B. UN APPORT ESSENTIEL DES SERVICES DE L'ÉTAT
Les services de l'État ont joué un rôle essentiel dans la mise en place des communes nouvelles. La participation active des services préfectoraux a permis de répondre aux nombreuses interrogations des élus locaux, de leur apporter les réponses adaptées aux difficultés rencontrées et de leur apporter toute l'expertise financière nécessaire pour s'engager dans une telle démarche. Vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter de l'émergence d'un État déconcentré facilitateur, qui vise à aider les collectivités dans leurs projets et à leur apporter l'ingénierie dont les élus locaux ont besoin pour définir l'architecture institutionnelle la plus adaptée à leurs projets, ainsi que le montre la création de la commune de Senillé-St Sauveur (Vienne).
Toutefois, cette implication des services préfectoraux, si elle a favorisé le succès des communes nouvelles dans les départements normands, n'a pas prévalu dans tous les départements. Le maire de la commune nouvelle d'Aÿ-Champagne, unique commune nouvelle du département de la Marne, a regretté le manque d'implication de l'État. Si le projet a abouti, c'est avant tout grâce à la mobilisation des élus locaux. L'absence des services de l'État dans l'élaboration de cette fusion pourrait expliquer le faible nombre de communes nouvelles dans la Marne.
Au-delà des difficultés rencontrées avec les services préfectoraux, les élus locaux ont, dans leur grande majorité, regretté les obstacles administratifs, parfois ubuesques, de la part de certaines administrations d'État ou de services publics. À titre d'exemple, le rectorat ne reconnaît pas les communes nouvelles d'où de nombreuses difficultés pour l'inscription d'élèves dans les établissements scolaires. Le même problème s'est posé pour l'immatriculation des véhicules. La Poste a également été à l'origine de nombreuses tracasseries, pour les élus locaux, en particulier pour la définition des adresses : les élus locaux ont regretté souvent l'absence de dialogue avec les réseaux de La Poste qui n'a pas souhaité apporter l'aide demandée. Ainsi, le maire de la commune nouvelle de Bois-Guillaume (Seine-Maritime) a indiqué que les difficultés administratives des premiers mois sont de nature à freiner la création de communes nouvelles, ce qu'il a jugé regrettable.
C. DES INTERROGATIONS QUI DEMEURENT EN SUSPENS
Si le succès des communes nouvelles ne se dément pas depuis plusieurs mois, de nombreuses questions surgissent, en particulier sur leur pérennité à l'issue du prochain renouvellement général des conseils municipaux, prévus en mars 2020. La création d'une commune nouvelle s'accompagne d'une période transitoire au cours de laquelle le conseil municipal de la commune est composé de la somme des conseillers municipaux des conseils des anciennes communes. Or, à compter de 2020, pour les communes nouvelles créées avant cette date, s'appliquera le droit commun, ce qui pourrait réduire dans certains cas le nombre de conseillers municipaux, parfois dans des proportions importantes. En outre, en raison du changement de strates démographiques et l'application de nouvelles obligations qui en incombent - en particulier le respect de la parité et la représentation de la minorité politique en particulier - de nombreux conseillers municipaux actuels pourraient ne pas être renouvelés dans leur mandat : les communes nouvelles susciteraient alors des déceptions, ce qui pourrait remettre en cause l'adhésion qu'elles ont d'abord suscité.
De même, de nombreuses inquiétudes émergent quant à l'avenir des communes déléguées après 2020 et, plus globalement, sur l'avenir des anciennes communes au sein de périmètres intercommunaux plus élargis. Le succès des communes nouvelles repose sur le maintien et le respect des identités historiques des anciennes communes. Les communes déléguées participent à cet objectif. Si le conseil municipal issu des élections de 2020 décidait leur suppression, beaucoup d'élus s'interrogent sur les risques de rejet de la commune nouvelle de la part des élus locaux et des populations.
La vice-présidente de la communauté de communes
« entre Thue et Mue » (Calvados)
a
estimé que
malgré leur succès, les
communes nouvelles suscitaient de nombreuses craintes auprès des
élus locaux, en particulier pour l'attribution des fonctions de maires
délégués et la
compatibilité
- d'humeur - entre les élus. Elle a
estimé que la commune nouvelle ne devait pas être
considérée comme un outil destiné à dépasser
les difficultés liées aux problèmes de la révision
de la carte intercommunale.
Outre les difficultés liées à la pérennité des communes nouvelles, plusieurs élus ont relevé les difficultés fiscales dont les implications pourraient conduire à un rejet de la part des populations. En effet, la loi du 16 mars 2015 a prévu un délai maximal de douze ans pour permettre, au sein du nouveau périmètre communal, un lissage de la fiscalité communale. Or, face aux risques d'augmentation des impôts alors même que la commune nouvelle est présentée comme une organisation permettant des économies de gestion, les élus rencontrés par votre mission ont demandé que ce lissage puisse être adapté aux différentes strates de population, selon des modalités à définir. De même, la fusion de communes engendre une hétérogénéité plus forte des bases fiscales sur lesquelles doit s'appliquer un taux unique. Là encore, la recherche d'une plus grande équité fiscale justifierait, aux yeux de plusieurs élus, une sectorisation de la commune nouvelle permettant l'application de taux différents. Le règlement de ces deux questions permettrait dans certains cas de favoriser la mise en place de communes nouvelles.
On relèvera que la proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d'une commune nouvelle, adoptée par le Sénat le 9 mars 2016 et par l'Assemblée nationale le 2 juin 2016, vise à faciliter la mise en place des communes nouvelles en réglant plusieurs difficultés institutionnelles ou pratiques soulevées par leur création. S'ajoute également la récente annonce du Président de la République lors du dernier Congrès des Maires de prolonger jusqu'au 31 décembre 2016 les avantages financiers liés aux communes nouvelles, « pour ne pas briser cet élan », comme l'avait proposé initialement le Sénat lors du débat de la loi de finances initiale pour 2016.