III. METTRE EN PLACE UNE TRANSITION À LA FOIS SUPPORTABLE ET SUFFISAMENT RAPIDE
A. LE « TUNNEL » DE L'ARTICLE 150 COMPORTE PLUSIEURS INCONVÉNIENTS MAJEURS
La mise en place d'un système de transition entre les anciennes et les nouvelles modalités de répartition de la dotation forfaitaire est un impératif pour la réussite d'une réforme de la DGF, afin d'éviter les effets trop brutaux et de laisser le temps aux collectivités territoriales concernées de s'adapter. Cette transition est d'autant plus importante que la prochaine réforme de la DGF, contrairement aux précédentes, se fera - au mieux - à enveloppe constante. En d'autres termes, les « perdants » de la réforme ne subiront pas une moindre hausse ou une stabilisation de leur dotation mais bien une diminution.
Cet impératif doit être concilié avec le souci de mettre fin le plus rapidement possible aux injustices actuelles de la DGF, tout en veillant à ne pas rendre illisible le fonctionnement de la dotation forfaitaire.
L'article 150 prévoit que la dotation forfaitaire de chaque commune, avant CRFP, évolue au sein d'un « tunnel » de plus ou moins 5 % : chaque année, la dotation forfaitaire perçue par une commune ne peut être inférieure à 95 % du montant perçu l'année précédente (hors CRFP), ni supérieure à 105 % de ce même montant.
Les rapporteurs considèrent que ce « tunnel » présente trois inconvénients majeurs.
Tout d'abord, ce « tunnel » n'est pas autofinancé : il n'y a aucune raison pour que la somme des garanties (versées aux communes dont la nouvelle dotation forfaitaire devrait être inférieure à 95 % du montant perçu l'année précédente) soit égale, chaque année, à la somme des écrêtements (prélevés sur les communes dont la nouvelle dotation forfaitaire devrait être supérieure à 105 % du montant perçu l'année précédente). C'est pourquoi l'architecture de l'article 150 prévoit une composante « majoration et tunnel » , destinée à financer ces garanties. Celle-ci nuit de façon importante à la lisibilité d'ensemble du dispositif .
Par ailleurs, un système de transition en « tunnel » implique que l'on « tende » vers le montant d'arrivée, mais à un rythme parfois très lent. Les données transmises par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 indiquaient qu'une commune pouvait mettre plus de 40 ans pour « sortir du tunnel » et percevoir le juste montant de dotation, au regard des nouveaux critères fixés. Ce délai est manifestement excessif, d'autant plus que la DGF est traditionnellement réformée tous les dix ans .
Exemples de fonctionnement du « tunnel » de l'article 150 Le graphique représente les données de deux communes fictives. La commune A perçoit en 2015 une dotation forfaitaire de 1,5 million d'euros, tandis que sa dotation spontanée s'élève, après réforme, de 500 000 euros. La commune B perçoit pour sa part une dotation forfaitaire de 500 000 euros en 2015 et sa dotation forfaitaire spontanée s'élève, après réforme, à 1,5 million d'euros. Au titre de la contribution au redressement des finances publiques, les deux communes voient leur dotation forfaitaire baisser de 14 % en 2016 et de 17 % en 2017, ce qui correspond à la baisse moyenne, et ne sont pas écrêtées. Évolution du montant de la dotation forfaitaire des communes A et B (en euros)
La commune A atteint sa dotation forfaitaire « cible » au bout de 16 ans, tandis que la commune B atteint la sienne au bout de 31 ans. Source : Charles Guené et Claude Raynal, rapport spécial sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », projet de loi de finances pour 2016, annexe XXVI, 19 novembre 2015 |
Enfin, avec l'article 150, le rythme auquel une commune parvient à son montant cible ne dépend pas de l'écart entre sa dotation actuelle et ce montant cible . En d'autres termes, une commune dont la dotation forfaitaire devrait doubler et une commune dont la dotation forfaitaire devrait augmenter de 15 % progresseront au même rythme : + 5 % par an. Les rapporteurs considèrent pour leur part que l'écart à la cible devrait être corrigé d'autant plus vite qu'il est important.