III. UN SURCROÎT DE DÉPENSES DONT UNE PARTIE SEULEMENT EST PRISE EN COMPTE DANS LE « SURCOÛT OPEX »

A. UNE DÉFINITION FIXÉE PAR UNE INSTRUCTION DE 1984 PRÉCISÉE EN 2010

Le « surcoût OPEX » ne représente pas l'intégralité du coût des opérations, mais les dépenses supplémentaires liées aux OPEX . L'instruction relative au suivi des dépenses supplémentaires entraînées par les opérations extérieures du 25 mai 1984 rappelle que trois éléments doivent être distingués :

« - les coûts qui correspondaient à l'activité et au soutien des éléments de force s'ils étaient dans leur stationnement d'origine ;

- les dépenses supplémentaires entraînées par leur engagement à l'extérieur ;

- les économies induites au lieu de stationnement normal du fait même de l'engament à l'extérieur et celles réalisées délibérément, sur décision de chaque état-major ou direction, par une diminution des dépenses ou consommations normalement prévues pour les forces (par exemple suppression d'exercices ou réduction du potentiel d'activité) en vue de contenir le mieux possible l'évolution des dépenses budgétaires ».

Les dépenses relatives au « surcoût OPEX » sont retracées, au sein du budget général, sur le budget opérationnel de programme (BOP) OPEX, ainsi que sur les BOP organiques pour ce qui concerne les dépenses dites « ex-post », c'est-à-dire celles qui ne peuvent être constatées qu' a posteriori .

En 2015, le « surcoût OPEX » total s'est élevé à 1 116,5 millions d'euros, dont 293 millions d'euros de dépenses de personnel, 815,6 millions de dépenses hors titre 2 et 7,9 millions de pertes de recettes.

L'essentiel de ce surcoût était porté par les trois opérations majeures : Barkhane (563,6 millions d'euros), Sangaris (149,3 millions d'euros) et Chammal (219,7 millions d'euros).

Répartition du « surcoût OPEX » 2015 par opération et par nature

(en millions d'euros)

Zone

Théâtre

Opération

Titres 2 et 3

Titre 6

Total*

Rému.

Alim.

Fonct.

Sous Total

Europe

Kosovo

TRIDENT

/

/

0,2

0,2

2,6

2,8

Bosnie

ASTREE

/

/

/

/

0,2

0,2

Afrique

RCI

CORYMBE

9,4

0,8

9,1

19,3

/

19,3

SAHEL

BARKHANE

135,7

7,9

426,0

572,6

/

563,6

EUTM MALI

0,8

/

0,8

1,6

0,2

1,8

RCA

SANGARIS

49,1

0,8

99,4

149,3

/

149,3

EUMAM RCA

2,6

/

2,1

4,7

0,8

5,5

Guinée

TAMARIN

2,6

0,1

12,6

15,3

/

15,3

Océan Indien

ATALANTE

2,7

0,1

1,2

4,0

0,1

4,1

Asie

Liban

DAMAN

31,4

2,2

20,0

53,6

/

53,6

Afghanistan

PAMIR HERACLES

6,5

0,5

25,6

32,6

21,0

53,6

Levant

CHAMMAL

48,3

2,6

168,8

219,7

/

219,7

Autres opérations

3,9

0,4

5,6

9,9

0,9

10,8

Total

293,0

15,4

774,4

1 082,8

25,8

1 108,6

* Hors pertes de recettes du service de santé des armées

Source : réponse au questionnaire budgétaire 2017

1. Le budget opérationnel de programme (BOP) OPEX

Le budget opérationnel retraçant une partie de la dépense liée au « surcoût OPEX », dit « BOP OPEX », a été créé en 2006, à la suite de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 7 ( * ) . Il comprend deux éléments distincts :

- le BOP 0212-0093 OPEX-MISSINT, qui retrace les dépenses de personnel (titre 2). Celles-ci sont constituées de l'indemnité de sujétion pour service à l'étranger (ISSE), de l'éventuel supplément (SISSE) versé aux militaires ayant des enfants à charge (cf. encadré infra ), et des salaires et charges sociales du personnel civil de recrutement local ;

- le BOP 0178-0062 OPEX-MISSINT, qui retrace les dépenses de fonctionnement (fonctionnement courant des unités, transport stratégique et carburant routier délivré sur les théâtres) et les dépenses d'intervention (contributions aux budgets opérations de l'OTAN ainsi qu'au financement des opérations militaires de l'Union européenne).

L'indemnité de sujétion pour service à l'étranger (ISSE)

Instaurée par le décret 97-901 du 1 er octobre 1997, l'indemnité de sujétion pour service à l'étranger (ISSE) est versée à tout militaire envoyé en OPEX sans condition de durée minimale de présence sur le théâtre d'opération.

Elle est égale à 1,5 fois la solde de base. Elle peut être complétée d'un supplément (SISSE) par enfant. Le montant du SISSE équivaut à 30 points d'indice par enfant de moins de dix ans, 40 points d'indice par enfant de dix à quinze ans, 50 points d'indice par enfant de plus de quinze ans.

Évolution de l'indemnité de sujétion pour service à l'étranger depuis 2008

Source : ministère de la défense, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

2. Les dépenses ex-post

Les dépenses dites « ex-post » correspondent aux dépenses qui, compte tenu de leur nature, ne peuvent pas être imputées directement sur le BOP OPEX . Elles comprennent les éléments suivants : entretien programmé du matériel (EPM) et du personnel (EPP), équipement d'accompagnement (EAC), carburant et munitions.

En 2015, ces dépenses représentaient environ un tiers du total du « surcoût OPEX » (374 millions d'euros sur un montant total s'élevant à 1,1 milliard d'euros).

Répartition des dépenses ex-post

Maintien en condition opérationnelle/Entretien programmé des matériels

Entretien programmé des personnels

Équipement d'accompagnement

Munitions

Carburant

Total

2013

203

29

7

22

65

326

2014

204

33

15

8

26

286

2015

233

40

21

62

18

374

Source : ministère de la défense, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

La méthodologie du calcul du montant des dépenses « ex-post » a tout d'abord été fixée par l'instruction de 1984 précitée. Cette instruction, devenue obsolète, a été remplacée par la lettre n° 1002571/DEF/SGA/DAF/SPB/SPB3 relative aux dépenses supplémentaires liées aux OPEX du 1 er décembre 2010 adressée par le directeur des affaires financières du ministère de la défense au directeur du budget. Les définitions rappelées infra sont principalement issues de ce document et de ses annexes.

a) Le carburant

Le surcoût lié au carburant prend en compte le « sur-volume » et le différentiel de prix du carburant sur le théâtre d'opération par rapport à la métropole .

Pour les aéronefs, le montant du surcoût correspond ainsi au volume consommé en OPEX multiplié par la différence des tarifs entre la France et les théâtres d'opération. Pour les combustibles de navigation, il correspond à la consommation de combustible approvisionné en zone OPEX multiplié par le différentiel des tarifs entre la France métropolitaine et les zones OPEX.

S'agissant des carburants destinés aux matériels terrestres, la lettre de 2010 prévoit que les dépenses d'achats sur les théâtres sont directement imputées sur le BOP OPEX .

b) Les munitions

Les munitions, leurres et missiles ne sont comptabilisés dans le « surcoût OPEX » que lorsqu'ils sont tirés ou détruits sur les théâtres d'opération . Leur coût est calculé à partir des comptes rendus des théâtres et des valeurs d'inventaire.

Les munitions font l'objet d' une problématique spécifique liée à l'épuisement des stocks .

S'agissant des missiles par exemple, les programmes signés intègrent un nombre déterminé d'unités à produire ainsi qu'un calendrier de livraison pour l'ensemble du programme. L'armée doit ensuite vivre sur ses stocks ou lancer un nouveau programme. Or comme l'a rappelé le général Philippe Adam, major-général de l'armée de l'air, lors de son audition par votre rapporteur spécial, l'utilisation des munitions fait l'objet « d'à-coups ». Ainsi, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 et la décision d'intensifier les frappes, le nombre de bombes utilisées est passé d'une cinquantaine par mois à plus d'une centaine . Or des délais importants sont nécessaires pour relancer une chaîne de production. Pour certains missiles, ce délai peut atteindre 48 mois. Selon les termes du ministère de la défense, le risque est donc bien celui « d'une rupture de stock de munitions ». Afin d'éviter une telle situation, qui se traduirait par une perte temporaire de capacité inacceptable, il conviendrait, d'une part, de mieux prendre en compte ces effets de latence dès le lancement des programmes d'acquisition de munitions et, d'autre part, de respecter les calendriers de commande afin de garantir un approvisionnement continu.

Recommandation n° 5 : afin de limiter les risques de rupture de stock, mieux prendre en compte les effets de latence dès le lancement des programmes d'acquisition de munitions et respecter les calendriers de lancement de nouveaux programmes afin de garantir un approvisionnement continu.

c) L'équipement d'accompagnement (EAC) et l'entretien programmé du personnel (EPP)

Les dépenses en équipement d'accompagnement (EAC) correspondent aux achats de petits équipements .

L'entretien programmé du personnel (EPP) correspond « aux opérations programmées d'acquisition d'effets ou de matériels destinés au soutien de l'homme » , en particulier :

- les effets d'habillement et de protection (combinaisons, etc.) ;

- les matériels de soutien opérationnel (climatiseurs, tentes, etc.) ;

- les matériels de couchage et d'ameublement en campagne ;

- les matériels de restauration collective et d'entretien ;

- les effets d'habillement du combattant (paquetage de combat, gilets, casques, etc.).

Le surcoût lié aux dépenses d'EPP comprend l'accélération de l'usure et l'achat de matériels spécifiques de soutien de l'homme . En revanche, la lettre de 2010 prévoit qu'il ne peut pas y avoir d'achats locaux d'EPP sur les théâtres.

d) L'entretien programmé du matériel (EPM)

Les modalités de calcul du surcoût lié à l'entretien programmé du matériel (EPM) en OPEX dépendent du domaine (terrestre, naval et aéronautique) concerné .

Ce surcoût résulte des phénomènes de sur-disponibilité, suractivité et surintensité décrits précédemment .

(1) Domaine terrestre

Le calcul du surcoût unitaire lié à l'entretien programmé du matériel pour le domaine terrestre s'effectue par famille de matériel (matériels roues, matériels blindés, système d'information et de communication, armement petit calibre, etc.). Il consiste à soustraire d'un coût unitaire en OPEX un coût unitaire en métropole. Le surcoût total est obtenu en faisant le produit du surcoût unitaire par le nombre de matériels projetés.

Les coûts unitaires, qui ne constituent que des ordres de grandeurs établis à partir de moyennes, doivent faire l'objet d'une réévaluation régulière.

(2) Domaine naval

Le calcul du surcoût en OPEX de l'entretien programmé du matériel dans le domaine naval repose sur la détermination d'un « taux de surcoût » .

Taux de surcoût de l'entretien programmé du matériel dans le domaine naval

Le taux de surcoût de l'EPM dans le domaine naval correspond à la somme des taux de surcoûts liés au surcroît d'activité en volume et en intensité et à l'augmentation du taux de disponibilité.

Le taux d'accroissement de l'activité en volume correspond à la différence entre le nombre d'heures de mer réalisées (Hdmr) et le nombre d'heures de mer prévues dans le potentiel annuel théorique (Hdmp) rapportée au nombre d'heures de mer prévues dans le potentiel annuel théorique (Hdmp), soit : (Hdmr - Hdmp) / Hdmp.

Le taux d'accroissement de l'activité en intensité correspond à la différence entre le nombre d'heures de mer réalisées par jour comptabilisé d'OPEX (Hdm/j d'opex) et le nombre d'heures de mer réalisées par jour du potentiel annuel (Hdm/j potentiel) rapportée au nombre d'heures de mer réalisées par jour du potentiel annuel (Hdm/j potentiel), soit : (Hdm/j d'opex - Hdm/j potentiel) /(Hdm/j potentiel).

Enfin, le taux d'accroissement du taux de disponibilité correspond à la différence entre la disponibilité technique du bâtiment en OPEX (DT opex) et la disponibilité technique moyenne du bâtiment du même type en métropole (DT métro) rapportée à la disponibilité technique moyenne du bâtiment du même type en métropole (DT métro), soit (DT opex - DT métro) / DT métro.

Au total, le « surcoût OPEX » de l'entretien programmé du matériel dans le domaine naval correspond au coût horaire d'entretien du bâtiment, rapporté à l'heure de mer, lissé sur cinq ans multiplié par le nombre d'heures de mer réalisées en OPEX multiplié par le taux de surcoût .

(3) Domaine aéronautique

Dans le domaine aéronautique, le surcoût en entretien programmé du matériel lié aux OPEX est également calculé à partir de la combinaison des trois facteurs rappelés précédemment.

Il prend en compte le nombre d'heures de vol recensées en OPEX ainsi que le coût du MCO à l'heure de vol , l'utilisation des équipements « bons de guerre » (matériels principalement utilisés sur les théâtres extérieurs tels que les lance-missile, certains missiles, etc., qui, une fois montés sur les aéronefs, consomment leur potentiel et engendrent un surcoût), ainsi que les anticipations de visites périodiques de flottes déployées en OPEX .

3. Les moindres recettes du service de santé des armées (SSA)

La participation des personnels du service de santé des armées (SSA) se traduit par une diminution des recettes liées à son activité hospitalière réalisée en métropole.

Or ces recettes sont prises en compte dans l'équilibre budgétaire du ministère de la défense. Si les montants en jeu ont longtemps été négligeables et n'ont donc pas été compensés, depuis 2014, compte tenu du niveau d'engagement des équipes et des tensions budgétaires rencontrées par le ministère, ces moindres recettes ont été incluses dans le « surcoût OPEX » à hauteur de 8,5 millions d'euros en 2014 et de 7,9 millions d'euros en 2015.

Cette prise en compte des moindres recettes du SSA dans le « surcoût OPEX » n'est pas prévu par la lettre de 2010 précitée. Afin de sécuriser cette compensation, votre rapporteur spécial considère qu'il conviendrait d'actualiser la lettre de 2010 en les incluant dans le calcul du « surcoût OPEX » .


* 7 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page