B. ACTUALISER LES PROGRAMMES ET LES OBLIGATIONS DE COUVERTURE MOBILE
L'accès aux réseaux mobiles est une préoccupation majeure pour nos concitoyens . Qu'il s'agisse d'une absence de couverture ou d'une mauvaise qualité de service, le déficit d'accès en matière de mobile est particulièrement mal vécu par les habitants. À ce titre, vos rapporteurs tiennent à souligner le décalage insupportable, entre certaines zones qui se voient offrir un accès « 4G+ », et d'autres territoires encore privés d'une couverture 2G stable. D'ici quelques années, les zones urbaines bénéficieront d'un réseau de cinquième génération. La 5G devrait faire l'objet d'un déploiement à l'horizon 2020, le régulateur ayant récemment autorisé l'opérateur Orange à mener des expérimentations sur la commune de Belfort jusqu'à la fin de l'année 2016 pour tester l'utilisation de fréquences hautes dites « millimétriques », comprises entre 6 GHz et 100 GHz 60 ( * ) .
Jusqu'à présent, la succession des différentes générations de réseaux mobiles n'a aucunement mis un terme à la logique descendante des déploiements , qui réserve aux territoires peu denses une couverture tardive, ou ne leur offre aucune perspective. Peut-être plus encore qu'en matière d'accès fixe, l'absence ou la défaillance de la couverture mobile est à l'origine d'un sentiment d'exclusion et d'insécurité particulièrement fort, dans des territoires qui sont par ailleurs peu dotés en infrastructures physiques. L'absence de relance du programme zones blanches 2G et le désengagement des opérateurs en matière de couverture 3G ont longtemps privé les habitants concernés de toute perspective d'amélioration.
Votre co-rapporteur avait proposé dans le cadre d'une proposition de loi déposée en septembre 2014 d' intégrer l'accès à la téléphonie mobile dans le service universel des communications électroniques , défini à l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques 61 ( * ) . Si la révision en 2009 de la directive « service universel » permet aux Etats-membres d'intégrer le haut débit fixe, la Commission européenne semble encore opposée à l'ajout de la téléphonie mobile. La communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions 795 du 23 novembre 2011 indique : « On peut observer une progression de l'adoption des services mobiles et une diminution de leurs prix. Cela confirme l'analyse effectuée lors des examens antérieurs, qui montrait que la fourniture concurrentielle de communications mobiles avait entraîné, pour les consommateurs, un accès abordable généralisé à ces services, évitant ainsi tout risque d'exclusion sociale. Les critères imposant l'inclusion de la mobilité dans la portée du service universel au niveau de l'UE ne sont donc pas satisfaits . » Vos rapporteurs notent toutefois que si la « fourniture concurrentielle de communications mobiles » n'engendre pas d'exclusion sociale significative, elle ne parvient pas à résorber une exclusion territoriale persistante dans certaines zones rurales. La perspective de l'intégration d'une composante mobile au service universel devrait être approfondie, dès lors que les dynamiques de marché ne permettent manifestement pas d'assurer l'accès de tous les citoyens au réseau mobile le plus élémentaire.
La progression de la couverture mobile a par ailleurs été brouillée par un manque de priorisation entre les objectifs de politiques publiques : aménagement du territoire, préservation des finances publiques, baisses tarifaires au profit du consommateur, stimulation des investissements privés, valorisation du domaine public hertzien, promotion de la santé-environnement... Plusieurs opérateurs ont notamment attiré l'attention du groupe de travail sur la durée de la procédure de mise en place des pylônes, qui atteindrait parfois trois ans, compte tenu de la multiplication des contraintes au titre de différentes politiques publiques. Certaines dispositions législatives récentes ont complexifié les conditions de déploiement, pour des motifs de santé-environnement. Si les implantations d'antennes-relais doivent faire l'objet d'une information transparente des habitants au niveau local, on ne peut espérer une résorption rapide des zones blanches tout en créant de nouveaux obstacles au déploiement des infrastructures nécessaires.
Jusqu'à présent, les habitants des zones blanches 2G et 3G étaient donc confrontés à une véritable impasse en matière de couverture mobile. Face à l'impatience légitime des citoyens et des élus locaux, le Gouvernement a récemment pris conscience de ces enjeux en proposant des mesures visant à relancer les dispositifs de couverture . Ces dispositions ont été insérées lors de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques au Sénat 62 ( * ) . La mise en oeuvre de ces mesures par les opérateurs mobiles s'appuie sur un protocole d'accord signé le 21 mai 2015, en présence du ministre de l'économie et de la secrétaire d'État en charge du numérique. Si la reprise des programmes de couverture est positive, vos rapporteurs s'inquiètent toutefois des effets d'annonce et du risque de progression très partielle de la couverture compte tenu des incertitudes qui pèsent sur ces dispositifs.
1. Une relance de la couverture en 2G et en 3G des zones blanches
En matière de résorption des zones blanches 2G, le programme national doit être complété afin, selon le Gouvernement, d'intégrer l'ensemble des communes concernées par une absence de couverture en centre-bourg et d'ajouter les anciens centres-bourgs des communes qui ont constitué une commune nouvelle, pour tenir compte de la configuration polycentrique de ces collectivités. Sur le fondement d'un recensement préalable, une campagne de mesures menée conjointement par les opérateurs, les collectivités territoriales et les préfectures doit permettre d'identifier les communes concernées. La couverture de ces zones blanches doit être achevée avant le 31 décembre 2016 , et au plus tard six mois après la mise à disposition des infrastructures par les collectivités territoriales. Les infrastructures passives (mise en place et raccordement des points hauts) devront être prises en charge par les collectivités territoriales. Le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) sera mobilisé pour soutenir les collectivités, avec un taux de subvention qui reste à préciser. Comme pour le programme de 2003, les opérateurs devront transmettre conjointement à l'ARCEP un projet de répartition des responsabilités et des solutions techniques.
En matière de couverture 3G, une disposition inscrit au niveau législatif le contenu de l'accord de RAN Sharing , non respecté par les opérateurs mobiles. Les opérateurs doivent ainsi couvrir plus de 2 200 communes en 3G - ou en 4G - avant le 30 juin 2017 et au plus tard six mois après la mise à disposition des infrastructures par les collectivités territoriales. Ils doivent transmettre à l'ARCEP des projets de conventions précisant les modalités techniques et financières du partage des installations, la répartition de la responsabilité du déploiement entre opérateurs et un calendrier prévisionnel du déploiement et de la disponibilité des services mobiles. Si la couverture doit être mise en oeuvre collectivement, les opérateurs conserveront une responsabilité individuelle au titre de laquelle chacun d'entre eux pourra être sanctionné par l'ARCEP. La loi du 6 août 2015 étend en effet les compétences de l'ARCEP pour lui permettre de contrôler l'application des nouvelles mesures relatives à la couverture 2G et 3G, et d'en sanctionner le non-respect, le cas échéant.
Le comité interministériel aux ruralités de mars 2015 et le protocole d'accord signé par les opérateurs mentionnent également « la mise à disposition par les opérateurs de solutions adaptées à faible coût », pour les utilisateurs qui le souhaitent, afin d'améliorer la couverture mobile intérieure : femtocell , pico-cellules, répéteurs. Ces dispositifs doivent permettre de résoudre la mauvaise diffusion dans certains logements des ondes émises par les points hauts.
2. Un dispositif partenarial de couverture mobile hors centre-bourg
Un dispositif additionnel de couverture mobile hors centre-bourg est également prévu . Il doit permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent d'améliorer l'accès aux réseaux mobiles dans certaines zones importantes pour le territoire : zone d'activité économique, zone touristique, équipement public isolé... Une convention entre l'État, les représentants des collectivités territoriales et les opérateurs doit identifier les zones hors centre-bourg non couvertes en 2G, les conditions de mise à disposition d'infrastructures par les collectivités, et les obligations des opérateurs sur ces infrastructures. Les opérateurs ont proposé que 800 sites prioritaires soient identifiés pour être couverts dans un délai de 4 ans, avec un rythme d'environ 200 sites couverts par an. En proposant une approche négociée et une identification des besoins et des solutions en couverture mobile, ce mécanisme doit permettre d'améliorer intelligemment l'accès des territoires. Une telle démarche s'inscrit tout à fait dans la continuité des recommandations émises par votre co-rapporteur dans son rapport 2011 pour privilégier un dialogue et une négociation entre collectivités et opérateurs privés sur la base des spécificités locales , afin de formaliser des « points d'équilibre » entre les demandes et les capacités de chaque partie prenante.
Le Gouvernement annonce la mise en place d'un « guichet unique » auprès de l'Agence du numérique, afin d'améliorer l'information des collectivités territoriales confrontées à ces problèmes de couverture mobile et souhaitant y remédier. Vos rapporteurs notent que le premier programme de résorption des zones blanches en centre-bourg faisait l'objet d'un comité de pilotage, associant l'ensemble des parties prenantes : opérateurs privés, associations représentant les collectivités territoriales, État. Il serait souhaitable qu'une structure similaire soit mise en place pour les nouveaux programmes de couverture mobile, afin de permettre aux élus locaux de participer directement au contrôle de l'avancement des déploiements pour l'ensemble des réseaux .
Ces différentes dispositions en centre-bourg et hors centre-bourg contribuent à offrir de nouvelles perspectives de couverture pour les territoires longtemps confrontés à une impasse. De nombreuses incertitudes demeurent toutefois sur ces nouveaux dispositifs : répartition précise du financement, déploiement d'équipements sur les infrastructures mises en place par les collectivités territoriales, utilisation par le régulateur de ses pouvoirs de contrôle et de sanction, respect du calendrier fixé... Plusieurs élus ont signalé des divergences importantes dans l'identification des communes à couvrir : tandis que les préfectures recensent une dizaine de communes, certains départements en dénombrent plusieurs centaines. De nombreux élus locaux ont déploré le déficit de communication , l'établissement précipité de ces recensements, sans aucune concertation avec les collectivités territoriales, et l'absence manifeste de méthode .
LE RECENSEMENT DES COMMUNES DANS L'EURE L'identification des communes non-couvertes dans le département de l'Eure, pour la relance des programmes de couverture mobile, témoigne des limites du dispositif envisagé par le Gouvernement, et du risque d'un décalage majeur entre les annonces et la progression réelle de la couverture mobile. Cette démarche nourrit pourtant bien des attentes dans les territoires ruraux. Dans l'Eure, comme dans d'autres départements , la liste des communes concernées a été élaborée fin septembre par le secrétariat général aux affaires régionales (SGAR) sans concertation , ni avec les services du département, ni avec les maires et leurs associations, ni avec les parlementaires. L'identification de ces communes a été confirmée ou infirmée dans des délais très brefs par des mesures de terrain. Ce manque de coordination est d'autant plus regrettable que le conseil départemental s'est engagé depuis plusieurs années dans un programme local d'amélioration de la couverture mobile. Seules 8 communes ont été identifiées en « zone blanche », tandis que le conseil départemental recense près de 100 communes présentant des trous de couverture en 2G et 250 communes pour la 3G. Quelle que soit leur utilité, les actions qui seront menées sur les communes identifiées par les services de l'État ne sauraient en l'état être considérées comme suffisantes pour régler le problème de couverture en téléphonie mobile de l'Eure , comme dans de nombreux autres départements ruraux. |
La notion de couverture n'ayant pas été modifiée, la prétention de résorber l'intégralité des zones blanches est par ailleurs compromise. Vos rapporteurs doutent ainsi de l'exhaustivité de cette démarche. La publication d'une liste de 238 communes 63 ( * ) , dont seulement 171 communes nouvelles, témoigne des limites du dispositif. Il est indispensable de revoir le périmètre de ce recensement, pour que la relance de la couverture mobile soit à la mesure des besoins.
Vos rapporteurs soulignent également l'importance d'assurer l'installation par les opérateurs privés d'équipements actifs sur les points hauts mis à disposition par les collectivités territoriales . Par le passé, de nombreuses collectivités ont été confrontées au désintérêt des opérateurs, malgré le coût élevé des points hauts, compris entre 50 000 et 200 000 euros. Le contrôle des responsabilités en matière de déploiement des réseaux mobiles, dont le principe est fixé par la loi mais dont la répartition sera précisée par des conventions transmises à l'ARCEP, devra être effectif pour se traduire par des sanctions en cas de défaillance. Ces obligations de déploiement doivent être strictement respectées, à plus forte raison dans le cadre de la suppression d'ici 2017 des services de publiphonie, qui constitue une économie de l'ordre de 15 millions d'euros par an pour les opérateurs privés.
Les critères d'identification et la clef de répartition des financements pour les 800 sites prioritaires restaient également à définir à la fin du mois d'octobre. La mise en oeuvre de ce dispositif hors centre-bourg doit donc être précisée pour assurer une progression effective de la couverture mobile des territoires.
Plusieurs organismes auditionnés ont mis en avant le manque de réalisme des échéances fixées par le Gouvernement , qui semble négliger le temps nécessaire aux différentes étapes : identification précise des zones non-couvertes et des infrastructures nécessaires, arbitrages sur le financement, réalisation des travaux de déploiements et de raccordement, installation des équipements actifs. La durée moyenne de réalisation d'un point haut activé atteint deux ans.
Vos rapporteurs attirent l'attention du Gouvernement et de l'ensemble des parties prenantes sur les nombreuses déceptions et désillusions qui émaillent déjà l'histoire du déploiement des réseaux mobiles dans notre pays . En s'appuyant sur des effets d'annonce, les gouvernements successifs créent un mécontentement croissant compte tenu du décalage entre ces promesses et leur mise en oeuvre véritable.
Proposition : préciser la relance de la couverture mobile annoncée par le Gouvernement : identification exhaustive des sites, clef de répartition des aides aux collectivités, obligations précises des opérateurs sur les infrastructures mises à disposition, calendrier local de déploiement, contrôles et sanctions par le régulateur, association des élus locaux au suivi. |
3. Une nécessaire accélération de la couverture en 4G
Vos rapporteurs notent également que, malgré la priorité déclarée d'amélioration de la couverture mobile, le Gouvernement n'a pas fait preuve des mêmes ambitions dans le cadre de la procédure d'affectation des AUF dans la bande 700 MHz , libérée par la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT). Les fréquences concernées, parfois appelées « fréquences en or », sont dotées de propriétés physiques très favorables à l'aménagement numérique du territoire. En effet, les fréquences basses du spectre radio ont une portée et une capacité de pénétration plus importantes. Les ondes émises sur les fréquences de la bande 700 couvrent ainsi une zone plus importante, et se propagent mieux à l'intérieur des bâtiments. Les conditions d'utilisation des blocs de fréquences de la bande 700 avaient vocation à maximiser ces propriétés physiques pour améliorer la couverture du territoire . Or les modalités d'attribution de ces fréquences, qui doit aboutir d'ici la fin de l'année 2015, ne permettent pas de tirer le meilleur parti de cette procédure pour améliorer rapidement la couverture mobile des territoires en 4G.
ÉCHÉANCES DE DÉPLOIEMENT ENVISAGÉES POUR UN OPÉRATEUR TITULAIRE DE FRÉQUENCES 800 MHZ ET 700 MHZ
Source : ARCEP, consultation publique ouverte du 16 décembre 2014 au 16 février 2015
Contrairement aux mesures envisagées par le régulateur dans sa consultation publique 64 ( * ) , les obligations fixées dans le cadre des AUF ne prévoient plus d'accélération des déploiements en 4G . La consultation proposait un rapprochement de quatre ans des obligations de déploiement pour les opérateurs détenant des AUF à la fois dans la bande 800 et dans la bande 700, certaines associations de collectivités territoriales ayant proposé un rapprochement de cinq ans. Cette proposition visait à tenir compte du déploiement rapide de la 4G dans les zones denses pour accélérer la couverture en zones moins denses. Ainsi, l'obligation de couvrir 98 % de la population métropolitaine en très haut débit mobile eût été avancée à début 2020, contre 2025 en l'absence de fréquences en bande 800. Le cahier des charges pour la bande 700 ne prévoit finalement aucun rapprochement des échéances dans une telle situation, en prévoyant un calendrier propre à la couverture en bande 700.
Une obligation relative à la couverture des « trains du quotidien » a été ajoutée. Elle prévoit, selon un calendrier spécifique, la couverture des réseaux TER, RER, Transilien et des chemins de fer de la Corse. Un opérateur auditionné par le groupe de travail estime qu'à raison d'un site tous les trois kilomètres afin d'assurer la qualité de service exigée, plus de 5 000 sites d'émission supplémentaires pourraient être nécessaires. L'évolution du réseau ferroviaire dans les prochaines années va également modifier le cadre de mise en oeuvre de cette obligation, imposée pour la durée totale de vingt ans des AUF.
Cette obligation vise à développer la « mobilité numérique ». Toutefois, l'opportunité d'imposer une telle couverture, nécessitant plusieurs milliers de points hauts supplémentaires, aurait pu être discutée au regard de l'achèvement de la couverture en 2G et en 3G, ainsi que de l'accélération de la 4G. En tout état de cause, la mise en oeuvre de cette obligation devra être précisée. Si l'accès au réseau mobile dans les transports ferroviaires est un enjeu pour le développement de la mobilité, cette commodité semble moins prioritaire qu'une couverture accélérée et intégrale de la population en 4G, a fortiori compte tenu des enjeux de convergence entre fixe et mobile pour les territoires les moins denses ( III.D ).
SYNTHÈSE DES OBLIGATIONS DE DÉPLOIEMENT DANS LA BANDE 700
Source : ARCEP, juillet 2015
La procédure de réaffectation de la bande 700 est menée dans une précipitation guidée par la seule urgence budgétaire , le Gouvernement espérant plus de 2,5 milliards d'euros de recettes grâce à la mise aux enchères des blocs de fréquences. À l'issue des enchères, l'ARCEP a annoncé le 17 novembre 2015 un total de 2,8 milliards d'euros. Lors de l'examen du texte relatif à cette procédure, votre co-rapporteur soulignait l'amertume des parlementaires préoccupés par l'aménagement numérique du territoire face à cet empressement malvenu : « Votre rapporteur craint ainsi que l'attribution de la bande de fréquences 700 ne soit une opportunité manquée pour l'aménagement numérique du territoire. A fortiori en l'absence de nouvelle procédure d'attribution avant 2030. Cette précipitation contre-productive risque d'être préjudiciable à la fois à la couverture en 4G de nos territoires, et au déploiement du futur réseau 5G » 65 ( * ) . Cette urgence est d'autant plus regrettable qu'une telle opportunité ne se représentera pas rapidement sur le marché mobile , et que la régulation du marché du fixe n'offre pas les mêmes moyens d'action pour le régulateur. Les obligations prévues par les AUF sont des décisions particulièrement structurantes pour les déploiements à venir de la téléphonie mobile.
Or les déploiements nécessaires à la couverture en réseau 4G restent importants . L'ARCEP estime que 70 % du territoire et 20 % de la population n'ont pas accès au réseau 4G, quel que soit l'opérateur mobile considéré. Les AUF attribuées dans la bande 800 MHz imposent aux opérateurs la couverture de 40 % de la zone de déploiement prioritaire au 1 er janvier 2017. À peine un an avant cette échéance, tout reste encore à faire dans cette zone. Vos rapporteurs comptent sur l'autorité de régulation pour mettre en oeuvre l'intégralité de ses pouvoirs afin d'assurer le respect des obligations de déploiement .
L'article 36-7, modifié par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, prévoit désormais que l'ARCEP publie chaque année un rapport sur l'effort d'investissement des opérateurs mobiles , afin d'évaluer les investissements réalisés par chacun des opérateurs dans le déploiement d'infrastructures nouvelles. Vos rapporteurs souhaitent que cette production permette d'examiner la cohérence des investissements réalisés avec la trajectoire nécessaire à un déploiement rapide de la 4G dans les territoires ruraux, afin d'agir en temps utile pour assurer cette couverture.
La couverture intégrale de la population est un enjeu particulièrement important dans la perspective d'une utilisation du réseau 4G afin de surmonter l'absence durable de très haut débit fixe dans certains territoires . Offrir une couverture à l'horizon 2027 pour certains territoires, soit dans 11 ans, est une perspective inacceptable, alors même que les zones denses seront dotées en 5G, voire par la génération suivante. L'objectif de couverture à 90 % de la zone de déploiement prioritaire en 2018, proposé par le régulateur lors de la consultation sur la bande 700, devrait constituer une référence. En 2022, l'intégralité de la population devrait avoir accès au réseau 4G, afin que l'absence éventuelle de réseau fixe très haut débit soit surmontée transitoirement par la disponibilité du très haut débit par le réseau mobile . La rapidité des déploiements observés légitime un haut niveau d'exigence pour les territoires ruraux. Par ailleurs, les opérations de réorganisation de la bande 1 800 MHz ( refarming) menée par le régulateur d'ici mai 2016 pour permettre la diffusion d'un réseau 4G sur ces fréquences, historiquement attribuées à la 2G, doivent permettre de faciliter la couverture des territoires en réseau de quatrième génération.
Proposition : viser une couverture intégrale de la population en 4G d'ici 2022 afin de surmonter l'absence durable de très haut débit fixe dans certains territoires. |
La réaffectation de la bande 700 aux communications électroniques révèle une problématique plus globale de transfert de ressources du secteur des communications électroniques vers d'autres secteurs . Le produit de la mise aux enchères des AUF de la bande 700 a vocation à être fléché pour financer le budget de la défense. Les 2,8 milliards d'euros ainsi transférés constituent autant de moyens en moins pour le déploiement d'infrastructures. Or les capacités d'investissement des mêmes opérateurs sont également mobilisées par la création de points hauts pour le réseau mobile, et plus encore par le déploiement de réseaux fixes dans le cadre du PFTHD. Ces recettes auraient donc pu alimenter le FANT.
Par ailleurs, la loi relative au deuxième dividende numérique inscrit à la charge des opérateurs mobiles titulaires d'AUF dans la bande 700 le financement de l'intégralité des réaménagements de fréquences nécessaires à la libération de la bande, dont le montant total reste indéterminé. Ces différents coûts interviennent dans un contexte économique encore difficile pour le secteur des communications électroniques. Comme le notait votre co-rapporteur dans son avis sur la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique : « Dès lors que l'obtention des AUF et le financement des réaménagements de fréquences vont réduire les capacités d'investissement des acteurs privés dans les infrastructures, une partie des recettes publiques issues de ce processus aurait pu être orientée vers l'investissement public dans l'aménagement numérique et le soutien aux collectivités territoriales. Ces ressources pourraient contribuer à la mise en place d'infrastructures pour améliorer la couverture mobile dans les zones moins denses, ou au financement des réseaux d'initiative publique (RIP) très haut débit. Cet effort budgétaire permettrait de consolider les ambitions du Gouvernement en matière d'aménagement numérique du territoire, dont la concrétisation est aujourd'hui très incertaine. »
Les projets récurrents d'augmentation des prélèvements sur le secteur des communications électroniques, afin de financer des politiques publiques dans d'autres domaines, sont incompatibles avec la priorité déclarée en faveur de l'aménagement numérique du territoire . Vos rapporteurs déplorent à cet égard l'augmentation de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de 0,9 % à 1,2 %, dont les ressources supplémentaires (75 millions d'euros) seraient affectées à France Télévisions, tel que le prévoit le projet de loi de finances initiale pour 2016 déposé par le Gouvernement 66 ( * ) .
Afin de préserver l'objectif d'une amélioration de la couverture et de la qualité de service, vos rapporteurs considèrent que tout nouveau prélèvement devrait être fléché vers le financement des programmes d'aménagement numérique . La proposition de prélèvement sur les abonnements haut débit et très haut débit afin d'alimenter le FANT vise précisément à privilégier des flux internes au secteur. En améliorant le déploiement des infrastructures, cette source de financement permettra aux opérateurs de services de disposer d'un accès plus étendu à la clientèle sur le marché de détail.
Compte tenu des tensions sur le marché des communications électroniques et des moyens nécessaires au déploiement des nouveaux réseaux, les pouvoirs publics doivent être vigilants quant aux charges qu'ils imposent aux opérateurs. Les ressources, publiques ou privées, nécessaires au déploiement des infrastructures, doivent être préservées . Dans ses travaux parlementaires antérieurs, votre co-rapporteur a constamment privilégié un renforcement des obligations imposées aux opérateurs, en mettant en garde le Gouvernement quant aux conséquences d' une multiplication des prélèvements au profit d'autres politiques publiques, fondamentalement incompatible avec la fixation d'objectifs ambitieux de couverture.
* 60 Décision de l'ARCEP n° 2015-1117 du 22 septembre 2015 attribuant une autorisation d'utilisation de fréquences à la société Orange pour une expérimentation technique à Belfort.
* 61 Proposition de loi n° 800 visant à inclure la téléphonie mobile dans le service universel, de M. Hervé Maurey, déposé au Sénat le 15 septembre 2014.
* 62 Article 129 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
* 63 Arrêté du 5 novembre 2015 fixant la liste complémentaire des centres-bourgs de communes bénéficiant de l'extension du programme de couverture du territoire en services mobiles.
* 64 Revue stratégique du spectre pour le très haut débit mobile, consultation publique du 16 décembre 2014 au 16 février 2015
* 65 Rapport du Sénat n° 626 - Session ordinaire 2014-2015 - Avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre - Patrick Chaize.
* 66 Article 20 du projet de loi de finances pour 2016.