B. DES RELATIONS AVEC LES AUTRES ÉCHELONS TERRITORIAUX PARFOIS EN JACHÈRE

1. La recherche d'une région de proximité

L'élargissement de certains périmètres régionaux force les élus régionaux à définir une organisation qui allie proximité et efficacité. En effet, le défi des nouvelles régions est de ne pas apparaître comme un monstre territorial lointain et coupé des réalités territoriales. Les politiques régionales étant avant tout des politiques partenariales et de coordination, il revient aux nouvelles régions d'assurer une proximité lui assurant un lien étroit avec les collectivités infrarégionales afin de bénéficier d'une connaissance des spécificités de son territoire.

Ainsi, la nouvelle région Nouvelle Aquitaine a mis en place une organisation politique qui fait de ses conseillers régionaux les ambassadeurs et les promoteurs des politiques régionales sur l'ensemble du territoire. Outre les quinze vice-présidents, chacun étant référent pour un département, ont été nommés quarante-cinq conseillers régionaux délégués et trente-huit élus de territoire plus spécifiquement chargés d'être le relais des politiques régionales auprès des EPCI et de faire remonter les préoccupations des acteurs de terrain. En outre, la commission permanente et les commissions thématiques sont organisées sur chaque site du conseil régional. Ainsi que l'a rappelé M. Jean-Baptiste Fauroux, l'éloignement du chef-lieu régional exige une contrepartie en matière de politique contractuelle et de présence territoriale, ce à quoi s'efforce de répondre la nouvelle région.

Au niveau institutionnel, les deux régions ont mis en place des outils de dialogue avec les départements et les grandes intercommunalités, qui viennent s'ajouter à la conférence territoriale de l'action publique (CTAP). En Normandie, le conseil régional a mis en place un G6 avec les départements de la région et un G4 avec les grandes agglomérations et la métropole de Rouen, afin d'échanger sur des thématiques spécifiques. Une organisation similaire a été privilégiée en Aquitaine, avec le G12 qui réunit le conseil régional et les départements composant la nouvelle région.

Si, en mars dernier, la Normandie n'avait pas encore organisé de CTAP, la nouvelle région Nouvelle Aquitaine a déjà organisé une telle conférence. Les représentants des conseils départementaux ainsi que le préfet de région ont regretté qu'aucune décision importante n'y ait été prise, sous réserve de la mise en place de groupes de travail thématiques et la demande d'un report d'un an du transfert à la région des compétences liées aux transports et au développement économique.

2. Des interrogations liées aux transferts de compétences départementales aux régions

En mars dernier, la Normandie n'avait pas avancé sa réflexion sur les délégations de compétences que la région pourrait conclure avec les départements ou les métropoles. Selon les éléments recueillis par vos rapporteurs, la compétence d'organisation des transports scolaires devrait être exercée par la région. En matière économique, pendant la période transitoire, la région devrait la déléguer aux départements afin de laisser à celle-ci le temps de s'organiser.

a) La délicate question de la gestion des transports scolaires par la région

En Normandie comme en Nouvelle Aquitaine, le transfert aux régions des transports scolaires encore assumés aujourd'hui par les départements soulèvent plusieurs interrogations.

Pour M. Alain Rousset, le financement de l'organisation des transports scolaires par la région est lié à la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des départements que la région percevra à titre de compensation. Or ce transfert de ressources n'est pas sans poser de nombreuses questions pour les élus départementaux. Ainsi, M. Bruno Belin, président du conseil départemental de la Vienne, a évalué à 20 millions d'euros les dépenses du département pour assurer les transports scolaires sur son territoire et à 23 millions d'euros la part de CVAE du département qui serait transférée à la région. M. Belin s'est interrogé devant votre mission sur le reversement des 3 millions d'euros excédentaires par la région au département.

Outre la question du financement, se pose la question de la délégation de compétence que pourraient privilégier les régions, en raison des difficultés pratiques d'organisation inhérentes à la gestion des transports scolaires. Les élus rencontrés par votre mission estiment unanimement que la gestion des transports scolaires est une compétence nécessitant de la proximité à laquelle la région ne peut répondre. La délégation de cette compétence aux départements apparaît presque inévitable. En effet, aujourd'hui, les départements sont compétents en matière d'organisation des transports scolaires qu'ils exercent à travers des délégations de compétences à des autorités organisatrices de proximités - les AO2. Le conseil régional a recensé, pour le seul département de la Gironde, 183 AO2. Si la région décide de conclure des délégations de compétence aux départements, ces derniers, qui deviendront des AO2, ne pourront pas conclure des conventions avec d'autres autorités organisatrices (les EPCI et les syndicats principalement), c'est-à-dire des AO3. Va alors se poser la question de la subdélégation aujourd'hui interdite. Une des solutions qui pourrait être privilégiée par la région est la création d'une société publique locale.

Si les départements sont plutôt demandeurs d'une délégation de compétence en la matière de la part de la région, ils souhaitent à ce titre pouvoir participer à la définition de la politique régionale qui sera mise en oeuvre. M. Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental de la Gironde, ne souhaite pas que les départements deviennent de simples exécutants d'une politique régionale et être réduits à une sorte de « front office » pour la gestion des réclamations et problèmes quotidiens sur lesquels ils n'auront aucune prise.

En outre, les régions fusionnées vont devoir s'approprier non seulement un nouveau périmètre d'intervention mais elles seront également confrontées au problème d'harmonisation d'une compétence qui fait l'objet d'une grande disparité entre départements, en particulier en matière de tarification (entre ceux qui ont choisi la gratuité et les autres). C'est pourquoi beaucoup d'élus se sont interrogés sur les économies générées par une gestion régionale des transports scolaires par rapport à une gestion départementale.

b) L'arrêt difficile des compétences départementales en matière de développement économique

Là encore, vos rapporteurs ont pu relever les difficultés liées au renforcement de la compétence des régions en matière de développement économique et la fin des interventions des départements.

M. Alain Rousset a regretté que les régions n'aient bénéficié d'aucune compensation financière liée à la fin des interventions économiques des départements, évaluées à 800 millions d'euros. Une telle compensation n'est pas possible sur le plan juridique puisqu'il s'agit de la fin d'une compétence départementale liée en grande partie à la suppression de la clause de compétence générale des conseils départementaux. C'est pourquoi M. Alain Rousset juge indispensable le transfert d'une part de CVAE départementale aux régions, ces dernières étant, selon lui, l'échelon territorial le plus affecté par la baisse des dotations en volume, aggravée par une fiscalité peu dynamique. Il considère, par ailleurs, que l'État devrait mettre fin à certaines de ses missions qui sont assumées par les régions et transférer à ces dernières les agents correspondant, ce qui contribuerait, selon lui, à une clarification supplémentaire des compétences en matière de développement économique.

Les élus départementaux sont inquiets de la disparition de nombreux dispositifs d'aides qu'ils avaient mis en place, qui ont vocation à disparaître s'ils ne sont pas repris par la région ou si celle-ci ne conclut pas de conventions de délégations avec les départements. Pour M. Jean-Luc Gleyze, 2016 sera une « année blanche » pour l'économie du territoire puisque la région n'est pas encore en mesure de mettre en place des dispositifs de développement économique opérationnel tandis que les départements se désengagent, souvent en raison de leurs difficultés budgétaires. Il aurait préféré que 2016 soit une année de transition afin de permettre aux départements de continuer leurs actions de développement économique et leur laisser le temps nécessaire à la région de s'organiser pour assumer le renforcement de cette compétence.

Si certains départements se retirent des différents dispositifs mis en oeuvre en matière de développement économique, d'autres souhaiteraient néanmoins pouvoir continuer à assumer les missions qu'ils ont mises en oeuvre, à travers une convention avec le conseil régional, au-delà de la période transitoire prévue par la loi.

Le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) devrait être finalisé en Nouvelle Aquitaine, approuvé en décembre 2016 et être ensuite décliné par convention avec les EPCI. Vos rapporteurs se félicitent de l'efficacité avec laquelle le nouveau conseil régional a élaboré ce schéma. Certains délégués communautaires ont exprimé devant vos rapporteurs leurs inquiétudes quant au calendrier de conventionnement qui sera mis en oeuvre par la région, d'autant que les EPCI sont désormais compétents en matière d'immobilier d'entreprises. Une articulation leur apparaît nécessaire par la conclusion d'une convention.

Enfin, l'élaboration du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) devrait débuter dans les prochaines semaines.

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