IV. LE NPNRU : ACCÉLÉRER SA MISE EN oeUVRE PAR UN FINANCEMENT RENFORCÉ ET PÉRENNE DE L'ETAT
A. UN NOUVEAU RÈGLEMENT QUI RALENTIT LA MISE EN oeUVRE DU NPNRU
1. De nombreuses attentes en raison du succès du PNRU
Lancé par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, le programme national de rénovation urbaine « vis [ait] à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zone urbaine sensible ». Il s'est traduit par la conclusion de 399 conventions pluriannuelles entre l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et les différents porteurs des projets, villes ou EPCI. Les dernières conventions ont été signées en 2014.
Fin 2015, 67 % des investissements avaient été consacrés à des opérations relatives à l'habitat et notamment à la démolition de 158 000 logements, à la reconstitution de l'offre locative sociale à hauteur de 138 000 logements, à la réhabilitation de 337 000 logements et à la résidentialisation de 346 000 logements.
La loi du 1er août 2003 précitée prévoit que 12 milliards d'euros seront consacrés à la mise en oeuvre du PNRU entre 2004 et 2015. L'Anru est chargée de recevoir l'ensemble des financements dédiés au programme. Au total, avec l'effet levier, ce sont 45,2 milliards d'euros de travaux et d'interventions qui ont été investis, l'Anru apportant un financement à hauteur de 25,4 %.
L'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) a réalisé un bilan du PNRU afin de mettre en avant les aspects positifs de ce premier programme mais aussi ses lacunes et difficultés. Le PNRU a ainsi permis grâce à la mise en place d'un guichet unique national que des projets ambitieux de rénovation urbaine contribuant à une amélioration sensible de la qualité de vie dans ces quartiers soient menés sur une période de temps relativement courte comprise entre cinq et dix ans. Cependant, ce premier programme présentait des limites : le manque de portage intercommunal, l'insuffisante connexion entre les aspects sociaux et urbains, c'est-à-dire entre le Cucs, le PNRU et les ZFU, la faible participation des habitants et une mixité sociale moins importante que souhaitée. Ce bilan a servi de base pour élaborer les nouvelles règles du NPNRU.
Malgré ces limites, vos rapporteures ont pu constater chez l'ensemble des personnes rencontrées une réelle satisfaction quant à la mise en oeuvre de ce premier programme.
2. Un NPNRU centré sur les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants
L'article 3 de la loi Lamy a prévu de mettre en oeuvre un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) pour la période 2014-2024. Ce nouveau programme ne vise pas l'ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville mais est centré sur « les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants ».
La liste de ces quartiers dits d'intérêt national a été arrêtée par le ministre chargé de la ville, sur proposition de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Ce sont ainsi 216 quartiers qui ont été retenus.
En complément des quartiers d'intérêt national, 274 quartiers dits d'intérêt régional ont été choisis parmi les quartiers prioritaires de la politique de la ville à l'issue d'un dialogue entre les préfets et les conseils régionaux dans le cadre des conventions de plan État-Région. Ces quartiers bénéficieront dans une moindre mesure de concours financiers de l'Anru.
La loi Lamy a tenté d'améliorer la mise en oeuvre du nouveau programme au regard des difficultés rencontrées par le premier programme. De nouveaux principes ont en conséquence été affirmés :
- le portage au niveau intercommunal du NPNRU ;
- le lien entre les politiques de cohésion sociale et la rénovation urbaine par le biais du contrat de ville ;
- la mise en place du principe de coconstruction avec les habitants et la création de maisons de projet.
3. Une nouvelle procédure en deux phases qui ralentit les projets de rénovation
La nouvelle procédure du NPNRU se décompose en deux phases : dans un premier temps est élaboré un protocole de préfiguration , puis dans un second temps sont conclues des conventions d'engagement qui déclinent le projet.
Le protocole de préfiguration comprend notamment la présentation du projet, son contexte, les modalités du pilotage du contrat de ville, la présentation de l'articulation des orientations stratégiques du volet urbain du contrat de ville avec les politiques d'agglomération telle que le plan local de l'habitat et le plan local d'urbanisme, les principes de la convention d'équilibre territorial en matière de peuplement , enfin les modalités de la coconstruction avec les habitants. Ce protocole oblige à une importante réflexion préalable sur le projet proposé et à inscrire celui-ci dans le périmètre plus large de l'intercommunalité. Dans bien des cas, de nouvelles études préalables ont dû être réalisées et ont été intégrées au protocole.
Cette phase de préfiguration doit ainsi permettre d'établir des projets mieux définis et mieux chiffrés avant leur passage devant le comité d'engagement de l'Anru et ainsi éviter une multiplication des avenants, ce qu'ont souligné plusieurs interlocuteurs rencontrés par vos rapporteures.
Cependant, pour certaines personnes auditionnées, cette multiplication des études s'avère contreproductive car elle ralentit le processus et risque de casser la dynamique engagée tout particulièrement lorsque les projets du NPNRU s'inscrivent dans la continuité du premier programme. Vos rapporteures s'inquiètent des sommes engagées pour la production des études et souhaitent qu'elles soient rationalisées.
L'Anru a indiqué à vos rapporteures comprendre l'impatience des élus mais elle considère que le temps passé à préparer le projet permettra d'en gagner lors de son exécution.
Au 15 décembre 2016, 95 % des quartiers d'intérêt national avaient un protocole de préfiguration en cours d'instruction ou signé. Le rythme de contractualisation s'agissant des quartiers d'intérêt régional est le même. Au 1 er mars 2017, 82 % des protocoles avaient été signés ou étaient en cours de signature par l'Anru.
La deuxième phase de signature des conventions vient de débuter, les deux premières conventions pluriannuelles ayant été signées au printemps 2017 avec Rennes et Pau. Selon l'Anru, la majeure partie des conventions sera conclue en 2018 et 2019.
Plusieurs collectivités locales se sont inquiétées des conséquences pratiques du portage intercommunal du NPNRU. En effet, il paraît difficilement envisageable d'attendre que l'ensemble des projets intercommunaux soient prêts pour pouvoir lancer la phase opérationnelle. De même, pour des raisons évidentes de mise en oeuvre, il peut être nécessaire de faire plusieurs programmes de rénovation s'agissant d'un même quartier prioritaire. Tel est le souhait émis par la Métropole d'Aix-Marseille Provence pour son quartier prioritaire situé en centre-ville qui compte environ 87 000 habitants. Des projets séparés permettraient en effet de travailler avec « un nombre raisonnable d'acteurs et une temporalité maîtrisée d'opérations à réaliser ».
Vos rapporteures attirent l'attention de l'Anru sur le fait que l'examen des projets à l'échelle intercommunale, aussi pertinent soit-il, ne doit pas conduire à bloquer l'ensemble des projets de rénovation. Elles souhaitent en conséquence la mise en place d'un dispositif de convention cadre avec des volets territoriaux qui permettrait de ne pas bloquer sur le plan opérationnel l'ensemble des projets d'une intercommunalité.
Recommandation n° 18 : Mettre en place un dispositif de convention cadre avec des volets territoriaux au niveau de l'intercommunalité pour faciliter la mise en oeuvre effective d'un projet de renouvellement urbain sur un territoire donné. |
4. De nouvelles règles financières qui contraignent les projets de rénovation
Selon le règlement du NPNRU, l'enveloppe financière sera distribuée entre les projets en fonction notamment de l'ambition du projet, des difficultés rencontrées par le quartier, ou encore de la situation financière de la collectivité.
Certains élus ont, semble-t-il, eu des difficultés à comprendre les enjeux financiers en cause en raison de l'utilisation des notions de subvention, d'équivalents-subventions 13 ( * ) et de concours financiers de l'Anru. En effet, contrairement au premier programme, les concours financiers de l'Anru se décomposent en deux catégories : les subventions et les prêts bonifiés distribués par Action Logement. Ils devraient atteindre 6,4 14 ( * ) milliards qui se décomposent en 4,2 milliards de subventions et 2,2 milliards de prêts bonifiés permettant un équivalent-subvention de 0,8 milliard d'euros. En cas d'augmentation des fonds consacrés au NPNRU, vos rapporteures souhaitent que soit privilégié le recours aux subventions plutôt qu'à des prêts bonifiés , sous peine d'accroître plus encore l'endettement des communes.
Pour déterminer le niveau des subventions attribuées aux collectivités, l'Anru prend en considération la situation financière, l'effort fiscal et la richesse des collectivités territoriales concernées. Ces éléments permettent de déterminer un « scoring » et donc le taux de financement appliqué par l'Anru pour les opérations dont les collectivités sont maîtres d'ouvrage. Ainsi, plus une collectivité a des ressources ou est peu endettée moins l'Anru l'aidera. Plusieurs élus et acteurs de la politique de la ville ont regretté que ce règlement pénalise les communes les plus vertueuses ayant fait ou faisant des efforts de maîtrise de leur endettement .
En outre, les aides allouées dans le cadre du NPNRU sont plus restreintes que dans le cadre du premier programme . Ainsi, le taux maximum de subvention pour les démolitions de logements locatifs sociaux est passé de 100 % à 70 % ; le comité d'engagement ou le directeur général de l'agence pouvant le porter sous certaines conditions à 80 %. L'Anru attribue des concours financiers pour la reconstitution de l'offre de logements locatifs sociaux sous forme de prêts bonifiés par Action Logement et sous forme de subventions pour les seuls prêts locatifs aidés d'Intégration (PLAI). S'agissant de la requalification de logements locatifs sociaux, l'agence attribue désormais ses aides (subventions et prêts bonifiés) sous conditions de montant et de respect d'un label, seules les requalifications les plus ambitieuses étant prises en charge par l'Anru. Enfin, le taux de financement applicable aux opérations de résidentialisation de logements locatifs sociaux est passé de 50 % à 40 %.
L'Union sociale pour l'habitat (USH) a ainsi regretté la mise en place de ces nouvelles règles, soulignant que les pertes financières des bailleurs sociaux ne seraient pas complètement couvertes. Selon des projections réalisées par l'Union, le taux de couverture intégrant les pertes financières par la subvention se situerait en moyenne entre 49 % dans une hypothèse basse et 58 % dans une hypothèse haute.
Il n'est pas exclu en conséquence que les bailleurs sociaux réduisent l'ampleur de leurs projets en refusant les démolitions projetées par les élus et en proposant à la place des opérations de réhabilitation. Pour éviter ce phénomène, l'USH propose que le montant de la subvention soit augmenté quand les collectivités ne peuvent apporter d'aide complémentaire.
Procédures « tatillonnes », « complexité administrativo-comptable et juridique » des nouvelles règles, « lenteur de la procédure », « règlement complexe à déchiffrer », « règlement plus rigide » , telles sont les critiques entendues par vos rapporteures à propos du règlement du NPNRU. Vos rapporteures constatent un décalage de plus en plus important entre la perception qu'a l'Anru de la mise en oeuvre du NPNRU et celle des élus et acteurs de terrain. Elles appellent l'Anru à revoir ses pratiques et notamment à rationaliser les études demandées pour les projets de rénovation du NPNRU qui s'inscrivent dans la continuité du PNRU et à réexaminer le dispositif de scoring qui désavantage les communes vertueuses, ainsi que les montants des aides octroyées aux bailleurs sociaux. Elles constatent qu'au-delà de ces nouvelles règles, c'est en réalité la question du financement qui est posée.
Recommandation n° 19 : Adapter le règlement du NPNRU : Rationaliser les études demandées pour les projets de rénovation du NPNRU qui s'inscrivent dans la continuité du PNRU et réexaminer le dispositif de scoring qui pénalise les communes les plus vertueuses ainsi que les montants des aides octroyées aux bailleurs sociaux. Recommandation n° 20 : Favoriser le versement de subventions par l'Anru plutôt que le versement de fonds sous forme de prêts bonifiés. |
* 13 Selon le règlement du NPNRU, « l'équivalent-subvention a pour objectif de rendre comparable les différentes formes d'aides (subvention, dotation fonds propres, prêt amortissable, prêt in fine, etc.) compte tenu des caractéristiques financières de celles-ci. »
* 14 Sans compter le milliard supplémentaire de l'État