N° 64
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 octobre 2016 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur l'enquête de la Cour des comptes relative à l' enseignement français à l' étranger et l' accès des Français de l' étranger à cet enseignement ,
Par M. Éric DOLIGÉ,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel . |
OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
Mesdames, Messieurs,
Le 18 décembre 2015, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête portant sur l'enseignement français à l'étranger et à l'accès des élèves français à cet enseignement.
Cette enquête, qui prolonge des rapports établis par la Cour des comptes 1 ( * ) et par des parlementaires en mission 2 ( * ) , vise, selon les termes de la Cour des comptes, à répondre à la question suivante : « l'enseignement français à l'étranger et son opérateur public - l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger [AEFE] - ont-ils les moyens de se projeter avec confiance dans l'avenir ? ».
Cette question est abordée par la Cour des comptes sous trois principaux angles , qui forment les chapitres de l'enquête qu'elle a remise :
- le réseau, dans son implantation territoriale et dans son organisation, est-il adapté aux objectifs qui sont fixés à l'enseignement français à l'étranger ?
- le modèle économique et financier des établissements permet-il d'assurer, de façon pérenne, la qualité et l'attractivité de l'enseignement français à l'étranger ?
- les statuts et les modalités de gestion des ressources humaines des établissements doivent-ils être réformés pour garantir l'égalité de traitement, la maîtrise de la masse salariale et la qualité de l'encadrement nécessaires au développement du réseau ?
L'enquête livrée par la Cour des comptes pose ces questions et tente d'y répondre sans concession et sans jamais perdre de vue l'objectif politique affirmé par votre rapporteur spécial, qui est de concilier qualité et pérennité de notre modèle d'enseignement français à l'étranger .
1. Mieux anticiper l'évolution de la demande et les objectifs stratégiques dans la cartographie du réseau
Le réseau d'enseignement français à l'étranger est un réseau unique au monde : avec 494 établissements dans 136 pays , ce réseau est sans commune mesure avec les réseaux allemands (141 établissements dans 72 pays) ou italiens (153 établissements). Il constitue à cet égard un élément central des services offerts par la France à ses citoyens établis hors du territoire national et joue un rôle majeur, bien qu'insuffisamment exploité, dans l'influence de la France et dans le rayonnement de la culture française.
Ce réseau se compose de trois catégories d'établissements : 74 établissements en gestion directe (EGD) qui sont des démembrements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ; 156 établissements conventionnés , structures de droit privé ayant passé une convention administrative, financière et pédagogique avec l'AEFE et qui peuvent disposer de subvention de l'AEFE et d'agents titulaires de l'Éducation nationale ; enfin, 264 établissements partenaires . Fruit de l'histoire, ce réseau en porte les marques, les spécificités et les déséquilibres. Certains pays, comme l'Espagne, le Maroc, le Liban, Madagascar ou encore les États-Unis, présentent plus de 20 établissements 3 ( * ) , quand d'autres n'en ont aucun ou un seul avec de faibles effectifs.
À cet égard, la Cour des comptes regrette que le réseau et l'affectation des moyens continuent d'être davantage le reflet de l'histoire que la traduction d'une stratégie . Cette stratégie devrait découler de plusieurs grilles cartographiques superposées telles que suggérées par la Cour des comptes : la présence française à l'étranger dans une perspective dynamique et prospective, l'enseignement supérieur français, la francophonie, les priorités diplomatiques stratégiques, et la carte des solutions alternatives de scolarisation. En effet, le développement du réseau français doit également tenir compte de sa concurrence, en particulier les établissements d'enseignement anglophone privés, souvent très prisés par les élites locales et par les expatriés, dont de plus en plus de Français.
Votre rapporteur spécial est en phase avec les remarques générales de la Cour des comptes, mais souhaite nuancer ce propos sur l'évolution souhaitable du réseau. Tout d'abord, il n'est pas possible de faire évoluer un tel réseau d'établissements à très court terme, à moins de fermer des établissements de façon autoritaire et d'en transférer les moyens sur d'autres implantations.
Par ailleurs, l'héritage est un élément constitutif du réseau ; les déséquilibres de ce réseau sont souvent des témoignages importants pour l'influence de la France et la qualité de certaines relations bilatérales particulièrement sensibles, comme le Maroc ou le Liban.
Enfin, la quasi-universalité du réseau est une de ses spécificités, et constitue le premier gage de l'accès des Français de l'étranger à l'enseignement français.
2. Faire du réseau un levier d'influence durable, en renforçant ses liens avec l'enseignement supérieur et en mobilisant les réseaux d'anciens élèves
Les 335 500 élèves du réseau se répartissent en deux catégories : les élèves français, qui représentent 37 % des effectifs, et les élèves étrangers (soit nationaux du pays en question soit de pays tiers), qui en représentent 63 %.
S'agissant des élèves français, l'enquête de la Cour des comptes témoigne d'une diminution de la part d'élèves français sur liste d'attente : « si des listes d'attente existent aujourd'hui, elles sont réduites : en 2015, le nombre d'inscrits sur ces listes représentait l'équivalent de 2 % des élèves français (...). Ces chiffres sont en diminution par rapport à 2013 ». Toutefois, il continue d'y avoir des « poches » de listes d'attente, en particulier à Londres, qui rassemble encore un tiers des élèves français sur liste. Au total, l'accès des nationaux à l'enseignement français à l'étranger est donc globalement assuré, malgré quelques phénomènes locaux que l'Agence doit, dans le cadre du développement et du redéploiement de son réseau, s'attacher à résorber.
S'agissant des élèves étrangers, leur accès à l'enseignement français à l'étranger participe d'une politique d'influence que la France gagnerait à davantage valoriser . En effet, formés à la langue, aux concepts, aux méthodes et aux valeurs de la France, ces élèves, souvent issus de l'élite locale, sont autant de représentants ou de promoteurs potentiels de la France et de sa culture à l'issue de leur scolarité. Or, le rapport de la Cour des comptes souligne deux principales lacunes dans l'utilisation de ce vivier au bénéfice de l'influence de la France :
- d'une part, le lien avec l'enseignement supérieur français est faible . En effet, le système universitaire français est méconnu et Campus France est, d'après la Cour des comptes, peu mobilisé sur le réseau. De plus, les étudiants étrangers ne bénéficient pas d'un numéro d'identification étudiante (INE) , qui fluidifierait pourtant le passage du secondaire au supérieur français. Votre rapporteur fait sienne cette recommandation, qui devrait être mise en oeuvre le plus rapidement possible, au moins dans les EGD ;
- d'autre part, les réseaux d'anciens élèves ne sont guère structurés . L'enquête de la Cour des comptes souligne que s'agissant des associations liées à un établissement ou à un pays et à leur suivi par les postes, « c'est un domaine dans lequel les réalisations oscillent entre peu et rien ». S'agissant d'un réseau mondial, l'Association des anciens des lycées français du monde (AFLM), créée par la base en 2009, et le réseau France Alumni , lancée par le ministère en 2012, sont des initiatives intéressantes qui aurait tout intérêt à se rapprocher et, sous cette condition, à être soutenues et reconnues par les postes en étant davantage associées à la gouvernance du réseau .
En tout état de cause, votre rapporteur spécial regrette que la mission d'influence, qui est l'une des raisons d'être du réseau, semble prendre fin avec le baccalauréat des intéressés . C'est au contraire après le baccalauréat, dans les études supérieures et au cours de la carrière des anciens élèves, que ce formidable capital de la connaissance de la langue et de la culture française devrait être mobilisé, à la fois pour son financement sous la forme du mécénat et pour son développement pédagogique. À cet égard, renforcer l'identité du réseau et le sentiment d'appartenance à une institution commune prestigieuse grâce aux réseaux d'anciens élèves est une action d'autant plus prioritaire qu'elle est peu coûteuse en argent public .
3. Préserver un financement public significatif dans le budget des établissements, en particulier ceux en gestion directe
Le budget de l'AEFE regroupe le budget des services centraux rémunérant les personnels détachés dans les établissements en gestion directe et dans les établissements conventionnés, ainsi que le budget des établissements en gestion directe qui en sont des démembrements. Ce budget s'établit en 2015 à environ 1,2 milliard d'euros, dont trois principales ressources :
- 495 millions d'euros de subvention de l'État 4 ( * ) ;
- 269 millions d'autres produits des services centraux, notamment la participation des établissements à la rémunération des expatriés et des résidents (ou « taux de remontée ») ;
- 435 millions d'euros de produits perçus par les établissements en gestion directe, essentiellement les droits de scolarité.
La Cour des comptes souligne, dans son enquête, que ce budget se caractérise par « un désengagement régulier de l'État », avec une baisse des crédits budgétaires de 7 % depuis 2013. Le projet de loi de finances pour 2017, qui prévoit une diminution de 13 millions d'euros des crédits de l'Agence, hors dépenses exceptionnelles de sécurisation (soit 14,7 millions d'euros), accentue cette dynamique.
Dans le même temps, les dépenses de fonctionnement et d'investissement continuent de croître, de plus de 4 % en moyenne annuelle. En effet, l'attractivité non démentie du réseau explique une augmentation continue des effectifs d'élèves, d'environ 2 % à 3 % par an. En outre, certaines dépenses immobilières, qu'il s'agisse de remise en état ou de sécurisation, ne sauraient plus être reportées sans dégrader significativement la qualité de l'offre d'enseignement, voire la sécurité des élèves et du personnel.
À la baisse des crédits publics s'est ajoutée la ponction régulière des fonds de roulement de l'Agence et de ses établissements en gestion directe (dont les trésoreries individuelles sont isolées comptablement), qui sont alimentées, pour plus de la moitié, par les frais de scolarité payés par les parents en vue d'investissements prévus pour l'établissement en question. En 2016, une ponction de 21,8 millions d'euros a été opérée sur le fonds de roulement de 21 établissements en gestion directe ; à cette ponction s'ajoute un prélèvement, d'environ 65 millions d'euros d'après les informations recueillies par votre rapporteur, sur le fonds de roulement de l'Agence elle-même.
Ce sont essentiellement les frais de scolarité qui ont compensé la diminution des crédits publics . Ainsi, le ratio entre le soutien public au fonctionnement des établissements d'une part et le montant des droits de scolarité d'autre part est ainsi passé, en seulement deux ans (2013-2015), de 65 % à 58 % pour les établissements en gestion directe et de 40 % à 35 % pour les établissements conventionnés. Entre 2008 et 2015, les frais de scolarité ont augmenté de 56 % dans les lycées établissements en gestion directe, et de 62 % dans les lycées conventionnés , alors même que l'expatriation donne de moins en moins lieu à paiement intégral de ces frais par l'employeur.
La Cour des comptes le souligne : « une nouvelle hausse généralisée des frais de scolarité ne permettrait plus de garantir dans certains cas la mixité sociale dans les établissements et elle éloignerait une partie des familles, pourtant solvables, de l'enseignement français à l'étranger ». Cet enseignement fait donc face à un choix :
- poursuivre cette trajectoire de diminution des crédits publics et d'augmentation des frais de scolarité, qui entérinerait un changement de nature du réseau : financé majoritairement par les familles, il se réduirait dans son ampleur et se concentrerait sur une élite sociale capable de payer les droits de scolarité ;
- maintenir un niveau suffisant de crédits publics, pour conserver la double spécificité du réseau : qualité de l'enseignement et mixité sociale.
Votre rapporteur prône un maintien résolu de cette spécificité et, partant, une sanctuarisation du niveau des crédits budgétaires . Il est à cet égard regrettable que la stabilité apparente de la subvention à l'Agence dans le projet de loi de finances pour 2017 masque en réalité un versement exceptionnel de 14,7 millions d'euros pour la sécurisation des bâtiments et une diminution d'un montant quasi-équivalent des crédits de fonctionnement. De même, une nouvelle ponction sur le fonds de roulement des établissements en gestion directe est prévue, alors que, d'après les informations recueillies auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, le plan d'investissements à moyen terme des EGD, soit environ 136 millions d'euros, est déjà proche du montant total du fonds de roulement restant, soit environ 172 millions d'euros.
La stabilité des ressources publiques est une nécessité. Celle-ci doit cependant s'accompagner de réformes ambitieuses qui donnent au réseau de nouvelles marges de manoeuvre et une nouvelle dynamique , qu'il s'agisse de la gestion des ressources humaines (cf. infra ), de la mobilisation des anciens élèves et des implantations géographiques (cf. supra ).
4. Tirer les conséquences de l'augmentation des frais de scolarité
Au total, sur l'ensemble des établissements du réseau, les frais de scolarité payés par les parents représentent 1,8 milliard d'euros. Bien que ce montant varie considérablement d'un établissement à l'autre 5 ( * ) , ces frais connaissent une hausse massive depuis 2008 . Si cette augmentation peut et doit être contenue par une stabilisation des crédits publics, elle appelle toutefois deux mesures pour en assurer l'acceptabilité sociale auprès des parents d'élèves .
a) Maintenir un niveau significatif de bourses scolaires
Tout d'abord, pour permettre aux Français de l'étranger les moins solvables de continuer à scolariser leurs enfants dans le réseau, la hausse des frais de scolarité doit s'accompagner du maintien d'un niveau significatif de bourses scolaires .
Votre rapporteur ne remet pas en cause la suppression, en 2012, de la prise en charge intégrale des frais de scolarité qui, d'après la Cour des comptes, aurait coûté 744 millions d'euros en 2018 en cas de généralisation.
Cependant, le Gouvernement s'était alors engagé à maintenir le niveau d'aide constaté, soit 125 millions d'euros par an, sous la forme de bourses scolaires. Dans le même temps, ce système de bourses a été réformé pour y introduire une logique d'enveloppe fermée, gérée de façon déconcentrée dans un dialogue entre le responsable de programme et chaque conseil consulaire des bourses, qui peut définir ses propres critères de recevabilité.
L'enquête de la Cour des comptes, reprenant une analyse menée par un consultant pour le compte de l'AEFE sur la campagne des bourses 2015/2016 du rythme Nord, conclut que « la demande semble satisfaite », en constatant qu'une faible partie des postes (moins de 10 %) ont obtenu in fine des dotations inférieures à leurs demandes et à leurs enveloppes limitatives. Toutefois, cette analyse est biaisée, dès lors qu'elle dépend des critères d'éligibilité déterminés par chaque poste : la rigueur de ces critères de recevabilité des dossiers ou la quotité des bourses accordées n'est pas retracée .
Votre rapporteur reconnaît l'intérêt de l'évolution globale mise en oeuvre par la réforme et soulignée par la Cour des comptes : diminution du nombre de boursiers bénéficiant d'une quotité à 100 %, stabilité du nombre de familles bénéficiant d'une bourse, maîtrise de l'enveloppe budgétaire. Toutefois, cette évolution ne doit pas conduire à exercer une pression sur les postes et les commissions locales d'attribution des bourses de nature à réduire le montant des bourses distribuées : l'enveloppe, pour fermée qu'elle soit, doit être consommée .
b) Promouvoir une meilleure association des parents d'élèves
Par ailleurs, comme le recommande la Cour des comptes, l'implication des parents d'élèves doit être encouragée. En effet, compte tenu du sacrifice financier croissant qui leur est demandé, les parents d'élèves du réseau d'enseignement français à l'étranger sont placés dans une situation différente des parents d'élèves scolarisés en France.
Aussi, « la propension des parents à payer sera d'autant plus forte qu'ils seront informés de l'utilisation des fonds qu'ils versent aux établissements scolaires ». Au-delà d'un dialogue plus nourri avec les postes diplomatiques et, en particulier, les services de coopération et d'action culturelle, il conviendrait de donner aux parents d'élèves un droit de regard plus important dans la vie des établissements dont ils sont les principaux financeurs , sous la forme d'un droit d'intervention et, dans les établissements en gestion directe, une voix consultative sur le vote des dépenses et recettes prévisionnelles.
5. Refonder la gestion des ressources humaines
L'un des principaux apports de l'enquête de la Cour des comptes est le point précis qui est fait de la situation des ressources humaines. La richesse et l'attractivité du réseau repose en effet sur l'excellence de son personnel, en particulier enseignant. T rois principales conclusions peuvent être tirées de cette enquête concernant le personnel enseignant , s'agissant des trois statuts dont ils sont composés (expatriés, résident, recruté local).
a) Gérer en extinction le statut des enseignants expatriés
Enseignants détachés du ministère de l'éducation nationale, dans le cadre d'un contrat de trois ans renouvelable pour deux ans au plus, les enseignants expatriés remplissent, depuis 2011, une mission spécifique de conseil, de formation et d'accompagnement auprès des résidents et des recrutés locaux, pour laquelle ils disposent d'heures de décharge hebdomadaires.
Du point de vue de la rémunération, les expatriés se caractérisent par l'attribution d'une indemnité mensuelle d'expatriation , sur le modèle des diplomates. En conséquence, un expatrié coûte à l'AEFE, en coûts complets, deux fois plus cher qu'un résident (coût salarial net moyen de 168 000 euros pour un expatrié et de 78 4000 euros pour un résident). Bien que représentant 16 % de l'effectif détaché dans les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés, ils comptent pour 42 % de la masse salariale payée par l'AEFE.
Au regard de l'analyse de la Cour des comptes, les missions supplémentaires effectuées par les expatriés, qui sont limitées en volume horaire et qui peuvent être effectuées - quand elles ne le sont pas déjà en partie - par des personnels résidents, ne sont pas de nature à justifier la différence de rémunération qui existe avec le personnel résident et, a fortiori , recruté local. En conséquence, l'Agence doit, en concertation avec le ministère de l'Éducation nationale, s'engager résolument dans la diminution du nombre d'enseignants expatriés . Leurs postes devraient être systématiquement redéployés au profit de personnels résidents, dégageant ainsi pour l'Agence de nouvelles marges de manoeuvre financières 6 ( * ) .
b) Mettre fin aux anomalies du statut de résident
Également enseignant détaché du ministère de l'éducation nationale, le personnel enseignant résident est un enseignant titulaire établi dans le pays depuis au moins trois mois pour raisons personnelles ; il est recruté sous contrat de trois ans renouvelable sans limite.
L'enquête de la Cour des comptes dénonce la « fiction » de cette position statutaire : en pratique, les personnels sont recrutés depuis la France, mais le contrat n'est signé qu'à l'issue d'une installation dans le pays et d'une période de résidence de trois mois que l'enseignant a dû financer seul, pour maintenir la « fiction » du statut. Souvent, cette période de transition fait l'objet d'un contrat local de trois mois permettant à l'enseignant de commencer à enseigner dès le 1 er septembre.
Par ailleurs, la mobilité de ce corps est très réduite , le renouvellement de leur contrat étant souvent systématique, parfois même sans avis du proviseur. La Cour des comptes indique à cet égard que « la non-mobilité de certaines catégories de résidents doit cependant s'analyser comme constitutive d'un risque, facteur d'insatisfaction et de mauvaise gestion ».
Votre rapporteur spécial est favorable à une refonte du décret du 4 janvier 2002 sur lequel se fonde la gestion des ressources humaines de l'enseignement français à l'étranger. Sans aller jusqu'à un statut unique expatrié/résident, une diminution progressive des enseignants expatriés combinée à une évolution du statut de résident, débarrassé de la condition de résidence (fictionnelle) de trois mois et garantissant une mobilité aux membres du corps en limitant le nombre de renouvellements possibles du contrat, permettrait déjà de dynamiser considérablement le corps enseignant de l'enseignement français à l'étranger, tout en dégageant de nouvelles marges de manoeuvres financières .
c) Améliorer la formation initiale du personnel enseignant recruté local
Dernière catégorie d'enseignant, les recrutés locaux sont des enseignants non détachés du ministère de l'éducation nationale mais recrutés par les établissements, sur la base de contrats du droit du pays hôte. En raison de la variété de statuts qu'ils recouvrent et de la grande latitude dont les établissements conventionnés et partenaires disposent pour le recrutement et la rémunération de ces personnels, l'AEFE ne dispose pas de statistique consolidée du nombre et du coût des recrutés locaux .
Si les établissements partenaires ont vocation à se développer et si le statut de résident a vocation à devenir le statut de personnel enseignant d'encadrement, ou du moins « référent » sur la pédagogie française, les recrutés locaux constituent l'avenir du réseau , dont ils assurent de plus en plus l'essentiel des enseignements. Payés par les établissements, ils ne représentent pas une charge pour l'État : en revanche, de la qualité de leur enseignement dépend l'attractivité du réseau.
Aussi, leur formation est-elle un élément déterminant de la crédibilité de l'enseignement français à l'étranger. Or, comme le souligne la Cour des comptes, s'il existe une formation continue relativement robuste qui participe à la fidélisation de ces agents, « la difficulté la plus importante qui reste à résoudre est l'absence de formation d'intégration au profit des recrutés locaux ne connaissant pas l'enseignement français ». Les initiatives récentes, mentionnées dans l'enquête, notamment au Maroc et au Liban, doivent être appuyées et développées, pour garantir une relative uniformité à l'enseignement dans le réseau, en termes de qualité et de méthodes pédagogiques .
* 1 Référé n° 66854 du 3 juillet 2013.
* 2 Rapport de Mme Claudine Lepage et de M. Philip Cordery « Enseignement français à l'étranger - Recommandations visant à limiter l'augmentation des frais de scolarité », décembre 2014.
* 3 Ces cinq pays accueillent plus de 108 000 élèves, soit près d'un tiers des effectifs mondiaux.
* 4 402,6 millions d'euros de subvention de fonctionnement en provenance du programme 185 et 89,4 millions d'euros de crédits d'intervention (bourses) en provenance du programme 151.
* 5 Quasi-gratuite en raison d'accords intergouvernementaux avec l'Allemagne, la scolarité coûte par exemple environ 30 000 euros par an et par élève au Lycée français de New York (établissement partenaire).
* 6 Comme le souligne la Cour des comptes, cette évolution devrait être accompagnée d'une baisse du taux de remontée, pour ne pas pénaliser les établissements.