B. LES DEMANDES DE VISAS DE COURT SÉJOUR AUGMENTENT DE FAÇON RÉGULIÈRE DEPUIS 2009
Si le nombre de demandes de visas a connu, en 2009, une légère décrue liée à la crise économique mondiale, il se caractérise en revanche, depuis cette date, par une augmentation annuelle nette et régulière . Ainsi, le nombre de demandes de visas adressées à la France est passé de 2,1 millions en 2009 à près de 3,2 millions en 2014 (+51 %) , comme l'illustre le graphique ci-dessous. Le taux de refus des demandes est resté, dans le même temps, relativement stable, autour de 10 %.
Évolution du nombre de visas de court séjour depuis 2005
Source : commission des finances, d'après les données du ministère des affaires étrangères et du développement international
Cette croissance reflète celle du tourisme mondial , dont la France, première destination mondiale, a bénéficié, avec une progression de près de 12 % du nombre de touristes internationaux entre 2003 (75 millions de touristes) et 2014 (83,8 millions de touristes). Cette progression ne se traduit toutefois pas arithmétiquement dans les statistiques des demandes de visas, l'essentiel des touristes internationaux (en particulier européens ou américains) n'ayant pas besoin de visas pour se rendre en France.
L'analyse de l'évolution des demandes de visas adressées à la France par pays d'origine montre qu'au-delà de la croissance globale du tourisme international, l'augmentation du nombre de demandes de visa correspond, plus spécifiquement, à la croissance du nombre de touristes en provenance de certains grands émergents , en particulier la Chine, ainsi qu'à la mobilité croissante de certaines populations présentant des communautés importantes résidant en France , comme l'Algérie. Le graphique ci-dessous illustre cette situation, les cinq premiers pays d'origine étant deux grands pays émergents d'une part - Chine et Russie - et les trois pays du Maghreb d'autre part - Algérie, Maroc et Tunisie.
Évolution du nombre de demandes de visas pour les dix premiers pays d'origine
Source : commission des finances, d'après les données du ministère des affaires étrangères et du développement international
C. LES DROITS DE VISAS, UNE RECETTE NON FISCALE EN FORTE CROISSANCE
L'article 16 du code communautaire des visas prévoit que la demande de visa donne lieu au paiement d'un droit de 60 euros pour le droit commun, ou de 35 euros dans certains cas (mineurs entre 6 et 12 ans, ressortissants de certains Etats, etc.). Certains étrangers (mineurs de moins de 6 ans, scientifiques, ressortissants bénéficiaires de certains accords de facilitation, etc.) sont intégralement exemptés du paiement de droits de visas.
L es droits de visas Schengen sont relativement peu élevés , en comparaison des droits exigés par le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, comme l'illustre le tableau ci-dessous.
Tarif des droits de visas dans les principaux pays développés
Pays |
Etats membres de l'espace Schengen |
Royaume-Uni |
Etats-Unis |
Japon |
Tarif |
60 € |
116 € |
entre 150 et 250 € (1) |
23,50 € |
(1) Le prix du visa pour les Etats-Unis dépend du motif du séjour et non de sa durée.
Source : ministère des affaires étrangères et du développement international
Le produit des droits de visas est ainsi comptabilisé dans la catégorie « Produits des chancelleries diplomatiques et consulaires » au sein des recettes non fiscales. Il a atteint le montant de 160 millions d'euros en 2014 . Bien que ce produit ne représente qu'environ 1,1 % du total de recettes non fiscales de l'Etat, qui s'établissent à 13 949 millions d'euros 4 ( * ) , il se caractérise, depuis 2009, par une augmentation régulière et significative, reflet de la croissance du nombre de demandeurs.
Ainsi, si le rythme d'augmentation annuelle moyenne constatée depuis 2009 se poursuit sur les prochaines années, le produit des visas pourrait atteindre la somme de 250 millions d'euros en 2018 , comme l'illustre le graphique ci-dessous.
Évolution du montant du produit des visas pour l'Etat depuis 2006
en euros
NB : à partir de 2015, la courbe correspond à une recette prévisionnelle sur la base de l'évolution moyenne constatée entre 2009 et 2014.
Source : commission des finances, d'après les données du ministère des affaires étrangères et du développement international
Si les droits de visas sont présentés comme des « frais de dossiers », leur tarif est en réalité supérieur au coût de l'instruction , qui comprend deux principaux postes de dépenses 5 ( * ) :
- les dépenses de personnel affecté au traitement des visas, soit 49 millions d'euros en 2014 ;
- les dépenses de fonctionnement de l'administration consulaire, au prorata de l'activité d'instruction des visas, soit 74 millions d'euros d'après les données transmises par le ministère des affaires étrangères et du développement international.
Au total, le coût de l'instruction des visas en 2014 est d'environ 124 millions d'euros, soit 38,75 euros par visa demandé . En conséquence, l'instruction des demandes de visas est une activité « rentable » pour l'administration, avec un bénéfice net qui peut être évalué à environ 20 euros par visa demandé, ou un quart du total du produit .
En outre, les charges sont relativement fixes, les dépenses de fonctionnement se caractérisant plutôt par leur stabilité, voire leur baisse, au cours des dernières années, tandis que les dépenses de personnel ne connaissent qu'une très légère augmentation ( cf. infra ). En conséquence, le bénéfice de la recette de visas augmentera plus rapidement que le produit total, et pourrait atteindre 125 millions d'euros en 2018 .
Ce « bénéfice » ne constitue certes que la partie la plus visible de l'ensemble des recettes fiscales générées indirectement par les touristes étrangers , en particulier en termes de TVA payée sur leurs achats en France. Il présente l'intérêt d'être un produit identifiable, qui peut être directement rapporté à l'activité et aux charges de chaque consulat ; à cet égard, une partie importante de nos postes consulaires à l'étranger présentent des recettes, essentiellement liées aux visas, supérieures à leurs dépenses. Ainsi, il s'agit d'un indicateur utile dans l'analyse budgétaire des moyens, en particulier des moyens humains, mis à la disposition des consulats pour l'instruction des demandes.
Vos rapporteurs spéciaux ont constaté, au cours de leurs auditions et de leurs déplacements, que l'instruction des visas pouvait, dans une certaine mesure, être regardée comme une activité « productive » de l'administration , pour laquelle une augmentation des moyens dédiés entraîne une augmentation de la recette. Les demandes de visas constatés au cours d'un mois ou d'une année ne représentent pas un « stock » fini : il s'agit d'un volume dynamique, particulièrement sensible aux capacités d'instruction des consulats. En effet, dès lors que le titulaire d'un visa Schengen peut se déplacer dans tout l'espace Schengen, les demandeurs s'orientent souvent vers le consulat qui offre l'instruction la plus rapide, parfois indépendamment du ou des pays qu'ils ont l'intention de visiter. Ce « visa shopping » explique l'élasticité du volume de demandes de visa en fonction de la rapidité d'instruction .
À cet égard, l'exemple du consulat général de Dubaï en 2015 est particulièrement éclairant. En 2014, les nationaux émiriens représentaient environ 20 % du total des demandes de visas. Le 7 mai 2015, l'obligation de visa a été supprimée pour les émiriens. Or, aucune diminution du nombre de visas demandés n'a été constatée par le consulat depuis mai 2015. Au contraire, comme l'illustre le graphique suivant, le produit des visas encaissé mensuellement est supérieur en 2015 à son niveau de 2014, le mois de juillet excepté. Sur l'ensemble des quatre mois de comparaison (mai-août), le produit des visas a progressé de 6,5 %, malgré la disparition de la « clientèle » émirienne. Comme l'a souligné le consul général, « l'exemption a permis de désengorger le service de visas en limitant les délais d'obtention de rendez-vous à quinze jours - au lieu d'un mois, voire deux, les années précédentes à la même période ». Dans les postes consulaires sous tension, il apparaît donc que le nombre de demandes de visas, et la recette correspondante, réagit fortement à la capacité d'absorption des consulats .
Produit mensuel des visas demandés auprès du consulat général de France à Dubaï en 2014 et 2015
(1) Mai 2015 : suppression de l'obligation de visas pour les Emiriens
Source : commission des finances, d'après les données du consulat général de France à Dubaï
* 4 Ces recettes sont majoritairement constituées du produit des participations de l'Etat, du produit du domaine de l'Etat, des amendes et sanctions et de la vente de biens et de services, ainsi que du remboursement et des intérêts des prêts accordés par l'Etat.
* 5 Les dépenses d'investissement en vue de l'adaptation des locaux sont prises en charge par les fonds européens - le fonds de sécurité intérieure à compter de 2014. Les dépenses courantes immobilières sont difficiles à isoler, car elles sont fondues dans l'ensemble des charges immobilières des consulats.