B. LA NÉCESSITÉ D'UN ENSEMBLIER

Comme cela a été abordé, Werner Gagneron estimait devant vos rapporteurs que « s'il y a une réussite de la Réate, c'est le resserrement des services déconcentrés de l'État autour du préfet » , ajoutant que « le mouvement de "préfectoralisation" des DDI n'est absolument pas considéré négativement par les directeurs départementaux. Ce ne sont pas les préfectures qui vont venir empiéter sur leur champ de compétences. » Le propos résume l'ambivalence de la situation : le préfet est renforcé, mais dans un contexte assez favorable à l'autonomisation des directions départementales.

Il convient de noter tout d'abord qu'un certain nombre d'évolutions sont venues récemment conforter la réalité concrète de l'autorité préfectorale.

Plusieurs interlocuteurs de vos rapporteurs ont noté à cet égard le fait que la charte de déconcentration du 7 mai 2015 a renforcé l'impact des décisions préfectorales, y compris sur la mise en oeuvre des politiques publiques, tant à l'échelle départementale qu'au plan régional. Patrick Lavaure a en outre rappelé que les préfets de région se sont vu accorder des responsabilités supplémentaires dans la programmation des budgets de l'État dans la région. Les budgets des directions régionales basculent sur le programme 333, qui regroupe les crédits de fonctionnement des DDI, les crédits immobiliers d'une grande partie des services déconcentrés de l'État, ainsi que l'ensemble des emplois déconcentrés nommés par le Premier ministre (directeurs départementaux interministériels et leurs adjoints, secrétaires généraux aux affaires régionales et leurs adjoints, chargés de mission en SGAR ainsi que plusieurs agents de SGAR non chargés de mission). Ce programme est piloté par le préfet de région et par les préfets des départements. Ainsi, le préfet prend la main sur les moyens de fonctionnement courant des services déconcentrés de l'État sur lesquels il a autorité. Cette réforme aura un fort impact sur la place et le rôle du préfet dans l'activité quotidienne des services.

Pour autant, vos rapporteurs ont reçu de nombreux témoignages sur la permanence de tendances centrifuges dans les services déconcentrés, au détriment des préfets de département et même de région. Cet écart entre le ressenti dans les territoires et le mesuré par les textes ne peut être ignoré. La critique se concentre sur les DREAL, que vos rapporteurs ont entendu être qualifiées d'États dans l'État. Une note transmise à vos rapporteurs par Villes de France relève dans cet esprit que « dans le cadre des procédures de ZAC, de dossiers loi sur l'eau, zones humides, des villes peuvent ressentir un contrôle très pointilleux sur les dossiers d'élaboration. Beaucoup d'élus craignent en fin de compte la "toute puissance" » des DREAL. » Si ce que Jean-Jacques Kegelart a appelé « la critique récurrente sur la prééminence de la défense de l'environnement dans une logique "d'empêchement d'agir" » peut expliquer en partie la focalisation de l'attention des élus locaux sur les DREAL, le sentiment que, de façon générale, les directions territoriales ne sont pas suffisamment régulées par les préfets n'en est pas moins prégnant.

Or, pour l'ensemble des interlocuteurs de vos rapporteurs, les préfets restent, de façon privilégiée, les garants de l'appréciation locale des contraintes nationales, les chercheurs de solutions, les ensembliers de l'action territoriale de l'État et des interactions avec les collectivités. C'est ainsi que les décrivait, exemples à l'appui et à l'instar de très nombreux élus locaux rencontrés, Charles-Éric Lemaignen, président de la Communauté d'agglomération Orléans Val de Loire.

Les commentaires réunis par vos rapporteurs sont plus divers en ce qui concerne la vocation d'ensemblier des sous-préfets. Interlocuteurs naturels des petites communes, symboles de la présence de l'État dans les territoires, sans doute sont-ils plus des têtes-de-pont vers l'administration déconcentrée, qui constitue leur « back office », que des ensembliers proprement dits. Selon Jean-Jacques Kegelart, « le projet de confier l'ingénierie aux sous-préfectures (en requalifiant éventuellement au service des missions d'ingénierie publique les agents qui délivraient jusqu'ici les titres, après formation et pyramidage) dans le cadre du Plan préfectures nouvelle génération ne peut soulever que des interrogations quant à l'articulation entre les DDT(M) et les sous-préfectures sur ce type de missions et sur la lisibilité du dispositif pour les usagers. ». Ajoutons que la technicité des dossiers excède souvent les moyens des sous-préfectures. La rénovation énergétique des bâtiments a été citée à vos rapporteurs comme un exemple de dispositif dont il n'est pas certain que le sous-préfet soit mieux informé que le maire qui l'interroge...

En tout état de cause, il faut que les élus locaux sachent à qui ils doivent s'adresser pour obtenir une aide complète et fiable sur tel projet qu'ils souhaitent lancer. Il faut donc que l'État s'organise pour être en mesure de délivrer cette aide et faire savoir à ses destinataires qui la délivrera.

Le préfet est le plus à même d'assurer la mise en place de ce service aux élus, sous réserve que son autorité soit effective sur l'ensemble des services déconcentrés de l'État, y compris bien entendu les agences.

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