B. RÉGULER L'ACTIVITÉ DANS L'OCÉAN ARCTIQUE
L'évolution des connaissances scientifiques, des normes internationales sur la protection de l'environnement et sur la régulation des activités de pêche, offre une opportunité de réguler l'activité dans l'océan Arctique avant que celle-ci ne se développe. C'est une première dans l'histoire car les activités de pêche ont toujours précédé l'établissement de règles pour ce faire. C'est une opportunité unique de préserver l'environnement de l'océan Arctique unique et fragile.
Deux initiatives sont actuellement en discussion : l'une concerne l'ensemble des océans et vise à protéger la biodiversité en haute-mer ; la seconde concerne la réglementation de la pêche illégale dans l'océan Arctique.
1. Protéger la biodiversité en haute-mer Arctique
Une importante négociation s'est ouverte dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations unies pour l'adoption d'un accord de mise en oeuvre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer portant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité en haute mer. Certains des principes adoptés au cours de cette négociation, qui n'entreront peut-être pas en vigueur avant une dizaine d'années, devront être pris en compte et mis en oeuvre par les États présents en Arctique.
Cette négociation revêt donc une importance particulière car elle renforcera la protection de la biodiversité singulière de l'Arctique. Cet océan, parce qu'il était pris dans les glaces, est resté jusqu'à présent en marge du droit international de la mer, qui s'y applique par défaut. Le réchauffement climatique le faisant ressembler de plus en plus à un océan comme les autres, il doit se voir appliquer les mêmes règles et les mêmes protections. Parce que son environnement est plus fragile que les autres, il doit être plus et mieux protégé.
Cette négociation globale revêt donc un caractère particulier pour l'océan Arctique. Nul ne peut prédire ce qu'y sera l'activité maritime dans dix ans. Tout ce qu'on sait aujourd'hui, c'est qu'elle aura fortement augmenté et avec elle, les pollutions et les risques pour l'environnement.
2. L'interdiction de la pêche illégale dans l'océan Arctique, première pierre d'une réglementation globale de la région
La partie centrale de l'océan Arctique est la partie entièrement entourée de zones économiques exclusives. Alors qu'elle était jusqu'à présent recouverte par la glace, aucune activité de pêche n'y était possible. La diminution de l'étendue de la banquise pose désormais la question du développement de l'activité humaine. Or, puisqu'il n'y avait pas de pêche, il n'existe pas d'organisation internationale de gestion de la pêche (ORGP) pour l'Arctique central. Cela est relativement vrai dans le sens où les deux organisations régulant la pêche dans l'Atlantique du nord-est et dans l'Atlantique du nord-ouest couvrent partiellement et potentiellement les eaux internationales de l'océan Arctique.
Le 16 juillet 2015, les cinq États côtiers de l'océan Arctique ont signé une déclaration conjointe concernant la pêche illégale, non déclarée et non régulée dans la haute mer de l'océan Arctique central. Affirmant l'intérêt de ces États pour la préservation des ressources halieutiques et les écosystèmes de la zone, le texte annonce que :
- les navires battant pavillon des parties ne pratiqueront pas la pêche commerciale dans le cadre d'une ORGP ;
- un programme de recherche scientifique est créé ;
- une coordination des moyens de contrôle est instituée ;
- un contrôle strict des activités de pêche à visée scientifique est mis en place.
Au début du mois de décembre 2015, les États-Unis, qui exerçaient la présidence du Conseil de l'Arctique, ont invité les États signataires et les parties intéressées - l'Islande, la Chine, la Corée du Sud, le Japon et l'Union européenne - à poursuivre les discussions et à envisager un renforcement et un élargissement des engagements pris. Trois orientations ont été proposées : le développement du programme conjoint de recherche scientifique avec l'institution d'un comité scientifique pour l'Arctique ; l'instauration d'une coopération en matière de suivi, de contrôle et de surveillance des pêches ; un meilleur encadrement des pêches à visée scientifique avec un système d'autorisation préalable.
Plusieurs réunions de travail se sont depuis tenues, la dernière du 15 au 18 mars à Reykjavik. Les questions principales en discussion sont :
- la délimitation géographique d'une future ORGP - faut-il étendre les deux ORGP actuelles ou, au contraire, les restreindre pour en créer une nouvelle ?
- dans l'attente de la mise en place d'une nouvelle ORGP, comment suffisamment encadrer la pêche scientifique pour éviter que le scénario de la pêche aux baleines au Japon ne se répète ?
Cette initiative est positive à plusieurs titres et elle mérite d'être soutenue et accompagnée par la France. En premier lieu, on décide que tant qu'on ne dispose pas des informations scientifiques suffisantes pour pêcher sans risque pour le renouvellement des espèces, on ne le fera pas. En second lieu, on met en place une coopération scientifique et on réfléchit à la façon dont on va réguler l'activité si celle-ci doit se faire.
L'apport le plus important réside toutefois dans le fait que la gestion des pêcheries dans les eaux de l'Arctique hors ZEE sera décidée non par les seuls États de la région, mais par des règles internationales établies par l'ensemble des acteurs, c'est à dire aussi par les utilisateurs de l'Arctique. Ce sera, de fait, le premier accord de ce type dans l'Arctique. La zone sortira ainsi d'une gestion quasi patrimoniale par les États côtiers ou du Conseil de l'Arctique pour intégrer l'ordre international. Il n'est, à ce titre, pas étonnant que la Russie se montre réticente à la signature d'un accord contraignant.
C'est la raison pour laquelle l'Union européenne doit rester active dans ces négociations et favoriser une adoption rapide de l'accord. Elle doit pouvoir compter sur le soutien vigilant de la France et de son ambassadeur pour les océans.