C. FACILITER LE CAS SPECIFIQUE DE LA REPRISE INTERNE PAR LES SALARIES

Au-delà des dispositifs fiscaux concernant directement l'ensemble des entreprises, vos rapporteurs ont souhaité également évoquer de manière spécifique la question de la reprise interne qui a permis de sauvegarder la présence d'entreprises menacées localement de fermeture.

1. La reprise en interne : un gage de réussite qui nécessite un accompagnement

La reprise interne par les salariés est régulièrement citée comme une des solutions les plus efficaces pour éviter la fermeture ou le démantèlement d'entreprises à l'issue d'une succession ou d'une difficulté financière. Les études publiées sur la transmission soulignent ainsi l'intérêt de la reprise interne tant en termes de pérennité de l'entreprise que de maintien de l'emploi sur le long terme : « La reprise par un salarié augmenterait, quant à elle, la durée de vie des entreprises entre 11 et 19 % et n'aurait pas d'impact significatif sur le dynamisme des entreprises pérennes » 159 ( * ) .

C'est d'ailleurs l'objectif de maintien de l'emploi qui conduit à privilégier ce type de reprise, soit sous format de SCOP (société coopérative et participative), soit sous format de reprise directe. Ce fut la motivation principale de M. Éric Belile, PDG de la Générale Bureautique à Nantes, lorsqu'il a élaboré son plan de transmission à ses salariés. Son cas particulier, évoqué ultérieurement, a fait l'objet d'une analyse approfondie de vos rapporteurs, qui se sont rendus dans cette entreprise.

Mais la transmission aux salariés présente également d'autres avantages :

- sauvegarde de l'entreprise sur place ;

- maintien du savoir-faire ;

- stabilité des équipes ;

- fidélité des clients et des fournisseurs ;

- nouveau(x) dirigeant(s) connu(s) et reconnu(s) par les salariés ;

- gestion plus participative ;

- transitions présentes et futures assurées en douceur ;

- maintien de l'identité et de la culture de l'entreprise.

La reprise par les salariés peut s'effectuer selon plusieurs modalités 160 ( * ) , la plus connue étant la reprise sous format de SCOP.

Les Sociétés Coopératives et Participatives (SCOP)

Le mouvement coopératif ouvrier trouve ses racines philosophiques au XIX ème siècle avec la création des premières associations ouvrières. En 1884 est fondée la chambre consultative des associations ouvrières de production (AOP) qui deviendra en 1937 la confédération générale des SCOP.

C'est en 1915 qu'est votée la première loi consacrée aux SCOP mais le cadre législatif a évolué tout au long du vingtième siècle, accompagnant à chaque étape le développement de ces nouvelles formes d'entreprises.

La loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération a donné un cadre général au droit coopératif et en a reconnu les spécificités. Ce mouvement d'autonomisation du droit des SCOP a été poursuivi par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production qui permet notamment aux SCOP de prendre les formes d'une SA ou d'une SARL, et précise certaines modalités de créations. La loi n° 92-643 du 13 juillet 1992 relative à la modernisation des entreprises coopératives a notamment modifié les règles relatives à la participation au capital des coopératives pour faciliter l'accès aux capitaux externes 161 ( * ) .

Enfin, dernièrement, la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire a créé le statut de la SCOP d'amorçage qui permet aux salariés de reprendre une entreprise et de détenir la majorité des voix à la constitution de la société tout en étant minoritaires au capital, accordant sept ans pour en détenir la majorité.

Les SCOP actuelles recouvrent des réalités différentes et concernent aussi bien la petite entreprise que le groupe international. Nous citerons ici l'exemple historique d'ACOME dont l'entreprise d'origine (Électro-Câbles), vouée à la disparition, a été sauvée en 1932 par la reprise salariale sous format de coopérative ouvrière : « En 1932, à la suite de spéculations malheureuses du patron sur les matières premières, elle se retrouve en cessation de paiement et le dépôt de bilan est inéluctable. Or, l'un des articles du code des marchés publics spécifie qu'une entreprise ayant déposé le bilan n'a plus accès aux marchés de l'État. C'est une catastrophe ! Comment sauver Électro-Câbles ? Son directeur repère un article du même code stipulant que les coopératives peuvent bénéficier du quart des marchés publics. C'est cette disposition qui entraîne la décision de créer L'Electrique, une association coopérative d'ouvriers en matériel électrique... » 162 ( * ) . Aujourd'hui, ACOME est leader européen sur le marché des câbles, fils et tubes de synthèse pour les réseaux (communication, télécommunications, infrastructures) et l'automobile, réalise 60 % de son chiffre d'affaires à l'étranger et emploie près de mille cinq cents salariés.

Le terme de SCOP recouvre plusieurs réalités, parfois très différentes, car le statut s'adapte à toutes les formes de l'entreprise 163 ( * ) .

Ce sont les différents avantages d'une reprise par les salariés, notamment en termes de maintien de l'activité et des emplois, qui ont motivé M. Éric Belile dans son choix de transmission. Cet entrepreneur nantais que vos rapporteurs ont pu rencontrer, a choisi de refuser des offres financièrement plus intéressantes pour transmettre l'entreprise à ses salariés sur une période de sept ans : « Si je vendais à un fonds d'investissements ou à une structure très importante, le tiers de mes salariés allait disparaître. Pour moi, c'était impossible. Je travaille avec eux depuis 15, 20, 25 ans pour certains. C'était inenvisageable. » 164 ( * )

La Générale de Bureautique à Nantes :
de l'entrepreneur créateur aux collaborateurs repreneurs

L'entreprise a été créée en 1989 par M. Éric Belile. Appelé à prendre des responsabilités en tant que salarié dans un grand groupe, il quitte son emploi et se lance dans l'aventure entrepreneuriale afin de promouvoir une autre vision du management d'entreprise, une vision plus équilibrée et respectueuse de ses salariés. Spécialisée à l'origine dans la vente et la maintenance de produits d'impression sur Nantes, l'entreprise connaît des débuts difficiles, M. Éric Belile renonçant à se verser un salaire pendant neuf mois. Ses efforts finissent par produire leurs effets deux ans plus tard, date à laquelle il s'entoure d'une équipe de commerciaux en alternance. Son objectif est alors d'augmenter ses fonds propres afin de pouvoir financer une croissance externe. Dès 1992, il rachète ainsi l'un de ses concurrents sur Nantes avant de reprendre un an plus tard un acteur local rennais. En vingt ans, il achète ainsi une dizaine d'entreprises qui lui permettent de rayonner sur la Bretagne et les Pays de Loire.

L'entreprise emploie désormais 40 collaborateurs, dispose de 4 500 clients et a un chiffre d'affaires situé pour cette année entre neuf et dix millions d'euros. Ses activités commerciales concernent l'ensemble de la gestion du document au sein de l'entreprise (création, gestion, distribution, archivage, sauvegarde...), de l'offre bureautique à l'offre informatique avec pour objectif un gain de temps et d'argent pour sa clientèle. Disposant depuis la fin des années 2000 d'une identité homogène avec un logo bien identifié, l'entreprise a su fidéliser autant sa clientèle que ses collaborateurs par un management à visage humain.

Fort de ce succès, M. Éric Belile reçoit en 2012-13 des offres de rachat qu'il décline, en raison des licenciements qu'elles auraient entraînés. Souhaitant transmettre son entreprise à ses salariés, il identifie cinq cadres correspondant à des directions opérationnelles différentes -afin d'éviter tout conflit éventuel- et se fait conseiller pour trouver un montage financier qui permettrait le rachat de l'entreprise par ces cinq cadres dans les meilleures conditions pour les salariés. Lors de la fête des 25 ans de l'entreprise, au milieu du désert du Sahara, il annonce à tous ses salariés, la reprise en interne de l'entreprise.

Toutefois, la démarche de transmission à ses salariés s'est révélée beaucoup plus complexe que M. Éric Belile n'avait pu le penser dans un premier temps. Selon ses propres mots, céder son groupe à ses salariés est un véritable « kho lanta financier » pour le cédant. Sa démarche a nécessité un travail en amont d'environ un an avant qu'il ne puisse l'annoncer aux salariés comme à l'extérieur 165 ( * ) .

La première difficulté était bien entendu l'évaluation de la valeur de l'entreprise et des capacités financières des repreneurs. Ayant fait le choix d'une reprise par cinq salariés représentant les différentes directions opérationnelles du groupe, il était évident que l'investissement de départ allait être conséquent pour certains d'entre eux, notamment les plus jeunes 166 ( * ) . Le montage juridique et financier devait donc nécessairement inclure la question du financement de la part achetée par les repreneurs. Dans ces cas de reprise interne, le montage le plus couramment retenu est celui du rachat avec effet de levier ( LBO : Leverage Buy Out ).

Le montage juridico-financier : Le Leverage Buy Out ou Rachat avec effet de levier. Un dispositif essentiel pour financer les reprises internes

Le rachat avec effet de levier ( Leverage Buy Out ou LBO) est un montage financier qui permet le rachat de l'entreprise à travers une société holding. Le recours à ce dispositif est relativement fréquent dans le cas des entreprises rachetées par des salariés qui ne disposent pas, au moment de l'achat, de fonds nécessaires suffisants. Les repreneurs deviennent actionnaires majoritaires de la société rachetée qui rembourse l'emprunt en reversant ses bénéfices à la société holding.

Lorsqu'elle permet un rachat par les salariés, la reprise est accompagnée par plusieurs avantages fiscaux (paiement de l'impôt sur les sociétés en une seule fois grâce au régime « mère-fille » d'intégration fiscale, crédit d'impôt pour la société holding, réduction d'impôt sur les intérêts d'emprunt lorsqu'il y a souscription au capital d'une PME, exonération des droits d'enregistrement ou de mutation pour les acheteurs...).

Le rachat avec effet de levier peut prendre plusieurs formes en fonction du type de reprise envisagée :

- le Leverage Management Buy Out , dit « LMBO », dans le cas où les repreneurs sont des cadres dirigeants de l'entreprise rachetée ;

- le Leverage Buy In , dit « LBI », lorsque l'entreprise est rachetée de l'extérieur ;

- le Buy In Management Buy Out , parfois appelé «BIMBO», où les repreneurs sont à la fois des cadres internes et des investisseurs externes ;

- le Leverage Build Up , ou « LBU », dont l'objectif est à terme de fusionner deux entreprises en une seule.

« L'effet de levier est nécessaire car il permet de se financer grâce aux résultats » 167 ( * ) . Toutefois, ce dispositif ne permettait pas à lui seul de financer une opération d'une telle ampleur, compte tenu de la valeur de l'entreprise. L'opération retenue a donc été une opération à deux étages qui avait l'avantage à la fois de permettre le financement de l'opération et d'obtenir une transition en douceur entre le cédant et les repreneurs. En l'occurrence, le LMBO a permis de créer, dans un premier temps, une holding-mère qui donnait la possibilité aux cinq salariés repreneurs de détenir 49 % de l'entreprise tout en remboursant le prêt bancaire par les résultats, remboursement qui sera effectué au bout de sept ans. À l'issue de ces sept années commencera une deuxième étape -également de sept ans- avec un LBO finançant une partie ou la totalité des parts restantes.

Cédant et repreneurs n'avaient pas le choix : l'opération ne pouvait s'effectuer qu'en deux temps, les banques étant réticentes à financer l'ensemble de l'opération. Elles ont d'ailleurs souhaité obtenir des garanties complémentaires en demandant, dans un premier temps, que les repreneurs s'engagent sur leurs biens personnels 168 ( * ) et, dans un deuxième temps, que le cédant continue d'investir dans l'entreprise en y apportant une contribution au même titre que les banques.

Mais ce système en deux temps ne permet pas de bénéficier de l'ensemble des accompagnements reconnus aux cessions internes. En effet, le cédant reste majoritaire -à 51 %- dans la première partie de l'opération. Même si le montage prévoit bien la deuxième partie de l'opération, la première partie n'est pas éligible aux aides prévues pour les reprises salariales. Ainsi, les banques conditionnaient leur financement au maintien du cédant en tant que détenteur majoritaire alors que les institutions publiques -dont Bpifrance- souhaitaient le voir minoritaire pour pouvoir intervenir.

Source : Cabinet LB Avocats

Vos rapporteurs ont pu constater à travers l'exemple de la Générale de Bureautique que la transmission interne n'était véritablement accompagnée en France que lorsqu'elle s'effectue brutalement avec une transmission de la majorité des parts 169 ( * ) . Or, les transmissions réussies sont celles qui se construisent sur le long terme. Dans le schéma présenté, les pouvoirs publics interviennent essentiellement lors de la deuxième phase -celle où la part des salariés devient définitivement majoritaire. Or, la première phase est essentielle pour permettre la formation et le soutien des repreneurs tout en assurant le financement de leur reprise interne. L'accompagnement devrait donc pouvoir s'effectuer dès le premier volet de l'opération.

Plusieurs critères essentiels pour réussir une LMBO
(Leverage Management Buy Out)

selon M. Éric Belile, PDG de la Générale de Bureautique à Nantes

- Le temps de préparation est assez long : prévoir trois ans de préparation et d'élaboration et sept ans d'emprunt à rembourser avec le cédant encore majoritaire afin de rassurer la syndication concernant la dette sénior ;

- Les demandes de garanties des banques ne peuvent être activées avec les organismes d'État tels que Bpifrance puisqu'il y aura contradiction entre Bpifrance exigeant une minorité du cédant dans le capital de la holding et les banques exigeant une majorité du cédant dans ce capital ;

- Consolider la totalité des sociétés avant d'établir la TUP (Transmission Universelle de Patrimoine) ;

- Prévoir un budget conséquent pour son élaboration (environ 80 000 €) ;

- Avoir des résultats nets sur 8/10 ans réguliers en croissance et correspondant à plus du double de la créance bancaire envisagée ;

- Se faire accompagner par des spécialistes avertis ;

- Accepter de vendre l'entreprise beaucoup moins cher ;

- S'assurer de l'adhésion des salariés concernés ;

- Disposer de capitaux propres très conséquents ;

- Dégager une trésorerie largement excédentaire ;

- Prendre un temps de préparation, de rédaction, de recherches, propositions et élaboration finale d'environ 2 ans ;

- Obtenir la confiance des banquiers ;

- Ne plus prendre de dividende pendant le remboursement d'emprunt ;

- Savoir que le cédant doit rester actif et majoritaire a minima sept ans ;

- Accepter un crédit vendeur bloqué correspondant à la moitié de l'emprunt contracté sur sept ans.

- Recapitaliser rapidement en trésorerie pour commencer à activer le deuxième étage de la LBO ;

- Prier pour que les résultats du Groupe soient à la hauteur des engagements de remboursement d'emprunt de la dette sénior.

Le cas de M. Éric Belile est exemplaire et prouve, s'il le fallait, que la reprise interne peut être une réussite lorsqu'il existe une véritable mobilisation en dehors des carcans administratifs. La reprise interne doit pouvoir faire l'objet d'une meilleure promotion et d'une meilleure incitation : vos rapporteurs en sont convaincus. En revanche, imposer aux entreprises, en cas de cession, des obligations d'information dommageables pour leur survie n'est pas de nature à favoriser la reprise en interne.

2. L'information préalable des salariés pour favoriser une reprise locale : la fausse bonne idée de la loi de 2014

Vos rapporteurs partagent le diagnostic effectué à l'occasion des discussions sur la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire : les modalités d'information des salariés -tout comme du grand public- sur la reprise interne doivent pouvoir être améliorées mais, en déduire une obligation d'information préalable, c'est confondre le mal et son remède après avoir fait le bon diagnostic ! Le Gouvernement s'en est d'ailleurs aperçu à juste titre puisque les articles litigieux ont dû être modifiés quelques mois plus tard... sans pour autant être plus efficaces 170 ( * ) .

L'obligation d'information des salariés en cas de cession d'un fonds de commerce

Les articles 19 et 20 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire imposent une obligation d'information des salariés en cas de cession d'un fonds de commerce (articles L. 141-23 et suivants du code de commerce) ou d'une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d'une société à responsabilité limitée ou, le cas échéant, d'actions ou valeurs mobilières dont le bloc donne accès à la majorité du capital d'une société par actions (articles L. 23-10-1 et suivants du code de commerce). Ces articles précisent que l'information est effectuée par tout moyen de nature à rendre certaine la date de sa réception.

Le dispositif d'information des salariés s'impose aux catégories d'entreprises suivantes :

- d'une part, les entreprises qui n'ont pas l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise ;

- d'autre part, les entreprises qui ont l'obligation de mettre en place un comité d'entreprise, lorsqu'elles ont moins de 250 salariés et réalisent un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou dont le total de bilan n'excède pas 43 millions d'euros.

À la suite de la remise du rapport d'évaluation du droit d'information préalable des salariés par la députée Fanny Dombre-Coste, le 18 mars 2015, une réforme législative a été mise en oeuvre. Le II de l'article 204 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques simplifie le dispositif d'information des salariés en cas de cession de leur entreprise:

- en le limitant au seul cas de la vente de l'entreprise ;

- en sécurisant juridiquement le recours à la lettre recommandée avec avis de réception ;

- en remplaçant la sanction de nullité de la cession en cas de non-respect de cette obligation par une amende civile d'un montant maximum représentant 2 % du prix de la vente.

Le décret n° 2015-1811 du 28 décembre 2015 relatif à l'information des salariés en cas de vente de leur entreprise tire les conséquences de cette réforme législative et modifie les dispositions du code de commerce. Il précise que la date qui fait courir le délai de deux mois pendant lequel la vente ne peut être réalisée est celle de la conclusion du contrat de vente. Il fixe la date d'entrée en vigueur de ces modifications au 1 er janvier 2016.

Source : Direction générale des entreprises du ministère de l'économie

De l'avis presque unanime de l'ensemble des personnes auditionnées, les dispositions de la loi dite « Hamon » du 31 juillet 2014 rectifiée par la loi dite « Macron » du 6 août 2015, relatives à l'information préalable des salariés, ont un effet largement contre-productif.

L'économiste des Carnets de BPCE L'Observatoire a ainsi précisé sans ambiguïté à vos rapporteurs : « La loi dite « Hamon » a été établie sur la base d'un mauvais diagnostic sur un faux débat : il vaudrait mieux passer d'une logique pénalisante à une démarche stimulante par exemple d'aide à la reprise par les salariés » 171 ( * ) . Or, selon la Direction générale des entreprises et selon les chiffres retenus lors de l'élaboration de l'étude d'impact, « chaque année ces dispositions seraient susceptibles de concerner près de 29 000 entreprises, essentiellement en cas de cession de fonds de commerce, et plus de 260 000 salariés ». L'impact n'est donc pas neutre pour un dispositif par ailleurs contre-productif !

Vos rapporteurs partagent entièrement la nécessité de mieux accompagner la reprise interne par les salariés. Toutefois, ils ne peuvent que constater que le droit d'information préalable des salariés (DIPS) a eu un objectif contraire à celui qui était recherché : le temps octroyé est trop court pour permettre aux salariés de s'organiser mais il est suffisamment long pour fragiliser l'entreprise qui devient vulnérable aux yeux tant des fournisseurs que des clients. Une transmission réussie, parfois, est une transmission effectuée à l'abri des regards et non une transmission affichée sur la place publique. Plusieurs personnes auditionnées ont cité les cas d'entreprises qui avaient perdu de leur valeur au fur et à mesure des annonces répétées de vente de la part de son dirigeant.

Cette crainte est parmi les premières citées pour expliquer les difficultés liées à la transmission : 41 % des cédants potentiels à un ou deux ans craignent « une perte de confidentialité et des conséquences sur l'entreprise » (cf. graphique ci-dessous). Comme le résume l'économiste M. Alain Tourdjman : « Même pour une cession à court terme, la question de la confidentialité et des conséquences de l'opération de cession vis-à-vis des différents partenaires de l'entreprise représente le premier frein à la préparation de la cession ».

Source : Les carnets de BPCE L'Observatoire, « Mesure et enjeux de la cession-transmission des PME et ETI en France », audition au Sénat d'Alain Tourdjman le 20 octobre 2016

Enfin, nous rappelons que de l'aveu même de nos collègues de l'Assemblée, si le dispositif fonctionne désormais, c'est essentiellement parce que les entreprises ont la possibilité de payer l'amende plutôt que d'informer leurs salariés ; c'est bien souvent l'option retenue. L'APCMA a ainsi eu l'occasion, lors de son audition, de préciser que « ce dispositif complexifie les opérations de transmission et va à l'encontre de la volonté de favoriser la transmission d'entreprise en France ».

La Direction générale des entreprises n'a d'ailleurs pas les moyens, à l'heure actuelle, de faire un bilan positif de la mesure en matière d'entreprises sauvegardées grâce à ce dispositif : « L'entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2015 étant récente, la Direction générale des entreprises ne dispose pas à ce jour de retour de la part des entreprises sur la mise en oeuvre de la réforme du DIPS. »

3. Simplifier, dynamiser et sécuriser la reprise interne

Vos rapporteurs préconisent donc un vrai dispositif incitatif à la reprise interne : un dispositif fondé non pas sur l'obligation mais sur la formation, l'incitation et la facilitation.

a) Former

L'information des salariés doit en fait être une formation continue : le cadre dirigeant doit pouvoir identifier au fur et à mesure les éventuels potentiels parmi ses salariés. Cela passe par une formation régulière offerte à certains hauts potentiels avec l'appui des organisations locales telles que les chambres de commerce et d'industrie.

Cette formation continue est la clef de la réussite. C'est d'ailleurs celle que mettent en place les chefs d'entreprise qui réussissent la transmission à leurs salariés comme nous le prouve le cas de M. Éric Belile qui a su mettre en place une formation efficace de ses salariés repreneurs en les accompagnant pour sept ans au moins. Comme l'indiquait l'un des cadres repreneurs à vos rapporteurs : « Il n'y a pas d'école du patronat. Éric Belile nous a donné la possibilité de nous offrir une formation de patron en alternance. ». Les chefs d'entreprise n'ont besoin d'aucune loi, d'aucune obligation, d'aucun délai obligatoire pour accompagner les salariés intéressés à la reprise d'entreprise.

Votre délégation préconise de faciliter les reprises internes en identifiant et en formant les salariés intéressés dans le cadre de la formation continue (Proposition n° 22). Elle recommande d'abroger en conséquence les dispositifs contraires contenus dans les articles 19 et 20 la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire (Proposition n° 23)

b) Inciter

Plusieurs incitations fiscales existent à l'heure actuelle pour favoriser la reprise salariale. Le dispositif Dutreil leur est ouvert et des abattements spécifiques existent, tels que ceux prévus à l'article 790 A et à l'article 732 ter du code général des impôts.

Extrait de l'article 790 A du code général des impôts

« I.- Pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, en cas de donation en pleine propriété de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles ou de clientèles d'une entreprise individuelle ou de parts ou actions d'une société, il est appliqué, sur option du donataire, un abattement de 300 000 € sur la valeur du fonds ou de la clientèle ou sur la fraction de la valeur des titres représentative du fonds ou de la clientèle, si les conditions suivantes sont réunies :

a) L'entreprise ou la société exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;

b) La donation est consentie aux personnes titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis au moins deux ans et qui exercent leur fonction à temps plein ou d'un contrat d'apprentissage en cours au jour de la transmission , conclu avec l'entreprise dont le fonds de commerce ou la clientèle est transmis ou avec la société dont les parts ou actions sont transmises ; (...) »

Article 732 ter du code général des impôts

« I.- Pour la liquidation des droits d'enregistrement en cas de cession en pleine propriété de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles ou de clientèles d'une entreprise individuelle ou de parts ou actions d'une société, il est appliqué un abattement de 300 000 € sur la valeur du fonds ou de la clientèle ou sur la fraction de la valeur des titres représentative du fonds ou de la clientèle, si les conditions suivantes sont réunies :

1° L'entreprise ou la société exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ;

2° La vente est consentie :

a) Soit au titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis au moins deux ans et qui exerce ses fonctions à temps plein ou d'un contrat d'apprentissage en cours au jour de la cession , conclu avec l'entreprise dont le fonds ou la clientèle est cédé ou avec la société dont les parts ou actions sont cédées ;

b) Soit au conjoint du cédant, à son partenaire lié par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, à ses ascendants ou descendants en ligne directe ou à ses frères et soeurs ;

3° Lorsque la vente porte sur des fonds ou clientèles ou parts ou actions acquis à titre onéreux, ceux-ci ont été détenus depuis plus de deux ans par le vendeur ;

4° Les acquéreurs poursuivent, à titre d'activité professionnelle unique et de manière effective et continue, pendant les cinq années qui suivent la date de la vente, l'exploitation du fonds ou de la clientèle cédé ou l'activité de la société dont les parts ou actions sont cédées et l'un d'eux assure, pendant la même période, la direction effective de l'entreprise. Dans le cas où l'entreprise fait l'objet d'un jugement prononçant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire prévue au titre IV du livre VI du code de commerce dans les cinq années qui suivent la date de la cession, il n'est pas procédé à la déchéance du régime prévu au premier alinéa.

II.- Le I ne peut s'appliquer qu'une seule fois entre un même cédant et un même acquéreur. »

Les incitations fiscales prévues à l'heure actuelle doivent être réévaluées à la hausse afin de permettre à un plus grand nombre de salariés d'être potentiellement intéressés par la reprise, sans être pénalisés par son coût 172 ( * ) .

Votre délégation propose de relever les abattements fiscaux prévus en cas de reprise par un ou plusieurs salariés (proposition n° 24)

De même, un crédit d'impôt est prévu pour les sociétés rachetées par les salariés mais, à la lecture de l'article 220 nonies du code général des impôts, vos rapporteurs constatent que ce dispositif fiscal est assorti de conditions qui en limitent largement la portée.

Article 220 nonies du code général des impôts

« I.- Les sociétés constituées exclusivement pour le rachat de tout ou partie du capital d'une société, dans les conditions mentionnées au II, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt.

Pour chaque exercice, le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt sur les sociétés dû par la société rachetée au titre de l'exercice précédent, dans la proportion des droits sociaux que les salariés de la société rachetée détiennent indirectement dans le capital de cette dernière et dans la limite du montant des intérêts dus par la société nouvelle au titre de l'exercice d'imputation à raison des emprunts qu'elle a contractés pour le rachat. Pour les sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A ou de l'article 223 A bis , l'impôt sur les sociétés dû par la société rachetée s'entend du montant qu'elle aurait dû acquitter en l'absence d'application du régime prévu à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis .

II.- Le bénéfice du I est subordonné aux conditions suivantes :

1° La société rachetée et la société nouvelle doivent être soumises au régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés et ne pas faire partie du même groupe au sens de l'article 223 A ou de l'article 223 A bis ;

2 ° Les droits de vote attachés aux actions ou aux parts de la société nouvelle doivent être détenus par au moins quinze personnes qui, à la date du rachat, étaient salariées de la société rachetée, ou par au moins 30 % des salariés de cette société si l'effectif n'excède pas cinquante salariés à cette date ;

3° L'opération de reprise a fait l'objet d'un accord d'entreprise satisfaisant aux conditions du 2° de l'article L. 3332-16 du code du travail.

III.- Un décret fixe les obligations déclaratives des sociétés concernées. »

La condition numérique de quinze salariés limite les possibilités de bénéficier de ce crédit d'impôt. En se fondant sur l'exemple de l'entreprise nantaise reprise par cinq salariés, vos rapporteurs préconisent une réduction de cette condition de quinze à cinq salariés.

Votre délégation souhaite assouplir les conditions permettant un crédit d'impôt en faveur des sociétés rachetées par les salariés, en octroyant ce droit à toute reprise effectuée par au moins cinq salariés au lieu de 15 actuellement (Proposition n° 25)

c) Faciliter

Faciliter la transmission en interne, c'est offrir un accompagnement prioritaire aux chefs d'entreprise qui privilégient la reprise en interne. Dans le cas nantais de la Générale de Bureautique nous avons constaté un décalage entre l'ambition gouvernementale affichée d'accompagner la transmission interne et la réalité du terrain décrite comme « un parcours du combattant ». La problématique de la reprise interne doit être abordée de manière plus large qu'elle ne l'est aujourd'hui en intégrant le « temps long » nécessaire pour élaborer un tel projet. Les reprises comprenant plusieurs étapes doivent pouvoir bénéficier des mêmes aides que les reprises internes classiques, et ce dès le montage juridique et financier de l'opération. C'est ici une politique facilitatrice qui concerne aussi bien la fiscalité 173 ( * ) , le financement bancaire, les contre-garanties de Bpifrance que l'accompagnement des services de l'État et des chambres consulaires.

De manière plus globale, les politiques d'aides publiques existantes doivent pouvoir être réévaluées sous l'oeil de la reprise, et notamment de la reprise salariale 174 ( * ) . Cela concerne potentiellement de nombreux dispositifs existants. L'aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise (Accre), l'aide à la reprise ou à la création d'entreprise (Arce), l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) sont potentiellement concernées. Le rapport Dombre-Coste avait envisagé dans sa proposition n° 16 un « déblocage anticipé de l'aide à la reprise ou à la création d'entreprise (Arce) des demandeurs d'emplois accompagnés ». Ce dispositif permet d'obtenir une aide d'au moins 45 % des allocations chômage restant dues au moment où le demandeur d'emploi réunit les conditions d'attribution de l'Arce, le solde étant versé six mois après la création/reprise d'entreprise. Selon la Direction générale des entreprises, « le déblocage anticipé de l'Arce n'a pas fait l'objet de priorisation » lors des deux premiers comités de pilotage sur la transmission. Pourtant, l'étude commandée par votre délégation et annexée au présent rapport souligne l'intérêt de la mesure au regard de son faible coût : « même si les effets potentiels d'une telle mesure sur l'emploi et sur la survie sont potentiellement faibles, le coût relatif de la mesure est si faible que la balance serait favorable ».

Vos rapporteurs citeront un autre exemple : le dispositif NACRE - Nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d'entreprise - qui limite l'accompagnement à six mois pour la phase de montage du projet de reprise et à six mois pour la phase de structuration financière. Or, ces phases sont particulièrement délicates en reprise, surtout s'il s'agit d'une reprise d'entreprise en difficulté.

Le nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d'entreprise (Nacre)

Le nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d'entreprise (Nacre) est un dispositif d'accompagnement d'au moins 3 ans. Il aide au montage du projet de création ou de reprise , à la structuration financière et au démarrage de l'activité. Il permet la signature d'un contrat entre le créateur ou le repreneur d'entreprise et un organisme d'accompagnement conventionné par l'État.

Ce dispositif est désormais, depuis le 1 er janvier, suivi par les régions (Article L. 5141-5 du code du travail : « La région participe, par convention, au financement d'actions d'accompagnement et de conseil organisées avant la création ou la reprise d'une entreprise et pendant les trois années suivantes. Ces actions bénéficient à des personnes sans emploi ou rencontrant des difficultés pour s'insérer durablement dans l'emploi, pour lesquelles la création ou la reprise d'entreprise est un moyen d'accès, de maintien ou de retour à l'emploi. »)

Code du Travail - Article R5141-29

« Les actions de conseil et d'accompagnement mentionnées au 4° de l'article R. 5141-1 sont réalisées par un opérateur avec lequel l'État passe à cet effet une convention.

Les actions sont réalisées dans le cadre d'un parcours comportant les trois phases suivantes :

1° une phase d'aide au montage, d'une durée maximum de quatre mois pour un projet de création et de six mois pour un projet de reprise d'entreprise ;

2° une phase d'aide à la structuration financière, d'une durée maximum de quatre mois pour un projet de création d'entreprise et de six mois pour un projet de reprise d'entreprise ;

3° une phase d'accompagnement du démarrage et du développement de l'activité de l'entreprise d'une durée fixe de trente-six mois.

La convention peut porter sur tout ou partie des phases mentionnées aux 1° à 3°. Toutefois, un opérateur conventionné pour la phase d'aide à la structuration financière doit l'être également pour la phase d'accompagnement du démarrage et du développement de l'activité de l'entreprise.

Des expertises spécialisées répondant à un besoin particulier du projet peuvent également être réalisées au cours des phases mentionnées aux 1° et 3°, dans des conditions définies par la convention. »

Afin de faciliter la reprise et de laisser le temps aux salariés de préparer au mieux leurs projets de reprise d'entreprise en difficulté, vos rapporteurs suggèrent que soit augmentée de six à neuf mois la durée maximum des aides au montage et à la structuration financière dans le cadre du Nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d'entreprise.

Votre délégation demande que soient réévalués les dispositifs d'aide en prenant mieux en compte la reprise salariale. Elle suggère notamment, par exemple, que soit augmenté de six à neuf mois l'accompagnement en matière de montage et de structuration financière des projets de reprise financés par le Nouvel accompagnement pour la création ou la reprise d'entreprise. (Proposition n° 26)

Enfin, pour faciliter la reprise d'entreprise en difficulté, il serait également nécessaire de veiller à une meilleure coordination des actions des administrateurs judiciaires et des différents acteurs et conseils -privés et publics- de la reprise, afin que l'emploi et le maintien de l'activité soient bien affirmés comme prioritaires. Cela permettrait de la même manière de veiller à une meilleure information des salariés sur les possibilités de reprise.

En effet, les auditions ont pu révéler des opinions divergentes sur l'action des administrateurs judiciaires qui sont pourtant des éléments essentiels de la sauvegarde des entreprises sur nos territoires. Certains témoignages ont mis en évidence des cas de comportements inadaptés, n'allant pas dans le sens d'un effort pour maintenir l'activité et donc l'emploi des entreprises (délais beaucoup trop courts et donc impossibles à respecter pour trouver un repreneur, etc.) 175 ( * ) . Plusieurs personnes auditionnées ont en outre critiqué le mode de rémunération des administrateurs judiciaires, non incitatif car déconnecté des résultats en termes de reprise et de maintien de l'emploi.

Il est nécessaire que l'action des administrateurs judiciaires s'effectue en coordination avec celle des acteurs de la transmission et de la reprise, avec comme unique objectif la sauvegarde des entreprises et de l'emploi.

Vos rapporteurs n'excluent pas, à ce stade, la nécessité de mener une réflexion sur les conditions d'exercice de la profession d'administrateur judiciaire.

Votre délégation juge nécessaire une meilleure coordination des actions des administrateurs judiciaires et des différents acteurs et conseils -privés et publics- de la reprise afin que l'emploi et le maintien de l'activité soient bien affirmés comme prioritaires (Proposition n° 27)


* 159 Guillaume Ferrero, Aymeric de Loubens, « Faut-il favoriser la transmission d'entreprise à la famille ou aux salariés ? », Les cahiers de la DG Trésor n° 2013/06, Novembre 2013.

* 160 Comme le précise l'étude du groupement Datastorm-Atexo commandée par votre Délégation, les différentes possibilités de reprises salariales rencontrent les mêmes difficultés statistiques que la reprise par un tiers extérieur : « ...la reprise salariale reste, d'après le baromètre CNFCA, en 2013, une opération rare mais également mal mesurée. » Même si certaines données semblent indiquer une augmentation de certaines formes de reprises salariales : « Avec une progression de 6 % en 2015, le rythme des créations des sociétés coopératives et participatives (Scop) et des sociétés coopératives d'intérêt collectif (Scic) est relativement plus soutenu que celui des sociétés françaises qui a été de 4 % dans la même période (Insee Première n° 1583) ».

* 161 En 2001, la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel est également venue compléter la loi de 1947 en créant les Sociétés Coopératives d'Intérêt Collectif (Scic) qui « ont pour objet la production ou la fourniture de biens et des services d'intérêt collectif, qui présentent un caractère d'utilité sociale ». Les Scic ont la particularité de permettre l'association non seulement de salariés (ou, en leur absence, de producteurs du bien ou du service rendu) mais également de bénéficiaires (clients, fournisseurs, bénévoles collectifs...) et de tiers selon les objectifs de la coopérative (entreprise privée - société, artisan, association, profession libérale, exploitant agricole,...-, financeurs,...). Les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent détenir jusqu'à 50 % du capital d'une même Scic. Selon le site http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/ il y aurait 611 Scic en activité en France début 2017 contre seulement 266 fin 2012 (voir en annexe les tableaux comparatifs Scop et Scic).

* 162 François Kerfourn et Michel Porta, Le bonheur est dans la SCOP !, Les petits matins, 2016.

* 163 Voir en annexe (« Un statut qui s'adapte à toute forme d'entreprises », tableau édité par la confédération générale des SCOP).

* 164 Extrait d'un entretien à France Info le 6 janvier 2017.

* 165 Pour être efficace, cette démarche a dû s'effectuer en ciblant les cadres salariés appartenant à des directions opérationnelles différentes au sein du groupe sans information des autres salariés ou de l'extérieur. Une annonce à toute l'entreprise effectuée au mauvais moment aurait pu mettre en danger l'ensemble de la démarche de reprise interne selon le PDG : « C'était secret et cela devait le rester ».

* 166 Plus de la moitié d'entre eux ont moins de 32 ans, le plus jeune venant de dépasser à peine les 25 ans.

* 167 Citation d'un des salariés repreneurs.

* 168 Demande finalement abandonnée au cours de la négociation puisque cela revenait à demander une double garantie, sur l'entreprise et sur les biens personnels.

* 169 « Alors que les transmissions internes permettent de sauvegarder des emplois, je n'ai bénéficié d'aucune incitation et n'ai été épaulé par aucune administration » déplorait ainsi M. Éric Belile dans la structuration de cette première phase de son opération.

* 170 La Fédération Française du Bâtiment a notamment un regard particulièrement critique sur ce dispositif : « A l'heure où l'on parle de simplification, il s'agit d'une nouvelle contrainte pour les cédants (...) Le texte ne propose aucune aide financière, sociale ou fiscale, pour financer la reprise (...) Le tiers extérieur choisi par le chef d'entreprise actuel peut parfaitement renoncer à la vente pendant ce délai. Si aucun salarié ne donne suite au projet, le résultat sera totalement contre-productif (...) Le cédant ne dispose d'aucun moyen de vérifier que l'information ne sera pas diffusée à l'extérieur... »

* 171 Les carnets de BPCE Observatoire, « Mesure et enjeux de la cession-transmission des PME et ETI en France, présentation effectuée par M. Alain Tourdjman le 20 octobre 2016, p. 41.

* 172 La nécessité de réformer le dispositif pour le rendre plus attractif a été évoqué par plusieurs professions dont les notaires.

* 173 Le Royaume-Uni privilégie le levier fiscal pour favoriser la reprise interne depuis 2014, date d'introduction d'une exonération de l'impôt sur les plus-values : «In 2014, the UK introduced a new tax relief, so that business owners who sell sufficient shares into an employee benefit trust to create a controlling interest (broadly, at least 51 % of the shares) do not pay Capital Gain Tax on the share disposal.» Extrait de la contribution écrite de l'ambassade du Royaume-Uni.

* 174 À l'issue de son audition, la confédération générale des SCOP indiquait à titre d'exemples une série de leviers potentiels pour mieux accompagner les reprises internes : le développement de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié, une réduction de l'impôt sur le revenu pour toute souscription de parts par les salariés au moment de la reprise et, pour le cédant, l'assimilation du remboursement des titres de société transformée en SCOP au régime des plus-values de cession de titres régi par l'article 160 quater du code général des impôts.

* 175 Certains spécialistes de la reprise, auditionnés par vos rapporteurs, ont préconisé une révision du rôle, voire du statut et de la rémunération, des administrateurs judiciaires. Au-delà de la question des administrateurs judiciaires, les procédures de redressement et de liquidation devraient privilégier l'emploi, en prenant mieux en compte les possibilités offertes par la reprise salariale : « Dans le cadre de la liquidation judiciaire, il serait nécessaire de mettre l'accent sur la préservation des emplois et la reprise des salariés (...). Aujourd'hui, la protection des créanciers se fait nécessairement au détriment des salariés et de l'emploi » (Extrait de la contribution écrite de la confédération générale des Scop).

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