CONCLUSION
L'agriculture française, qui sort largement exsangue des crises des dernières années, fournit une contribution décisive et indispensable, tant pour notre économie dans son ensemble, que pour l'avenir de nos territoires et de leurs habitants. L'avenir de la PAC préoccupe donc au plus haut point la Représentation nationale.
Dans l'immédiat, la préparation de l'échéance de 2020 pour la politique agricole commune apparaît dominée par l'incertitude pesant sur les perspectives budgétaires de l'Union. Les conséquences financières du « BREXIT », auxquelles s'ajoutent les nouvelles priorités politiques ne doivent pourtant pas conduire à une situation où les moyens de la PAC seraient menacés de servir de « variable d'ajustement ». Cela supposera de sortir, au plus vite, de l'ambiguïté.
Une fois ce préalable levé, les défis de
la prochaine réforme, adossée à la future programmation
budgétaire pluriannuelle 2021-2027, ne seront pas minces. Il s'agira, en
particulier, d'améliorer les modalités de gestion des crises, de
sécuriser les revenus des agriculteurs, d'améliorer leur
situation relative dans la chaîne de production et de commercialisation.
S'y ajouteront les questions commerciales internationales, les enjeux
environnementaux
- à commencer par la préservation
du climat -, ainsi que l'utilisation des nouvelles technologies.
Comme cela avait déjà été le cas en 2010, les travaux de notre groupe de suivi sur la réforme de la PAC visent à permettre au Sénat de se positionner suffisamment en amont du calendrier de prise des décisions, par les gouvernements nationaux et les institutions européennes.
L'agriculture française reste une fierté nationale, notamment grâce à la qualité de ses productions, à son histoire, à ses traditions, à la réputation d'excellence de ses agriculteurs - qui est fort justement reconnue dans le monde entier - ainsi qu'à la diversité de ses terroirs et de ses filières. S'y ajoute l'importance de l'alimentation et de la gastronomie pour notre population dans son ensemble et, au-delà, pour l'attractivité de la culture française.
Pourtant, année après année, force est de reconnaître que sur le plan économique, l'agriculture et l'agro-alimentaire français perdent des points au sein de l'Union européenne. Enfin, les crises récentes ont accentué les difficultés de ce que les médias appellent désormais la « France périphérique » : la détresse de nombre de nos exploitants, dont témoigne le nombre de suicides des agriculteurs (plus d'une centaine par an), ainsi que le sentiment d'abandon de vastes territoires ruraux, ont pris des proportions inquiétantes. Nous ne saurions en aucune façon nous résigner à un tel constat !
La France a la chance de disposer d'une agriculture plurielle. Chacune a sa place et son utilité, celle des champs de colza et celle de montagne et des ceintures de ville, l'agriculture de compétition et les fermes vitrines de la qualité France. Ces différentes agricultures, toutes aussi fondamentales, sont en voie de se réconcilier. Il faut maintenant qu'elles jouent à fond leurs atouts.
Notre principal partenaire et concurrent, l'Allemagne, a pour sa part un objectif prioritaire : la compétitivité de ses exploitations et de ses entreprises. La puissance publique est entièrement au service de cet objectif, devenu stratégique. Les performances allemandes reposent sur cette obsession d'être compétitif, à profiter des moindres opportunités. En sept ans, les exportations agricoles allemandes en Europe ont progressé deux fois plus vite que les françaises, elles ont triplé en Pologne (aux coûts salariaux encore moins élevés). L'hétérogénéité de l'agriculture européenne est une réalité.
Dès lors, que veulent les Français ? Quelle agriculture pour quels objectifs ? Vos rapporteurs sont convaincus qu'il faut faire des choix, formuler une stratégie, définir des objectifs précis et se donner les moyens de les atteindre.
Les solutions aux récentes crises agricoles ne relèvent d'ailleurs pas, loin s'en faut, uniquement de l'Union européenne. Il convient d'utiliser toutes les opportunités au niveau national pour soutenir notre agriculture, en particulier la fiscalité des exploitations agricoles, l'amélioration de l'organisation économique, du partage de la valeur ajoutée, et la répartition des risques dans la chaîne alimentaire via une « contractualisation intelligente ». Les systèmes assurantiels, voire les fonds de mutualisation, devraient aussi mieux tenir compte des efforts des agriculteurs pour limiter les risques (diversification, irrigation, filets paragrêle...).
L'ensemble des propositions et des orientations que nous avons formulées dans le présent rapport contribueront au débat public, aussi bien sur l'avenir de notre agriculture que de celui de la politique agricole commune. Enfin, tirant les leçons des expériences étrangères, nous souhaiterions aussi, plus largement, que s'engage un processus national de concertation sur la PAC post-2020.
En effet, l'ensemble des intervenants français auraient grandement intérêt à agir avec un minimum de coordination de façon à garantir le plus efficacement possible les intérêts de notre agriculture et de nos agriculteurs. L'exemple de l'Irlande, caractérisé par une grande cohésion des acteurs publics et privés, fournit une illustration de ce que nous aurions tous à gagner en nous engageant dans une telle démarche. Très récemment, l'Italie et l'Espagne s'en sont également inspirées. Pourquoi pas la France ?