III. LA FOURNITURE ÉNERGÉTIQUE
A. LA PRODUCTION D'HYDROÉLECTRICITÉ
1. L'eau, première énergie renouvelable nationale
a) Une production énergétique respectueuse du climat
L'hydroélectricité exploite la force de l'eau pour produire de l'électricité. Du petit torrent au lac de barrage, elle fait appel à différentes techniques adaptées à chaque site selon la hauteur de chute et le débit de la rivière. La production d'électricité est décentralisée et opérée soit par des particuliers, soit par des collectivités locales ou des entreprises.
L'hydroélectricité a fait l'objet, depuis le XIX e siècle, d'un programme d'équipement des fleuves et rivières français, qui permet à notre pays de disposer du deuxième parc installé en Europe, après celui de la Norvège. Elle constitue la deuxième source d'énergie électrique en France derrière le nucléaire et représente la première source d'énergie renouvelable . Souple, non émettrice de gaz à effet de serre, l'hydroélectricité complète aujourd'hui la production d'origine nucléaire et sécurise le système national, ses grandes usines permettant d'ajuster rapidement la production aux fluctuations de la demande électrique.
b) Une production multiforme
La direction générale de l'énergie et du climat précise, dans son rapport sur l'industrie en 2011 : « L'ensemble des barrages permet de stocker environ 7 500 milliards de litres pour utiliser cette source d'énergie aux moments de plus forte consommation, faisant de cette énergie une ressource essentielle pour la sécurité du réseau. »
L'hydroélectricité est une énergie décarbonée : son exploitation n'émet pas de gaz à effet de serre. En venant remplacer des centrales thermiques à flamme, ce sont près de 18 millions de tonnes de CO 2 qui ne sont pas émises dans l'atmosphère grâce à l'hydroélectricité.
La production d'électricité d'origine hydraulique participe également à l'atteinte des objectifs européens et nationaux prévus par la directive européenne et par le Grenelle de l'environnement sur les énergies renouvelables, en vertu desquels 23 % de l'électricité devront être produits à partir de sources d'énergie renouvelable d'ici à 2020.
Entre les grands barrages hydroélectriques et le petit équipement hydraulique, la différence est de taille . Les centrales de la petite hydroélectricité se caractérisent par une puissance installée inférieure à 12 mégawatts.
Bourganeuf, ville lumière Bourganeuf fut l'une des premières villes de France à être éclairée à l'électricité. C'est en 1886 que cette sous-préfecture creusoise de quatre mille habitants passe de l'éclairage des lampes à « huile de roche » à la lumière électrique. Avec l'aide d'un ingénieur parisien, Ernest Lamy, qui apporte son savoir-faire et crée la première « concession pour la lumière électrique », une dynamo, animée par une roue à augets, produit un courant continu de 110 volts capable d'allumer soixante ampoules dans la ville. En 1887, le débit du ruisseau n'étant plus suffisant, des aménagements (conduite forcée, turbine) sont effectués. Mais la consommation ne fait que grandir et la concession doit trouver une source d'énergie hydraulique suffisante pour répondre au cahier des charges. Après un an de travaux, l'usine produira un courant de 5 000 volts transformé en 110 volts à son arrivée à Bourganeuf. La cité entre de plain-pied dans le XX e siècle en devenant la première ville européenne à être totalement éclairée par transport d'énergie à distance. |
La production hydroélectrique en année moyenne s'élève à 68 térawattheures, soit entre 12 % et 14 % de la production totale d'électricité toutes sources d'énergie confondues. La petite hydroélectricité, qui concerne un peu plus de deux mille centrales de petite puissance réparties sur 250 000 kilomètres de rivières, produit environ 10 % de ce pourcentage 96 ( * ) .
En fonction de la configuration du terrain, on distingue trois grands types d'installations, l'utilisation de la force motrice de l'eau pouvant s'envisager soit « au fil de l'eau », soit à partir de retenues obtenues par des barrages :
• les centrales au fil de l'eau , également nommées « basse chute », sont majoritairement de petite taille. Situées sur les fleuves, fonctionnant sous de très faibles hauteurs de chute, elles ne disposent pas de possibilité de stockage et produisent au gré des débits du cours d'eau, de façon continue. Elles fournissent une électricité de base et ne jouent aucun rôle de régulation mais assurent plus de la moitié de la production hydroélectrique française. Certains ouvrages peuvent atteindre des puissances importantes : ceux qui sont disposés sur le Rhône et le Rhin fournissent près des deux tiers de la production au fil de l'eau pour seulement une trentaine d'ouvrages ;
• les usines de haute chute (ou usines de lac) et les usines de moyenne chute (ou usines d'éclusée) sont implantées sur les cours d'eau à pente forte, dans les régions de moyenne ou de haute montagne. La chute d'eau va de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de mètres. Le dénivelé est important entre le barrage qui retient l'eau et l'usine. Le lac de retenue est alimenté par les torrents, la fonte des neiges et des glaciers, les pluies du printemps. Ces aménagements disposent d'une retenue d'eau leur permettant de stocker celle-ci afin de la turbiner aux périodes de plus forte demande ;
• les stations de transfert d'énergie par pompage sont des centrales de pompage-turbinage utilisant un réservoir en amont et un réservoir en aval. Pendant les heures creuses, l'eau est pompée de la retenue inférieure vers la retenue supérieure, pour être ensuite turbinée dans le sens inverse pendant les heures de pointe. La France totalise une dizaine d'installations de ce type. Ces centrales au rendement global de l'ordre de 75 % produisent environ 5 térawattheures par an.
2. L'hydroélectricité exerce-t-elle une captation de la ressource ?
En constituant des réserves d'eau, on peut dire que l'hydroélectricité préempte les ressources disponibles qu'elle retient et dont elle entrave la circulation .
En contrepartie, des conventions sont mises en place entre EDF et les différents acteurs afin de leur assurer, grâce à des lâchers d'eau, la mise à disposition d'une partie de la ressource au moment où celle-ci leur est la plus nécessaire, notamment en été : auprès des agriculteurs pour l'irrigation, auprès des pêcheurs pour soutenir le débit des rivières, auprès des associations de sports d'eau vive pour la pratique d'activités ou auprès des stations de ski pour l'enneigement artificiel. Elle agit donc aussi en agent de régulation.
On peut néanmoins s'inquiéter, pour l'avenir, des nouvelles attributions de concessions, dont l'affectation au secteur privé pourrait compliquer cette coopération 97 ( * ) . D'autant que celle-ci n'est pas gratuite : le lâcher d'eau en soutien d'étiage est une opération facturée, bien qu'elle permette, au passage des turbines, de produire de l'électricité vendue au consommateur.
* 96 Audition de France Hydro Électricité, syndicat professionnel représentant la petite hydroélectricité - 30 juin 2015.
* 97 Voir pages 114 et 115.