C. DES STATISTIQUES A FIABILISER ET A PRECISER

Du premier constat que nous venons d'établir, il ressort qu'il est nécessaire de disposer de chiffres sûrs et fiables en matière de transmission. Ces chiffres doivent comprendre l'ensemble des paramètres territoriaux pour dépasser les généralités économiques.

1. Sécuriser la collecte de données fiables

« Depuis que l'Insee a cessé de produire ses statistiques sur les reprises d'entreprises en 2006, il y a un réel manque de données fiables et détaillées régulièrement mises à jour. Par ailleurs, les baromètres existants excluent généralement les TPE » 42 ( * ) .

La France rencontre une réelle difficulté depuis 2006 à disposer de statistiques fiables en matière de transmission. Or, il est difficile d'avoir une politique proactive en matière de reprise d'entreprise sans s'appuyer sur des chiffres et des outils incontestables. Vos rapporteurs ont même pu constater une certaine confusion parmi les spécialistes à la lecture des statistiques concernant les TPE, PME et ETI selon qu'elles concernaient les entreprises cédées ou les entreprises acheteuses ; la confusion entourait également la définition du périmètre étudié (fonds de commerce observés seulement, secteurs visés ou simples rachats de parts, etc.).

Sur la base de définitions claires et partagées, il serait nécessaire d'obtenir une meilleure information sur le nombre de cessions réalisées -ou non 43 ( * ) - par année, par secteurs et par territoires.

Votre délégation suggère de confier à l'INSEE une mission de collecte de données basées sur des définitions claires et pouvant servir de référence en matière de transmission d'entreprise (proposition n° 1)

2. Permettre une interprétation fiable et territorialisée de ces données

Les rares études existantes sur l'impact des politiques publiques sur la reprise des entreprises mélangent des données provenant de plusieurs pays ou de plusieurs régions très différentes sans prendre en compte l'ensemble des externalités positives ou négatives au sein d'un territoire donné 44 ( * ) . Or, l'enjeu de la reprise d'un commerce, d'une exploitation ou d'une usine ne se limite nullement à la question du dynamisme économique ou des emplois concernés par son éventuelle fermeture : il concerne de manière plus large la vitalité de l'ensemble d'un bassin de vie avec son bourg-centre, son école, son bureau de poste, son boulanger... La fermeture d'un commerce à Paris ou dans toute autre capitale n'a qu'un impact relatif sur l'activité de la ville, alors que la fermeture d'une entreprise dans un village de l'Indre, du Cantal ou des Hautes-Alpes peut potentiellement mettre en danger l'avenir de nombreux emplois -publics et privés. La fermeture d'une usine provoque ainsi progressivement le départ des familles et menace à terme le maintien des services publics -écoles, maternités, gendarmerie... Dans certaines régions de France, la fermeture de certaines ETI aurait un impact sur un ou deux bassins d'emplois concernant jusqu'à trois départements ruraux 45 ( * ) . Or, aucune statistique, aucune étude n'est disponible sur le sujet comme nous l'a confirmé en audition le Conseil d'analyse économique.

Il serait intéressant de pouvoir disposer d'études territorialisées qui évalueraient l'impact de la transmission d'une entreprise à l'échelle d'un territoire, sans se limiter au calcul des emplois directement concernés.

Votre délégation propose d'affiner les données statistiques disponibles au niveau d'un territoire pour étudier l'impact de la transmission sur les emplois directs et indirects (Proposition n° 2)

3. En conséquence, réformer les politiques publiques

Des définitions incertaines et des statistiques non fiables ne permettent pas d'éclairer l'action publique. En se fondant sur des statistiques et des définitions claires, l'action publique pourra être mieux éclairée pour proposer les solutions les plus adaptées afin de fluidifier les transmissions d'entreprises. Toutefois, gouvernement et parlement disposent d'ores et déjà de nombreux leviers qui peuvent être actionnés dès maintenant en faveur de la reprise d'entreprise. Vos rapporteurs les évoqueront tout au long de ce rapport. L'objectif est ici clairement de présenter des propositions concrètes issues du constat unanime que les personnes auditionnées ont établi.

Les données statistiques, une fois précisées, permettront d'affiner et de compléter ces propositions en ciblant des secteurs ou des territoires particuliers. Si le présent rapport se focalise essentiellement sur des propositions nationales, vos rapporteurs ont pleinement conscience de l'importance des politiques territorialisées en matière de reprise d'entreprise. Mais ces politiques ne pourront être identifiées, valorisées et évaluées pleinement qu'à la lumière de données elles-mêmes fiables, sectorisées et territorialisées. En ce sens, État, collectivités territoriales et entreprises doivent pouvoir avancer dans la même direction.


* 42 Extrait de la contribution écrite de la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME).

* 43 Les statistiques doivent pouvoir également identifier les échecs, c'est-à-dire le nombre d'entreprises qui ont dû fermer, faute de repreneur.

* 44 C'est notamment le cas de l'une des études les plus récentes abordant la transmission familiale qui, malgré quelques précautions, agrège en fait essentiellement le résultat de plusieurs pays : « Do private equity firms have better management practices ? » American Economic Review, Bloom et al. (2015).

* 45 « Au-delà du secteur géographique, le type d'activité peut également influer sur des bassins d'emplois. Il peut en effet être difficile pour certains salariés de se reconvertir quand des bassins très spécialisés subissent des fermetures... » Extrait de la contribution écrite de la CGPME.

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