C. LE TEMPS DES REMORDS : FACE AU « RAS-LE-BOL FISCAL »

Très tôt, la stratégie fiscale mise en oeuvre par le Gouvernement a montré ses limites . Déjà, à l'automne 2012, l'accroissement inconsidéré de la charge fiscale avait inspiré le « mouvement des Pigeons », réunissant des entrepreneurs, qui a contraint la nouvelle majorité à revoir son projet de soumission au barème de l'impôt sur le revenu des plus-values mobilières, ainsi que cela a été relevé précédemment. Pour autant, le mécontentement des premiers temps a laissé place, au cours de l'année 2013, à un véritable « ras-le-bol fiscal », pour reprendre les termes utilisés par le ministre des finances de l'époque, Pierre Moscovici.

Sans doute pris de remords, le Gouvernement a consenti un geste en faveur des ménages les plus modestes en 2014 . Malgré cela, les prélèvements ont continué à croître au cours de ce même exercice, du fait notamment de la réforme des retraites. Aussi n'est-ce qu'à compter des années suivantes que la fiscalité des ménages s'est progressivement stabilisée, sans pour autant effacer l'intégralité du « choc » fiscal du début du quinquennat , loin s'en faut.

1. Un geste fiscal en faveur des ménages modestes en 2014...

Face au « ras-le-bol fiscal », le Gouvernement a pris l'initiative, dans la loi de finances rectificative du 8 août 2014 27 ( * ) , de procéder à une réduction exceptionnelle de l'impôt sur le revenu - d'une plus grande ampleur que la revalorisation de la décote intervenue en 2013 (voir supra ). Cette mesure a consisté en une réduction forfaitaire de l'impôt sur le revenu de 350 euros pour tout contribuable célibataire, veuf ou divorcé dont le revenu fiscal de référence était inférieur à 1,1 fois le SMIC, ou de 700 euros pour les couples soumis à une imposition commune ayant un revenu fiscal de référence en deçà de 2,2 SMIC - ces limites étant majorées de 0,28 SMIC par demi-part de quotient familial.

Selon les données publiées par le Gouvernement, cette mesure aurait permis de réduire la charge fiscale de 1,3 milliard d'euros en 2014 , profitant à environ 3,7 millions de foyers fiscaux, dont 1,9 million seraient sortis de l'impôt. Par ailleurs, une revalorisation de la décote a conduit à une baisse des prélèvements de 0,2 milliard d'euros.

2. ...mais une nouvelle progression des prélèvements sur les ménages

Malgré cela, la fiscalité des ménages a été de nouveau alourdie au cours de l'exercice 2014 . En premier lieu, la réforme des retraites adoptée durant l'automne 2013 s'est accompagnée d'une hausse des cotisations pour 1,7 milliard d'euros en 2014 et de 0,6 milliard d'euros par an entre 2015 et 2017 - soit une augmentation cumulée des prélèvements sur les ménages de 3,5 milliards d'euros en 2017 . De même, la hausse des cotisations de retraites complémentaires AGIRC-ARRCO s'est élevée à 0,5 milliard d'euros en 2014.

À cela se sont ajoutées diverses mesures relatives à l'impôt sur le revenu figurant dans la loi de finances pour 2014 28 ( * ) , comme la suppression de l'exonération des majorations de pension (1,2 milliard d'euros) et de la participation de l'employeur aux contrats collectifs complémentaires (1 milliard d'euros), ou encore le nouvel abaissement du plafond du quotient familial (1 milliard d'euros) ; cette mesure a concerné davantage de familles que le précédent abaissement du plafond (voir supra ), 1,4 million de foyers fiscaux étant considérés comme « perdants », pour un surcroît moyen de cotisation d'impôt de 1 190 euros , selon les données transmises par le Gouvernement à votre rapporteur général.

À l'inverse, dans la continuité du mouvement engagé en raison de la fronde des « Pigeons » à l'automne 2012, une nouvelle réforme de la fiscalité des plus-values de cession de valeurs mobilières est intervenue, permettant une baisse pérenne des prélèvements de 0,2 milliard d'euros en 2014-2015. De même, une modification du régime d'imposition des plus-values immobilières a permis une baisse cumulée de la charge fiscale de 0,4 milliard d'euros au cours de cette période.

Au total, les mesures relatives aux prélèvements - intégrant également les dispositifs touchant aux retraites agricoles, aux frontaliers suisses, etc. - qui portaient sur les ménages adoptées dans le cadre des lois financières relatives à l'exercice 2014 et de la réforme des retraites ont représenté une hausse de la charge fiscale de 3,1 milliards d'euros .

3. Une stabilisation de la fiscalité des ménages depuis 2015...

À compter de 2015, le Gouvernement a cessé d'initier des hausses significatives de prélèvements directs sur les ménages , la charge fiscale s'accroissant toutefois légèrement en 2015 (voir infra ) du fait des mesures adoptées précédemment. Même, il a été procédé à de nouvelles baisses de l'impôt sur le revenu au profit des « ménages modestes et moyens » , selon l'intitulé du dispositif de la loi de finances du 29 décembre 2015 29 ( * ) , pour 2,8 milliards d'euros en 2015, et 2 milliards d'euros en 2016.

À cela se sont ajoutées la création du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) , à l'origine d'une baisse des prélèvements obligatoires de 1,1 milliard d'euros en 2015-2016, une réduction des cotisations pour les particuliers employeurs , pour 0,2 milliard d'euros en 2016, ou encore, dans le cadre de la loi dite « Macron » 30 ( * ) , la modification des contributions sociales sur les attributions gratuites d'actions et la création d'un taux réduit de forfait social à 16 % pour les PERCO+ , contribuant à réduire la charge fiscale à hauteur, respectivement, de 0,3 milliard et 0,1 milliard d'euros en 2016.

Par ailleurs, la suppression de la prime pour l'emploi (PPE) par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 31 ( * ) a provoqué une hausse des prélèvements de 2 milliards d'euros en 2016 ; toutefois, celle-ci a été compensée par l'institution de la prime d'activité. Aussi cette mesure n'est-elle pas décomptée dans l'estimation des mesures nouvelles portant sur les ménages au cours du quinquennat.

4. ...mais des prélèvements sur les ménages qui restent, en 2016, plus élevés de 31 milliards d'euros qu'au début du quinquennat

Au total, les prélèvements obligatoires acquittés par les ménages sont plus élevés de 31 milliards d'euros en 2016 qu'en 2011 - hors suppression de la PPE.

Si ne sont considérées que les mesures adoptées après mai 2012, la hausse des prélèvements approche 17 milliards d'euros ; par suite, les réductions d'impôts intervenues au cours des dernières années sont loin d'avoir compensé l'alourdissement de la charge fiscale des ménages intervenu au cours de l'actuelle législature , et ce sans même qu'il soit tenu compte des augmentations de taxes indirectes, des effets de la lutte contre la fraude fiscale, ou encore des évolutions de la fiscalité locale, examinées dans une partie dédiée du présent rapport.

Un tel constat vient donc relativiser les affirmations du Gouvernement selon lesquelles les augmentations de l'impôt sur le revenu adoptées depuis mai 2012 ont été intégralement compensées par les mesures de baisse intervenues au cours des dernières années. Tout au plus l'actuelle majorité gouvernementale peut-elle prétendre, en 2016, avoir « annulé » l'essentiel des augmentations d'impôt sur le revenu décidées au cours du quinquennat - encore qu'elle semble avoir fait siennes les mesures antérieures aux élections de 2012 en ne les remettant pas en cause (voir supra ).


* 27 Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificatives pour 2014.

* 28 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 29 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 30 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 31 Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

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