EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 25 janvier 2018 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Jean Bizet, président, le débat suivant s'est engagé :

M. Philippe Bonnecarrère . - Sans refaire le discours de Davos du Président de la République, je souligne la perception de ce retour de la France en Europe qui est partagée par tous, sous réserve que nos engagements soient tenus. Une vraie attente existe à ce sujet, confortée par l'idée que l'Europe a déjà surmonté de graves crises, notamment financières, et que la concurrence diminue avec l'isolationnisme des États-Unis.

Toutefois, la situation est paradoxale, car au moment où des opportunités multilatérales, bilatérales et de coopération renforcée s'ouvrent, à l'heure où l'on veut approfondir la construction européenne et la rééquilibrer démocratiquement après des crises assez violentes qui ont touché de près la Commission, la tentation est grande de vouloir maintenir ce qui fonctionne et de voir le système s'auto-bloquer, avec les fractures Nord-Sud, mais aussi Est-Ouest. Finalement, tout dépend des hommes : ont-ils le talent et la ténacité pour avancer ?

Une grande importance est accordée aux discussions bilatérales. Le Président de la République a d'ailleurs rencontré tous les dirigeants des pays baltes et certains des pays du groupe de Visegrád. Notre commission a intérêt à chercher, comme c'est le cas pour la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, la COSAC, une relation prioritaire avec chaque État, puisqu'il faut les convaincre tous, y compris les plus modestes, même sur des sujets qui nous paraissent évidents comme la convergence fiscale. C'est de la haute couture !

M. André Reichardt . - J'ai lu le rapport avec plaisir, car il correspond vraiment à ma position concernant l'unité européenne. Cette année 2018 précédant les élections européennes est très importante. Toutefois, le risque est celui d'un statu quo avec ce nouvel engouement pour l'Europe - on le ressent à Bruxelles, mais aussi à Strasbourg - ou d'une nouvelle décision qui ne satisferait pas les opinions publiques. L'équilibre sera difficile à trouver pour que les citoyens européens se prononcent en faveur de l'Europe, malgré tous les efforts consentis ces derniers mois par les décideurs européens. Il faut vraiment en tenir compte.

Monsieur le président, je regrette que vous n'ayez pas eu le temps de vous préoccuper de ce qui suscite une très forte inquiétude en Europe : la sécurité, et par conséquent l'asile. Ce thème sera sans doute central lors des prochaines élections européennes. Tel est l'enjeu de la mise en oeuvre de la réforme de Schengen décidée récemment, avec le rôle accru confié à Frontex et des exigences de résultats plus fortes qu'aujourd'hui.

Le rôle de l'Union européenne est de rassurer les populations plus que les États-nations. Le rejet de l'Europe ou au contraire la confirmation d'un sentiment européen devra beaucoup au rôle joué par l'Union européenne.

M. Pierre Ouzoulias . - Je m'associe aux remerciements : je n'ai pu vous accompagner, mais j'ai également beaucoup appris à la lecture de votre rapport. Je souhaite vous interroger, sans aucune malignité sur la position des commissaires, et de l'Europe en général, concernant l'émergence d'entités infranationales et leur ambition à dialoguer directement avec les autorités européennes au-delà des États-nations qui constituent aujourd'hui encore le cadre des relations européennes.

La crise catalane ne s'est pas du tout apaisée en dépit des dernières élections. Quant à l'Irlande du Nord et l'Écosse, des mouvements tectoniques forts sont possibles, qui peuvent mettre en danger la structure sur laquelle repose actuellement l'Europe, à savoir une fédération d'États-nations.

M. Simon Sutour . - Ce rendez-vous annuel à Bruxelles donne plus de poids à notre travail, je m'en félicite. Ma région est proche de la Catalogne. Je regrette que les dirigeants des institutions européennes s'en détournent. De plus, l'Espagne se ridiculise en refusant de reconnaître les résultats de l'élection du président de Catalogne. Le Premier ministre espagnol, M. Rajoy, a en effet décidé d'appliquer l'article 155 de la Constitution espagnole pour reprendre les compétences aux autorités catalanes. Il dirige ainsi juridiquement la région, alors que son parti n'a remporté que 4,2 % des voix aux élections du 22 décembre, pas même assez pour constituer un groupe parlementaire ! Cela ne l'a pas empêché, hier, de faire fermer l'antenne de la Généralité à Bruxelles pour empêcher que le président du Parlement catalan, démocratiquement élu, ne puisse rencontrer les députés espagnols indépendantistes menacés de prison dans leur pays. Et le ministre de l'intérieur espagnol dit faire son possible pour empêcher M. Puigdemont de rentrer en Espagne, fût-ce dans le coffre d'une voiture !

Cessons de voir les choses sous l'angle exclusivement juridique, de brandir le respect par l'Espagne de l'État de droit, car c'est un problème politique. Nous sommes peu regardants sur les méthodes du gouvernement espagnol, et simultanément très exigeants avec la Pologne ou la Hongrie - à juste titre sans doute. Or le Tribunal constitutionnel espagnol, d'après ce que je lis, serait composé aux deux tiers de membres du parti populaire qui, donc, n'a aucun relais en Catalogne. Bref, les responsables européens devraient avoir une position plus équilibrée, faute de quoi la situation pourrait déraper. Mais à mon avis, les choses ne changeront que lorsque l'économie espagnole sera affaiblie par cette situation, et celles de ses voisins par contrecoup.

M. Jean Bizet, président . - Nous continuerons à enrichir la réflexion au sein de notre commission par des notes thématiques.

M. Simon Sutour . - Le fonctionnement du Tribunal constitutionnel espagnol pourrait faire l'objet de l'une d'entre elles.

M. Jean Bizet, président . - C'est entendu.

Les questions de sécurité sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens et seront un enjeu majeur des prochaines élections européennes. L'audition du commissaire Julian King l'a montré ; nous y reviendrons le 13 février prochain lors d'un entretien du bureau de la commission avec le commissaire Dimítris Avramópoulos. Schengen ou Frontex n'ont pas été conçus pour faire face aux vagues de migrations que nous connaissons. M. Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, l'a bien dit hier : ce sujet va nous occuper encore longtemps.

Nous poursuivrons nos échanges avec les autres États dans les prochaines semaines : les Pays-Bas seront à l'honneur les 5 et 6 mars ; nous recevrons une délégation lettonne en mars, et une autre, du Bundesrat, en avril. MM. Kern et Sutour se rendront en Serbie et au Monténégro, que certains souhaitent voir rejoindre l'Union européenne - nous l'avons encore entendu au sein de la dernière COSAC à Sofia. La présidence du Conseil n'est pas sur la même ligne. La Russie défend quant à elle ses intérêts dans la région, et en a les moyens financiers. En mai enfin se tiendra le sommet des Balkans occidentaux.

À l'issue de ce débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

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