EXAMEN EN COMMISSION
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M. Pierre-Yves Collombat , co-rapporteur . - Cette communication sera brève dans la mesure où peu d'éléments nouveaux sont apparus depuis mon rapport pour avis sur les crédits alloués à l'administration générale et territoriale de l'État par le projet de loi de finances pour 2016. D'une part, nous n'avons pour l'instant effectué qu'un seul déplacement dans le cadre de la mission de contrôle et de suivi des dernières lois de réforme des collectivités territoriales, à Dijon et Besançon. D'autre part, les fusions en cours n'ont pas encore produit tous leurs effets.
À ce stade, il s'agit surtout de se demander quels sont les défis auxquels l'administration territoriale doit faire face.
En premier lieu, elle doit faire coïncider son organisation avec le nouveau découpage. Or, la réorganisation a, bien entendu, débuté avant le redécoupage : espérons donc que tout cela coïncidera.
Par ailleurs, l'État a fait le choix de prévoir une organisation régionale déconcentrée, avec un éparpillement des services sur plusieurs sites. Du point de vue de l'aménagement du territoire, cela se comprend, mais cela engendrera des dysfonctionnements, c'est inévitable. Pour les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR), le choix a été fait de tout unifier au niveau du chef-lieu régional : les SGAR des chefs-lieux supprimés ont donc disparu. Le Gouvernement a ainsi admis qu'une partie des personnels des SGAR, affectés dans les chefs-lieux ayant disparu, vienne renforcer les effectifs des autres services. En revanche, les directions régionales sont réparties sur plusieurs sites et au sein de chaque direction, les différents services sont également éparpillés. Cela ne va pas être simple à gérer. On nous présente l'informatique comme le miracle qui assurera le bon fonctionnement de cette organisation multi-sites, mais je m'interroge sur le fonctionnement des services à l'avenir. Il faudra penser l'organisation en conséquence et je crains que des difficultés apparaissent au quotidien.
Mon premier sentiment face à cette situation, c'est la grande souplesse, pour une fois, de l'État. Les personnels que nous avons rencontrés n'ont pas manifesté de désaccords, mais le plus difficile reste à faire. Si l'on continue à dégraisser l'administration territoriale, en parallèle de la réorganisation des services liée au redécoupage, comment ces multi-sites vont-ils fonctionner ? Le challenge est devant nous...
M. Philippe Bas , président . - Lorsque les départements ont été créés, on ne s'est pas interrogé pour savoir s'il fallait répartir les services du représentant de l'État sur différents sites. Le pouvoir local doit aussi être centralisé, sinon c'est au détriment de l'efficacité. La disparition de l'organisation centralisée de l'administration territoriale n'est que partiellement compensée par la dématérialisation des procédures, qui ne permet pas un échange d'informations complet. L'importance des kilomètres à parcourir constitue un frein à l'efficacité des services.
Mme Cécile Cukierman . - La réorganisation de l'administration territoriale nous inspire trois remarques.
En premier lieu, des difficultés apparaitront inévitablement du fait du choix unilatéral de l'État de positionner des services régionaux sur plusieurs sites. Les différents services d'une même direction doivent collaborer alors qu'ils sont situés sur des lieux éloignés.
Ensuite, le numérique ne règle pas tout. Les visioconférences font gagner du temps mais l'aspect humain y est moins satisfaisant, d'autant que certaines visioconférences ne sont pas encore au point techniquement.
Enfin, concernant les agents, toutes les conséquences ne sont pas encore perceptibles. Je ressens de l'inquiétude : il n'y a ni rejet, ni acceptation, de la réforme territoriale en cours car on ne dispose pas encore d'une vision complète de toutes les conséquences qu'elle engendrera sur les conditions de travail des agents. On est donc dans une période d'incertitude, ce qui est facteur d'inquiétude.
M. François Grosdidier . - Je ne partage pas l'avis du président et du rapporteur sur la répartition des services régionaux. Sur des territoires parfois très grands, paradoxalement, il faut parfois renforcer l'échelon départemental pour gagner en efficacité. Je ne suis pas convaincu par exemple, dans une période où nous cherchons à faire des économies, que regrouper tous les services dans les grandes agglomérations, où l'immobilier est le plus cher, soit la démarche la plus pertinente...
M. Pierre-Yves Collombat , co-rapporteur . - Les différentes interventions m'inspirent deux remarques. La problématique n'est pas tant la répartition des directions que celle des services à l'intérieur d'une même direction. Quant aux personnels, ils ont davantage une attitude résignée qu'ils n'expriment du consentement à l'égard de cette nouvelle organisation.
M. Philippe Bas , président . - Je vous remercie. Nous entendrons, en complément, la communication de MM. Darnaud et Vandierendonck la semaine prochaine.
M. Mathieu Darnaud , co-rapporteur . - J'interviendrai sur la question de l'intercommunalité et des communes nouvelles. S'agissant de l'intercommunalité, les schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) vont être arrêtés fin mars. À la suite des auditions de l'Association des maires de France et de l'Assemblée des communautés de France et de notre déplacement en Bourgogne-Franche-Comté, nous avons pu établir plusieurs constats. Le premier est celui de la disparité des cartes intercommunales. Dans certains départements, comme le Bas-Rhin ou la Loire-Atlantique, cette carte est aboutie, les intercommunalités étant relativement développées. A contrario , dans le Doubs, où nous nous sommes déplacés, la plupart des intercommunalités sont peu importantes, avec 25 intercommunalités sur 30 regroupant moins de 15 000 habitants. Deux raisons peuvent expliquer ces disparités. Tout d'abord, l' affectio societatis : selon les territoires, des habitudes, des relations se sont tissées au fil du temps, ce qui a abouti naturellement à la constitution d'intercommunalités. Ensuite, la différenciation territoriale : la culture intercommunale est plus ou moins prégnante selon les parties du territoire. Ainsi, le fait intercommunal est plus développé dans les régions de l'Ouest que dans celles du Sud-Est.
Dans le cadre de la loi NOTRe, le Sénat a baissé le seuil minimal de constitution des EPCI par rapport au seuil initial proposé par le Gouvernement en l'assortissant d'un système dérogatoire afin de prendre en compte l'hyper ruralité, les zones de montagne, tout en respectant les bassins de vie. Cette dernière notion a d'ailleurs été très discutée : il faudra comparer la réalité de ces bassins de vie avec les périmètres des intercommunalités telles que proposées dans les schémas.
Ce qui nous préoccupe, c'est l'application très hétérogène des dérogations. Certains préfets n'ont pas appliqué les dérogations que nous avons votées. C'est pourquoi, dans ces territoires, les élus ont fait valoir ces principes dérogatoires pour obtenir des tailles d'intercommunalité plus réalistes par rapport à la densité et à la taille du territoire.
Cela ne va pas sans poser de problème. On constate des écarts très significatifs, avec des regroupements de 210 communes dans la Manche, 205 dans le Pas-de-Calais ou une fusion de 10 intercommunalités dans les Pyrénées-Atlantiques.
Concernant la méthode, on constate aussi d'importantes variations. Certains préfets ont opté pour le « bloc à bloc », c'est-à-dire le regroupement d'intercommunalités déjà existantes, d'autres ont repensé complètement la carte de l'intercommunalité, en cassant des intercommunalités existantes.
On assiste également à la constitution d'intercommunalités qualifiées de « XXL ». Ce phénomène peut être vécu positivement quand il est souhaité par les élus, mais il peut être également très anxiogène dans certains territoires, notamment ruraux, car la question de la gouvernance se pose. Comment la commune peut-elle exister dans ces grandes intercommunalités ? Des questions se posent également dans le domaine de l'ingénierie. Concernant le regroupement au sein des territoires ruraux, un outil porte la marque du Sénat : c'est le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR). Il est utilisé avec une relative parcimonie. Il permet pourtant d'accepter un périmètre de coopération large, sans pour autant mettre en place tout de suite une communauté d'agglomération voire une communauté urbaine. Il permet une adaptation progressive vers une intercommunalité plus intégrée.
Un autre point a été régulièrement soulevé par nos interlocuteurs : la rapidité avec laquelle les choses doivent se mettre en place, ce qui génère une réelle inquiétude chez les élus, notamment dans le cas de fusions de communautés de communes, qui s'accompagne d'une réflexion sur les compétences, ce qui pose difficulté. Pour répondre à cette inquiétude, certains proposent de retarder l'entrée en vigueur des SDCI. Dans certains territoires, on constate de réelles difficultés, notamment pour les compétences lorsqu'il y a fusion entre des intercommunalités rurales et urbaines. Dans ce contexte, la proposition de loi de M. Mézard, qui vise à rallonger dans certains cas le délai de mise en place des nouvelles intercommunalités, dans le respect des schémas départementaux qui vont être arrêtés, trouve tout son sens.
Une des principales conséquences de la révision de la carte intercommunale est la montée en puissance des communes nouvelles. Dans le Doubs, de quelques projets, on est passé quand le préfet a fait le premier rendu de son schéma, à 50 projets sur 600 communes. À l'échelle nationale, ce sont 340 communes nouvelles, concernant 1 160 communes, qui ont été créées. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Il y a tout d'abord, avec la mise en place d'intercommunalités de plus en plus importantes, un sentiment de déclassement, et la commune nouvelle permet d'être mieux représentée au sein de ces dernières. Ensuite, il est parfois techniquement difficile de mettre en place une intercommunalité, car certaines communautés de communes intègrent beaucoup de compétences, et la commune nouvelle est un élément facilitateur pour tendre vers un regroupement intercommunal. En tous cas, on constate que l'incitation financière est loin d'être toujours le fait générateur de ces regroupements.
Pour conclure, l'une des conséquences de la révision de la carte intercommunale est la montée en puissance des communes nouvelles, qui n'était pas attendue. Nous constatons également qu'il est nécessaire de laisser l'initiative au terrain et aux territoires, partant notamment de l'affectio societatis , qui permet de constituer des intercommunalités qui fonctionnent à la fois en termes de gouvernance et de montée en puissance sur les compétences.
M. René Vandierendonck , co-rapporteur . - Lors de notre déplacement en Bourgogne-Franche-Comté, nous avons pu apprécier l'exemple d'une fusion de régions réussie, en raison d'une volonté politique préexistante à la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions. Les milieux économiques portaient aussi ce projet depuis longtemps.
Les directeurs généraux des services des deux régions fusionnées ont cependant regretté que l'État se soit montré peu présent dans la préparation de cette fusion. La mise en place des services de la nouvelle région s'est organisée de façon originale. Aucun des deux directeurs généraux des services n'a accédé à cette même fonction dans la région fusionnée. En attendant la nomination du nouveau directeur général, chacun a exercé des attributions fonctionnelles sur le périmètre territorial de la nouvelle région, l'un chargé du rapprochement des politiques publiques des deux régions, l'autre des questions de ressources humaines. Les représentants syndicaux nous ont indiqué que les personnels acceptaient le principe de la fusion tout en exprimant certaines inquiétudes. Ainsi, si les droits acquis sont maintenus, il apparaît que la cohabitation de différents statuts pour des personnels effectuant les mêmes tâches pose question. La mission prioritaire de la nouvelle directrice générale des services, Mme Valérie Chatel, sera de réussir le pacte social, étape indispensable pour la suite.
Se pose aussi la question de la territorialisation de l'action publique régionale. Dans certaines régions, les départements défendent une position unitaire dans le nouvel espace régional. Dans d'autres régions, les départements souhaitent exercer les seules compétences obligatoires que leur attribue la loi NOTRe. D'autres départements, au contraire, souhaitent continuer à exercer leurs anciennes compétences au titre de la solidarité territoriale, en particulier pour aider les territoires ruraux, ce qui fait écho à l'article de notre ancien collègue Jean-Jacques Hyest sur la différenciation territoriale. Le Sénat a eu à coeur de permettre la conclusion de conventions pour la délégation de compétences aux départements et aux intercommunalités. Les aides aux entreprises relèvent maintenant de la compétence des régions mais peuvent être confiées par convention aux départements ou aux intercommunalités. Les personnes que nous avons rencontrées en Bourgogne-Franche-Comté ont salué la clarification des compétences entre les différents échelons et la souplesse contractuelle adoptée à l'initiative du Sénat. Notre collègue Pierre-Yves Collombat, rapporteur délégué de la mission, a présenté la semaine dernière l'organisation des services de l'État afin de territorialiser leur action et leur synchronisation avec les services de la région. Même en présence d'une affectio societatis ancienne, il faudra un certain temps pour que la définition des politiques territoriales et la territorialisation correspondante produisent l'ensemble des effets escomptés. Les nouvelles régions ne reçoivent aucun soutien budgétaire particulier de la part de l'État, c'est la préoccupation que nous pouvons relayer, alors qu'elles doivent faire face à de nombreux défis. Dans la nouvelle région Bourgogne-Franche-Comté, la durée du mandat sera nécessaire pour réussir la fusion et la territorialisation de ses politiques.
Enfin, à noter aussi que l'idée d'un pôle métropolitain - sorte d'« auberge espagnole » où tout le monde peut trouver ce qu'il souhaite - entre Dijon et Besançon est dans les esprits, pour mettre un terme à la rivalité entre les deux villes. En théorie, c'est un projet séduisant mais sur la base d'un concept plutôt fluctuant.
M. Philippe Bas , président . - Nous remercions les rapporteurs pour leur investissement personnel. Sans surprise, les grandes régions se mettent en place progressivement et gèrent dans un premier temps leurs problèmes propres. Il est vrai que les régions ne montrent aucun empressement à recueillir des compétences, peu nombreuses, qui leur seraient transférées par les départements et qui ne les intéressent guère. De plus, ces compétences, comme les transports scolaires, étaient exercées différemment d'un département à l'autre, ce qui pose aux régions des problèmes d'harmonisation redoutables. Il y a des surprises en ce qui concerne les dispositions de la loi NOTRe en matière d'intercommunalité. Nous avons concentré le débat parlementaire sur le nombre d'habitants minimal de constitution d'une communauté de communes. Or la vraie question était celle de la procédure : malgré le seuil abaissé de 15 000 habitants pour lequel nous nous sommes beaucoup battus, les préfets ont été libres, voire incités, à utiliser l'instrument du regroupement dans le milieu rural pour y constituer des intercommunalités de 100 000 ou 200 000 habitants, dans des périmètres qui ne correspondent en aucun cas à des bassins de vie. Mais la procédure, telle que nous l'avons reproduite à partir de la loi de 2010, autorisait les préfets à établir des projets de schéma départemental de coopération intercommunale qui ne comportaient aucune limite en matière de périmètre territorial des regroupements. Il est très difficile ensuite d'en sortir car le projet de schéma a des implications juridiques très fortes. Pour les modifier, il faut pour cela une majorité des deux tiers des membres des commissions départementales de coopération intercommunale qui ne sont pas toujours protectrices de la volonté démocratique des conseils municipaux. Nous devons être attentifs à la proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard qui vise à détendre le calendrier pour la mise en place de certaines intercommunalités car là où sont prévues de très grandes intercommunalités rurales, il faudra certainement, pour préserver la proximité des centres de décision, inciter les petites communes à se regrouper en communes nouvelles.
M. François Grosdidier . - La mission d'information n'a pas achevé ses travaux mais je reste pour l'instant sur ma faim. Au vu de la communication qui a été faite, il me semble qu'on ne tire aucun avantage de la réforme territoriale en cours : on cherche simplement des moyens de surmonter les difficultés qu'elle crée.
Une seule véritable question se pose : les fusions de régions vont-elles permettre de générer des économies ? On nous avait annoncé 16 milliards d'euros d'économies, j'ai au contraire l'impression que la perspective de quelconques économies s'éloigne.
La réforme territoriale a conduit à un allongement des circuits de décision. Pour la simple rénovation d'un lycée professionnel, par exemple, on doit traiter avec deux fois plus d'élus et tout administrer d'un échelon plus éloigné.
S'agissant du bloc communal, la réforme territoriale n'a pas réglé le principal problème de la réforme de la loi du 16 décembre 2010 : le seuil requis pour procéder à une modification du schéma départemental de coopération intercommunale, à savoir une majorité des deux tiers dans les CDCI. On atteint parfois les deux tiers des présents, mais c'est plus difficile d'atteindre les deux tiers des membres.
Je ne partage pas l'avis de notre collègue René Vandierendonck à propos des pôles métropolitains lorsqu'il les présente comme une auberge espagnole. Les pôles métropolitains peuvent constituer une bonne solution. Les intercommunalités doivent assumer le développement économique, donc elles ont intérêt à s'étendre sur un territoire suffisamment grand, afin de rendre leur action économique viable. Le revers de cette tendance à l'élargissement, c'est la naissance de structures intercommunales sur des territoires, pour partie ruraux et pour partie urbains, au sein desquels il est difficile d'exercer une compétence en matière de développement économique cohérente. Parfois, une intercommunalité de taille plus modeste combinée à un pôle métropolitain constitue une solution plus souple.
M. Pierre-Yves Collombat . - La procédure ne simplifie pas les choses, mais ce n'est pas l'origine du problème. On voit bien que la notion d'intercommunalité a pris deux sens : soit il s'agit d'un outil de gestion locale, soit d'une circonscription administrative qui agit comme un substitut au département, et selon les préfets, c'est l'une ou l'autre de ces versions qui triomphe. Certains préfets, ceux qui ne voulaient pas d'ennuis pour dire les choses clairement, ont tranquillement suivi la CDCI.
Beaucoup de communes nouvelles sont issues de la volonté de faire survivre des intercommunalités qui fonctionnaient bien, mais qui ont été contraintes de s'engager dans un processus de fusion. C'est une manière de faire survivre le consensus local sous forme de communes associées, déléguées, etc.
M. Alain Anziani . - Une remarque d'abord : on parle beaucoup du rôle prégnant des préfets dans l'élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale, mais il existe beaucoup de cas dans lesquels la majorité des deux tiers au sein de la CDCI a permis de modifier le projet de schéma et la position du préfet.
Une question ensuite : les rapporteurs pourraient-ils nous faire part de leurs commentaires sur les métropoles ?
Mme Cécile Cukierman . - Les rapporteurs peuvent-ils d'abord nous dire s'il existe des différences entre les fusions qui concernent deux régions et celles qui en concernent trois ?
Je souhaite ensuite faire part de l'inquiétude des personnels dans le cadre de ces fusions : ils sont dans l'incertitude et la fusion génère des contraintes fortes sur leur cadre d'activité.
Il existe par ailleurs un risque de perte de portée des politiques régionales sur des territoires à présent beaucoup plus étendus.
Concernant les CDCI, le seuil des deux tiers est difficile à actionner et conduit parfois à des rapports tendus. Cela ne donne pas toujours une belle image de la démocratie locale.
Je pense enfin qu'il y a un peu d'excès dans ce qui a été dit des pôles métropolitains. Ils permettent de travailler sur des projets larges et ont donc une utilité.
M. Jean-Pierre Sueur . - Premièrement, je suis satisfait des intercommunalités issues du travail des CDCI. Il fallait instaurer une taille intercommunale critique plus importante et la mettre en oeuvre. Deuxièmement, il faut retravailler le phénomène métropolitain. L'idée de pôle métropolitain, qui est une belle idée, mériterait d'être repensée.
M. Jacques Bigot . - J'ai deux observations à formuler.
Vous avez d'abord souligné, Monsieur le Président, que le préfet peut imposer des stratégies de regroupement. Mais il faut dire que ce sont parfois des stratégies partagées par les élus. Dans mon département, trois fusions ou regroupements d'intercommunalités sont programmés. Le seuil des deux tiers n'a pas été obtenu dans toutes les CDCI concernées et je dois dire que l'esprit intercommunal a parfois été absent des échanges.
Ensuite, je ne voudrais pas que la décentralisation conduise paradoxalement à un phénomène de recentralisation, au travers de l'action des préfectures dans les territoires... Quel est le poids du préfet de région dans cette nouvelle gouvernance ?
M. Patrick Masclet . - Je partage la présentation faite par les rapporteurs. J'ai le sentiment que les schémas sont globalement acceptés, même si le sujet des intercommunalités « XXL » génère parfois des attitudes anxiogènes. Les rapporteurs peuvent-ils évaluer la proportion des intercommunalités qui font l'objet de véritables difficultés, dans les projets de SDCI récemment présentés ?
Enfin, une remarque concernant les communes nouvelles : elles résultent d'un réflexe des intercommunalités existantes pour subsister au sein d'intercommunalités plus étendues.
M. Yves Détraigne . - Je suis surpris par l'évolution des esprits ces derniers temps. Le fait intercommunal est dans les esprits et les élus sont beaucoup plus ouverts aux évolutions. Les choses se font beaucoup plus facilement que ce que l'on pouvait l'imaginer, en comparaison de ce que nous avions pu constater lors de l'achèvement de la carte intercommunale en 2010-2012.
M. Jean Louis Masson . - Sur la fusion des régions, les choses ne se passent pas bien dans certains endroits. On devrait pouvoir, dans de tels cas, recourir au référendum. C'est le cas dans la région « Grand Est », à laquelle de nombreux citoyens sont opposés. Les consultations prévues par les engagements européens de la France n'ont pas été respectées.
S'agissant des commissions départementales de coopération intercommunale, le comportement de certains préfets est inadmissible. Dans mon département, il a fallu que je me batte pour la présentation d'un amendement, qu'il considérait comme irrecevable.
M. Alain Marc . - Dans mon département, le préfet s'est très bien comporté, car il a permis la bonne organisation de la commission départementale de coopération intercommunale qui aurait pu être très compliquée, en réunissant les élus de manière anticipée.
Les élus sont inquiets car ils ont l'impression qu'il ne s'agit que d'une première vague de regroupement. Avez-vous eu ce ressenti ? Et pour les citoyens, que vont-ils comprendre aux différences de compétences entre les intercommunalités ? Je crains que cela ne contribue à les éloigner encore de la vie politique.
M. Mathieu Darnaud , co-rapporteur . - Sur le ressenti des élus, nous constatons que sur certains territoires, la loi NOTRe n'est pas encore totalement, voire pas du tout, acceptée. Je vois personnellement beaucoup d'intérêt à la proposition de loi de M. Mézard, car il y a des endroits où les choses ne sont quasiment pas faisables dans le calendrier actuellement arrêté.
Je comprends la frustration de M. Grosdidier concernant le stade d'avancement du rapport, mais tout cela est encore très frais, et, s'il y a une chose à retenir, c'est la disparité entre des cartes intercommunales. L'acceptabilité des schémas proposés par les différents préfets est donc aussi plus ou moins forte. Dans mon département, l'Ardèche, la loi NOTRe est encore un épouvantail, et il y a un réflexe systématique pour aller vers les dérogations permises.
Concernant les intercommunalités « XXL », on est en train de recenser le phénomène, qui sera peut-être revu dans les schémas arrêtés. Deux questions principales se posent : celle de la prise en compte des espaces ruraux et celle de leur gouvernance.
Les commissions départementales de coopération intercommunale, si elles sont un acteur majeur, ne sont pas non plus l'alpha et l'oméga dans le processus de décision. La commission départementale de coopération intercommunale est la représentation des élus, mais les conseils municipaux ont un rôle entier dans la démarche, avec l'acceptation de l'arrêté de périmètre. Ce sera le test grandeur nature.
M. René Vandierendonck , co-rapporteur . - Nous n'avons fait pour l'instant qu'un déplacement, il faut donc rester modeste sur le bilan, les choses s'éclaireront au fur et à mesure de nos déplacements. Concernant la proposition de loi de M. Mézard, son champ de crédibilité opérationnel est limité. Il faudra la regarder de près et la limiter à des problèmes complexes. Il ne faudrait pas que, sous prétexte de l'approche des élections sénatoriales, on ait à examiner une nouvelle proposition de loi à chaque réunion de commission...