III. UN DIALOGUE POLITIQUE AVEC LA COMMISSION EUROPÉENNE DE PLUS EN PLUS STRUCTURÉ, MAIS QUI RESTE PERFECTIBLE

La Commission européenne dispose en principe d'un délai de trois mois pour répondre aux observations formulées dans l'avis politique de la commission des affaires européennes. Ces réponses sont directement adressées au président de la commission, avec copie à M. le Président du Sénat. Elles sont généralement signées par M. Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, chargé de l'amélioration de la législation, des relations inter-institutionnelles, de l'État de droit et de la Charte des droits fondamentaux, et cosignées dans la grande majorité des cas par le commissaire européen en charge du secteur sur lequel porte l'avis politique.

Parmi les 25 avis politiques adoptés par la commission entre le 1 er octobre 2015 et le 31 décembre 2016, 18 ont reçu une réponse de la Commission, soit un taux de réponse global de 72 % , contre 60 % pour la période couverte par le précédent rapport.

Alors que ce taux de réponse s'est sensiblement amélioré cette année , ce dont votre commission des affaires européennes ne peut que se féliciter, la qualité des réponses apportées par la Commission dans le cadre du dialogue politique reste , comme l'année dernière, inégale .

• Bien sûr, dans plusieurs cas, il apparaît de ces réponses que la Commission prend en considération, au moins partiellement, les observations de la commission des affaires européennes.

La réponse de la Commission à l'avis politique relatif au paquet « mieux légiférer » est précise et circonstanciée et adopte une démarche didactique évidente. Elle précise que « la Commission [...] a transmis l'avis du Sénat à ses représentants dans les négociations en cours afin d'éclairer les débats ». Elle donne des précisions sur la méthode qu'elle entend employer pour ce qui concerne le renforcement du dialogue politique et les études d'impact. La Commission s'associe aux remarques du Sénat relatives au droit de retrait, jugeant qu'elle respectait de facto la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle rappelle que le suivi des trilogues relève des États représentés au Conseil, qui doivent informer les parlements nationaux. Elle ne souhaite pas de changement concernant le contrôle des actes délégués et insiste sur la nécessité de mieux évaluer les textes au niveau national. Enfin, elle se montre moins réservée sur le « carton vert » que dans sa réponse relative à l'avis politique sur le programme de travail 2015 en indiquant qu' « elle est toujours prête à discuter de suggestions constructives si des parlements nationaux estiment que l'Union devrait répondre aux préoccupations des citoyens par une action dans un domaine politique spécifique ».

L'avis portant sur la mise en oeuvre du plan d'investissement pour l'Europe a reçu une réponse de très bonne qualité. La Commission prend soin de préciser que « l'avis du Sénat a été transmis aux services compétents. Il constitue une contribution utile que la Commission prendra en compte dans la mise en oeuvre du Plan d'investissement ainsi que dans les étapes ultérieures d'évaluation » . Elle indique également prendre « très au sérieux l'intérêt porté par le Sénat au sujet du rôle des collectivités territoriales dans la mise en oeuvre du plan d'investissement » . Elle apporte des précisions sur des points importants soulevés dans l'avis politique : la mise en place du système de gouvernance -les membres du comité de pilotage du FEIS ont été nommés et le recrutement du directeur général, de son adjoint et la sélection des membres du comité d'investissement ont été menés à bien -, l'institution de la plateforme européenne de conseil en investissement, désormais opérationnelle, et l'entrée en fonction du portail européen de projets d'investissement intervenue au premier trimestre 2016.

La réponse développe assez précisément la situation concernant notre pays 8 ( * ) : « En ce qui concerne plus particulièrement la France, 8 projets, dont 3 ont déjà reçu la garantie du FEIS, ont été approuvés par le conseil d'administration de la BEI pour le seul volet « infrastructure et innovation » , ce qui mobilise un financement de la BEI de 1,17 milliard d'euros et devrait générer un investissement prévisionnel total de 4 milliards d'euros. Quant au volet PME mis en oeuvre par le FEI, le FEIS a soutenu trois intermédiaires financiers français à travers des garanties à hauteur de 51,4 millions d'euros au bénéfice des PME en France. Le FEI a également apporté une contribution de 204 millions d'euros à six fonds d'investissement et de capital risque qui investissent dans des PME et entreprises de taille intermédiaire ».

Enfin, la réponse comporte une annexe répondant aux observations du Sénat qui présentaient un caractère technique et visant des aspects spécifiques soulevés dans l'avis politique : le rôle des plateformes d'investissement, le fonctionnement de la plateforme européenne de conseil en investissement, à laquelle les collectivités territoriales pourront recourir gratuitement, et du portail européen de projets d'investissement, le volet réglementaire du plan d'investissement, etc. Ce dernier volet est sans doute celui qui obtient la réponse la moins satisfaisante en raison des actions qui en relèvent et qui portent sur le moyen, voire le long terme : charges administratives et complexité réglementaire, marché unique numérique, union de l'énergie, union des marchés de capitaux, réformes structurelles nationales dans le cadre du semestre européen, etc., soit autant de mesures, européennes et nationales, visant à lever les obstacles à l'investissement.

La réponse de la Commission est également très précise sur la pêche au bar . Il est vrai que, sur ce dossier, le Sénat avait obtenu satisfaction : « La Commission souhaite indiquer au Sénat que les préoccupations qu'il a exprimées dans son avis ont été prises en compte lors des discussions du Conseil des Ministres de la pêche de décembre 2015 établissant les possibilités de pêche pour 2016. En effet, la dépendance au bar des métiers de l'hameçon exploitant cette espèce a été prise en considération et le Conseil a décidé d'une période de fermeture de la pêche de deux mois contre six mois pour les autres métiers. D'autre part, la Commission s'est engagée par déclaration écrite lors du Conseil de décembre 2015 à « suivre les débarquements de bar capturés en tant que prise accessoire afin d'évaluer si la mesure concernant les prises accessoires est suffisante » » .

Sur la concurrence dans les transports aériens , la Commission a, dans ce cas aussi, joint à sa réponse une annexe très détaillée qui apporte des informations sur chacun des points soulevés dans l'avis de la commission des affaires européennes. Si la Commission ne rejoint pas la position sénatoriale sur chacun des sujets abordés, par exemple le souhait d'étendre la compétence de l'OMC au transport aérien, elle reconnaît la pertinence des observations formulées dans l'avis politiques. Ainsi met-elle en avant l'action conduite ou décidée afin d'atteindre le but poursuivi (abus et fraudes, entorses à la concurrence loyale à l'échelle du globe tout entier, subventions et pratiques tarifaires déloyales de la part de pays non membres de l'Union européenne, mais desservant celle-ci par la voie des airs, évasion fiscale, prise de participation au sein de compagnies aériennes basées dans un État membre par des opérateurs basés dans des États tiers). Elle estime que le droit de l'Union permet aux autorités publiques nationales ou locales d'éviter les inconvénients mis en exergue dans la résolution (subventions et pratiques tarifaires déloyales dont bénéficient les compagnies low cost , redevances aéroportuaires, sauf le régime de la TVA, compensation de services d'intérêt économique général). Elle souligne que le thème considéré relève à titre principal du droit de chaque État membre et seulement de façon marginale du droit de l'Union (distinction entre travailleurs salariés et travailleurs indépendants, malgré certains éléments jurisprudentiels, régime juridique des travailleurs mobiles).

De même, la réponse de la Commission à l'avis politique portant sur l' accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et la Mongolie apporte des éclaircissements intéressants. Elle se félicite que le Sénat partage son avis sur l'importance de la Mongolie comme partenaire de l'Union européenne. Elle indique que « la coopération au développement fait l'objet de discussions régulières au sein du Comité mixte UE-Mongolie auquel les États membres peuvent participer en tant qu'observateurs. Les chefs de délégation des États membres de l'UE auprès de la Mongolie mais résidant à Pékin se rendent tous les ans à Oulan-Bator, accompagnés du chef de la délégation de l'UE. Ces visites annuelles offrent une occasion supplémentaire d'aborder la question de la coopération au développement avec leurs homologues sur place et de renforcer la coopération ». Toutefois, elle renvoie à plus tard toute évolution significative qui pourrait profiter à la Mongolie : « Toute réforme substantielle de la manière dont les projets sont gérés devrait être envisagée lors des discussions relatives au nouveau cadre pour la coopération au développement ».

Il convient également de souligner la grande qualité de la réponse apportée par la Commission à l'avis relatif à son programme de travail pour 2016 . Si elle « salue en particulier l'approbation par le Sénat de son intention de se focaliser sur les dix priorités politiques établies en début de mandat ainsi que les grands chantiers qui répondent aux plus grands défis actuels de l'Europe », en insistant en particulier sur l'intérêt que le Sénat porte au programme REFIT, elle a examiné plus en détail, dans une annexe, chacune des observations de l'avis politique de la commission des affaires européennes et développe les axes suivants, en présentant des perspectives et, le cas échéant, un calendrier :

- crise migratoire et protection des frontières extérieures ;

- lutte contre le terrorisme : le plan d'action de la Commission présenté le 2 février 2016 reprend un certain nombre de points soulevés par le Sénat, en particulier sur la question des « combattants étrangers » ou sur les moyens d'Europol ;

- parquet européen : la Commission indique également partager le souhait du Sénat de progresser sur cette question ;

- zone euro : la Commission insiste sur les consultations en cours en vue de définir un cadre pour la phase II de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire durant laquelle sera notamment abordée la question de la légitimité démocratique ;

- initiatives dans le domaine social : le socle européen des droits sociaux est présenté comme le résultat d'une consultation qui a pris fin le 31 décembre 2016. La présentation que fait la Commission de ce socle apparaît moins ambitieuse que ce que le titre peut supposer et ne devrait pas déboucher sur les propositions détaillées dans l'avis politique. La Commission ne répond pas vraiment sur la révision de la directive sur le détachement des travailleurs ;

- union de l'énergie : la Commission entend préserver les compétences des États membres dans le domaine énergétique, mais insiste sur le fait que chaque accord d'investissement respecte scrupuleusement le droit européen applicable dans son intégralité, y compris les aspects d'environnement et de concurrence. Elle ne nomme pas pour autant Nord Stream 2. Elle souhaite cependant apporter son soutien à la mise en oeuvre de grands projets d'infrastructures énergétiques transeuropéens ;

- économie collaborative : la Commission souhaite, avant de se prononcer, analyser les résultats de la consultation publique qu'elle a lancée sur ce thème.

Enfin, la Commission rappelle sa position sur le droit d'initiative des parlements nationaux déjà exprimée dans sa réponse à l'avis politique sur l'accord interinstitutionnel « mieux légiférer » en décembre 2015. Elle juge ainsi être toujours « disposée à discuter de suggestions constructives si des parlements nationaux estiment que l'Union devrait répondre aux préoccupations des citoyens par une action dans un domaine politique spécifique ». Elle ne s'avance pas plus et se garde donc d'encourager une formalisation du « carton vert », même si elle rappelle qu'elle « a répondu, en novembre 2015, à la première initiative de ce type, signée ou soutenue par 19 chambres parlementaires, y compris le Sénat, en matière de gaspillage alimentaire ».

Sur l' Union européenne et les négociations interchypriotes , la Commission apporte des éléments d'information qui répondent à plusieurs points soulevés par la commission des affaires européennes dans son avis politique. Ainsi, elle juge également que l'application de l'acquis règlementaire européen doit être intégrale au Nord de l'île, des mesures spécifiques et transitoires pouvant être mises en oeuvre « dans des cas justifiés ». La Commission soutient à cet effet l'action du comité ad hoc bicommunautaire chargé de cette question. Elle rappelle par ailleurs que l'Union sera fortement impliquée dans la gestion des conséquences financières de la réunification, ainsi que l'a indiqué son président en juillet 2015, lors d'un déplacement à Chypre. Le cadre financier pluriannuel prévoit d'ailleurs une disposition pour réévaluer le montant de l'intervention européenne dans l'île en cas de succès des négociations. La réponse met enfin en avant l'engagement financier de l'Union européenne au Nord de l'île - 30 millions d'euros annuels, 416 millions d'euros depuis 2006 -, même s'il convient de regretter qu'elle n'indique pas si la Commission compte participer, comme le demande le Sénat, à la formation des représentants de l'administration du Nord de l'île.

• Certaines réponses de la Commission illustrent tout l'intérêt du dialogue noué entre Bruxelles et les parlements nationaux. En effet, elles permettent, grâce aux avis politiques, d'obtenir des informations sur des sujets sur lesquels elles faisaient défaut et de pallier ainsi un manque de transparence initial.

Tel est le cas des marchés d'instruments financiers . L'avis politique de la commission des affaires européennes sur ce texte (directive MiFID II) était critique. En effet, dans ses échanges avec les parlements nationaux, la Commission avait fait le choix de passer sous silence le retard pris sur l'élaboration des normes de niveau 2. En limitant leur information, elle privait ainsi les parlements nationaux des moyens pour apprécier l'opportunité et le bien-fondé de la demande de report d'un an de l'entrée en vigueur de la directive. De plus, en créant une dissymétrie d'information au détriment des parlements nationaux vis-à-vis du Parlement européen, la Commission échappe potentiellement à la formation d'une demande, par les parlements nationaux, du report de la date de transposition de la directive MiFID II dans leur propre législation. Seul le Parlement européen a été en mesure d'anticiper la situation en demandant un report du délai de transposition nationale.

La réponse de la Commission vise manifestement à combler en partie ce défaut d'information. Elle indique en effet que, « en octobre 2015, l'Autorité européenne des marchés financiers informait la Commission européenne qu'étant donné la complexité des défis techniques à relever, ni les autorités compétentes ni les intervenants de marché n'auraient mis en place les systèmes nécessaires à la bonne application du MiFID II », d'où la demande d'un délai d'un an qui serait « dû à l'ampleur sans précédent du défi technique qui incombe à l'AEMF et qui nécessite la mise en place de systèmes permettant de traiter les données de plus de 300 plateformes de négociation pour un total de plus de 15 millions d'instruments financiers ». Plus généralement toutefois, cette demande de report illustre aussi les difficultés qu'engendre la multiplication des actes délégués et des mesures de niveau 2 qui ont pris une ampleur considérable dans la réglementation financière, en dehors de tout contrôle démocratique. Sur ce point, la Commission se limite à indiquer qu'elle travaille « activement » à l'adoption dans les prochains mois des actes délégués et d'exécution.

La même analyse peut être faite de la réponse qu'a apportée la Commission à l'avis politique relatif au système financier parallèle . Certes, la commission des affaires européennes avait confirmé l'importance de doter, sans plus tarder, l'Union européenne d'une réglementation des fonds monétaires conforme aux recommandations du Conseil de stabilité financière et du Comité européen du risque systémique (CERS). Le récent accord issu des trilogues est bien moins ambitieux que les recommandations du CERS et que la proposition initiale de la Commission. Ainsi, il aura fallu plus de trois ans pour que l'Union européenne se dote d'un règlement qui était indispensable. On relèvera d'ailleurs l'influence déterminante des banques anglo-saxonnes, ainsi que l'insuffisance d'un regard démocratique extérieur dans ce processus. Le rythme d'adoption du texte aurait pu justifier une plus grande transparence dans les négociations. Pour autant, la réponse de la Commission cherche à combler ce défaut et permet d'obtenir des informations qui manquaient auparavant. Si elle dit partager « l'inquiétude du Sénat au sujet des risques que l'expansion du système bancaire parallèle fait peser sur la stabilité financière mondiale », la Commission souligne la proximité de son approche avec celle de la commission des affaires européennes sur plusieurs sujets abordés dans l'avis politique : la surveillance que le CERS pourrait exercer, en particulier sous l'angle macro-prudentiel, sur le système financier parallèle, la formulation par le même Comité de recommandations sur les mesures à prendre pour remédier aux faiblesses structurelles du secteur de la gestion d'actifs, même si la Commission note que « les gestionnaires d'actifs européens sont déjà soumis à une réglementation sectorielle très détaillée », ou encore l'amélioration de la liquidité des marchés d'obligations d'entreprises dans le cadre du projet d'union des marchés de capitaux.

• En revanche, sur certains sujets, souvent très politiques, la réponse de la Commission reste particulièrement prudente, voire excessivement sommaire.

Ainsi, la réponse de la Commission à l'avis politique portant sur la proposition de règlement relatif aux établissements de crédit de l'Union européenne n'est guère satisfaisante dans la mesure où elle ne répond pas vraiment aux observations présentées par la commission des affaires européennes. Elle se contente de « prendre note des préoccupations du Sénat » et rappelle que le texte de la Commission est « un projet important de l'Union ». La Commission indique que son projet « devrait compléter les réformes de la réglementation financière entreprises ces dernières années » en particulier en luttant contre les risques systémiques et en donnant aux autorités de surveillance la possibilité d'exiger la séparation des activités de négociation excessivement risquées de l'activité principale des établissements de crédit. Mais jamais elle ne répond précisément aux termes de l'avis politique. Elle renvoie d'ailleurs assez longuement à l'accord trouvé par le Conseil, le 19 juin 2015, sur une orientation générale, sans expliquer en quoi cet accord répond aux préoccupations de la commission des affaires européennes. Elle indique que les trilogues qui vont s'engager sur ce texte « aborderont certainement les points [évoqués] dans [l'] avis »...

La réponse à l'avis politique de la commission des affaires européennes relatif aux demandes de réformes de l'Union européenne présentées par le Royaume-Uni relève de la même analyse. Si chacun connaît aujourd'hui le résultat du référendum du 23 juin 2016, la réponse de la Commission a été rédigée le 6 avril, soit avant le Brexit. Elle se limite à rappeler, sans les préciser, les conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février 2016 ayant approuvé « un nouvel arrangement pour le Royaume-Uni dans l'Union européenne » répondant « à toutes les préoccupations exprimées par le Premier ministre britannique ». Elle rappelle également que ces dispositions seraient entrées en vigueur si le Royaume-Uni était resté dans l'Union européenne et seraient devenues caduques s'il avait décidé d'en sortir. Cette réponse particulièrement brève traduisait sans doute une volonté de faire preuve à la fois de prudence et de discrétion dans le contexte délicat de la campagne référendaire britannique.

De même, la réponse de la Commission à l'avis politique formulé à l'occasion de la consultation publique sur les compétences des autorités nationales de concurrence est pour le moins succincte. Elle se félicite que le Sénat partage son point de vue sur l'importance des règles européennes en matière de concurrence et prend « bonne note » des conditions qui doivent être respectées dans un éventuel travail d'amélioration du fonctionnement des autorités nationales de concurrence. Elle indique toutefois son soutien à la proposition « qu'une mise en place d'un modèle unique d'autorité nationale n'est pas nécessaire, ni souhaitable ». Si elle affirme qu' « elle ne manquera pas de tenir compte de son avis dans un éventuel processus décisionnel européen », elle se garde bien d'aller plus loin et, en particulier, de se prononcer sur la question du marché pertinent. Il est vrai que l'avis politique de la commission des affaires européennes intervenait très en amont.

Sur l'avis politique portant sur l'exemption du plomb contenu dans le verre cristal , la Commission prend note de la position du Sénat, « dont elle tiendra compte lorsqu'elle se prononcera sur la voie à suivre concernant cette exemption ». Alors qu'une décision était attendue pour la fin 2016, la Commission s'abstient de toute perspective et rappelle seulement que « l'exemption existante reste valable jusqu'à ce qu'une nouvelle décision ait été prise », évoquant une consultation publique.

La Commission s'en est tenue à l'affirmation de grands principes dans sa réponse à l'avis politique portant sur la proposition de règlement relatif au système européen d'assurance des dépôts qui fait partie d'un ensemble plus large de mesures destinées à achever l'union bancaire . Elle n'entre toutefois jamais dans le détail des questions soulevées par l'avis politique, mais rappelle que « la protection des déposants constitue la base de leur confiance dans le secteur bancaire » et qu'un système européen de garantie des dépôts serait plus protecteur qu'un système national. Ayant « pris bonne note des points de vue exprimés dans l'avis du Sénat », elle « tient à rassurer le Sénat sur un nombre de sujets particuliers soulevés dans l'avis » tels que la protection des dépôts, le rôle de supervision de la Banque centrale européenne, l'absorption des pertes par les banques ou encore l'harmonisation des législations en matière d'insolvabilité, mais sans jamais expliquer en quoi les dispositions prévues ou négociées seraient précisément rassurantes.

La réponse de la Commission à l'avis politique relatif à la réglementation viticole n'est guère plus convaincante. Alors que la commission des affaires européennes avait mis en exergue un certain nombre de points importants tels que l'étiquetage, les mentions traditionnelles, les indications géographiques ou encore les appellations d'origine protégée, la Commission n'aborde aucun de ces sujets dans sa réponse. Elle évoque une « mise à jour de la législation secondaire et des modalités d'application de la législation de l'Union européenne sur le vin », mais en termes très généraux. Elle indique seulement que, après une large consultation du secteur, « cet exercice n'implique en tous cas ni une « dérégulation » ni une altération des dispositions spécifiques du vin ». Sa réponse se veut prudente et indique que, « pour l'instant aucun texte final n'a été présenté aux États membres ».

Sur la réforme de l'espace Schengen et la crise des réfugiés , la Commission « partage l'avis du Sénat sur les facteurs qui ont conduit à la situation actuelle et demande une approche globale et coordonnée au niveau de l'Union pour faire face à la crise des réfugiés ». Pour autant, sauf sur l'octroi à Frontex de l'accès au système d'information Schengen (SIS), qu'elle évoque sans s'engager, elle ne va pas beaucoup plus loin que rappeler ses principales initiatives en la matière, par exemple sur l'instauration d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes ou sur le droit d'asile, en particulier la refonte du règlement Dublin et la réforme du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), sans du reste donner de détails. Cela est d'autant plus dommage que le sujet est particulièrement important.

À l'avis politique de la commission des affaires européennes portant sur le volet méditerranéen de la politique de voisinage de l'Union européenne révisée, la Commission a apporté une réponse peu détaillée. Elle rappelle sa volonté de maintenir la répartition des crédits telle que prévue par le règlement de 2014 sur l'Instrument européen de voisinage. Elle entend s'appuyer sur l'Union pour la Méditerranée pour renforcer la coopération avec les pays du Sud et souhaite associer d'autres organisations régionales et sous-régionales, sans préciser néanmoins lesquelles. Si l'Égypte est considérée comme un partenaire de l'Union européenne et bénéficie d'« une attention particulière », la Commission n'indique pas quelles suites elle entend donner à la demande de déblocage de crédits gelés.

Sur le détachement des travailleurs , la Commission défend surtout l'économie générale de sa proposition. Elle estime que les propositions du Sénat pourraient imposer à un prestataire de services transfrontaliers des obligations qui ne sont pas requises de tous les prestataires nationaux et seraient, dès lors, en contradiction avec l'objectif de la révision : concilier protection des travailleurs détachés et libre prestation de services transfrontalière. La Commission ne précise toutefois pas quelles sont les solutions avancées par la commission des affaires européennes qui pourraient aboutir à un tel résultat. Les mesures défendues dans l'avis politique sont effectivement conçues pour s'appliquer aux prestataires des autres États membres puisqu'il s'agit de garantir les droits des travailleurs détachés. Il convient de rappeler, comme le fait la Commission dans sa réponse, que celle-ci a reçu des avis motivés de quatorze chambres de onze États membres qui ont estimé que sa proposition portait atteinte au principe de subsidiarité. La Commission a pourtant décidé de la maintenir.

Au total , et au vu de ce bilan, votre commission des affaires européennes appelle la Commission européenne à accorder plus d'attention à la qualité des arguments développés dans ses réponses , en particulier en prenant en considération chacun des points soulevés dans les avis politiques, de manière à rendre plus effective encore son ambition légitime , que partage naturellement votre commission, d'un nouveau partenariat avec les parlements nationaux . Votre commission des affaires européennes s'attachera, l'année prochaine, à demander de nouvelles précisions à la Commission lorsqu'elle considérera que les réponses à ses avis politiques mériteraient d'être complétées, et ce afin de nouer un dialogue politique approfondi et véritablement réciproque.


* 8 À la date de réception de la réponse de la Commission, soit le 3 février 2016.

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