N° 172
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er décembre 2016 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (1) sur l' IVG et le délit d' entrave par voie numérique ,
Par Mme Chantal JOUANNO,
Sénatrice.
(1) Cette délégation est composée de : Mme Chantal Jouanno, présidente , Mmes Corinne Bouchoux, Hélène Conway-Mouret, M. Roland Courteau, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Brigitte Gonthier-Maurin, M. Alain Gournac, Mmes Christiane Kammermann, Françoise Laborde, Michelle Meunier, M. Cyril Pellevat, vice-présidents ; M. Mathieu Darnaud, Mmes Jacky Deromedi, Danielle Michel, secrétaires ; Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Nicole Bonnefoy, M. Patrick Chaize, Mmes Laurence Cohen, Chantal Deseyne, M. Jean-Léonce Dupont, Mmes Anne Émery-Dumas, Dominique Estrosi Sassone, Corinne Féret, M. Alain Fouché, Mmes Catherine Génisson, Éliane Giraud, Sylvie Goy-Chavent, Christiane Hummel, Mireille Jouve, M. Marc Laménie, Mme Claudine Lepage, M. Didier Mandelli, Mmes Marie-Pierre Monier, Patricia Morhet-Richaud, M. Philippe Paul . |
AVANT-PROPOS
La Délégation aux droits des femmes a toujours eu à coeur d'exprimer son attachement à ce qu'il est convenu d'appeler les droits sexuels et reproductifs - contraception et interruption volontaire de grossesse (IVG) - car, aujourd'hui, la maîtrise de la fécondité et le droit des femmes à disposer de leur corps sont des prérequis de leur libération et de l'égalité entre les femmes et les hommes .
Elle a d'ailleurs rappelé son attachement à la défense du droit des femmes à maîtriser leur fécondité dans le cadre de plusieurs travaux récents . Dans son rapport sur la laïcité adopté le 3 novembre 2016 1 ( * ) , elle appelle notamment les autorités françaises à la plus grande vigilance dans les instances diplomatiques internationales pour que la politique étrangère française :
- défende les droits sexuels et reproductifs ;
- combatte avec détermination toute tentative de mettre en cause ces droits, de quelque pays qu'elle vienne, par exemple au nom du relativisme culturel.
En outre, dans son rapport sur la santé des femmes de juillet 2015 2 ( * ) , la délégation a formulé une série de recommandations dédiées à la consolidation des acquis en matière de santé sexuelle et reproductive , parmi lesquelles on rappellera :
- l'affirmation dans la loi du principe selon lequel toute personne a le droit d'être informée sur les méthodes abortives et d'en choisir une librement ;
- le fait que la première demande d'IVG ne soit pas obligatoirement recueillie par un médecin ;
- la suppression du délai de réflexion d'une semaine entre la première et la seconde consultation conditionnant l'accès à l'IVG ;
- l'amélioration de la procédure de prise en charge de tous les actes liés à l'IVG pour les mineures .
En dépit de délais très contraints, la délégation a tenu à apporter au débat sur la proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse 3 ( * ) les éléments d'information et de réflexion ci-après , en complément de ceux figurant dans le rapport de notre collègue députée Catherine Coutelle, présidente de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et rapporteure du texte à la commission des affaires sociales.
I. ÉLÉMENTS DE CONTEXTE
A. UNE VOLONTÉ DE TIRER LES CONSÉQUENCES DE L'IRRECEVABILITÉ DE L'AMENDEMENT DU GOUVERNEMENT DÉPOSÉ DANS LE CADRE DE L'EXAMEN DU PROJET DE LOI « ÉGALITÉ ET CITOYENNETÉ » (PLEC)
Dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté (PLEC) au Sénat en première lecture, le Gouvernement a déposé un amendement proposant l'extension du délit d'entrave à l'IVG , prévu par l'article L. 2223-2 du code de la santé publique, à certains sites internet dispensant des informations sur l'IVG . Cet amendement visait à « sanctionner les sites internet qui, sous couvert d'une présentation neutre et objective, sont des paravents de groupes anti-IVG qui veulent dissuader les femmes qui souhaitent recourir à l'IVG » 4 ( * ) .
Il s'inspirait notamment des analyses menées par le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE|fh) dans son rapport de 2013 relatif à l'information sur l'avortement sur Internet 5 ( * ) .
La commission spéciale chargée d'examiner le PLEC a déclaré cet amendement irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution subordonnant la constitutionnalité des amendements au fait de présenter un « lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
En conséquence, le groupe Socialiste, écologiste et républicain 6 ( * ) de l'Assemblée nationale a déposé une proposition de loi reprenant cet amendement. Ce texte a été enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2016 (n° 4118).
Au cours de son audition du 27 octobre 2016 devant la délégation, Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, a sollicité le soutien de la délégation sur ce texte , en vue de son examen par le Sénat.
* 1 La laïcité garantit-elle l'égalité femmes-hommes ?, rapport d'information n° 101 (2016-2017) de Chantal Jouanno, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes.
* 2 Femmes et santé : les enjeux d'aujourd'hui , rapport d'information n° 592 (2014-2015) d'Annick Billon et Françoise Laborde, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes.
* 3 Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, transmise par M. le Président de l'Assemblée nationale à M. le Président du Sénat, texte n° 174 enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er décembre 2016.
* 4 Source : site Internet du ministère de la Famille, de l'Enfance et des Droits des femmes.
* 5 Rapport relatif à l'accès à l'IVG, volet 1 : Information sur l'avortement sur Internet , rapport n° 2013-0912-HCE-008.
* 6 Les deux premiers signataires de cette proposition de loi sont Bruno Le Roux et Catherine Coutelle.