B. L'INTÉGRATION ADMINISTRATIVE DU FSV AU SEIN DE LA CNAV SUSCITE DES RÉSERVES
1. Ce que prévoit le décret du 7 octobre 2015
Le décret du 7 octobre 2015 70 ( * ) modifie l'ensemble des articles réglementaires du code de la sécurité sociale concernant le FSV (art. R. 135-1 à R. 135-16-7, R. 351-12, D. 634-2 et D. 815-9).
L'article R. 135-8 dispose désormais que :
« La gestion administrative, financière et comptable du fonds donne lieu à une convention entre le fonds et la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. Cette convention (...) précise la nature des tâches réalisées pour le compte du fonds ainsi que les modalités de remboursement des frais correspondants (...).
« Dans le cadre de la gestion assurée par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (...), l'agent comptable de cette caisse assure les fonctions d'agent comptable du fonds. Pour l'exercice de cette mission, les comptes du fonds sont tenus de manière séparée de ceux de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et de la branche vieillesse du régime général. »
Outre l'intégration du FSV à la Cnav, le décret prévoit la fusion des postes de président du conseil d'administration (occupée jusqu'alors à titre gracieux par un magistrat de la Cour des comptes) et de directeur général . Aux termes de l'article R. 135-7 modifié, le président du conseil d'administration reprend l'intégralité des attributions du directeur dont la fonction disparaît. Le décret du 7 octobre spécifie le rôle du Président pour établir, « sur la base des éléments qui lui sont transmis par les régimes, administration ou services concernés, un rapport annuel sur le contrôle interne des opérations que le fonds prend en charge ». Alors que le projet de mise en place d'un contrôle interne avait été suspendu faute de pouvoir être approuvé par le conseil d'administration, cet ajout semble bienvenu.
Le décret précise également certaines modalités de calcul des prises en charge de cotisations et de prestations. Les dispositions relatives à ces modalités sont d'ores et déjà appliquées par le fonds.
Ce n'est pas encore le cas pour les dispositions liées à la gouvernance . Une discussion est en cours entre le fonds, ses administrations de tutelle et la Cnav pour élaborer les termes de la convention. Dans un contexte de baisse des dépenses de gestion des organismes de sécurité sociale, cette convention doit être l'occasion de réduire les coûts du FSV.
Une réduction de la masse salariale est en effet attendue. Jusqu'à présent, le FSV se composait d'une équipe de six équivalents temps plein (ETP), sur les neuf qui lui étaient affectés, et d'un agent comptable intervenant en adjonction de service. Leurs missions se concentraient essentiellement autour de quatre séries de tâches :
- la prévision, le suivi et le contrôle des dépenses ;
- les opérations et le suivi de la trésorerie, le contrôle et l'ordonnancement des recettes. Le FSV est ainsi en relation avec 22 régimes de retraite qui lui facturent des dépenses ainsi qu'avec l'Acoss et le Trésor public pour la prévision de ses recettes ;
Source : FSV
- les études, la gestion des données et l'information des tutelles et des partenaires ;
- la comptabilité du fonds.
En intégrant administrativement le FSV à la Cnav, le Gouvernement espère limiter le nombre d'agents affectés au FSV à un ou deux ETP dont le président. Une mutualisation des tâches des agents supprimés semble possible au sein de la Cnav. Vos rapporteurs attirent l'attention du Gouvernement sur les conséquences de cette mesure concernant le personnel du FSV. En tant qu'organisme de sécurité sociale, le FSV emploie des salariés de droit privé qui ne peuvent être statutairement affectés dans une autre caisse. En cas de refus de certains agents de rejoindre la Cnav, des procédures de reclassement, voire des licenciements, devraient être envisagés.
Une réduction des frais immobiliers pourrait également être un levier d'économie. Le siège du FSV, où se sont déplacés vos rapporteurs pour leur audition avec les représentants du fonds, est situé rue Villaret de Joyeuse dans le 17 e arrondissement de Paris. Ces locaux sont loués auprès de la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN). Un déménagement du FSV dans des locaux appartenant à la Cnav pourrait être envisagé.
Actuellement, le coût de gestion du fonds est de 1,1 million d'euros par an, répartis à 82 % pour les salaires et 8 % pour la location des bureaux.
2. Des mesures contestées
Ce décret a suscité des critiques tant sur la méthode que sur le fonds.
L'absence de concertation des acteurs concernés par cette réforme a tout d'abord été vivement critiquée. Les membres du comité de surveillance du FSV n'ont pas été tenus informés du projet de décret y compris de façon informelle. Le conseil d'administration de la Cnav, obligatoirement consulté pour tout projet de décret concernant la caisse, a très majoritairement exprimé un avis négatif. Son président, Gérard Rivière, s'en est expliqué devant votre commission lors de son audition sur le PLFSS pour 2016 : « La Cnav n'a pas été consultée sur l'intégration du FSV. (..) La consultation du conseil d'administration sur le projet de décret a abouti à un avis très largement négatif, avec une cohésion peu courante de l'ensemble des représentants des partenaires sociaux sur ce point ». Le décret est perçu comme entraînant une « confusion des missions (...) entre celles relevant de la contributivité, financées par des cotisations assises sur la masse salariale, et celles relevant de la solidarité nationale, qui ne sont pas de la compétence de la Cnav » 71 ( * ) .
Sur le fond , cette intégration administrative suscite trois séries d'interrogations.
La première tient à l'absence de cohérence de cette réforme de rapprochement du FSV et de la Cnav avec la volonté de cloisonner les dépenses entre le domaine de la solidarité et celui du contributif à la suite de l'arrêt de Ruyter . Votre rapporteur a d'ailleurs déjà eu l'occasion de souligner le caractère « surprenant » 72 ( * ) de cette intégration. La convention devra préciser de façon non équivoque les termes de la séparation des comptabilités ainsi que de toutes les opérations comptables en particulier entre le FSV et la Cnav. Le risque d'une Cnav « juge et partie » n'est en effet pas à exclure en particulier pour la mise en oeuvre des procédures de contrôle interne destinées à vérifier les factures transmises par l'ensemble des régimes de retraite.
La deuxième tient aux réserves des rapporteurs quant à l'ampleur des économies réellement envisageables . D'après les informations obtenues lors de leurs auditions, les tâches menées par les agents du FSV n'ont pas forcément leur équivalent au sein des services de la Cnav. Il n'est donc pas exclu que la suppression des postes du FSV ne soit en réalité supportée par la Cnav à la charge de laquelle pèsera cette réduction des effectifs. A court terme, cette intégration pourrait même générer des dépenses supplémentaires liées par exemple aux aménagements comptables et informatiques auxquels la Cnav devra procéder pour assurer la gestion du FSV. Des frais pourraient également intervenir pour liquider la procédure de rupture du contrat liant le FSV au cabinet d'expertise certifiant ses comptes.
Enfin, cette intégration interroge sur la volonté de maintenir existante la distinction entre les domaines contributif et non contributif . Les partenaires sociaux ont exprimé leur vigilance sur ce point. La gestion des dépenses de solidarité par la principale caisse du domaine contributif ne contribue pas à renforcer cette distinction à laquelle vos rapporteurs sont très attachés.
* 70 Décret n° 2015-1240, déjà cité.
* 71 Audition du 14 octobre 2015, voir compte-rendu annexé au tome V du rapport de votre commission sur le PLFSS pour 2016, p. 19. Déjà cité.
* 72 Dans son rapport sur le PLFSS pour 2016, p. 18.