ADOPTION DU RAPPORT
Mercredi 12 octobre 2016
M. Jacques Legendre, président. - J'ai le plaisir de vous accueillir pour cette réunion consacrée à l'examen du rapport de notre mission commune d'information, créée par la conférence des présidents du 6 avril dernier, à l'initiative du groupe communiste, républicain et citoyen, dans le cadre de son droit de tirage annuel prévu par l'article 6 bis du règlement du Sénat.
Il s'agissait pour nous d'examiner la déclaration du 18 mars dernier entre l'Union européenne et la Turquie visant à mettre un frein à l'arrivée en Grèce par la mer des réfugiés et des migrants depuis les côtes turques.
L'objectif des autorités européennes était autant d'empêcher les drames liés à des traversées trop souvent meurtrières que d'aider la Grèce, dépassée par ces arrivées massives. Au cours de nos travaux, nous avons examiné l'efficacité des dispositifs prévus par cette déclaration ainsi que les questions juridiques, financières et pratiques qu'elle soulève.
Depuis sa constitution, le 3 mai dernier, la mission d'information a entendu une quarantaine d'intervenants : des représentants des différentes administrations concernées - le ministère de l'intérieur, le ministère des affaires étrangères et du développement international, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) -, des ONG et des associations humanitaires, le Défenseur des droits, des experts, une conseillère de l'ambassade de Turquie en France...
Nous avons également fait trois déplacements.
Le premier nous a permis de nous rendre en Turquie - plus précisément à Ankara et à Izmir - puis en Grèce. Nous avons rencontré à cette occasion de nombreux acteurs nationaux et européens présents sur place et impliqués dans la mise en oeuvre de l'accord, tant en Turquie qu'en Grèce. Je regrette toutefois que nous n'ayons pu visiter de hotspot , les autorités grecques les ayant fermés peu avant notre arrivée, compte tenu d'un nombre trop important de visites de délégations étrangères.
Nous nous sommes également rendus au Conseil de l'Europe, où nous nous sommes entretenus avec MM. Nils Muiúnieks et Thorbjørn Jagland, respectivement commissaire aux droits de l'homme et secrétaire général du Conseil de l'Europe.
Nous nous sommes enfin déplacés à Bruxelles, pour des entretiens avec des experts de la Commission européenne, avec M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, et enfin M. Izzet Selim Yenel, délégué permanent de la Turquie auprès de l'Union européenne.
Une conférence de presse sera organisée mardi prochain, à midi, afin de présenter à la presse les conclusions de nos travaux si, bien sûr, nous adoptons aujourd'hui le rapport présenté par notre rapporteur.
Le même jour, à 14 heures 30, nous aurons un débat en séance publique sur la France et l'Europe face à la crise au Levant, à la demande conjointe de notre mission commune d'information et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Pour conclure, je tiens à remercier le rapporteur de la qualité de son travail et les relations amicales que nous avons nouées au cours des travaux de cette mission, relations qui nous ont permis d'aboutir à un rapport dont j'estime les conclusions équilibrées. Il reflète la qualité du travail dont notre Haute Assemblée est capable.
Sachez qu'il est encore possible d'y inclure les modifications que vous jugerez utiles.
M. Michel Billout, rapporteur. - Je regrette également que certaines rigidités du règlement du Sénat aient contraint des collègues à ne pas participer aux déplacements en Grèce et Turquie. Les travaux des missions communes d'information sont des travaux parlementaires à part entière.
Nous avons demandé la constitution de cette mission d'information pour tenter d'en savoir plus sur les conditions de négociation de cet accord controversé et sur les conséquences de sa mise en oeuvre. Je rends compte aujourd'hui des travaux que nous avons conduits depuis lors.
Cet accord a répondu à une situation de crise. Depuis des mois, des flux de réfugiés d'une ampleur inégalée transitaient par la Grèce, qui ne parvenait ni à assurer l'enregistrement des demandes d'asile ni à contrôler ses frontières.
Chaque jour, des milliers de migrants accostaient dans les îles grecques de la mer Égée, avant d'emprunter la route terrestre des Balkans pour gagner les pays du nord de l'Europe, au premier rang desquels l'Allemagne.
Les ressorts de ce mouvement massif sont bien connus : l'intensification de la guerre en Syrie, la situation de l'Irak, aux prises avec Daech, la dégradation de la situation des réfugiés dans les pays voisins, les déclarations de la chancelière allemande à l'été 2015, l'activité grandissante des réseaux de passeurs, le positionnement de la Turquie comme carrefour migratoire. Les conséquences humanitaires ont été terribles : 800 noyades en mer Égée en 2015.
Le manque d'anticipation de l'Union européenne, les désaccords profonds entre ses membres sur la définition d'une réponse ont renforcé la crise.
Un premier accord passé avec la Turquie, en novembre 2015, n'avait pas produit de résultats suffisants. Les arrivées sur les îles grecques de la mer Égée se maintenaient malgré l'hiver à un niveau élevé, de l'ordre de 2 000 par jour.
La fermeture progressive des frontières des pays situés sur la route des Balkans à compter de février 2016 a transformé la Grèce, déjà très éprouvée par la crise économique, en cul-de-sac, et a conduit à une crise humanitaire de grande ampleur. L'Union européenne a donc décidé de s'entendre avec la Turquie pour y répondre.
Les conditions de négociation de cet accord l'ont entaché d'un fort soupçon.
Il donnait l'impression d'avoir été conclu en coulisses par l'Allemagne, dans le seul intérêt de celle-ci, l'Union européenne acceptant de payer le prix fort à la Turquie.
Il était également reproché à l'Union européenne de céder au chantage de la Turquie et de se placer dans une situation inextricable : comment promettre une libéralisation des visas « au plus tard en juin 2016 » mais « sous réserve que soient respectés l'ensemble des critères de la feuille de route », alors même que la situation des droits de l'homme dans ce pays ne cesse de se dégrader ?
Le renvoi vers la Turquie de tous les migrants arrivés dans les îles grecques à compter du 20 mars, qu'ils aient ou non besoin d'une protection internationale, a cristallisé les critiques de nombreuses ONG, mais également d'acteurs tels que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et l'OFPRA. L'Europe était accusée de brader ses valeurs.
Le dispositif dit « du 1 pour 1 » consistant, pour chaque Syrien renvoyé, à en réinstaller un autre dans un pays de l'Union européenne, a été également décrié.
Pour couronner le tout, cet accord a été soustrait à l'approbation du Parlement européen comme à celui des États membres.
Nos travaux nous ont permis d'établir que l'Allemagne avait malgré tout cherché à associer ses partenaires européens et notamment la France, qui a été en mesure de formuler des exigences concernant notamment la vérification de la légalité du dispositif de renvoi.
L'Allemagne n'était d'ailleurs pas seule à rechercher une solution. L'Europe tout entière en voulait une : la paralysie du système de répartition temporaire des réfugiés et la remise en cause de l'espace Schengen l'imposaient.
Enfin, il a été prévu que, conformément au droit international et européen, chaque migrant puisse déposer une demande d'asile en Grèce qui pourrait être déclarée recevable si la Turquie ne constituait pas pour lui « un pays tiers sûr ».
Aujourd'hui, l'objectif de l'accord est partiellement atteint.
De 2 000 arrivées en Grèce par jour en février, nous sommes passés à une cinquantaine par jour au printemps et à une centaine par jour cet été. Mais cette diminution est autant imputable à l'accord qu'à la fermeture de la route des Balkans, les deux effets se combinant.
L'objectif humanitaire, qui était d'empêcher les décès en mer, est lui aussi pour partie atteint, les naufrages ayant cessé.
L'accord améliore également la situation des réfugiés en Turquie, notamment grâce l'aide financière promise. Au 28 septembre 2016, sur les 3 milliards d'euros prévus au titre de la facilité financière, 2,2 milliards d'euros ont été engagés, 1,2 milliard d'euros contractualisés et 467 millions d'euros effectivement versés. L'Union européenne a finalement accepté de procéder à des versements directs aux autorités turques pour financer des mesures, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé. Pour construire des hôpitaux et des écoles, il peut être difficile de se substituer à l'État...
Un grand projet a été confié au Programme alimentaire mondial, le PAM : l'instauration, pour un coût de 348 millions d'euros, d'un « filet de sécurité sociale d'urgence », qui permettra à plus d'un million de réfugiés syriens de bénéficier d'une aide mensuelle pour acheter de la nourriture, des médicaments, se loger. Une carte bancaire sera distribuée, qui sera créditée de quarante euros en fonction de la situation familiale.
S'il faut donc souligner les améliorations concrètes que cette aide européenne apporte, il convient de rester prudent, tant la situation interne de la Turquie peut faire craindre beaucoup de dérives.
Mais il s'agit d'un accord fragile.
Les réinstallations de Syriens dans l'Union européenne - la voie légale et sûre de l'asile qui était promue dans cet accord - sont trop lentement mises en place, malgré une légère accélération ces derniers mois. 1 614 réinstallations à la date du 26 septembre, cela reste fort modeste au regard de l'objectif de 72 000. À ce rythme, il faudrait plus de 20 ans...
Le dispositif de renvoi des migrants arrivés dans les îles grecques après le 20 mars - plus de 20 000 - ne fonctionne pas : seuls 633 d'entre eux ont été renvoyés vers la Turquie, et aucun ne l'a été à la suite d'une décision d'irrecevabilité à l'asile. Cela tient non seulement à l'engorgement du service grec de l'asile - qui n'était capable, avant la crise, que de traiter deux dossiers par jour -, mais aussi à sa réticence à considérer la Turquie comme un « pays tiers sûr ».
La Turquie n'octroie en effet l'asile qu'aux ressortissants européens. Pour les autres, un statut de protection internationale est accordé, avec des droits moins étendus. Les Syriens bénéficient toutefois d'un régime que la Turquie présente comme plus favorable, dit de « protection temporaire ». Mais ce régime est octroyé pour une durée non précisée. De plus, 500 000 enfants syriens en Turquie ne sont pas scolarisés, et seuls 8 000 permis de travail ont été délivrés aux Syriens. Cette précarité explique sans doute la position des services grecs.
La conséquence de ce faible nombre de renvois est le maintien d'un grand nombre de migrants dans les hotspots , plus de 14 600 aujourd'hui, dans des conditions matérielles très difficiles : les capacités d'accueil n'excèdent pas 7 500 places. Cette situation suscite des tensions et des heurts, comme l'incendie volontaire du centre de Moria, à Lesbos, fin septembre.
Par ailleurs, les frontières restent poreuses et les passages possibles : entre les hostpots et le continent, aux frontières turco-grecque, turco-bulgare et gréco-macédonienne. Cela démontre la vitalité de réseaux de trafiquants. Mais l'étanchéité totale d'une frontière est impossible, et la Grèce compte 1 228 kilomètres de frontières terrestres et 13 676 kilomètres de côtes.
Les contreparties politiques consenties à la Turquie, la relance du processus d'adhésion et la libéralisation des visas, pèsent également sur l'accord.
Concernant le processus d'adhésion, des avancées formelles ont été enregistrées. Des questions se posent néanmoins sur sa pertinence, la dérive autoritaire du régime paraissant ne plus devoir connaître de limites depuis le coup d'État manqué du 15 juillet dernier.
Pour ce qui concerne la libéralisation des visas, les progrès faits par la Turquie ont été très rapides. Cinq critères restent néanmoins à satisfaire, dont un, celui sur la loi antiterroriste, constitue un point de blocage apparemment inextricable. L'exécutif turc a pourtant menacé à plusieurs reprises de ne plus tenir ses engagements de contrôle des flux si la Turquie n'obtenait pas satisfaction.
Nous sommes donc obligés d'admettre que la Turquie a la capacité, si elle le souhaite, de remettre en cause l'accord.
Quelle ligne de conduite devons-nous adopter ?
Nous devons d'abord continuer à tenir un discours clair et sans ambiguïté sur nos valeurs et notre attachement à la démocratie, au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, il ne saurait être question d'accepter quelque accommodement que ce soit en ce qui concerne les critères définis pour les visas.
Sur les négociations d'élargissement, maintenons les enceintes de discussion prévues à cet effet. Elles permettent d'aborder les questions sensibles.
Il faut donc sortir ces deux conditions de l'accord pour se concentrer sur la seule problématique migratoire.
Il faut pour cela montrer à la Turquie que nous appliquons bien les volets spécifiquement liés à la question des réfugiés : l'aide financière, qui est précieuse ; les réinstallations, qui doivent s'accélérer rapidement. La Turquie doit jouer le jeu, en ne sélectionnant pas les réfugiés qu'elle nous envoie.
Il est également urgent d'aider la Grèce : pour le déblocage du traitement des demandes d'asile dans les hotspots , ce qui implique de renforcer le Bureau européen d'appui en matière d'asile mais aussi par un soutien financier aux retours volontaires.
En complément de l'accord, le soutien à la Grèce passe aussi par l'accélération de la mise en oeuvre des relocalisations. La France honore ses engagements, mais ce n'est pas le cas de tous les États membres.
Il apparaît également nécessaire de tenir compte de la situation de crise humanitaire dans la négociation de la dette grecque. La situation de la Grèce est tellement insoutenable que l'Union européenne a dû mobiliser pour elle des moyens normalement consacrés à l'aide humanitaire extérieure. Enfin, il faut également renforcer la protection des frontières grecques.
La question s'est posée de savoir si cet accord pouvait être reproductible et s'appliquer à d'autres situations. Nous ne le pensons pas. Son principal volet - instaurer une forme de délégation à la Turquie des demandes d'asile - ne fonctionne pas.
En revanche, inciter les pays tiers à une meilleure gestion de leurs frontières et à lutter contre l'immigration irrégulière est une idée que l'on retrouve dans les nouveaux « pactes migratoires » passés avec certains pays d'origine et de transit.
Nous devons surtout inscrire ce type d'actions dans le cadre d'une politique migratoire ambitieuse et cohérente de l'Union européenne. Le rapport L'Europe au défi des migrants : agir vraiment ! de nos collègues Jacques Legendre et Gaëtan Gorce, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, propose quelques pistes : un effort financier significatif pour favoriser le développement économique dans les pays d'origine ; l'ouverture de véritables voies légales de migration, notamment de travail ; une véritable mobilisation contre les réseaux de trafiquants et de passeurs.
Je regrette qu'il ne nous ait pas été possible de vous transmettre le projet de rapport avant la réunion. Nous n'avons pu travailler que quatre mois, au lieu des six traditionnellement acquis.
Le contexte politique de la Turquie n'a cessé d'évoluer durant cette période rendant plus complexe notre travail d'information.
Aussi, pour vous permettre de réagir plus précisément au contenu du rapport, il vous est proposé de pouvoir y insérer des contributions de groupe, qui devront être transmises avant lundi 17 octobre, à midi.
M. Jacques Legendre, président. - Je remercie M. le rapporteur d'avoir mentionné les conclusions du rapport que nous avons commis avec Gaëtan Gorce. Je signale également le rapport rédigé par Claude Malhuret et Leila Aïchi, également au nom de la commission des affaires étrangères : La Turquie : une relation complexe mais incontournable.
Je passe la parole aux membres de la mission commune d'information.
M. Claude Malhuret. - Je salue la qualité et l'exhaustivité de ce rapport, que j'ai feuilleté durant votre présentation, monsieur le rapporteur.
J'insisterai sur un point particulier : ce qui a été le plus critiqué dans cet accord, et qui m'a posé le plus problème, c'est le lien qu'il établit entre l'accueil des réfugiés et la libéralisation des visas de court séjour, deux choses qui n'ont pourtant aucun rapport.
De ce point de vue, la conclusion du rapport me satisfait : il est bien indiqué qu'aucun accommodement n'est envisageable en matière de libéralisation des visas. Ce faisant, les deux éléments dont je parlais se trouvent dissociés, et l'ambiguïté qui entourait cet accord est levée : nous ne céderons pas sur les questions relatives à la défense de la démocratie et des droits de l'homme.
De la même manière, terminer le rapport sur l'absolue nécessité d'une politique migratoire européenne était très important.
Je termine sur deux questions pour M. le rapporteur.
Cet accord avec la Turquie est encore virtuel sur le plan juridique. Pour être contraignant, le Conseil européen et Parlement européen devraient l'adopter. Y a-t-il une chance que cela se passe ?
Enfin, cet accord a fait l'objet de nombreux contentieux déposés par des migrants. Avez-vous des informations sur le moment où se prononcera le tribunal de l'Union européenne ? Son jugement pourrait bien remettre en cause tout l'édifice de l'accord !
M. Jean-Yves Leconte. - Une remarque préliminaire : l'actualité évolue de manière si rapide et si importante que l'accord en est toujours plus difficile à décrypter. Entre la tentative de coup d'État et le rapprochement avec la Russie, la situation en Turquie évolue très vite, ce qui complique notre compréhension des enjeux.
Cela dit, avec ce rapport, nous aurons fait oeuvre utile. Nous nous permettrons peut-être, d'ailleurs, d'apporter une contribution avant la date limite, monsieur le rapporteur.
Une chose me gêne néanmoins dans l'analyse qu'il fait de l'évolution politique en Turquie. Personnellement, je ne dirais pas que la situation sur le plan des droits de l'homme s'est continûment dégradée depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP. Il y a eu en réalité deux périodes : une première qui, en partie grâce aux négociations avec l'Union européenne, a conduit à une amélioration sur ce plan ; une deuxième, durant laquelle la situation s'est dégradée, l'Union européenne, mais aussi la France et l'Allemagne, ayant aussi leur part de responsabilité, notamment entre 2007 et 2012.
Je veux également souligner l'énorme impact économique, social mais aussi politique de la présence des réfugiés en Turquie comme dans les pays voisins de la Syrie. Il faut prendre en compte les conséquences majeures qu'elle fait peser sur ces pays, notamment quand l'Union européenne demande à la Turquie de garder les réfugiés chez elle.
Les actions militaires récentes en Syrie peuvent aussi se lire à cette aune : elles peuvent viser à empêcher de nouvelles arrivées. Mais ce faisant, la Turquie ne fait qu'aggraver le problème. On pense avoir résolu un problème quand un autre surgit immédiatement après.
Dernière chose : l'Union européenne, peuplée de un demi-milliard d'habitants, accueille moins de réfugiés que le Liban. Si on ajoute à cela les affiches honteuses diffusées par la mairie de Béziers, ou encore le référendum à 50 millions d'euros organisé par la Hongrie, notre discours sur la défense de l'État de droit devient totalement inaudible pour les pays de la région.
M. Jacques Legendre, président. - Les déclarations du maire de Béziers n'engagent pas la France !
M. Jean-Yves Leconte. - Certes, mais tout cela a des conséquences graves sur la crédibilité de l'Union européenne.
M. Didier Marie. - Je regrette moi aussi la rigidité du règlement pour ce qui concerne les déplacements à l'étranger des missions d'information.
L'accord avec la Turquie, cela a été dit, est un accord politique, et non pas un accord contraignant. Il ne peut pas être reproductible et s'appliquer pour la Libye, par exemple. Il a été conclu avec la Turquie, car il s'agissait de répondre à l'urgence, ce qui confère d'ailleurs des circonstances atténuantes...
Mais cela ne doit pas masquer le vrai problème : l'absence de politique européenne commune en matière de migrations et d'asile. C'est pourquoi le rapport insiste à juste titre sur l'importance de rappeler l'ensemble des États membres à plus de solidarité envers les réfugiés et entre les États membres. Car si les réinstallations butent sur certaines réticences de la Turquie, elles pèchent surtout par l'absence de volontarisme des États membres de l'Union européenne.
J'approuve également la préconisation de séparer ce qui relève de la politique envers les réfugiés du rapport de l'Union européenne avec Turquie. Ces deux questions sont différentes. Mais, ne soyons pas dupes, la Turquie fera systématiquement en sorte de les traiter ensemble. Cette préconisation perd donc de son caractère opérationnel.
Je veux également insister sur l'importance qu'aura dans les discussions à venir la reconnaissance par la Grèce de la Turquie comme « pays tiers sûr ». Si elle ne le faisait pas, cela poserait beaucoup de problèmes.
Par ailleurs, on ne peut dissocier la relation que nous avons avec la Turquie de celle que nous avons avec les autres pays qui supportent la présence d'un grand nombre de réfugiés. Jean-Yves Leconte l'a mentionné : l'Union européenne doit mener une réflexion sur le soutien à accorder également au Liban et à la Jordanie, faute de quoi ce qui se passe aujourd'hui avec la Turquie pourrait très bien, demain, se passer avec ces pays, qui connaissent une réelle situation de saturation.
Autre sujet, qui pourrait faire l'objet d'un ajout dans le rapport : la situation des mineurs, en particulier des mineurs isolés. Ni les Turcs ni les ONG n'ont pu nous répondre précisément sur le nombre, les situations, les mesures mises en oeuvre. En Grèce, il n'existe pas de politique de l'enfance comme c'est le cas chez nous ; on ne sait donc pas très bien dans quelles conditions ces enfants sont pris en charge. Il est probable que le nombre de mineurs isolés y est relativement important : beaucoup de familles ont été éclatées au moment du passage sur les bateaux.
Globalement, ce rapport va tout à fait dans le sens des discussions que nous avons eues au cours des auditions. Ma conclusion sera que nous avons besoin de la Turquie et que la Turquie a besoin de nous. De part et d'autre, des efforts restent à faire.
Mme Gisèle Jourda. - Je partage les orientations du rapport et approuve son organisation. Je ne reviendrai pas sur les objectifs développés.
Je souhaite intervenir sur le volet grec. J'ai été frappée, tant du côté grec que du côté turc, par l'absence de prise en compte des mineurs non accompagnés. J'ai été notamment profondément choquée par l'attitude des organisations dites humanitaires. Certaines ONG bien pensantes ont quitté les hotspots parce que des mineurs, qui étaient détenus dans des conditions que nous n'aurions acceptées pour aucun de nos enfants, devenaient violents. L'intention, au départ, était louable : les isoler des adultes afin de les protéger. Mais, dans les faits, ils étaient comme des animaux en cage !
Je lis, dans les conclusions du rapport, que nous souhaitons qu'une aide soit apportée à la Grèce s'agissant du traitement des dossiers d'asile, afin que les hotspots soient rapidement désengorgés. Il me semble que nous devrions aussi proposer à l'Union européenne de donner à la Grèce les moyens financiers nécessaires pour rendre décentes les conditions de vie dans ces hotspots - les parlementaires grecs que nous avons rencontrés étaient vraiment désespérés.
Nous avons visité un centre où étaient installés des réfugiés. Dans ce centre dépourvu de moyens, rien n'était fait pour accompagner les enfants, et le peu de matériel fourni par les ONG présentes était sous clé, afin d'éviter les vols. Le rapport, qui par ailleurs balaie tous les champs du problème, doit mettre l'accent sur cette situation dramatique en Grèce. Après tout, l'accord UE-Turquie a pour vocation de désengorger la Grèce des migrants présents sur son territoire.
M. Jean-Pierre Vial. - Beaucoup de choses ont été dites. S'agissant de la convention, ou accord, ou déclaration - la gêne terminologique reflète les difficultés juridiques et politiques qui s'y attachent -, je m'interroge, comme Claude Malhuret, sur l'absence de contrepartie pour les engagements, y compris financiers, pris par l'Union européenne, notamment en termes de déclenchement d'un processus politique. Quel sera le devenir des recours engagés ? La réponse à cette question nous fournira des éléments beaucoup plus précis, à la fois juridiquement et politiquement, que ceux dont nous disposons pour le moment.
Sur le rapport, je n'ai rien à dire !
Lors de certains entretiens au cours des déplacements, nous avons eu des échanges très forts. J'en retiendrai trois : avec M. Simon Mordue, un Britannique unanimement considéré comme la référence en la matière - nous l'avons notamment interrogé sur le post-conflit - ; avec l'ambassadeur de Turquie auprès de l'Union européenne, qui n'a pas pratiqué la langue de bois ; avec le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en Suède, qui n'a pas non plus dissimulé sa pensée sur les difficultés liées à la mise en place de l'institution d'appel - celle-ci a été modifiée par le législateur afin de redonner la main au juge grec sur la procédure d'appel. Nous avons également beaucoup appris, au cours de ces entretiens, sur les dégâts faits par certaines ONG, et sur leur fonctionnement, notamment financier.
Est-il prévu d'intégrer dans le rapport, au titre des pièces annexes, le compte rendu de ces différents échanges ?
Concernant la situation des mineurs, j'ai rencontré les institutions françaises compétentes, mais n'ai reçu aucune réponse de la part des Grecs que j'ai interrogés. Il s'agit d'une vraie question, qui doit être examinée, comme l'a reconnu le ministre de l'intérieur, que je me suis permis d'interroger à ce propos lors de la dernière réunion de la commission des lois.
M. Jacques Legendre, président. - Le terme officiel est « déclaration », et non « accord ».
Mme Éliane Assassi. - Je félicite les membres de la mission, ainsi que les administrateurs qui l'ont accompagnée, pour la qualité de leur travail. La conférence des présidents a eu raison d'accepter de mettre en place une mission sur ce sujet sensible.
Beaucoup de voix se sont élevées pour s'interroger sur la conclusion de cet accord, notamment au regard de la situation en Turquie. Ce qui s'est passé durant l'été a fait s'élever d'autres voix, notamment lorsque le président Erdoðan a fait savoir qu'il était prêt à rétablir la peine de mort.
Ce rapport me semble équilibré, dans son constat comme dans ses conclusions, et même si certains éléments doivent peut-être encore y être ajoutés. Il serait intéressant que les perspectives qu'il ouvre puissent être mises en oeuvre, à condition que la situation internationale, déjà grave, n'empire pas, et que chaque pays de l'Union européenne prenne ses responsabilités dans l'accueil des réfugiés. Nous attendons surtout de l'Union européenne qu'elle construise enfin une vraie politique migratoire.
Concernant les enfants - les mineurs non accompagnés sont bien des enfants, et pas seulement des jeunes gens de 15 à 18 ans : il y a aussi des gamins de 8 ans -, leurs conditions de vie sont insupportables, en Grèce comme en Turquie. Mais nous devons aussi être attentifs à ce qui se passe en France : j'ai passé la journée de lundi à Calais ; 800 à 1 000 enfants sont sur le site, livrés, comme des marchandises, par les passeurs. La place de ce sujet, dans le rapport, mériterait d'être renforcée.
M. François-Noël Buffet. - Tout a été dit. Un seul point : la difficulté de la Grèce à gérer la situation des demandeurs d'asile dans les hotspots . Chaque jour, 900 personnes traversent ; il s'agit d'un problème majeur ! Les moyens mis à disposition des Grecs, mais aussi, sans doute, des Italiens - Lampedusa, malheureusement, pose de nouveaux problèmes - sont insuffisants.
Cela dépasse le thème du rapport, mais, aujourd'hui, les vagues migratoires concernent moins les Syriens et les Irakiens que d'autres nationalités : à Calais se trouvent principalement des Afghans, des Soudanais et des Gambiens. Cette situation appelle une véritable politique européenne de l'immigration, et non une gestion au fil de l'eau des situations.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - S'agissant des mineurs, question absolument essentielle, un paragraphe serait bienvenu.
Une toute petite remarque : dans ce rapport excellent, l'OTAN est mentionnée. Je trouverais approprié que trois lignes soient ajoutées pour préciser que l'OTAN a contribué à aider la Turquie dans la gestion des réfugiés.
M. Jacques Legendre, président. - Un encadré y est consacré, ma chère collègue.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Pardonnez-moi : cela m'avait totalement échappé !
M. Philippe Bonnecarrère. - Il s'agit, me semble-t-il, d'un rapport complet et équilibré. Je n'aurai aucune hésitation avant de l'approuver.
Je sais gré à notre rapporteur de s'être préservé de deux risques.
D'une part, il est resté très prudent sur la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne ; il a dissocié son analyse de l'accord du problème de l'ouverture de chapitres de négociations avec la Turquie. Je lui sais gré, également, d'avoir insisté sur le fait que l'Union européenne ne devait renoncer à aucune des différentes conditions fixées comme préalables à une éventuelle adhésion, et qu'il n'était pas question de se livrer, à travers l'accord, à un quelconque marchandage.
Je me félicite, d'autre part, que notre rapporteur ait su rester à distance de toute appréciation concernant la façon dont la République fédérale d'Allemagne a pris la main sur la négociation de cet accord. J'entretenais quelques craintes sur le fait que la responsabilité de l'Allemagne soit pointée. Nous savons combien ce sujet est sensible pour nos voisins allemands, et les points de désaccord entre nous sont déjà suffisamment nombreux ; je vous remercie donc, monsieur le rapporteur, pour votre grande modération en la matière. Tout à votre finesse de diplomate, vous êtes allé jusqu'à reprendre les déclarations du secrétaire général des affaires européennes, qui a eu le bon goût d'indiquer que la France avait été associée à chaque étape des négociations, ce que je ne crois pas. On peut le dire rétroactivement, cependant, afin que l'honneur soit sauf ! (Sourires.)
J'ai trouvé quelque léger parfum de centrisme dans votre sens de l'équilibre, monsieur le rapporteur, ce dont je ne saurais trop me féliciter !
M. Jacques Legendre, président. - Monsieur le rapporteur, secouez les lauriers dont vous êtes accablés ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Billout, rapporteur. - Comme vous l'avez senti en parcourant le rapport, j'ai recherché non pas le scoop, mais l'analyse la plus factuelle possible. Lorsque ce que l'on nous dit ne peut être clairement mis en doute, nous n'avons pas de raison d'affirmer le contraire.
M. Bonnecarrère, sur la façon dont la France et d'autres pays ont pu être associés aux négociations, à partir du moment où le Gouvernement nous dit qu'il soutient pleinement l'accord et a eu son mot à dire, il est difficile d'y trouver à redire, d'autant qu'il ne s'agissait pas du problème le plus essentiel. La façon dont les décisions sont prises au sein de l'Union européenne mériterait malgré tout que nous nous en préoccupions !
Je n'ai malheureusement, à ce jour, aucune réponse aux questions posées par Claude Malhuret. Le choix d'un tel arrangement a été motivé par l'urgence. Personne, parmi les initiateurs de cet accord du côté européen, ne souhaitait entrer dans un débat avec le Parlement européen, qui aurait retardé la conclusion ou compliqué le processus de décision. J'entends l'argument de l'urgence ; mais cela ne doit pas devenir la règle. Nous nous sommes donc employés à remettre ce type d'accord en perspective, comme outil d'une politique cohérente plus globale, qui, malheureusement, n'existe pas aujourd'hui. Si, à chaque problème de vague migratoire - la mer Égée n'est pas le seul lieu concerné, tant s'en faut -, la réponse de l'Union européenne consistait en un accord comme celui-ci, ou plutôt une rustine comme celle-ci, nous ferions complètement fausse route !
Je comprends le mode de fonctionnement adopté par le Conseil européen, avec l'appui de certains États membres, mais nous ne disposons d'aucune information sur les leçons qu'en tirent tant la Commission européenne que le Conseil de l'Union européenne. Un dernier point d'étape a été effectué le 26 septembre, mais son contenu fut uniquement factuel.
Quant aux contentieux, ils sont en cours. Un certain nombre de leçons intéressantes pour l'avenir seront peut-être tirées, ou pas.
Concernant les remarques de Jean-Yves Leconte, la question de la part réservée, dans le plan du rapport, à la situation intérieure et à la politique extérieure de la Turquie, n'était pas facile à résoudre. À partir du moment où l'on conclut un arrangement avec un pays tel que la Turquie, il faut évidemment s'intéresser à ce qui s'y passe. M. Erdoðan utilise beaucoup la pression médiatique, pour des raisons de politique intérieure mais aussi de politique étrangère, avec des revirements toujours assez rapides et souvent imprévisibles.
Quoi qu'il en soit, il nous semble que la Turquie n'a pas intérêt à se détourner complètement de l'Union européenne, quelle que soit l'issue de la procédure d'adhésion, et cela notamment pour des raisons économiques. Si l'accord tient toujours malgré l'absence d'avancée sur la question des visas et le peu d'avancées sur celle de l'adhésion, c'est que d'autres intérêts le motivent.
Mon souhait n'est pas de diaboliser l'AKP à outrance ; néanmoins, au regard de l'évolution actuelle, on ne peut pas non plus passer sous silence les dangers de la situation et le risque d'une guerre civile en Turquie, qui aurait des conséquences en cascade, y compris sur la question syrienne. On peut apprécier comme on le souhaite l'intervention de la Turquie sur le sol syrien - s'agit-il surtout de combattre Daech, ou d'éviter que les Kurdes syriens constituent une région autonome ? -, mais il faut trouver une solution à cet afflux de réfugiés syriens se massant à la frontière turque, qui est fermée. Nous savons qu'existe, malheureusement, l'idée de « stocker » ces êtres humains, qui feraient office de boucliers, dans une zone tampon. Cette idée, évidemment, n'est pas de nature à résoudre l'état de guerre en Syrie.
Les observateurs nous ont dit que, jusqu'à présent, la population turque avait fait preuve d'un haut niveau d'acceptation dans l'accueil de ces 3 millions de réfugiés - certains y trouvent leur intérêt : les réfugiés ont sans doute pris la place d'autres migrants économiques, notamment des travailleurs saisonniers. Mais cette situation a ses limites. Au-delà de 3 millions, le sentiment pourrait se modifier. L'une des conséquences de cet accord a été la fermeture de la frontière entre la Turquie et la Syrie, afin d'éviter de nouvelles arrivées massives : le résultat, c'est que des populations se retrouvent sous les bombes.
En tout cas, monsieur Leconte, je relirai le rapport et tiendrai compte de votre observation concernant la première phase de l'action de l'AKP en Turquie.
Quant à la question de l'État de droit et de l'exemplarité de l'Union européenne, nous verrons si nous pouvons nuancer le propos afin que le rapport n'apparaisse pas comme trop péremptoire.
Monsieur Marie, l'idée d'apporter une aide aux pays d'origine est présente, me semble-t-il, dans les conclusions du rapport. Un travail avec les pays de transit paraît absolument nécessaire. Il ne s'agit d'ailleurs pas seulement de réguler les flux : en Turquie, en Jordanie, au Liban, beaucoup de réfugiés ne souhaitent pas nécessairement aller plus loin. Leur souhait est de rester au plus près de leur pays d'origine. L'Union européenne doit accomplir un effort de solidarité en la matière.
Beaucoup d'entre vous ont soulevé le problème des mineurs isolés. Ce sujet ne nous a pas échappé : un développement y est consacré aux pages 52 et 53, s'agissant notamment des mineurs isolés en Grèce. Ils seraient encore plus nombreux en Turquie. Or, dans ces pays, l'absence de savoir-faire sur cette question est criante : la Grèce a toujours été un pays de transit, jamais un pays d'accueil. La grande majorité de ces mineurs sont des adolescents, mais certains sont très jeunes - nous avons entendu parler d'une petite fille de 7 ans.
Les premières dispositions prises ont consisté à les enfermer, dans un souci de protection vis-à-vis des adultes. On nous a décrit le cas de ce camp de Lesbos où le premier soulèvement a eu lieu au moment du changement de directeur : alors que son prédécesseur autorisait les mineurs à sortir de leur enfermement à certains moments de la journée, le nouveau directeur leur a refusé ce temps de récréation. Cette situation carcérale était devenue intenable.
On manque donc de savoir-faire et de moyens. Et nous sommes parfaitement d'accord sur la nécessité d'accorder une attention particulière, d'un point de vue humanitaire, à la situation des mineurs.
À Jean-Pierre Vial, je réponds que les entretiens dont il a parlé, qui ont en effet constitué des moments forts, ont été utilisés dans les termes mêmes du rapport. Quant à les intégrer en totalité dans les parties annexes, cela me semble compliqué.
M. Jacques Legendre, président. - Pour intégrer de telles déclarations, il faudrait obtenir l'accord des personnes que nous sommes allés rencontrer, je crains que nous n'en ayons pas le temps.
M. Michel Billout, rapporteur. - Toutes les auditions qui ont eu lieu ici, au Sénat, seront publiées dans un tome annexe ; mais cela n'est pas possible pour les entretiens que nous avons menés en Turquie, en Grèce ou à Bruxelles, faute de validation par nos interlocuteurs.
En annexe figurera également le détail de la consommation de la facilité financière. Concernant la consommation des crédits, les Turcs reprochaient à l'Union européenne de passer par des agences onusiennes, voire par des ONG, qui sont très consommatrices de crédits pour leurs frais de structure : les agences onusiennes ne se financent qu'à travers les actions qu'elles conduisent ; pour chaque projet, elles retiennent 20 % environ...
M. Jacques Legendre, président. - Quand ce n'est pas 30 % !
M. Michel Billout, rapporteur. - ... des subventions accordées. Cela donnait aux autorités turques un argument de poids : si vous passez par nos organisations, disaient-elles, la totalité de l'argent ira à l'action. Cela pose évidemment toute une série d'autres problèmes, à commencer par celui du contrôle par l'Union européenne de l'utilisation de crédits accordés à un État tiers.
Je n'ai rien à ajouter aux interventions de Mme Assassi et de M. Buffet.
S'agissant du problème du contrôle des frontières maritimes en Grèce, les gardes-frontières européens ont été déployés. Nous verrons si cela améliore la situation, qui est de toute façon très compliquée.
Quant à la diversité des nationalités aujourd'hui concernées par les flux, elle est en effet très grande. Dans le camp que nous avons pu visiter à Athènes, nous avons rencontré y compris des Libyens, des Marocains, des Palestiniens : les flux migratoires sont d'une redoutable complexité, et les migrants sont prêts à accomplir d'énormes déplacements. Aucune frontière n'est étanche !
Nous avons essayé d'écrire un rapport équilibré, en sorte qu'il puisse être adopté.
M. Jacques Legendre, président. - Nous n'avons exercé sur vous aucune pression insoutenable, Monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
Mme Jacky Deromedi. - Dans le cadre de la mise en place d'un filet de sécurité sociale d'urgence, les réfugiés se voient attribuer une somme d'argent. Est-elle de vingt ou de quarante euros ?
M. Michel Billout, rapporteur. - Quoi qu'il en soit, ils ne feront pas fortune avec ça ! Nous revérifierons ce chiffre.
L'idée était de permettre aux réfugiés de dépenser cette somme n'importe où, ou presque, et ainsi de s'insérer dans le tissu social turc, au lieu qu'un centre dédié leur soit réservé.
Le rapport est adopté à l'unanimité. (Applaudissements.)