UNE RÉPONSE QUI SE DÉCLINE À TROIS NIVEAUX

Au terme de six mois d'un travail intense, le groupe de travail propose des solutions de simplification à trois niveaux. Le premier, le plus évident, celui des simplifications législatives prioritaires, via une proposition de loi transpartisane portée par la Sénat (I). Mais, au travers de ses auditions comme de la consultation nationale, le groupe de travail a mis au jour des problématiques qui doivent faire l'objet de travaux complémentaires, soit qu'elles relèvent du Gouvernement en raison de la nature règlementaire des mesures à mettre en oeuvre, soit qu'elles impliquent une réflexion approfondie excédant le champ du groupe (II). Au-delà de ces recommandations qui, pour embrasser des champs parfois vastes n'en sont pas moins sectorielles, le groupe de travail a souhaité porter une réflexion sur la « fabrique des normes » pour contribuer à enrayer la dynamique normative qui semble parfois plus rapide que toutes les tentatives de simplification (III).

I. UNE RÉPONSE LÉGISLATIVE IMMÉDIATE : UNE PROPOSITION DE LOI DE SIMPLIFICATION TRANSPARTISANE SUR L'URBANISME ET LA CONSTRUCTION

Les remontées issues de la consultation nationale insistent sur une demande forte de procédures plus rapides et de davantage de stabilité. La proposition de loi du groupe de travail est précisément bâtie autour de ces deux volets essentiels : accélérer la réalisation des projets locaux et stabiliser le droit , avec 25 mesures réparties en 7 chapitres : simplifications relatives à l'articulation et aux procédures d'évolution des documents d'urbanisme (A) ; aux opérations d'aménagement (B) ; à l'accélération et à la réduction du contentieux de l'urbanisme (C) ; au renforcement du dialogue entre les collectivités territoriales et l'État en matière de projets (D) ; à la protection du patrimoine (E) ; à la mutualisation des places de stationnement adaptées (F). S'y ajoute un chapitre de dispositions diverses (G).

Conjuguées aux dispositifs déjà existants qui, sous une forme ou une autre, aboutissent à une stabilisation, voire à une cristallisation du droit applicable aux porteurs de projet, comme par exemple le certificat d'urbanisme, aux mesures en cours de préparation par le Gouvernement, comme le permis environnemental unique et le certificat de projet rénové, ces mesures dessinent les contours d'un véritable rescrit en matière de projets locaux .

A. SIMPLIFIER L'ARTICULATION ET LES PROCÉDURES D'ÉVOLUTION DES DOCUMENTS D'URBANISME

Un premier axe structurant de la proposition de loi concerne la simplification et la stabilisation des documents d'urbanisme. Il doit offrir aux collectivités une meilleure visibilité et maîtrise de l'évolution de leurs PLU. Il doit aussi leur permettre de mieux appréhender les circonstances de passage à un urbanisme intercommunal

1. Assouplir l'articulation des documents de planification territoriale

La hiérarchie des normes d'urbanisme avec, notamment, la notion de compatibilité des documents inférieurs aux documents supérieurs aboutit, telle qu'elle est conçue, à un alourdissement de la procédure d'élaboration des documents d'urbanisme inférieurs et surtout à leur instabilité chronique, sans du reste garantir une sécurité juridique satisfaisante. C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs ont souhaité proposer de nouveaux mécanismes plus souples qui respectent davantage la politique urbaine des collectivités tout en fiabilisant l'articulation entre les documents d'urbanisme.

a) Une hiérarchie des normes d'urbanisme aujourd'hui conçue de façon trop rigide

Le code de l'urbanisme prévoit une articulation des documents d'urbanisme sous la forme d'une obligation de compatibilité ou de prise en compte devant intervenir dans des délais stricts (un an ou trois ans, en cas de révision). Si elle est indispensable pour assurer la cohérence des documents de planification, cette obligation de compatibilité ou de prise en compte des documents supérieurs est cependant, sous sa forme actuelle :

1. Un facteur d'alourdissement et de renchérissement considérables de la procédure d'élaboration des documents d'urbanisme inférieurs et singulièrement des PLU ;

2. Une cause d'instabilité chronique pour les documents inférieurs qui doivent être modifiés ou révisés à intervalles rapprochés pour « suivre l'évolution », souvent désynchronisée, des documents supérieurs. Actuellement, chaque changement d'un document supérieur peut potentiellement contraindre à la révision du PLU en cas d'incompatibilité. En cas de changement en série des documents supérieurs (par exemple changement du schéma de cohérence territoriale (SCOT) l'année N, du plan de déplacements urbains (PDU) l'année N+1, du programme local de l'habitat (PLH) l'année N+2), les communes peuvent ainsi être amenées à procéder à des modifications ou des révisions en chaîne de leur PLU.

Le groupe de travail a donc souhaité faire des propositions pour limiter l'impact déstabilisateur de la hiérarchie des normes, stabiliser le contenu des PLU et donner de la prévisibilité sur leur calendrier d'évolution en évitant :

- que les PLU soient entraînés dans des révisions/modifications en chaîne, ponctuelles et successives, pour coller à l'objectif de compatibilité avec les documents supérieurs ;

- qu'à l'occasion d'une mise en compatibilité imposée par l'évolution du SCOT, du PLH ou du PDU, on ouvre la boîte de Pandore de la révision et qu'on remette en question les fondements du projet urbain. La révision rendue nécessaire pour une mise en compatibilité avec les documents supérieurs devrait en effet se limiter aux seuls changements nécessaires à cette mise en compatibilité.

b) Vers des mécanismes de mise en compatibilité plus souples et moins perturbants pour les PLU

La solution proposée par le groupe de travail comprend plusieurs aspects.

Il est proposé en premier lieu d' établir, tous les trois ans, un temps d'analyse qui permettrait à chaque collectivité d'analyser son PLU afin de déterminer s'il doit être rendu compatible avec les documents supérieurs . Il ne s'agirait pas d'une évaluation globale de l'application du PLU telle que prévue à l'article L. 153-27, mais d'une analyse conduite sous l'angle exclusif de la compatibilité du PLU.

C'est le constat d'une incompatibilité éventuelle du PLU, à l'occasion de cette analyse triennale, qui marquerait le moment où s'impose l'obligation de mise en comptabilité. Ainsi, toutes les évolutions du PLU liées à la hiérarchie des documents d'urbanisme interviendraient selon un calendrier triennal connu d'avance, car propre au PLU, au lieu de dépendre des calendriers d'évolution, souvent désynchronisés, des documents supérieurs sur lesquels la commune ou l'EPCI compétent n'a aucune maîtrise. De la sorte, il en serait fini des procédures de mise en compatibilité engagées au fil de l'eau, sans possibilité d'anticiper pour les communes ou les intercommunalités : toutes les modifications nécessaires seraient regroupées dans une seule et même procédure .

C'en serait fini également du scandale des PLU qui, à peine élaborés ou révisés, doivent engager une nouvelle procédure de révision parce que l'évolution d'un document supérieur a ouvert un délai impératif de mise en compatibilité. Avec le nouveau dispositif, un PLU nouveau ou complètement révisé serait assuré d'une période de stabilité de trois ans avant que ne s'ouvre une éventuelle procédure de révision .

Un autre avantage doit être souligné : le nouveau mécanisme contribuera à mieux garantir la légalité des documents d'urbanisme . À l'heure actuelle en effet, lorsqu'un document supérieur entre en vigueur, il fait courir immédiatement un délai impératif de mise en compatibilité. Cependant, en réalité, ni les gestionnaires des documents supérieurs, ni ceux des PLU et encore moins les services de l'État ne sont en mesure d'apprécier l'impact réel de l'évolution de ce document sur les PLU. Par conséquent, nombre de PLU deviennent incompatibles avec un document supérieur sans qu'on en prenne immédiatement conscience, avec les risques contentieux que cela suppose. L'institution d'un rendez-vous triennal d'analyse de la compatibilité des PLU permettra de s'assurer de la cohérence des documents d'urbanisme et de sécuriser juridiquement les PLU.

La nouvelle procédure aurait également le mérite d'assouplir le délai de mise en compatibilité entre le PLU et les documents supérieurs, puisque l'on passe d'un délai de rigueur de 3 ans actuellement à un délai adapté à la situation de la collectivité, qui serait compris entre 3 et 6 ans. En effet, les délais pour mettre le PLU en compatibilité avec les documents supérieurs sont maintenus à trois ans, mais sont décomptés, dans le nouveau dispositif proposé, à partir du moment où, suite à l'analyse triennale, la décision d'engager une évolution du PLU est prise par l'EPCI ou la commune - et non plus à compter de l'entrée en vigueur du document supérieur. Évidemment, cela n'empêcherait pas que, pour une raison d'intérêt général, puisse être réalisée une mise en compatibilité via un projet d'intérêt général (PIG) ou une PIL en dehors de ce calendrier triennal. Cela n'empêche pas non plus la commune ou l'EPCI de procéder, s'ils le souhaitent, à une mise en compatibilité avant le délai des trois ans.

Enfin, en complément de la procédure d'analyse triennale et de l'assouplissement des délais de compatibilité, il est proposé de créer une procédure de mise en compatibilité du PLU plus légère que la procédure de révision actuellement utilisée pour mettre en compatibilité un PLU avec un document supérieur, de manière à éviter qu'elle ne prenne trop de temps et qu'elle ne conduise incidemment à une refonte du PLU. Cette procédure ne se substituerait pas aux autres : une commune aurait le choix, lorsqu'elle doit mettre son PLU en compatibilité, entre les mécanismes de révision ou de révision simplifiés qui existent déjà.

2. Mieux maîtriser les circonstances de passage à un urbanisme intercommunal

En application de la rédaction actuelle de l'article L. 153-2 du code de l'urbanisme, lorsqu'une commune fait partie d'une intercommunalité qui possède la compétence PLU, le déclenchement d'une révision simplifiée du PLU de cette commune déclenche automatiquement l'élaboration d'un PLU intercommunal.

Autrement dit, un changement finalement assez minime des règles d'urbanisme sur le territoire d'une commune a pour conséquence de faire passer toute une intercommunalité au PLU intercommunal. Par exemple, dans le droit actuel, une révision simplifiée est nécessaire en cas d'installation d'un équipement collectif en zone A ou N lorsque cet équipement compromet l'activité agricole, pastorale et forestière exercée sur le terrain d'assiette. Ainsi, pour réduire une zone agricole de quelques centaines de mètres carrés, les règles actuelles obligent une intercommunalité entière, parfois de plusieurs dizaines de milliers d'habitants ou plus, à engager l'élaboration d'un PLU intercommunal. Il existe donc une disproportion manifeste entre le fait générateur et la conséquence.

Le passage à un PLU intercommunal doit résulter d'une décision forte et non pas dépendre d'un événement incident minime.

Conséquence supplémentaire du droit actuel dans notre exemple : le projet d'installation de l'équipement collectif serait bloqué pour plusieurs années, le temps d'élaborer le PLU intercommunal...

Il est donc proposé que la révision simplifiée d'un PLU communal ne soit plus un motif de passage au PLU intercommunal. Seule une révision pleine et entière d'un PLU communal, c'est-à-dire une révision touchant aux orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), déclencherait l'élaboration d'un PLU intercommunal dans les EPCI compétents en matière de PLU. Cela suppose de modifier en conséquence l'article L. 153-2 du code de l'urbanisme.

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