur les établissements eux-mêmes avaient été mal appréhendés.
Dès mon arrivée au ministère, j'ai indiqué que j'étais prête à engager des enveloppes financières pour accompagner la réforme, mais je souhaitais mieux comprendre ses répercussions au cas par cas. J'ai ainsi nommé un médiateur, Pierre Ricordeau, inspecteur général des affaires sociales, qui a déjà rencontré les acteurs nationaux et a prévu une série de déplacements en régions jusqu'à la fin mars.
Les premiers retours indiquent que les impacts sont plus importants lorsqu'on les analyse au niveau des établissements que lorsqu'on les étudie par grandes masses ou par catégories. Même si très peu d'établissements perdent des recettes à la fois au titre des soins et de la dépendance, le nombre de ceux qui en perdent au seul titre de la dépendance est significatif, autour de 20 à 25 %, avec des niveaux de perte variables.
Les améliorations obtenues au titre de la convergence sur les soins sont parfois inférieures aux pertes liées à la convergence sur la dépendance. Ces différences sont dues à un dispositif de convergence « dépendance » vers une moyenne départementale, laquelle varie beaucoup entre départements. Une telle situation n'a pas pu être anticipée et préparée en amont.
Le secteur fondait beaucoup d'espoir sur la convergence « soins », mais ne s'attendait pas à ce que ses effets soient pour partie entamés par ceux de la convergence « dépendance ». Je peux donc comprendre les réactions, par exemple, de la Fédération hospitalière française (FHF).
J'ai pour objectif d'améliorer les conditions de prise en charge. Au vu des constats faits par le médiateur, nous devons nous donner le temps de mesurer la situation établissement par établissement pour définir un mécanisme qui ne remette pas en cause les fondements - que je crois toujours vertueux - de cette réforme, mais en neutralise les effets négatifs, par exemple en compensant sur un ou deux ans les pertes des Ehpad en difficulté. Le médiateur a commencé à y travailler. Monsieur Bonne, vous proposez un mécanisme différent, mais avec le même objectif. Nous devons en parler avec les départements, qui partagent notre constat.
Les retours du terrain, comme votre rapport, indiquent qu'il nous faut travailler à nouveau sur certains sujets, qu'ils soient directement liés à la réforme, comme l'hétérogénéité de la valeur du point départemental que vous évoquez, ou qu'ils en soient plus éloignés, comme l'organisation des soins ou le rôle du médecin coordonnateur.
Vous connaissez mon attachement à la prévention, il nous faut mieux la prendre en compte, y compris dans notre système tarifaire. On parle également beaucoup de l'habilitation à l'aide sociale, qui concerne à la fois l'accessibilité des Ehpad et leur équilibre économique. Enfin, d'autres questions sont essentielles, comme la qualité de vie au travail et la bientraitance.
La situation des Ehpad ne saurait être envisagée sous le seul angle tarifaire, mais elle doit s'inscrire dans la question plus vaste de la politique envers les personnes âgées. Nous devons ainsi réfléchir à l'Ehpad de demain. Dans cette optique, je présenterai fin mars une stratégie globale d'accompagnement de la longévité. J'ai commencé à rencontrer les parties concernées.
M. Bernard Bonne . - J'ai mené une mission courte - elle a duré un mois - qui a débouché sur des propositions à court et à moyen terme, sans occulter une réflexion plus profonde sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes à domicile ou en établissement. Mon rapport comprend quelques propositions fortes. Nous considérons qu'il serait intéressant de réorienter la réforme tarifaire avec une séquence différente. Nous proposons de figer la dotation autonomie à son niveau de 2016 et de concentrer nos efforts sur la diffusion des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM). Nous pourrions ensuite revenir à la réforme tarifaire en diligentant une enquête sur son impact réel. En matière de dépendance, certains cas ont choqué au vu des budgets contraints des départements, en particulier lorsque l'on a été amené à mieux doter des établissements à but lucratif au détriment des établissements associatifs ou publics.
Une autre proposition est de permettre au médecin coordonnateur de prescrire. En effet, le médecin traitant n'a plus la même perception des personnes âgées qu'auparavant, tant on change aujourd'hui facilement de médecin. Devoir faire appel au médecin traitant est très coûteux. Quand un médecin coordonnateur est régulièrement présent dans l'établissement, on peut ainsi faire des économies considérables en pharmacie et en transport, deux des postes des dépenses de ville les plus importants.
Nous proposons d'autoriser les établissements à pratiquer des prix de journée différenciés en fonction des revenus, afin de limiter le reste à charge des plus modestes.
Les aides-soignants en Ehpad pourraient bénéficier d'une habilitation spéciale qui leur permettrait de pratiquer des actes infirmiers, comme l'aide à la prise de médicaments. Ils n'en ont pas le droit aujourd'hui.
Nous proposons aussi de limiter le recours au travail discontinu, et d'instaurer plus de souplesse dans l'aménagement des temps de travail y compris entre personnels relevant de différentes conventions. De même, nous souhaitons, dans le prolongement des dispositifs « parcours emplois compétences », qui prennent la suite des contrats dits aidés, que les directeurs d'établissements soient incités à recruter des stagiaires déjà formés.
Nous souhaitons l'interruption de l'incitation financière au passage au tarif global qui n'apporte aucune économie d'échelle en matière de dépenses en soins de ville.
Nous proposons également de relancer l'expérimentation du développement de pharmacies internes aux Ehpad, avec un dispositif de protection des officines en milieu rural, semi-rural ainsi que dans les secteurs en difficulté, qu'une telle mesure pourrait menacer.
Pourquoi ne pas développer le recours au patrimoine privé en mettant fin aux incitations fiscales à la conservation de la pleine propriété de logements inoccupés au profit d'une incitation fiscale au viager ?
Ces propositions sont des mesures fortes pour le court terme. Elles ne permettront peut-être pas les embauches nécessaires pour atteindre 0,8 encadrant par résident, niveau que chacun souhaite, mais elles introduiront de la souplesse.
Nous proposons enfin de clarifier les compétences tarifaires. Nous avons constaté les difficultés surgissant entre les agences régionales de santé (ARS) et les départements pour la fixation des tarifs « soins » et « dépendance ». La partition entre les deux n'est pas toujours très nette et la mise en place d'un acteur de tarification unique pourrait donner de la souplesse aux directeurs.
Mme Agnès Buzyn, ministre . - Vous proposez d'interrompre provisoirement la mise en oeuvre de la réforme tarifaire, nous avons préféré demander au médiateur d'avancer des pistes pour en neutraliser les effets négatifs, avec l'objectif qu'il n'y ait pas de perdants. Le modèle des Ehpad n'a pas été pensé pour un tel degré de perte d'autonomie et de maladie et il n'est pas adapté aujourd'hui à des résidents entrant en établissement à 87 ans pour une durée moyenne de moins de deux ans. J'ai mandaté les ARS pour qu'elles aident les Ehpad les plus en difficulté à se rapprocher les uns des autres et à favoriser la mutualisation des fonctions support. Certains petits établissements qui n'appartiennent pas à de grands groupes pourraient être plus efficaces.
Vous avez raison, il nous faut trouver des solutions d'adaptation. Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens permettent cela, nous travaillons sur ce sujet avec la FHF et nous attendons les conclusions du médiateur.
S'agissant de l'efficience de l'organisation des soins, il est vrai que le médecin coordonnateur n'a pas le droit de prescrire. J'ai rencontré les gériatres, ainsi que les représentants des médecins coordonnateurs, et tous m'ont dit qu'un médecin coordonnateur ne pouvait pas être médecin traitant. Toutefois, ils soulignent que lorsque quarante médecins traitants se succèdent dans un Ehpad, cela entraîne une perte générale d'efficience de notre système de santé. Certes, les résidents peuvent conserver leur médecin, mais dans certains territoires, nous pourrions envisager que des médecins salariés volontaires travaillent à mi-temps en Ehpad et à mi-temps en libéral. Nous pouvons engager une réflexion sur la prescription par les médecins coordonnateurs. Cela suscitera des débats dans les territoires où les médecins ne manquent pas, mais il est urgent de faciliter cela dans les déserts médicaux. Il nous faut parvenir à rationaliser la pratique médicale dans les Ehpad.
Je développe du reste la télémédecine afin que les infirmières accèdent facilement à un avis médical, ce qui pourra éviter des hospitalisations inutiles aux urgences, en particulier la nuit. Un budget de 10 millions d'euros sera consacré au recrutement d'infirmières de nuit dans les Ehpad.
S'agissant des prix d'hébergement différenciés, ils existent déjà dans certains établissements, qui imposent un surloyer pour les résidents ne bénéficiant pas de l'aide sociale, mais occupant des places habilitées. Nous pourrions rendre cela plus lisible, après avoir réglé les questions juridiques relatives à l'égalité d'accès au service public que cette mesure soulève. Nous devons donc encore travailler sur le sujet.
En ce qui concerne l'habilitation des aides-soignantes à effectuer des actes infirmiers, il est vrai que le glissement des tâches a lieu. L'enjeu est de sécuriser les aides-soignants qui le pratiquent. La délégation de tâches entre professionnels de santé existe, elle se pratique facilement entre médecins et infirmières, nous devons y réfléchir, en prévoyant évidemment une formation ad hoc et sans tout autoriser.
En ce qui concerne la clarification des compétences tarifaires, il est vrai que la philosophie de la réforme est vertueuse, mais nous avons constaté les difficultés de sa mise en oeuvre. Beaucoup d'Ehpad ont eu du mal à codifier l'état de dépendance de leurs résidents et ont le sentiment d'être perdants. Nous devons les aider à mieux évaluer les niveaux de dépendance et de charge en soins. Toutefois, une convergence des deux tarifs en un seul ajouterait 2,5 milliards d'euros à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). C'est impossible. En revanche, nous devons réfléchir à confier à un seul opérateur la responsabilité des tarifs.
Mme Brigitte Micouleau . - En plus des manques quantitatifs, les Ehpad rencontrent des problèmes qualitatifs. Peu de toilettes complètes, des repas expédiés, des échanges verbaux insuffisants, aucune empathie : la maltraitance est un fait. Tout cela est dû au manque de personnel dans les Ehpad, comment comptez-vous résoudre ce problème ?
Mme Laurence Cohen . - J'espère que votre écoute, cet après-midi, est plus conforme au respect du pluralisme que l'emploi du vote bloqué que vous défendez ce soir dans l'hémicycle.
Nous sommes à la veille du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Les agents qui exercent dans ce secteur sont à 80 % des femmes, qui subissent une précarité massive, une insuffisance de qualification comme d'effectifs, qui les empêchent de répondre aux besoins de nos aînés résidents. Ceux-ci sont d'ailleurs des femmes à 90 %.
Comme la plupart des emplois dits féminins, ces postes sont peu valorisés et faiblement rémunérés, car on considère qu'ils reposent sur de supposées qualités naturelles et ne nécessitent pas de formation particulière.
Or on constate que la charge de travail est très lourde et emporte des conséquences dramatiques. Les accidents du travail sont ainsi deux fois plus nombreux dans cette branche que la moyenne nationale, l'absentéisme et les difficultés de recrutement y sont importants.
Quelles mesures envisagez-vous pour améliorer la formation, la rémunération et les perspectives de carrières de ces agents dans le cadre de leurs conventions collectives ? Quelles mesures allez-vous mettre en oeuvre pour assurer un meilleur encadrement ? Je rappelle que le taux d'encadrement est de 0,6 emploi par résident dans notre pays, alors qu'il est de 1,2 en Allemagne.
M. Jean-Marie Morisset . - Vous nous avez rassurés sur la réforme tarifaire et je vous en remercie. Toutefois, le mouvement récent des personnels des Ehpad n'était pas limité à ce point.
Vous annoncez la distribution de 100 millions d'euros, quelles en seront les modalités ? Si cette somme est confiée aux ARS, nous ne sommes pas près d'en bénéficier !
La réforme des Ehpad n'est pas seulement une affaire de financement : il s'agit d'héberger des résidents, qui supportent, avec ou sans l'aide sociale, 50 % du budget des établissements. Aujourd'hui, on déconventionne des Ehpad à l'aide à l'hébergement pour permettre la mise en place de deux tarifs. Dans les zones rurales, cela ne passe pas !
Le modèle des Ehpad doit changer, parce qu'ils accueillent de plus en plus de personnes handicapées vieillissantes qui recherchent un hébergement plus que des soins. On accorde donc des dérogations pour accueillir des personnes de cinquante ans. Cela pose des problèmes de financement, de gestion et de statut.
M. Daniel Chasseing . - Vous allez faire des propositions pour neutraliser les effets négatifs de la réforme, mais lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous aviez fait part de votre volonté d'adapter les soins en fonction des territoires.
Le problème des Ehpad remonte à plusieurs années et s'aggrave, parce que la dépendance à l'entrée augmente et que les aides-soignants ne parviennent pas à la gérer. La loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement n'a rien apporté. Les Ehpad de Corrèze ont un GIR moyen pondéré (GMP) supérieur à 700. Dans ma commune, l'établissement a un GMP de 730, avec 0,56 agent par pensionnaire, et tous les actes se font de manière précipitée. Sur 47 employés, cet établissement ne compte que 16 aides-soignants.
Il est nécessaire de passer à 0,7 encadrant par pensionnaire, en augmentant le nombre d'aides-soignants et d'infirmiers. Cette mesure a un coût, que j'estime à un milliard d'euros pour le recrutement de 40 000 employés, mais elle représenterait un progrès considérable.
Les infirmières de nuit sont inutiles, surtout si elles sont d'astreinte sur plusieurs établissements. En revanche il serait fort utile de garantir la présence d'une infirmière entre quatorze et seize heures par jour.
Le maintien à domicile me semble utopique, dans la mesure où 60 % des résidents des Ehpad souffrent de troubles cognitifs nécessitant la présence d'un aidant en permanence. En ce qui concerne les médecins traitants, il faut prendre en compte les territoires ruraux dans lesquels des médecins ont fait l'effort d'acquérir la capacité en gériatrie. En mettant en péril ce tissu, on fragiliserait beaucoup d'Ehpad.
Les pharmacies d'établissement, dans les deux Ehpad que je connais, font des efforts considérables et remplissent les piluliers de tous les patients. L'important, c'est de permettre aux personnes âgées dépendantes de mieux vivre, en augmentant le nombre d'aides-soignants et d'infirmières.
Par ailleurs, la formule mathématique utilisée actuellement dans le calcul du forfait soins n'est pas satisfaisante.
Enfin, je rejoins Bernard Bonne sur la répartition des rôles entre l'État et les départements sur les tarifs. À mon sens, le plus important est d'améliorer l'encadrement. La dépendance augmente, augmentons la présence auprès des pensionnaires !
Mme Agnès Buzyn, ministre . - Madame Micouleau, le problème est quantitatif et qualitatif, mais la dimension quantitative varie d'un département à l'autre. Nous devons mener une réflexion sur la répartition des places, car si dans certains départements les Ehpad sont saturés, dans d'autres, on peine à les remplir. Peut-être faut-il également diversifier l'offre, en mettant en place un nouveau modèle sur la base d'une plateforme de services et pas seulement d'un hébergement.
S'agissant de l'aspect qualitatif, les résidents sont de plus en plus âgés et les Ehpad, qui étaient des lieux de vie, deviennent des lieux de fin de vie, dont le public ne se différencie guère de celui de certains services de soins de longue durée en hôpital il y a vingt ans. Des efforts ont été faits. Ainsi, entre 2006 et 2017, la somme consacrée aux soins en Ehpad est passée de 5 à 10 milliards d'euros. Cet effort collectif est insuffisant, mais il est significatif.
Vous avez raison en ce qui concerne le personnel : le turn-over est fréquent, la charge de travail est lourde. Ces femmes peu qualifiées ont peu de perspectives. Si l'on veut recruter des aides-soignantes, il faut améliorer l'attractivité du métier et promouvoir la gestion des carrières, en ménageant une orientation, à terme, vers l'animation, la coordination ou l'encadrement.
Nous n'avons pas suffisamment de personnel. La moyenne est de 0,63 encadrant par résident, mais beaucoup de postes existants ne sont plus pourvus, ce qui amplifie l'absentéisme. Nous devons briser ce cercle vicieux. Je souhaite ainsi intégrer les professionnels de santé les moins qualifiés dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle préparée par Muriel Pénicaud. La proportion des aides-soignantes ou des infirmières augmente de 1 % par an en fonction du GMP. En dix ans, cela représente une augmentation de 11 % et l'effort se poursuit.
Monsieur Chasseing, vous affirmez que les infirmières de nuit sont inutiles, mais on nous rapporte que leur présence réduit les hospitalisations en urgence.
Les 100 millions d'euros seront attribués via l'augmentation des tarifs soins votée au sein de l'Ondam. Sur ce montant, 28 millions d'euros seront destinés à aider les établissements en difficulté. Cette année, j'y ai ajouté 50 millions d'euros dans le fonds d'intervention régional aux mains des ARS afin que celles-ci accompagnent les restructurations.
Sur le déconventionnement, le surloyer est possible, mais pose un problème juridique sur lequel nous travaillons avec les conseils départementaux, qui sont les plus compétents sur l'aide sociale.
Les difficultés très particulières que posent les personnes handicapées vieillissantes, présentant des troubles psychiques ou psychiatriques, justifient que nous travaillions immédiatement sur la tarification, mais elles requièrent également une réflexion sur le modèle d'un Ehpad plus diversifié, qui agisse comme une plateforme de services à la personne, à domicile ou en hospitalisation de jour. J'ai lancé cette réflexion en saisissant à ce sujet le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) et le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM).
Nous allons lancer une grande concertation sur l'accompagnement du vieillissement de la société, parce que nous avons intérêt à engager le plus tôt possible ce débat aux dimensions sociétales et financières très importantes.
M. Olivier Henno . - Dans le Nord, la réforme a favorisé les établissements à but lucratif, mais en y regardant de près, on constate que certains de ces écarts se justifiaient par des différences de coûts de fonctionnement.
La décision de mettre en place une double tarification a été prise au regard des tensions financières subies par les départements. Dans mon département, on a pris la décision de demander un peu plus aux familles qui en ont les moyens. Quel regard portez-vous sur cette évolution ?
Par ailleurs, on sait que les difficultés financières des départements pèsent sur leur politique en matière d'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Qu'en pensez-vous ?
M. René-Paul Savary . - En matière d'hébergement, Bernard Bonne propose d'améliorer les incitations au viager. Comptez-vous y réfléchir ? Comme futur rapporteur de la réforme des retraites, je constate des proximités entre ce sujet et celui de la dépendance, en particulier s'agissant des petites retraites, qui ne sont pas seulement agricoles ! Comptez-vous mener une réforme systémique de la dépendance ou seulement une réforme paramétrique ?
M. Michel Amiel . - Sur le plan tarifaire, l'enfer est pavé de bonnes intentions. La réforme entendait améliorer la lisibilité et la clarté, elle a fait le contraire ! Je me suis rendu en Ehpad muni d'un document issu de vos services. Je peux vous dire qu'en comparaison, l'hématologie, c'est la bibliothèque rose ! Il faut simplifier !
Je crains que nous ne nous contentions de rustines et que les choses continuent à empirer. Une des pistes globales est le décloisonnement entre le sanitaire et le médico-social.
Deuxième point, la place des médecins et infirmières. Les médecins coordonnateurs, « dans la vraie vie », prescrivent alors qu'ils ne le devraient pas. Médicalisons davantage les Ehpad. Une infirmière de nuit doit avoir un contact - par exemple en télémédecine - avec un médecin. Elle ne peut pas refuser d'hospitaliser un patient.
On ne sait pas où mettre des personnes handicapées plus jeunes qui viennent en Ehpad. Nombre d'Ehpad acceptent des personnes « borderline »...
J'ai gardé mon combat personnel, la fin de vie dans les Ehpad, pour la fin : on s'affronte sur le sujet à coup de tribunes dans les médias. Dans les Ehpad, la fin de vie est dramatique car le personnel est rarement formé aux soins palliatifs. Faute de mieux, on hospitalise la personne âgée dans une structure d'urgence où elle mourra probablement dans des conditions épouvantables, sans parler du coût financier. Légaliser l'euthanasie dans ce cadre est extrêmement dangereux, du moins tant que la loi Claeys-Leonetti de février 2016, dont j'ai été le rapporteur avec Gérard Dériot, n'a pas été expertisée... Nous souhaiterions que cette loi soit appliquée, mieux connue, et évaluée.
M. Jean-Noël Cardoux . - Lors du débat sur le risque de la dépendance sous la houlette de Mme Marie-Anne Montchamp, alors ministre, deux écoles s'affrontaient sur le financement de la dépendance : celle de la solidarité nationale et celle du financement par une assurance privée. Avons-nous avancé sur ce dernier point ? Le président de la Fédération française des assurances nous indiquait que les assureurs sont prêts, et peuvent proposer des produits. Toute personne pourrait, en vue d'une éventuelle future dépendance, soit adhérer à un contrat d'assurance individuelle - peu cher s'il est souscrit à 25 ou 30 ans - soit accepter le recours systématique sur la succession ou sur le patrimoine. J'avais déjà émis cette idée.
Un débat éthique majeur s'ouvrira bientôt sur les soins palliatifs. Où en est le financement des unités de soins palliatifs ? Dans mon Ehpad du Loiret, nous avions une précieuse unité de cinq lits de soins palliatifs, qui permettait une fin de vie relativement apaisée. Nous manquons cruellement de telles unités, qui relèvent du domaine sanitaire. Avez-vous l'ambition d'accroître significativement les moyens des unités de soins palliatifs en Ehpad ?
Mme Michelle Meunier . - Évoquer les personnes âgées, ce n'est pas seulement parler d'Ehpad et de tarification, et je suis satisfaite de vous entendre. Je vous trouve injuste sur la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement (ASV) qui ne servirait pas à grand-chose. Elle procédait d'un nouveau regard sur les personnes âgées.
Je vous rejoins sur votre approche de la prévention, de la qualité de la prévention et de la qualité de vie au travail. Il y a un besoin de reconnaissance et de valorisation des métiers d'aide aux personnes âgées - comme des métiers de la petite enfance - par un meilleur déroulement de carrière, de la formation continue... Soyons attentifs à la formation initiale ; qu'en est-il du référentiel des aides-soignants, qui serait prêt mais pas encore publié ? Certes, des évolutions sont à souligner, comme le glissement des tâches. Même si 80 % des maltraitances surviennent dans le cadre familial, 20 % se passent dans les Ehpad. La famille ou le personnel déclarent des cas mais il y a peu de sanctions, alors que les ARS sont mandatées pour intervenir. Certes, il est difficile d'être juge et partie - les ARS sont également financeurs... Cette indépendance est plus compliquée.
M. Alain Koskas vous remettra un rapport sur la maltraitance financière, sujet important ; la formation du personnel doit être améliorée.
Mme Agnès Buzyn, ministre . - Monsieur Henno, vous avez souligné que la réforme était plutôt favorable au privé, mais qu'il ne fallait pas abandonner une philosophie adaptée. La mise en oeuvre est difficile. Je suis favorable à ce que les départements puissent moduler les tarifs. Actuellement, cela pose un problème juridique, mais nous explorons cette voie. Les départements souffrent d'avoir la charge d'une aide sociale excédant largement l'APA - ils ont aussi à gérer les mineurs non accompagnés, le revenu de solidarité active... Nul ne leur jette la pierre. Nous connaissons cette tension : comment mieux accompagner tous ceux qui en ont besoin ? Il faudrait instaurer une péréquation pour les dotations de solidarité - ce sujet sera abordé dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.
Monsieur Savary, la piste des viagers est intéressante mais elle ne règlera pas toutes les difficultés. Allons-nous vers une réforme systémique ou paramétrique de la dépendance ? Je suis incapable de vous le dire. Nous ouvrons à peine ce chantier, que nous osons enfin affronter. Il est temps ! En 2050, plus de 5 millions de personnes auront plus de 85 ans. Autant s'y préparer trente ans à l'avance...
La réforme systémique coûterait 7 milliards d'euros, avec 2 milliards euros d'APA. Cela rejoint la question de l'assurance privée ou du recours sur succession.
Monsieur Cardoux, à ma connaissance il n'y a pas de réforme ni de proposition d'une voie assurancielle. Cela relèvera du prochain débat public. Si nous voulons aller vers plus d'assurance privée - ce n'est pas actuellement le cas - il faudrait que celle-ci soit souscrite très tôt et quasiment obligatoire pour être efficace. On ne sait pas quel sera le prix de la prise en charge trente ou quarante ans après...
Monsieur Amiel, j'espère que la mission du médiateur n'apportera pas de simples rustines. Cette réforme tarifaire a été mûrement débattue et réfléchie pendant trois ans avec les parties prenantes et les départements. Il me semblait difficile, dès mon arrivée, de jeter aux orties cette réforme, à peine mise en oeuvre, et qui semblait faire consensus. Certes, le diable est dans les détails : la mise en oeuvre est chaotique, prouvant la difficulté d'une telle réforme. Le modèle évoluera grâce aux propositions du HCAAM et du HCFEA. Je ne suis pas sûre que le modèle actuel des Ehpad durera ad vitam aeternam. Il faut d'une part éviter qu'il y ait des perdants, d'autre part rétablir les équilibres. Ce sont peut-être des rustines, mais elles serviront comme telles, en attendant de trouver une solution, qui sera complexe ; nous avons besoin de plusieurs mois de concertation pour avancer vers un modèle différent.
Le désarroi quotidien du personnel est en partie liée au fait que les personnes accueillies meurent en moyenne dans les deux ans. C'est très anxiogène et déprimant. Nous devons former le personnel et organiser la fin de vie en Ehpad. La loi Claeys-Leonetti répond aux besoins. Désormais, des équipes mobiles de soins palliatifs - en nombre insuffisant - interviennent en Ehpad et remplacent les unités de soins palliatifs. La loi prévoit que les médecins généralistes peuvent provoquer la sédation profonde et prolongée en Ehpad. La Haute Autorité de santé (HAS) a été saisie pour proposer des recommandations de bonnes pratiques et aider les généralistes à appliquer cette réforme, notamment dans la médecine de ville, à domicile ou en Ehpad. Il faut les accompagner. Comme vous, je ne pense pas qu'une loi supplémentaire résoudra la situation.
M. Gérard Dériot . - Très bien !
Mme Agnès Buzyn, ministre . - Je me suis mal fait comprendre sur la loi ASV : elle n'a pas réglé le problème de la tarification, mais a effectivement permis d'aborder différemment le sujet. Nous devons mieux prévenir la perte d'autonomie. Le Programme national de santé publique comportera un tel chapitre. Les personnes âgées doivent vieillir moins dépendantes ; nous devons agir maintenant pour dans vingt ans...
Une commission sur la qualité de vie au travail a été mise en place au sein du ministère. Il y a quinze jours, nous avons aussi installé une commission sur la bientraitance et la prévention de la maltraitance, présidée par Denis Piveteau, dont chacun connait l'engagement. J'attends ses propositions.
Il faut valoriser, au sein des territoires, ces métiers, très utiles, locaux, non délocalisables, et donner des perspectives de carrière.
La HAS, qui absorbe l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux (Anesm), mènera des enquêtes de satisfaction dans les Ehpad, à l'instar de ce qui a été réalisé dans les hôpitaux. Autorité indépendante, elle sera plus à même d'identifier ce que doit être la qualité dans un Ehpad. Actuellement, lors que la HAS ne certifie pas un établissement de santé, la sanction tombe. Cette reprise en main de la HAS sur le médico-social améliorera les indicateurs de qualité dans les Ehpad.
Mme Corinne Féret . - Dans certains départements, les capacités d'accueil sont trop nombreuses, dans d'autres, comme dans le Calvados, elles sont insuffisantes. Le Calvados a 93 Ehpad, mais 75 % sont privés. À Caen, ville de 100 000 habitants, le premier Ehpad public a été ouvert en 2015. Dans d'autres départements, la situation est toute autre. Comment pouvez-vous inciter véritablement les collectivités territoriales à ouvrir des établissements publics pour proposer des places aux plus modestes - le secteur public demande un tarif de 55 euros, contre parfois plus de 100 euros au privé à but lucratif ?
M. Jean Sol . - Je souligne l'activité et la charge de travail du personnel des Ehpad ayant manifesté un grand mal-être. Leur activité s'est amplifiée et a évolué au regard d'indicateurs comme l'espérance de vie, une précarité sociale inadmissible, des poly-pathologies... Ce mal-être est multifactoriel : il a trait aux effectifs, aux conditions de travail, aux moyens logistiques, à la médicalisation de plus en plus importante et à son impact sur la prise en charge, à la vétusté des locaux, à la non-adaptation de l'architecture à l'évolution des besoins, aux cycles de travail, à l'absentéisme pas toujours remplacé à bon escient, au manque d'attractivité des métiers...
Même si la réforme tarifaire s'impose, vous ne pourrez pas faire l'économie d'un travail sur le management dans les Ehpad, qui doit se moderniser et être adossé à des formations spécifiques, et à des affectations et mobilités choisies. Les organisations de travail doivent être revisitées, le temps de travail et les qualifications adaptés selon la charge de travail. L'absentéisme est très important : remplaçons les absents avant d'évoquer tout renfort d'effectifs. Je suis sceptique sur les 12 heures proposées par votre rapporteur.
Une dotation pour les moyens logistiques et des aides techniques préviendront les accidents de travail et les troubles musculo-squelettiques. Réfléchissons à une formation spécifique d'infirmière voire d'aide-soignante en gériatrie - à l'instar des infirmières de blocs opératoires ou en anesthésie - et valorisons le dispositif d'infirmier d'astreinte de nuit. Il fonctionne bien, je l'ai expérimenté dans les Pyrénées-Orientales. De nombreux Ehpad développent ce dispositif, géré par le centre hospitalier. Amplifions les partenariats public-privé et associatifs, et harmonisons les bonnes pratiques grâce à un référentiel.
Les Ehpad se substituent au manque de lits du système de soins longue durée. Avec la démographie actuelle, la situation ne va pas s'améliorer, il faut résoudre ce problème. Telles étaient mes propositions issues d'une expérience professionnelle de plusieurs années comme cadre de santé.
Mme Monique Lubin . - Vous avez déjà ouvert le débat sur le coût de la dépendance, qui sera élevé dans les prochaines années. Nous devrons prendre des décisions délicates. Les résidences-autonomie ne répondent pas aux problèmes des personnes âgées dépendantes. Nous n'avons pas encore trouvé de solutions, mais il faut créer des places supplémentaires. Pourrons-nous très rapidement adopter un plan de création de places, indispensable, pour les dix prochaines années, et si possible dans le secteur public ? Si l'on veut un maximum de places habilitées à l'aide sociale accessibles à l'ensemble des Français, maintenons un bon niveau d'aide sociale.
Mme Nadine Grelet-Certenais . - Vous avez mandaté les ARS pour qu'elles soutiennent les Ehpad les plus en difficulté. Dans mon département, un établissement présente un déficit de 500 000 euros, ce qui limite ses investissements. Le département demande à la commune sur laquelle il est implanté d'investir à la même hauteur que lui, soit 700 000 euros, alors que de cette commune ne sont originaires que 8 % des résidents... Comment faire en sorte que la participation ne revienne pas à une seule commune, sachant que l'établissement recrute bien au-delà de la communauté de communes ?
Les financements des établissements privés sont fondés sur un actionnariat prépondérant. Peut-on envisager de taxer ces actions ?
Certes, il faut améliorer la télémédecine et les aides techniques, mais cela ne doit pas se faire au détriment d'une présence de personnel pour la sécurité et la sérénité des résidents et des familles, y compris la nuit. Nous devons rendre ces établissements attractifs, afin qu'ils redeviennent des lieux de vie. J'ai ainsi rencontré une animatrice qui a redonné vie, une vision interne et externe à un établissement, et qui a modifié notre perception de la personne dépendante.
Mme Nassimah Dindar . - Le coût journalier moyen dans les Ehpad des DOM est plus élevé que la moyenne nationale. À La Réunion, il s'élève à presque 75 euros. Les Ehpad accueillent tous GIR et âge confondus, sachant que 95 % des personnes accueillies bénéficient de l'aide sociale. Leur patrimoine étant très restreint, les personnes âgées ne veulent pas aller dans ces établissements ; c'est pourquoi le département a voté le non-recours sur succession.
Quels sont vos objectifs sur la longévité et la dépendance des personnes vieillissantes ou des personnes porteuses de handicap ou de maladies mentales ? Créons des établissements totalement différenciés : le modèle actuel ne correspond plus à la demande. N'est-il pas possible d'instaurer deux types de modes d'accueil, avec des places spécifiques pour des personnes en perte d'autonomie ou atteintes de certaines maladies, avec un accompagnement plus important des ARS ?
Serait-il possible de créer un ratio de personnel minimum, comme c'est le cas pour l'accueil familial ou la petite enfance ? Actuellement, chacun fait comme il l'entend. Dans les DOM, le taux d'encadrement est de 0,7 ETP par résident, ce qui est supérieur à la moyenne nationale, mais le taux d'absentéisme est supérieur à la moyenne.
Le rapporteur a fait un très bon travail. Je vous le disais, le département a voté le non-recours aux successions. Toucher au patrimoine est très délicat. Les Français y sont attachés. Je ne crois pas au viager. On peut souscrire très tôt une assurance décès, pourquoi ne pas souscrire très tôt également une assurance dépendance ?
M. Philippe Mouiller . - Vous avez souligné la nécessité de réfléchir sur la mutualisation des fonctions support. C'est une bonne piste de travail mais attention à la complexité juridique des structures de coopération, notamment les groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS). Certains métiers support ne sont pas liés à la santé, plusieurs statuts différents peuvent coexister au sein d'un même groupement, comme des agents de la fonction publique d'État ou territoriale, ce qui pose des difficultés de gestion. Dans de nombreux départements, les services d'administration générale n'ont pas l'habitude des contrôles de gestion, et les habitudes diffèrent selon les départements. Faisons simple et concentrons tous les moyens autour de l'accompagnement des personnes.
Par ailleurs, le personnel n'est pas forcément formé pour accueillir les personnes handicapées vieillissantes. Il faut des structures adossées aux Ehpad ou complémentaires.
Mme Agnès Buzyn, ministre . - Mme Féret, il faut évidemment augmenter le nombre de places en Ehpad pour faire face au vieillissement. Mais les collectivités locales ont une liberté d'administration : on ne peut pas les y obliger. Nous pouvons favoriser dans le secteur public des réflexions pour aménager des hôpitaux de proximité pouvant augmenter le nombre de places d'accueil pour des patients ayant des charges élevées. Faisons évoluer le modèle, notamment pour des personnes ayant des troubles psychiatriques ou cognitifs majeurs. Proposons à certains hôpitaux d'avoir des structures adossées spécialisées. Nous devons favoriser le décloisonnement entre le médical et le médico-social, notamment pour les personnes âgées très dépendantes.
Monsieur Sol, le ratio de personnes encadrantes n'est pas le seul indicateur à étudier. Depuis que je suis ministre, je visite quasiment un Ehpad par semaine. Certaines équipes de management très outillées, dynamiques, qui travaillent en projet, peuvent redonner vie à un établissement. C'est un vrai sujet. Lorsque j'ai évoqué cela, on m'a accusée d'agresser les managers, mais ceux-ci sont très hétérogènes. Cela dépend peut-être de la formation, mais a des conséquences réelles sur la qualité des Ehpad.
Vos remarques sur l'architecture me troublent : de nombreux Ehpad sont quasiment insalubres, tandis que d'autres, ultramodernes, ont de grands espaces ou de très longs couloirs...
Mme Laurence Cohen . - Très fatigants !
Mme Agnès Buzyn, ministre . - Ce n'est pas un mal de faire marcher les personnes âgées, mais c'est très fatigant pour le personnel, et parfois un non-sens. Adaptons l'Ehpad à la charge en soins des personnes. Ce sujet architectural n'est pas clos.
Plusieurs modèles de pharmacie interne existent. La préparation des piluliers prend un temps considérable aux infirmières.
M. Gérard Dériot . - Ils sont préparés dans les pharmacies !
Mme Agnès Buzyn, ministre . - Ce temps est déraisonnable pour les infirmières. Il faut déléguer et externaliser. Passer une heure le matin et une heure le soir à préparer ces piluliers dans un Ehpad qui compte seulement trois infirmières, c'est déraisonnable. Nous devons rationaliser.
M. Alain Milon , président . - Vous avez ouvert un nouveau débat !
Mme Agnès Buzyn, ministre . - Madame Lubin, nous avons interrogé le HCAAM et le HCFEA pour évaluer le nombre de places en fonction des modèles, pour nous projeter à échéance de dix ans. La réflexion sur un modèle très ouvert ou un éventuel modèle en deux temps - accueil des seniors en Ehpad et en structure plus médicalisée - fait également partie de la commande. Les rapports seront rendus en juillet.
Madame Grelet, il faut que ces lieux redeviennent des lieux de vie, en lien avec l'organisation et le management internes. Madame Dindar, des pôles d'accueil et de soins adaptés (PASA) sont déjà prévus pour les malades d'Alzheimer. Nous pourrions envisager un système similaire pour des personnes avec des handicaps psychiques.
Nous avons demandé à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) une réflexion sur les investissements pour créer des places, générales ou spécialisées. Cette structure est très bien positionnée pour animer la réflexion auprès des parties prenantes.
L'arrêt du recours sur succession - même si j'y suis favorable à titre personnel - a couté 3 milliards d'euros aux départements, une somme considérable. Posons tous les sujets sur la table. Le Gouvernement doit énormément consulter sur ce sujet de société.
Monsieur Mouiller, vous avez raison sur les difficultés juridiques des structures administratives qui les empêchent de coopérer. J'ai donné mission aux ARS de réfléchir aux réorganisations des Ehpad, appuyées par l'Agence nationale d'aide à la performance (ANAP), qui équipera les ARS et les Ehpad en ingénierie pour rationaliser les coûts. Certains Ehpad contractualisent ou rentrent dans des groupements hospitaliers de territoire (GHT) et participent aux centrales d'achat, gèrent le linge et la cuisine. Cette source d'économies considérables permet de recruter du personnel soignant et non administratif. Toutes ces pistes sont ouvertes. Nous avons énormément de travail pour améliorer la situation de nos Ehpad.
M. Bernard Bonne , rapporteur . - Merci de toutes ces réponses. Ce problème des personnes âgées nous concerne tous directement, aujourd'hui et demain.
J'ai essayé de faire des propositions concrètes applicables immédiatement, notamment de décider, à titre expérimental, dans un département ou plusieurs, avec l'accord du département et une ARS, à un niveau seulement, de la dotation à la fois en dépendance et en médicalisation. Cela apporterait de la souplesse et serait source d'économies. Les dépenses de personnel qui contrôlent les établissements et calculent les groupes Pathos, extrêmement complexes, sont énormes.
Si le médecin coordonnateur peut prescrire, la plupart des médecins traitants ne viendront plus dans les établissements, et ce sera une source d'économies importantes.
Les ARS et les départements doivent laisser plus de souplesse aux solutions intermédiaires d'accueil. Les résidences autonomie sont une solution à développer.
Les personnes handicapées vieillissantes permettent aux établissements d'avoir des ressources complémentaires puisque les départements paient un prix de journée supplémentaire.
M. Alain Milon , président . - Durant plus de vingt ans, j'ai présidé le conseil d'administration d'un Ehpad qui se trouvait à côté d'un centre hospitalier spécialisé. Des personnes âgées avec des maladies psychiatriques arrivent dans des Ehpad, mais les personnels ne sont pas formés pour les accueillir.
Le Sénat est très impliqué dans tous ces sujets et fait des propositions intéressantes. Il est nécessaire que ce travail soit reconnu par le Gouvernement...
Mme Agnès Buzyn, ministre . - Bien sûr !